L'éthique, la morale et le droit constituaient les fonde- ments du ...
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L'éthique, la morale et le droit constituaient les fonde- ments du ...

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CHAPITRE PREMIER
DE LAGUERRE CONTRE LATERREUR AU FIASCO IRAKIEN
L’éthique, la morale et le droit constituaient les fonde-ments du Grand Récit que les dirigeants américains construisirent au lendemain du cataclysme de New York et de Washington le 11 septembre 2001, et qui devait déterminer l’axe principal de la politique étrangère du pré-sident George W. Bush durant ses deux mandats. Ils l’avaient intitulé « guerre mondiale contre la terreur » (Global War on Terror – GWOT), ou, couramment, « Guerre contre la Terreur ». Le « terroriste » en consti-tuait le personnage principal, lebad guystigmatisé par une condamnation morale sans recours – que chacun devait pouvoir partager : les citoyens et résidents américains qui en avaient été les premières victimes bien sûr, mais aussi les Européens comme tous les habitants honnêtes du monde musulman ou du reste de la planète. Derrière le masque éthique du martyr dont les adeptes du jihad global avaient voulu faire une figure fondatrice, positive, exal-tante à laquelle les masses musulmanes s identifieraient, le terroriste révélerait la vérité de l’abjection, individu exé-crable dont l’idéologie fanatique tenait à la haine, la mort,
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TERREUR ET MARTYRE
la dévastation, culminant dans le massacre de civils inno-cents. La figure noire du terroriste cristalliserait contre elle une vaste alliance de la civilisation, derrière les E´ tats-Unis et l’équipe néoconservatrice portant le président Bush. Elle servirait aussi, en ramenant les « opérations-martyre » à leur ignominie d’« attentats-suicides », à désolidariser les populations musulmanes de leurs auteurs, fussent ces opé-rations perpétrées au nom de commandements religieux – dont apparaîtrait ainsi au grand jour le dévoiement. Mais ce Grand Récit américain posait moult problèmes : le terme « terroriste » étant porteur d’une flétrissure morale absolue, ceux qui la prononçaient devaient, drapés dans la justice et l’équité, incarner les plus hautes vertus de la civili-sation menacée par la terreur – pour emporter l’adhésion à la cause sublime qu’ils avaient faite leur. Ensuite, l’identifi-cation des terroristes s’avérait malaisée : par-delà les dix-neuf kamikazes du 11 septembre et leurs commanditaires, ` ouclasserlesPalestiniensquidéclenchaientunenginex´plo-sifdansuanenrlue´israélienne?Faceàceuxqui,auxEtats-Unis ou d s ’Etat hébreu, les avilissaient en terroristes, et traçaient un signe d’égalité entre un attentat-suicide per-pétré à Tel-Aviv et à New York, beaucoup les dissociaient, condamnant le second mais excusant ou approuvant le pre-mier. Arabes ou musulmans, téléspectateurs d’Al Jazeera, voire tiers-mondistes ou anti-i mpérialistes, ils tenaient les Palestiniens qui se tuaient en causant un carnage pour des résistants à l’occupation israélienne, elle-même fustigée commeterroriste,sinonspaocurirfidceesélceovmaitbattantsdujih´adsblur la voie d’Allah que leur au martyre. Eta ir les frontières du terrorisme serait l’objet d’une bataille pour définir le sens et fixer le cap de la Guerre contre la Terreur suscitantdeprofolnde´sdisv-erUgneins,cedsauseindelacoalition rassemblée derrière es Etat ’emblée très vaste mais
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qui s’amenuiserait avec le déclenchement puis la poursuite de la guerre en Irak à partir du printemps 2003. Enfin, face au Mal que personnifiait le terroriste, les dirigeants américains établirent un diagnostic radical, ordonnant un traitement qui, au-delà des symptômes, identifiait la cause à éradiquer. Le terrain favorable sur lequel le terrorisme métastasait était constitué des régimes autoritaires du monde arabe et musulman qui, faute de pluralisme et de liberté d’expression, ne laissaient d’autre alternative que la violence aux opposants et dissidents. L’élimination de ces régimes ou leur transformation serait suivie de la gestation de systèmes politiques pluralistes. Ainsi le Moyen-Orient, demeuré à l’écart de la vague de démocratisation des années 1980-1990, rejoindrait les rangs d’une globalisation vertueuse sous l’égide bienveil-lante de l’hégémonie américaine. Cette opération d’envergure ne pourrait se passer de chirurgie. Il faudrait manier le scalpel de la « guerre juste ». Une première action armée viserait Al Qa‘ida et le régime des Talibans qui lui avait fourni son sanctuaire afghan. Une seconde renverserait le régime dictatorial irakien de Saddam Hussein, accusé de détenir des armes de destruc-tion massive, pour établir sur ses ruines une démocratie exemplaire qui essaimerait dans la région, bousculant les élitesaeuspeonunveoimriseldoensu´netst-hUéonriisedeàsldionmstianosquiferait choir l s Eta r de l’Iran – sans épargner leurs alliés désormais suspects qui avaient enfanté les kamikazes du 11 septembre – au premier ra desquels l’Arabie Saoudite et l’E´ gypte. ng Avec la « Guerre contre la Terreur » s’est ainsi construit, dans une relation strictement inverse face au Grand Récit du martyre et du jihad élaboré par les islamistes, un Grand Récit du terrorisme et de la démocratie mettant en œuvre
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une vision du monde volontaire. Par-delà l’idéologie propre à chacun de ces deux discours, ils présentaient un frappant parallélisme dans l’exécution et l’objet. Le jihad fondé sur les injonctions divines et trouvant son apothéose dans le martyre représentait pour ses combattants et sym-pathisants la guerre sainte, juste, par excellence ; elle avait pour objet d’éradiquer le mal (Israël, les dirigeants arabo-musulmanspro-occidentaux)afinderedist´ribuerllescartes au Moyen-Orient en y instaurant des E tats is amistes, dans la perspective messianique d une victoire définitive de l’islam sur un Occident en déclin dont la « double razzia bénie du 11 septembre » représentait le signe annonciateur. Quant au Grand Récit du terrorisme et de la démocra-tie, il fut élaboré, dans sa version la plus pure, par les diversthink tankset revues appartenant à la mouvance néoconservatrice au sommet de son influence dans les cercles dirigeants américains lors du premier mandat de George W. Bush, ce qui assura sa mise en œuvre cohé-rente et systématique – jusqu’à ce que l’épreuve de la réa-lité en bloque le déroulement dans le bourbier irakien. Il connut deux grandes phases. La première, dont les opéra-tions militaires en Afghanistan et la traque des dirigeants d’Al Qa‘ida constituèrent l’ossature, s’étendit de l au-tomne 2001 aux préparatifs de l’offensive contre l’Irak, au printemps 2003. Elle fut marquée par la réussite militaire de l’offensive contre les Talibans, mais dut compter avec la persistance puis le renouvellement d’Al Qa‘ida en dépit de la destruction de son sanctuaire, avec l ouverture du camp d’internement controversé de Guanta´namo et avec le regain de l’Intifada palestinienne – autant de signes avant-coureurs d’une situation qui se dégraderait dans les années suivantes. La seconde phase, avec l’invasion de
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l’Irak et le renversement du régime de Saddam Hussein, devait,danslalogiquedeceGrandRécit,parachever´la défaite du terrorisme graˆce à l’enfantement de l’Etat démocratique modèle. Après le succès initial des armes, elle se trouva confrontée à une insurrection imprévue, dont la répression mal gérée fut marquée par le scandale des sévices infligés aux détenus irakiens incarcérés à la pri-son d’Abou Ghraïb – qui aliénèrent l’opinion arabe et firent des prisonniers humiliés des victimes exemplaires – confortant la logique du martyrologe islamiste et sapant le fondement éthique dont se prévalait la stratégie d’une Guerre contre la Terreur accoucheuse de la démocratisa-tion. Puis la perpétuation de la violence et du chaos dans l’Irak sous occupation américaine et la montée des antago-nismes entre sunnites et chiites rendirent inopérant ce projet politique, laissant orphelins ceux qui, au Moyen-Orient, avaient cru dans la capacité d’attraction de ce Grand Récit – tandis que la montée en puissance d’un Iran radicalisé défiant la communauté des nations par le chantage nucléaire, puis la déréliction de l’Afghanistan du président Karzaï créaient un nouveau désordre du monde bien éloigné des lubies néoconservatrices sur le « nouveau siècle américain » que l’on caressait à Washington.
Le mauvais présage afghan La première phase de la Guerre contre la Terreur avait été accompagnée par un très large consensus dans les pays occidentaux : elle parvint aussi à mobiliser dans une certaine mesure des soutiens dans le monde musulman, autour de l’élimination des terroristes responsables des attentats aux E´tats-Unis,deleurscomplicesetdeleurscommanditaires. En dépit des attentes de Ben Laden qui avait espéré piéger la
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