Cours de Droit : Introduction aux grands courants de la pensée juridique (Licence 1 - Université du Maine)
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Cours de Droit : Introduction aux grands courants de la pensée juridique (Licence 1 - Université du Maine)

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Cours entier d'Introduction aux grands courants de la pensée juridique, entièrement et proprement rédigé. Très lisible, très compréhensible, ce cours vous permettra d'apprendre dans les meilleures conditions.

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Publié le 16 août 2016
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Langue Français

Extrait

Introduction aux grands courants de la pensée juridique
→ Qu'est ce que la pensée juridique?
Introduction
La pensée juridique est la réflexion que l'on mène sur le droit. Mais, le droit moderne est organisé sous la forme de systèmes de droit, sous la forme de systèmes juridiques. Chaque système juridique repose sur des principes biens précis. La pensée juridique est la réflexion que l’on mène sur les systèmes juridiques, et plus précisément c'est la réflexion que l'on mène sur les principes, sur lesquels sont fondés les systèmes juridiques. Ces principes ne sont pas apparus au hasard, ils sont un apport de la philosophie au droit.
→ Quelle est la raison de cette recherche? Pourquoi étudier les principes sur lesquels reposent les systèmesjuridiques?
Le système juridique français repose sur la loi, qui est la source la plus importante du système juridique français. Or, un tel principe, valable en France, valable en Europe, n'est pas un principe incontestable, c'est-à-dire qu'il n'est pas valable partout dans le monde. En effet, dans le système juridique anglo-saxons, la principale source du droit est la jurisprudence. De même, dans les systèmes juridiques africains, l'une des sources les plus essentielles du droit est la coutume. Il faut ainsi se demander pourquoi le système juridique français repose sur la loi, et sur le concept de droit subjectif. Si la loi est la principale source du droit français, c'est en raison de l'influence d'une philosophie précise, qu'est la philosophie moderne, la philosophie légaliste. Autrement dit, il faut se demander quelles sont les doctrines philosophiques sur lesquelles reposent les principes de base de notre système juridique. Il faudra ainsi voir les fondements philosophiques de notre système juridique.
→ Il faut également se demander quel sera l'objet de cette recherche?
En philosophie du droit, trois questions reviennent fréquemment :
* Quelle est la définition du droit ? Il s'agit d'une question fondamentale, à laquelle les philosophes et les juristes, ont apporté des réponses très diverses. Par exemple, d’après la philosophie positiviste, le droit est un fait, un ensemble de faits. On dira que le droit est l'ensemble des lois existantes pour le système juridique français. On dira que le droit est l'ensemble des jugements, pour le système juridique anglo-saxons. D'après d'autres doctrines philosophiques, et notamment la doctrine du droit naturel, le droit est une valeur, un objet de recherche à poursuivre. Ainsi, la plupart des philosophes appartenant à se courant, attribuent au droit comme fin et comme objectif, la justice. Ils assimilent le droit au juste. Cependant, le juste peut être conçu de différentes façons.
* Les sources du droit : les diverses écoles philosophiques apportent des réponses différentes. D'après la doctrine positiviste, la loi est la principale source du droit, pour ne pas dire la seule source du droit. Cette doctrine philosophique a eu beaucoup d’influence sur le système juridique français à partir de la Révolution française. A la doctrine positiviste s'opposent les doctrines du droit naturel. Ces doctrines reconnaissent d'autres sources du droit, au dessus de la loi positive. Il existe cependant plusieurs conceptions du droit naturel. Pour la doctrine du droit naturel classique, le droit doit être tiré de l'observation objective du monde et de la nature. Pour la doctrine du droit naturel moderne, le droit doit être tiré de la raison humaine, à partir d'une introspection individuelle que chaque individu mène en lui même.
* L'axiologie juridique, qui consiste à se demander quels sont les principaux principes gouvernant le contenu du droit ? Par exemple, notre système juridique moderne, fondé sur l'individualisme, accorde une place centrale à la notion de droit subjectif, que possède chaque individu. Cette notion de droit subjectif est une notion d'origine philosophique, posée par la philosophie moderne en commençant par Guillaume d'Occam.
→ Il convient de poser un certain nombre de limites à cette recherche. En effet, le champ de recherche est immense. Il faut donc se limiter à l'étude de la pensée juridique européenne, à l'étude des principes sur lesquels reposent les systèmes juridiques européens. Ce champ, malgré ces limites, reste encore très vaste. C'est pourquoi, il faut se tenir à quatre périodes historiques précises : * La pensée juridique de l'Antiquité * La pensée juridique médiévale * La pensée juridique de l'époque moderne *La pensée juridique de l'époque contemporaine
Au cours de ces quatre périodes historiques, de très grands philosophes apparaissent. Ceux-ci ont posé les bases de toute la philosophie occidentale. Or, les doctrines de ces philosophes ont eu, très clairement, des répercutions juridiques.
Ouvrages: *La formation de la pensée juridique moderne, de M. Villey  *Le droit, de F. Rouvillois
ChapitreI: Introduction à la pensée juridique de l'Antiquité
Quatre grands philosophes seront étudiés : Platon, Aristote, Épicure, Cicéron.
L'Antiquité est une période très vaste, à la fois dans le temps, et dans l'espace. En effet, l'Antiquité commence au IIIe millénaire avant notre ère, et s'achève au VIes de notre ère. C'est également une période très vaste dans l'espace, car l'Antiquité a connu des civilisations brillantes, aussi bien en Europe, qu'en Asie et en Afrique. Au cours de l'Antiquité, de très nombreuses écoles philosophiques voient le jour.
La pensée juridique de la Grèce classique sera principalement étudiée. La Grèce classique correspond au IVe et Ve siècle avant JC. Elle voit l'apogée de la cité athénienne. La Grèce classique connaît, pour l'essentiel, un régime politique similaire au notre, c'est-à-dire la démocratie. Les cités démocratiques grecques comprenaient, comme à Rome, des assemblées populaires, des magistrats et un organe de conseil. La pensée juridique grecque s'est développée dans un cadre démocratique qui nous est familié. C'est la raison pour laquelle il nous sera plus facile de comprendre les enjeux auxquels était confrontée la pensé juridique grecque. Ce faisant, il nous sera plus facile de mesurer les apports de la philosophie grecque à la pensée juridique moderne. D'autre part, la Grèce classique a été le berceau de la philosophie européenne, avec deux philosophes universellement connus : Platon et Aristote.
La période hellénistique, qui commence au début du IIIes avant JC, est marquée par la conquête d'Alexandre le Grand. Au cours de cette période, deux courants philosophiques ont eu une influence directe sur notre système juridique. Il s'agit du stoïcisme et de l'épicurisme.
Section1: La pensée juridique de Platon
Platon est né est l'an 427 et décède en l'an 347 avant JC. A cette époque, Athènes connaît un relatif déclin. En effet, a l'issue de la guerre du Péloponnèse qui oppose Sparte à Athènes, vers la fin du Ve siècle avant JC, la cité athénienne subie une lourde défaite militaire.
→ Sur le plan politique, à la fin du Ve siècle avant JC, deux coups d'Etat oligarchiques renversent, pour quelques mois, la démocratie.
→ Sur le plan philosophique, on constate l'action des sophistes. Ce sont des philosophes qui enseignaient la rhétorique, c'est-à-dire l'art de l'éloquence politique. Cette éloquence, enseignée par les sophistes, pouvait être mise au service de toutes les causes, bonnes comme mauvaises. Il n'y a pas, dans cet enseignement, d'idéal transcendant. C'est une philosophie marquée par un profond relativisme. Protagoras, Gorgias ou encore Thrasymaque sont des philosophes sophistes.
→ Sur le plan juridique, l'enseignement des sophistes avait deux conséquences. La première conséquence est le positivisme juridique. Pour les sophistes, l'origine du droit se trouve dans la seule volonté humaine. Le droit a, pour seule source, les lois formelles, c'est-à-dire les lois régulièrement adoptées par l'organe compétent, sans qu'il soit nécessaire de se conformer à des normes transcendantes, à des normes supérieures. La seconde conséquence est un relativisme profond, quant à l'objet même du droit. Pour Thrasymaque, le droit est ce qui profite au plus fort. Autrement dit, tout gouvernement établit des lois en sa faveur, le droit ne traduit que l'intérêt de l'homme au pouvoir. Plus grave encore, certains philosophes sophistes vont vouloir se passer des lois pour permettre aux hommes forts, de s'affranchir de la médiocrité ambiante.
Ainsi, en cette fin de Ve siècle, Athènes fait face à un déclin militaire, à un déclin politique, ainsi qu'à un déclin philosophique. L'élément le plus grave est la condamnation à mort de Socrate, en l'an 498, qui va profondément marquer Platon. Socrate était un philosophe ambulant, dont la grande idée était d'aller au-delà de la connaissance apparente, au-delà de la doxa. Sur le plan politique, Socrate n'était pas hostile à la démocratie athénienne, mais critiquait le manque de formation des hommes politiques, et plus particulièrement les magistrats, qui étaient tirés au sort. Pour Socrate, la politique était un art qui pouvait, et qui devait s'apprendre.
Face à cette crise que traversait Athènes, Platon veut réagir. Il souhaite restaurer un idéal de justice, dans la société, chez les individus et dans le domaine juridique. Néanmoins, Platon estime que l'action politique directe n'est pas suffisante. A ses yeux, si on souhaite réformer la société, il faut d'abord opérer une profonde réforme intellectuelle et morale des citoyens, une réforme qui passe par l'éducation des citoyens. C'est la raison pour laquelle il fonde une célèbre école de philosophie : l'Académie.
Par ailleurs, Platon rédige de grands ouvrages philosophiques et politiques. Les trois principaux ouvrages de Platon, relatifs à la politique et au droit, sont La République, Le politique, et Les lois.
* La République est un ouvrage du milieu de la vie de Platon, et se présente sous la forme d'un dialogue entre plusieurs personnes. Plus précisément, il s'agit d'une conversation sur la justice et le droit. Or, ces deux termes sont identiques chez Platon. La République est un ouvrage utopiste, car Platon y décrit une cité idéale, qui doit servir de modèle pour réformer la cité athénienne. Dans cet ouvrage, il décrit l'organisation politique et sociale de la cité idéale. Sur le plan politique, la cité idéale est dirigée par un homme sage, aussi appelé philosophe roi. Sur le plan social, la cité idéale comprend trois classes sociales : de haut en bas, il y a les magistrats, puis les gardiens-les auxiliaires-les guerriers, et enfin, il y a les paysans-les agriculteurs-les commerçants.
 Dans les deux ouvrages suivants, Platon fait preuve de plus de réalisme.
* Le politique est un ouvrage écrit à la fin de la vie de Platon, et qui se présente sous la forme d'un dialogue. Il s'agit d'un entretien sur l'aisance de la science politique. Platon cherche à définir la science politique, ainsi que la mission de l'homme politique. Cette mission sera la découverte du juste. Platon fait une typologie précise des différents régimes politiques existants. C'est ce qu'il appelle les constitutions imparfaites.
* Les lois est le dernier ouvrage de Platon, qui est cependant inachevé. Il s'agit là encore d'un ouvrage plus réaliste que le premier. Il se présente toujours sous la forme d'un dialogue. Trois vieillards discutent entre eux, en marchant sur les routes de l'île Crète. L'un d'eux est chargé de participer à la fondation d'une cité, à laquelle on donnera des lois constitutionnelles et ordinaires. Ces trois vieillards se demandent comment découvrir de bonnes lois.
§1 - La définition et le contenu du droit chez Platon
A ) Un droit conforme à la justice
Platon s'attache, dans son ouvrage Le politique, à définir la mission de l'homme politique. Selon lui, la mission essentielle de l'homme politique est la découverte du juste. La définition du droit, donnée par Platon, en découle directement. En effet, le droit doit être conforme au juste. Platon s'oppose d'abord à la définition positiviste du droit. A ses yeux, le droit n'est pas seulement un ensemble de règles, ni un ensembles de lois adoptées par le législateur. Par ailleurs, si les lois sont injustes, il est possible, selon Platon, de leur désobéir. Dans un passage très célèbre de Le politique, Platon compare les lois injustes adoptées par l'assemblée populaire, à des prescriptions médicales provenant d'une assemblée d'ignares, ignorant tout de la médecine. Ces décisions ne seraient pas des prescriptions médicales. Il en va de même de la loi, c'est-à-dire qu'une loi injuste, adoptée par une assemblée injuste ou incompétente, ne mérite pas le titre de loi. Ce n'est pas du droit, et il possible de lui désobéir. Ainsi, Platon s'oppose très clairement aux sophistes. Si le droit ne se réduit pas uniquement aux lois positives, il faut le définir autrement. Le droit est défini par Platon, comme étant une valeur, un objet de recherche à poursuivre. Cette valeur, cet objet de recherche sera la justice. Platon va donc assimiler le droit à la justice, en utilisant un seul et même terme pour définir le droit et la justice : dikaion. Ces développements se trouvent dans le titre I de La République. Cette définition du droit va imprégner toute la culture juridique occidentale. Par exemple, Ulpien disait quejusvient dejusticia. Il faut ainsi se demander comment Platon va définir la justice.
B) Une conception extensive de la justice
C'est dans La République que Platon définit la justice. De façon très classique, il définit d’abord la justice comme la vertu qui attribut à chacun sa part, qui attribut à chacun ce qui lui revient. Pour Platon, la justice doit s'exercer aussi bien au sein de la cité, qu'à l'intérieur de chaque Homme. D'un certain côté c'est assez logique, car Platon ne s'engage pas directement en politique, mais souhaite surtout former de bons citoyens. Autrement dit, il faut d’abord que la justice règne dans les individus pour pouvoir régner dans la cité. Pour Platon, on trouve dans chaque Être humain, trois tempéraments : la raison (la sagesse, l'intelligence), le cœur (la générosité, l'abnégation, le courage) et les appétits sensuels (nourriture, boisson, sexe). Pour que l'équilibre intérieur de l'Homme soit réalisé, il faut, dans l'idéal, que les appétits sensuels ne soient pas désordonnés, mais soumis au cœur, et il faut que le cœur soit lui même soumis à la raison. Cet équilibre intérieur nécessite une bonne éducation des citoyens, d'où l'importance accordée à l'éducation dans La République.
Pour Platon, cet équilibre intérieur, cette justice intérieure, doit se retrouver dans la société. Pour lui, la société est construite comme un Être humain. Ainsi, pour que la société soit juste, il faut retrouver le même équilibre. Autrement dit, tout en haut de la hiérarchie sociale se trouve les magistrats, les philosophes, qui sont dominés par la raison. Ils ont reçu une longue formation intellectuelle, qui leur a permis de connaître la véritable sagesse. Seuls ces hommes seront dignes de diriger la société. A l'échelon suivant se trouvent les guerriers, les gardiens, qui sont des hommes courageux, dominés par le cœur. Ils ont eux aussi suivi une assez longue formation, qui leur permettra de défendre la cité. Enfin, à la base de la hiérarchie sociale, il y a les paysans, dominés par leurs appétits sensuels.
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