Perceval le Gallois d Eric Rohmer et ses sources - article ; n°1 ; vol.47, pg 33-48
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1995 - Volume 47 - Numéro 1 - Pages 33-48
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 85
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Giovanna Angeli
Perceval le Gallois d'Eric Rohmer et ses sources
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1995, N°47. pp. 33-48.
Citer ce document / Cite this document :
Angeli Giovanna. Perceval le Gallois d'Eric Rohmer et ses sources. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1995, N°47. pp. 33-48.
doi : 10.3406/caief.1995.1862
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1995_num_47_1_1862PERCEVAL LE GALLOIS D'ERIC ROHMER
ET SES SOURCES
Communication de Mme Giovanna ANGELI
(Université de Florence)
au XLVIe Congrès de l'Association, le 19 juillet 1994
Moyen âge = enfance. Voilà l'équation qui est de
plus en plus mise en avant quand il s'agit d'interpréter
le cinéma dont le sujet se veut médiéval. Ou moyen âge
= rêve, ce qui revient à peu près au même, si l'on prend
au pied de la lettre l'une des réflexions de Freud : « Les
rêves reposent pour une bonne part sur les impressions
laissées par des événements de la vie infantile...» (1).
On a en effet, et peut-être à juste titre, perçu dans
toutes les transpositions de roman ou légende remontant
aux premiers siècles de notre millénaire, une pulsion
vers l'univers enfantin. Ou vers l'idée que nous nous
sommes formée du regard de l'enfance (2). Ainsi Lanc
elot du Lac de Bresson (autant que Les Niebelungen
(1) Cité par D. Dubroux (citation tirée de Die Traumdeutung), qui titre
justement son article sur Perceval Le Gallois: «Le Rêve pédagogique»
{Cahiers du Cinéma, 1979, n° 299, p. 42). Selon D. Dubroux, le film de
Rohmer, qui repose «pour une bonne part sur les impressions laissées par
les souvenirs scolaires de notre enfance», serait «la concrétisation d'une
sorte de rêve pédagogique».
(2) Voir notamment, de M. Zink, « Projections dans l'enfance, projections
de l'enfance, le moyen âge au cinéma», dans Cahiers de la Cinémathèque
(n° spécial: «Le Moyen âge au cinéma»), 1985, n° 42-43, p. 5-7. GIOVANNA ANGELI 34
de Lang), reporterait le spectateur, de par son atmo
sphère primitive faussement réaliste, à un monde uto-
pique dans lequel, enfants, nous aurions pu vivre. La
campagne et la forêt, les cabanes et les produits simples
de la nature, la chevalerie représentée avec des couleurs
aux tonalités quotidiennes, raccourcissent les distances
avec cette histoire écrite il y a huit siècles et nous plon
gent dans le souvenir imaginaire d'un passé vécu, comme
si le moyen âge dans sa version pure était le souvenir
même de notre enfance. Par un autre biais, la transpos
ition visionnaire de Lang parviendrait à produire un
effet semblable. Serait-ce à cause de cette imagerie si
sensible au folklore que nous trouvons reproduite dans
ces vieux livres de mythologie ou d'histoire, composés
entre les années vingt et trente — livres dont les dessins
exaltaient la prouesse et l'héroïsme des chevaliers par
des traits post-romantiques?
Quant au Perceval de Rohmer, il lui reviendrait sû
rement la première place dans cette hiérarchie fondée
sur une perspective liée à l'enfance. D'abord parce que
le metteur en scène a voulu de façon explicite s'adresser
aux adolescents en organisant des projections dans des
classes au moment de la sortie du film (et, en cela, il
n'a fait que poursuivre son dessein pédagogique, com
mencé depuis les années soixante avec des films pour la
télévision, dont un Perceval (3) ) ; ensuite parce qu'il a
choisi dans l'adaptation du roman de Chrétien de Troyes
d'embrasser un parti pris féerique. L'univers irréel où
(3) Rohmer a réalisé pour la télévision scolaire, entre 1964 et 1965: Les
Cabinets de physique (La Vie de société au xviw siècle), Les Métamorphoses
du paysage (l'Ere industrielle), Perceval ou le Conte du Graal, Don Quichotte
de Cervantes, Les Histoires extraordinaires d'Edgar Poe, Entretien sur Pascal,
Mallarmé, Le Béton dans la ville, Victor Hugo Les Contemplations, Hugo
architecte, Louis Lumière. Voir, pour une filmographie et bibliographie
exhaustives de et sur Eric Rohmer jusqu'à 1986: J. Magny, Eric Rohmer,
Pans-Marseille, Rivages, 1986. PERCEVAL LE GALLOIS DE ROHMER 35
î, PERCEVAL
LE GALLOIS
Duel entre Anguinguerron et Perceval. Perceval le Gallois d'Eric
Rohmer.
évolue son Perceval est l'univers de la fable, des images
de la fable : l'or des châteaux (ou du château, puisqu'il
s'agit toujours du même bâtiment) tranche sur le bleu
du ciel, les intérieurs varient de par les couleurs des
draperies et des ornements (rouge, azur, gris...), les ar
bres sont des espèces de ballons brillants plantés sur
des pieds d'acier, la nacelle du roi pêcheur est une bar
que-jouet enfoncée dans un miroir de gravier. Quant
aux proportions, elles ne démentent pas le choix d'une
perspective 'primitive': les chevaliers sont presque aussi
grands que les châteaux et on dirait que les demoiselles
se penchant des créneaux de la tour parviennent à tou
cher les champions qui joutent pour elles. Bref, le décor
du Perceval de Rohmer, le scénario aidant, renvoie,
semble-t-il, à une imagerie enfantine beaucoup plus que 36 GIOVANNA ANGELI
toute autre interprétation cinématographique du moyen
âge.
J'ai dit «le scénario aidant», car du texte de Chrétien
le metteur en scène exalte le côté ingénu et comique,
suivant une tendance critique orthodoxe. Que Perceval
soit, au début de son apprentissage, un étourdi, gauche
et drôle à la fois, personne ne saurait le nier. Quant au
roi Arthur, Chrétien le représente déjà faible et fatigué
à la suite des nombreux défis que ses ennemis lui lan
cent, et sa figure mythique s'estompe derrière les faits
et gestes des vaillants chevaliers qui trônent à sa table.
Aucune surprise donc si Rohmer le peint, en quelque
sorte, en robe de chambre, un bonnet de travers sur la
tête, pensif, comme s'il n'avait plus de rôle officiel à
jouer.
Mais le but de Rohmer n'était pas de filmer une
histoire dont il pensait qu'elle était pour les enfants en
employant des moyens iconographiques destinés à l'en
fance. Même s'il est toujours difficile de déceler les
raisons qui ont poussé un cinéaste à transposer sur
l'écran un texte littéraire (et cela est d'autant plus vrai
qu'il s'agit ici d'un roman médiéval rédigé en octosyl
labes), il n 'est pas impossible de hasarder une réponse
où le message pédagogique n'a rien à voir : par exemple
la coexistence de l'élément religieux — la quête mystique
du Graal — et comique — l'étourderie de Perceval et
l'affaissement du roi Arthur. Mélange que, sous des
formes diversifiées, Rohmer affectionne depuis ses dé
buts (4). Reste à voir si au moins le moule esthétique
dans lequel les aventures de Perceval sont coulées cor
respond effectivement à un choix esthétique enfantin.
C'est l'esprit de fidélité à l'archétype (il faut le préciser
tout d'abord), ici comme d'ailleurs dans La Marquise
(4) J'ai moi-même mis en relief les nuances ironiques dont le cinéma d'Eric
Rohmer est parsemé : Giovanna Angeli, Eric Rohmer, Milano, Moizzi, 1979. PERCEVAL LE GALLOIS DE ROHMER 37
d'O... réalisée en 1976, qui règle, jusque dans les moind
res détails, la mise en scène.
Le scénario de Perceval Le Gallois ne connaît qu'un
ajout important, qui s'insère aux vers 6283-5 («Ensi
Percevax reconut Que Dex au vanredi reçut Mort et si
fu crocefiez»): celui de la Passion finale où le Christ
prend les traits du chevalier du Graal (5); mais cette
excroissance mise à part, le roman de Chrétien de Troyes
est joué presque à la lettre par des acteurs qui n'ont pas
peur d'employer un octosyllabe légèrement rajeuni. Il
est vrai qu'il y a des coupes, par-ci par-là. Mais cela se
comprend si l'on pense à la longueur moyenne d'un
film et à celle du texte de Chrétien récité ou joué (envi
ron six heures). La suppression la plus importante
concerne la deuxième partie des aventures de Gauvain ;
on pourrait dire, en fait, que le film s&

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