Retour des Passions en musique avec Claudio Monteverdi et Pascal Dusapin. Utopie de l esprit ou nécessité sensorielle
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Publié le 07 mars 2016
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Prof. Brigitte Van Wymeersch
Retour des « Passions » en musique
Typologie et permanences des imaginaires mythiques
Utopie de l’esprit ou nécessité sensorielle ?
Philosophie, arts et lettresHistoire de l’art, archéologie et musicologie
Alexandre CLIMENTY GARCIA
LGLOR2390
MUSI2MS/AR
Année académique 20152016
Université Catholique de LouvainLouvain-la-Neuve
Avec Claudio Monteverdi et Pascal Dusapin
Introduction
L’utopie en musique est un sujet quiengendrebeaucoup d’interrogations.Sera-t-il possible d’atteindre un jourune musique universelle, celle qui unirait tous les hommes et qui adouciraità tout jamais les mœurs ?
L’homme a toujours été fasciné par la musique. Cela est sans doute dû au fait que les origines de la musiqueremontent au berceau même de notre humanité, dès l’instantl’homme a pris conscience de son intériorité, de sa place dans le monde et de l’importance qu’occupe l’autre dans la sphère de son existence. L’être humain est un initiateur. Il naît, grandit et vit pour transmettre. Mais que peut-il transmettred’autre à sa progéniture que le reflet de l’univers à travers son propre regard et le filtre de son monde intérieur?
L’humanité gagne en maturité avec l’enrichissement de son langage. La musique en fait partie et naît avec sa jumelle la parole, si bien qu’elles s’influencentet se confondent. Elles évoluent en parallèle tout en conservant chacuneleurs spécificités. Tandis que l’une s’articule vers une pensée de plus en plus concrète, l’autre épouse le monde de l’intériorité et de l’ineffable, celui de l’intonation, des émotions et des passions. Cependant, toutes deux subissent des questionnements similairesau cours de l’Histoire et doivent s’adapter à l’évolution de la pensée humaine.
Ainsi, étudier l’origine de la musique revient à étudier l’origine de notre propre humanité.C’estune des raisons pour lesquelles de grands penseurs et philosophes se sont penchés sur la musique en tentant de la théoriser. De Pythagore à Descartes, en passant par Platon et Aristote, elle se voit attribuer bon nombre de rôles et épouse les grandes avancées scientifiques. La musique, premier art humaniste, reflèteen l’hommela placeprivilégiée qu’ils’est attribuéedans la création. Elle le relie au reste du monde et lui permet d’accéder à un savoir qui le dépasse.
Composer revient à retrouver une harmonie perdue,celle qui faisait l’union des Anciens à l’origine du monde, image archétypes de l’âge d’or, un âge en dehors de toute temporalité sensible. Aussi, la musique de cet âge d’or est une musique qui ne connaît pas le temps. Elle est harmonie immuable et pure, antérieure à toutes dissonances qui viennent rompre cet état d’équilibre. C'est la raison pour laquelle la musique qui nous intéresseran’est pas celle de l’âge d’or, musique à connotation divine,mais plutôt celle de l’utopievers laquelle les hommes tendent depuis la nuit des temps dans un idéal d’unité et d’universalité.
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Cependant, l’utopie ramène à une société et est difficilement applicable à la musique. Elle est plutôt laconcrétisation d’un état d’esprit des habitants d’une utopie. Aussi,nous qualifierons de musique utopiquecelle qui reflète l’ambition de créer uneunité entre les hommes.C’est une musique qui n’appartient qu’à l’homme et qui le renvoie à lui-même, à son Être, dans toute sa complexité, ses contradictions et ses richesses.Composer, c’est en quelque sorte rechercher l’accord initial, celui qui est à l’origine de tout mouvement. Le compositeur tente de retrouver la musique du Verbe. Mais une telle musique lui est-elle accessible ? Et quand bien même ill’atteindrait un jour,qu’en ferait-il ? Et combien de temps durerait-elle ?
Ces questions, nous les aborderons à travers un seul et même mythe traité par deux compositeurs appartenant à des époques éloignées et qui témoignentd’une évolution de la pensée musicale. Il s’agit du mythe d’Orphéetel que saisis par Claudio Monteverdi et Pascal Dusapin à travers leurs opéras. Ce choix futporté par l’aspect symbolique de ce personnage mythique. Orphée représente le musicien par excellence. Muni de sa lyre harmonieuse, matérialisation de la culture avec laquelle il pratique son art, il a le pouvoir de nous émouvoir par son chant.
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1.Évolution de l’esthétique musicale à l’Antiquité et la Renaissance
Avant de nous pencher sur les deux opéras, il est important d’en poser les cadres e e esthétiques et culturels. La première époque est la charnière des XVI et XVII siècles qui voit naître de nouveaux genres de musique axés autour du sentiment avec le madrigal et le drame musical. Les théoriciens et compositeurs de ces époques cherchentà s’identifier aux anciens de la Grèce antique et puisent leur inspiration dans les écrits de l’Antiquité. Ils adaptent par ailleurs, dans leur contexte contemporain, une confrontation qui eut déjà lieu à cette époque et qui oppose les adeptesde l’analogie platonicienne et les esthétisants aristotéliciens.
1.1. Conception cosmologique de la musique
La pensée occidentale de la musique prend ses racines dans la Grèce antique tandis que les grands penseurs et philosophes tels que Pythagore ou Platon cherchaient à démontrer l’harmonie du monde à travers les nombres. La musique deviendra le terrain de recherches pour aborder les grandes lois qui régissent notre monde par l’étude des intervalles en rapports numériques. Le mythe deTiméede cette pensée. Pl témoigne aton y décrit l’organisation du 1 monde en partant duchaosaboutissant à uncosmos.structuré selon les proportions musicales
Cependant, cette conception de la musique en analogie à l’harmonie du monde aura déjà ses opposants dès l’époque antique avec Aristote. Il parlera de cette conception en employant la troisième personne du singulier pour désigner les adeptes de la pensée pythagoricienne. Ainsi en témoigne un extrait deMéthaphysiqueIls considérèrent que les: « principes des nombres étaient les éléments de tous les êtres, et que le ciel tout entier est 2 harmonie et nombre ».
La musique est donc envisagée comme un outil de savoir sur lequel de grands penseurs se pencheront pour tenter de mieux comprendre l’univers. Étudier les rapports de nombre,des intervalles et proportions musicales permet de visualiser l’harmonie ducosmos. La musique est une science. Cependant, Platon fait la distinction entre le musicien praticien et 3 le théoricien qui, selon lui, est le véritable musicien. L’aspect expressif de la musique n’est
1  Brigitte VAN WYMEERSCH,Descarteset l’évolution de l’esthétique musicale, Sprimont, Pierre Mardaga éditeur, 1999, p.25. 2 Ibid., p.24. 3 Ibid., p.27.
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donc pas la préoccupation centrale des philosophes. Ils recherchent au contraire une musique la plus équilibrée possible. Selon Platon, la musique universelle prend écho dans lâme pour l’embellir et l'équilibrer de ses harmoniesnaturelles. En quelque sorte, elle éduque lâme. Ainsi dit-il dans sonTiméeque «celui qui contemple se rend semblable à l’objet de sa 4 contemplation». Il s’agit là d’une esthétique classique où la beauté est relative à la juste proportion d’une œuvre. Elle doit, pour cela, être à l’image de la nature qu'elle se doit 5 d’imiter. Le plaisir qui résulte de l’écoute d’une telle musique est donc de l’ordre intellectuel.
1.2.Introduction de préoccupations esthétiques et sensibles
La notion de beauté évoluera énormément à la Renaissance avec le début de la pensée humaniste. Les écrits de Descartes témoignent de cette évolution des conceptions de la musique. C’est le cas de sonAbrégé de musique (1618) dans lequel nous percevons les prémisses de cette nouvelle approche de la musique. Elle ne recherche plus à refléter l’harmonie de l’univers pour tenter de manifester physiquement les lois internes ducosmos, mais devient un art d’agrément consacré aux plaisirs, expression des émotions humaines. Pour cela, les théoriciens de la musique ne devront plus partir de l’intellectuel pour penser la musique, mais devront se fier à leurs perceptions sensorielles.
Descartes ouvre la voie vers une nouvelle conception de la musique qui part de l’objet sonoreplutôt que du symbolisme d’analogie de la nature. La musique n’est doncune plus scienced’étude del’univers, maiselle est pensée à travers les sensationsde l’homme. La beauté cosmologique et objective de l'esthétique classique laisse place à l’appréciation subjective du beau. L’homme devient le centre de la pensée et la musique est le reflet de son égo. Elle épouse les passions de l’homme en les exacerbant. C’est l’essor, dansla culture 6 occidentale, de la musique humaine, « celle qui est faite par et pourl’homme».
Dans sonAbrégé de musique, Descartes explique qu’un objet sonore, pour être aisément perçu par les sens, ne doit pas être trop complexe pour ne pasfatiguer l’auditeur en tentant de percevoir tous les éléments qui le constituent. Descartes favorise les belles proportions, non pas dans une esthétique classique, mais par souci de clarté pour nos sens.
4 Ibid., p.30. 5 Ibid., p.29-30. 6 Ibid., pp.115-116.
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Cependant, un objet trop simple ne sera pas considéré comme intéressant, car il sera cause d’ennuis:
Parmi les objets du sens, celui-ci n’est pasle plus agréable à l’âme qui est le plus facilement perçu par le sens, ni celui qui l’est le plus difficilement; mais c’est celui qui n’est pas si facile à percevoir que le désir naturel qui porte les sens vers les objets ne soit pas entièrement 7 comblé, ni également si difficile qu’il fatigue le[sic] sens .
La forme d’expression par excellence qui verra le jour à la Renaissance est l’opéra. Il traduit cette nouvelle conception de la musique tournéevers l’homme. C'est une musique éloquente qui s’adresse aux passions humaines. L’opéra voit le jour dans le désir de se rapprocher de l’art oratoire de l’Antiquité. En effet, la Renaissance trouve son essor dans la redécouverte des manuscrits anciens de la Grèce antique, les grands penseurs réinterprètent dès lorsles textes d’originesans plus se baser sur la tradition chrétienne.
Les tragédies grecques étaient chantées dans le but de rehausser le potentiel émotionnel de la parole tout en conservant une compréhension du texte. Cela débouche vers une nouvelle conception de la voix en musique, marquée par le passaged’une écriture polyphonique, dense et hermétique, à une monodie accompagnée. Le texte est déclamé et le chanteur se tourne vers le public. Les paroles sont chantées de façon syllabique pour respecter la déclamation. De plus, les mots chargés d’un potentiel émotionnel plus grand sont agrémentés de mélismes mélodiques pour en renforcer le sens.
L’utilisation des dissonances et du chromatisme est également le résultat de cette recherche de transcendance du texte par les passions, comme pour exprimer la tension, la peur 8 et l’angoisse . Descartes l’exprime dans ses écrits. Selon lui, les consonances devraient être employées pour apporter une détente dans le déroulement musical, mais sans abus, au risque de lasser l’auditeur. Pour cela, il fait la distinction entre les consonances parfaites qui sont l’octave et la quinte,et les autres consonances telles que la tierce.
Lorsque l’une [consonance parfaite] a été entendue, l’oreille est entièrement satisfaite. Et si, à cet instant, une autre consonance ne renouvelle pas son attention, elle est tellement occupée
7 René DESCARTES,Abrégé de musique.Compendium musicæ, trad. du latin, présentation et notes par Frédéric de Buzon, Paris, Épiméthée Presses universitaires de France, 1987, p.58. 8  Denis ARNOLD,Dictionnaire encyclopédique de la musique, deuxième tome, traduit de l’anglais par Marie-Stella Pâris et adaptation française par Alain Pâris, Oxford University press, 1983, Paris, Éditions Robert Laffont, 1988, p.297.
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par la précédente qu’elle remarque le peu de variété et une certaine froideur dela symphonie 9 du chant .
Il crée donc une hiérarchie des intervalles du plus parfait au plus incommodant. Il fait cependant la distinction entre la perfection d’un intervalle et son potentiel d’agrément. Pour Descartes, une consonance ne procure pas nécessairement plus de plaisir quune dissonance. Au contraire, ce sont les dissonances qui éveillent l’attention de l’auditeur et permettent l’articulation du discours musical. C'est le principe de tension-détente, fondement-même du système tonal. Il fait donc la distinction entre le parfait, notion qui se veut objective, et le beau qui est un jugement subjectif. Un son simple et doux tel qu’une consonance ne semblera pas 10 nécessairement plus agréable qu’un son chargé d’une tension interne telqu.une dissonance Cest cette dernière qui est capabled’exciterles passions et qui suscite enl’auditeur des émotions telles que la tristesse ou la joie. La musique, selon Descartes, doit avant tout émouvoir. Elle n’est plus régiepar un système d’analogie des harmonies du monde, mais contient l’expression dusentimentalisme et est la substantification desictusdel’âme qui sont causés par les passions. Les sons viennent frapper les oreillesde l’auditeur, ils se prolongent dans son âme et font vibrer par résonance la corde sensible de ses émotions.
1.3.La catharsis et les passions en musique
La question qui se pose est de savoir en quoi les dissonances sont plus à même de procurer du plaisir. L'incipit de lAbrégé de musiquede Descartes en témoigne :
Son objet [à la musique] est le son. Sa fin est de plaire, et d’émouvoir en nous des passions variées. Aussi des chants peuvent-ils être à la fois tristes et plaisants; il n’y a rien d’étonnant à ce qu’ils produisent des effets si différents: ainsi les auteurs élégiaques et les acteurs tragiques 11 nous plaisent d’autant plus qu’ils excitent en nous davantage de peine.
Si la notion de passion peut ainsi être rattachée à la notion de tristesse, cela provient de l’origine du mot emprunté dulatin impérial,passio, qui signifie « souffrance », ou encore patior, qui signifie « souffrir ».
9 DESCARTES,op. cit.,p.124. 10 Brigitte VANWYMEERSCH, «Descartes et le plaisir de l’émotion»,Le plaisir musical en e France au XVII siècle, sous la dir. de Thierry Favier et Manuel Couvreur, Sprimont, Éditions Mardaga, 2006, p.54. 11 DESCARTES,op. cit., p.54.
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Cela ramène à la notion de catharsis caractéristique de la conception de la tragédie grecque chez Aristote. Selon lui, le but cathartique de la tragédie, induit par la représentation de situations effrayantes et provoquant un sentiment de pitié, est de réaliser une épuration de ce genre d’émotions. La questionse pose de savoir comment une émotion négative, à savoir la pitié ou la frayeur, peut produire une réaction positive telle que le plaisir. Pour répondre à cette question, il faut se pencher sur la définition du terme catharsis. Appartenant au vocabulaire médical, il désigne une purgation, ou une épuration, de maux physiques. La catharsis a donc un effet curatif. Employée à la tragédie, elle servirait donc à purger le 12 spectateur de ses passions, provoquant ainsi le plaisir du soulagement thérapeutique .
Une seconde explication serait d’envisager l’effet de la représentation sur notre psychique comme source de ce plaisir. Pour comprendre cette notion, il faut s’interroger surla forme de fascination quéprouve lhomme à visualiser des images effrayantes et ignobles, représentant des scènes de mort et de souffrance, et à ressentirun certain plaisir. L’explication serait que l’homme apprend en regardant. Aussi lui est-il plusaisé d’examinerdes horreurs virtuelles que dans la réalité. Le plaisir du spectateur découle des nouvelles connaissances qu’il acquiertpar l’observation. La catharsis serait donc un plaisir de l’apprentissage d’ordre 13 intellectuel .Descartes l’exprime par ailleurs dans ses articles des passions de l’âme:
On peut quelquefois souffrir des douleurs avec joie, et recevoir des chatouillements qui déplaisent. [...] On prend naturellement plaisir à se sentirémouvoirà toutes sortes de passions, mêmela tristesse et à la haine, lorsque ces passions ne sont à causées que par les aventures étrangesqu’on voitreprésenter sur un théâtre, ou par d’autres pareils sujets, qui, ne pouvant 14 nous nuire en aucune façon, semblent chatouiller notre âme en la touchant .
Il est donc attribué à la musique le rôle de purgerl’âme des auditeurs de toutesses tensions internes. Sa fonction primitive serait donc la résolution des tensions biologiques et mentales, psychiques, causées par les appétences inassouvies telles que la faim et le désir sexuel.
12e  Catherine NAUGRETTE,L’éditionEsthétique théâtrale. 2 , Paris, Arnaud Colin, 2014, p.84. 13 Ibid., p.86. 14 René DESCARTES,Lespassions de l’âme, introduction de Michel Meyer et présentation et commentaires de Benoît Timmermans, Paris, Le livre de Poche, 1990, art. 94, pp.100-101.
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e 2.L’évolution de l’esthétique musicale au XX siècle
e Le XVII siècle a marquéle début d’une nouvelle conception de la musique en parallèle avec la nouvelle place de l’homme dans la création. Cela a donné naissance à des œuvres profondément humaines, marquées par le passaged’une musique enimitation de la nature, analogie del’harmonie de l’univers, à une musique des passions, reflet des émotions humaines. Cette confrontation existait déjà à l’Antiquité, opposant Platon et l’école pythagoricienne à Aristote. Une transposition de cette même confrontation sopère dans le e courant du XXsiècle, opposant les théoriciens d’une musique à conception symbolique à ceux qui restent attachés à la perception sensible du phénomène sonore.
2.1.Préoccupation symbolique et hyper-déterminisme
La musique, art abstrait par excellence, se nourrit souvent des pensées les plus nouvelles. L’artiste voit en la musiqueun moyen d’appliquer les nouvelles conceptions scientifiques, philosophiques et métaphysiques. Aussi,une évolution radicale dans l’Histoire de la musique au début du siècletémoigne du bouleversement social de l’homme dans la société occidentale. En effet, l’industrialisation a fait naître une nouvelle hiérarchie des classes sociales. L’homme écrasé par le systèmetente des’émanciperà travers de nouvelles idéologies plus démocratiques. En musique, cela se traduit par une émancipation du système tonal. En effet, à lépoque, certains compositeurs percevaient ce système de hiérarchie des degrés de la gamme comme une analogie de la société. Pour cela, il fallait remettre en question les principales notions sur lesquelles le système tonal repose, à savoir celles de consonance et dissonance, de diatonique etchromatique. Cela aboutira à l’Atonalité, attribuée à la seconde école de Vienne, avec son représentant majeur Arnold Schoenberg.
L’émancipation de la dissonance sera le point de départ. Il est question de mettresur un même pied la dissonance et la consonance en interrogeant la réalité de leur distinction. Selon Schoenberg, « cette égalité réside en ce que consonance et dissonance ne sont pas des entités contraires, mais bien des degrés différents d’une même entité; les consonances sont issues des harmoniques concomitants les plus proches de la fondamentale et les dissonances 15 des harmoniques plus éloignés ». En cela, il rompt avec une tradition qui remonte à
15  Jean-Yves BOSSEUR,Vocabulaire de la musique contemporaine, Paris, Minerve, 1996 p.38.
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l’Antiquité et qui avait élaboré une hiérarchie des consonances, mais aussi avecl’utilisation de la dissonance à la Renaissance. Descartes soulignait son importance pour articuler le discours musical. Ainsi, en rompant avec cette conception basée sur la distinction de la consonance et de la dissonance, Schoenberg ferme la porte à une musique vectorielle du discours.En cherchant à égaliser l’importance de chaque intervalle harmonique en ne tenant plus compte de leurs différences de commodité à la perception, il rompt du même fait avec les sensations du phénomène acoustique qui étaient à la base de la conception de la musique au e XVII siècle. C'est le premier pas vers le seuil del’abstractionses successeurs que n’hésiteront pas à franchir.
De cette émancipation découlent la généralisation de la gamme chromatique et l’abolition de l’échelle diatonique qui fixait depuis des siècles une structure hiérarchique des 16 17 degrés. Schoenberg élabore un nouveau système de démocratisation de l’harmonie, à l’image des hommes nés égaux: cest le dodécaphonisme.
La musique perd sa fonction vectorielle et discriminatoire du système tonal pour se replonger dans une pensée symbolique de l’idée musicale en analogue avec lecosmos, comme en témoignent les paroles d’Albrecht Dümling :
À la place des vieux principes, l’infinité même et l’espace sans centre de gravité et sans orientation devenaient pour lui [Schoenberg] un idéal, “le firmament”. Par l’abolition de la pesanteur, à cause de l’éloignement dans un espace infini, il s’ensuivait pour Schoenberg l’identité du cosmos et de l’espace intérieur moral. Cette identité pouvait se réaliser dans l’acte 18 de la création artistique .
L’acte de composition passe par un retour aux origines de la musique, au son pur sans aucune image étrangère à la musique elle-même.Sous l’influence de Schoenberg, la musique n’est plus associée au langage vectorielde la parole. La musique va en deçà de tout effet 19 rhétorique . Elle est libérée du système tonal fondé sur le principe de tension/détente. Composer devient un pur jeu de forme. Stockhausen dira que « chaque point doit être le centre d’une galaxie de sons, utopie d’une musique sans mélodie reconnaissable, au-delà de 20 l’harmonie, du mètre, du rythme et de la couleur instrumentale ».
16 Ibid., pp.28-29. 17 Ibid., p.20-21. 18 Ibid., p.25. 19 Ibid., p.156. 20 Ibid., p.157.
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