André Malraux : une esthétique du mensonge - article ; n°1 ; vol.33, pg 251-260
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1981 - Volume 33 - Numéro 1 - Pages 251-260
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 25
Langue Français

Extrait

Geoffrey T. Harris
André Malraux : une esthétique du mensonge
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1981, N°33. pp. 251-260.
Citer ce document / Cite this document :
Harris Geoffrey T. André Malraux : une esthétique du mensonge. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1981, N°33. pp. 251-260.
doi : 10.3406/caief.1981.1912
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1981_num_33_1_1912ANDRE MALRAUX:
UNE ESTHETIQUE DU MENSONGE
Communication de M. Geoffrey T. HARRIS
(Salford)
au XXXIIe Congrès de l'Association, le 23 juillet 1980.
Dès la préface à L'Irréel (1), Malraux nous prévient que
« ce livre [...] comme Les Voix du Silence... traite d'un sujet
auquel toute histoire est subordonnée ». Un peu plus loin et
comme pour dissiper tout malentendu éventuel, il revient à
la charge en ajoutant que « ce livre se réfère à des valeurs qui
ne sont pas d'ordre historique ». Il nous rappelle aussi que,
par le passé, il a affirmé que Les Voix du Silence ne sont pas
plus une « histoire de l'art que La Condition humaine n'est
un reportage sur la Chine ». En 1949, Malraux affirmait que
Les Conquérants n'appartenaient « que bien superficiell
ement à l'Histoire » (2). Il n'en reste pas moins que dans ce
dernier contexte la mise en cause de l'Histoire se trouve
quelque peu mitigée par l'adverbe « superficiellement », lequel
crée un flou qui n'est point éliminé par la sommaire explica
tion qui suit. Les Conquérants auraient survécu pour avoir
réuni autour d'un type de héros des « valeurs [...] indirec
tement liées à celles de l'Europe d'alors » (3), donc des va
leurs d'une importance certaine dans le passé et qui par là
même, pourrait-on hasarder, ne seraient pas dénuées d'une
(1) La Métamorphose des Dieux, t. II, L'Irréel, Paris, Gallimard, 1974.
(2) Postface à la version définitive des Conquérants, Paris, Livre de
Poche, p. 229.
(3) Ibid., p. 230. GEOFFREY T. HARRIS 252
portée historique. En réalité, si les écrits sur l'art ne sont
pas conçus comme une histoire de l'art et qu'ils relèguent au
deuxième plan le rôle de l'Histoire, ils n'en entretiennent pas
moins une relation autant ambiguë que particulière avec
l'Histoire.
La survie de l'œuvre d'art est faite de la mort des hommes,
de la décomposition. Déjà dans La Voie royale (4) la décomp
osition en parallèle du monde extérieur et de l'esprit laisse
entrevoir un équivalent moins troublant dans la plus litté
rale et potentiellement plus féconde dé-composition des œuvres
d'art. Pour Claude, les œuvres du passé n'atteignent à « une
existence réelle » que lorsque, répondant à la sollicitation
résurrectionnelle des artistes, elles se défont de leurs éléments
historiques. Cette résurrection qui les fait ressurgir de leur
« vie historique » où elles « dorment » (p. 61), non seule
ment annule l'Histoire dans le présent, mais projette par la
même occasion, nous apprend Malraux dans Les Voix du
Silence (5), « de vastes pans d'ombre » sur le passé (p. 65).
« Résurrection » et « vie historique », Claude semble pressent
ir la formalisation par le Musée Imaginaire de la rencontre
de ces deux « frères ennemis » — le monde de la présence
et celui de l'Histoire — dont la « double promotion » (6),
phénomène datant de l'Olympia de Manet, a mis fin à toute
légitimation historique, qu'il s'agisse de la foi, de l'irréel ou
de la beauté. Il est pour le moins paradoxal que l'époque
moderne qui, dans l'optique malrucienne, récuse la portée
historique de l'œuvre d'art, soit l'époque où précisément
l'homme, en mal de transcendance, s'est vu obligé d'attribuer
à l'Histoire le rôle d'interprète et d'ordonnateur de la con
dition humaine. Le Musée Imaginaire et les grands artistes
modernes participent à une époque où le temps est devenu
Г « interlocuteur capital de l'homme » et où l'on assiste
au « cortège de philosophies, répondant au sentiment du
(4) Paris, Grasset, 1930 (VR).
(5)Gallimard, 1951 (« La Galerie de la Pléiade »). (VS).
(6) La Métamorphose des Dieux, t. I, Le Surnaturel, Paris, Gallimard,
1977, p. 32. ANDRÉ MALRAUX : UNE ESTHÉTIQUE DU MENSONGE 253
temps [...] » que Malraux évoque dans Le Surnaturel (7).
Sans doute Malraux pense-t-il déjà à Г « intemporel » berg-
sonien auquel il fera allusion dans le dernier tome de la
Métamorphose des Dieux (8) et peut-être Marcel Proust y
pensait-il, une cinquantaine d'années avant la parution des
trois tomes de la Métamorphose, lorsqu'il décrivait en des
termes étrangement malruciens l'effet produit sur Swann par
la sonate de Vinteuil, effet où il n'y a pas jusqu'à Г « art de
Grands Navigateurs » (VS, p. 602) qui ne soit pressenti :
Swann n'avait donc pas tort de croire que la phrase de la
sonate existât réellement. Certes, humaine à ce point de vue,
elle appartenait pourtant à un ordre de créatures surnaturelles
et que nous n'avons jamais vues, mais que malgré cela nous
reconnaissons avec ravissement quand quelque explorateur
de l'invisible arrive à en capter une, à l'amener, du monde où
il a accès, briller quelques instants au-dessus du nôtre. (9)
De même que Proust et que le Sartre de La Nausée, Mal
raux récuse la conception occidentale de l'Histoire comme
une chronologie qui « tend à faire du passé un destin
[...] » (10) et qui impose une aventure humaine linéairement
intelligible :
Nous nous sommes enfermés dans l'histoire comme dans la
biographie [...] (MD III, p. 136)
déplore Malraux sans L'Intemporel, rappelant lse griefs de
Roquentin et ses propres boutades des Voix du Silence :
La biographie d'un artiste, c'est sa biographie d'artiste [...]
(VS, p. 418)
Toute œuvre d'art survivante est amputée, et d'abord de son
temps. (VS, p. 63)
(7) p. 32.
(8) L'Intemporel, Paris, Gallimard, 1976, p. 135. (MD III).
(9) A la recherche du temps perdu, t. I, Paris, Gallimard, 1966, (« La
Galerie de la Pléiade »), pp. 350-1.
n° (10)6, novembre-décembre « Un Humanisme 1951, universel p. 8. », in Amérique Française, vol. III, 254 GEOFFREY T. HARRIS
Le pouvoir créateur de l'artiste le dissocie de son temps
et fait qu'à l'opposé de la collectivité qui l'entoure, il ne
subisse pas cette « fatalité devenue intelligible » qu'est l'His
toire (VS, p. 414).
Toutefois, l'expression de cette mise à l'écart de la dimens
ion historique peut se nuancer quelque peu. Le refus de
l'insertion irrévocable d'une œuvre dans son époque n'él
imine pas sans recours celle-ci, mais ouvre la voie, dans le
cadre de la nouvelle coexistence des deux « frères ennemis »,
à la double appartenance temporelle de l'œuvre :
Le tympan d'Autun, le Portail Royal, ne sont pas des objets
du XIIe siècle, précieux, désuets ou curieux, enfermés dans
une époque [...]. Ce tympan nous parle. Il appartient à son
temps, comme le coffre ou la cotte de mailles, sans doute.
Mais il appartient aussi au nôtre, alors que la cotte de mailles
ne lui pas du tout. (MD III, p. 125-6)
II n'en demeure pas moins qu'une telle réhabilitation
de la dimension historique reste partielle. Une époque
n'impose pas une expression et si David, Fiissli, Goya
répondent à l'appel de la Révolution, ils le font « par des
accents violemment inégaux [...] » (VS, p. 411). Certes,
l'œuvre d'art appartient à son temps mais elle n'en subit le
conditionnement que d'une façon dynamique et imprévisible,
ce qui l'exclut du rôle de témoin auquel peut prétendre la
cotte de mailles. Comme référence historique, l'œuvre d'art
est plus que douteuse. Les manteaux des Vierges gothiques
de même que les robes des Apôtres d'Amiens appartiennent
à la cour céleste plutôt qu'à la cour (11). C'est l'irréel et
non pas le réel qui véhicule la foi dans La Dispute du Sa

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