Le dernier séjour de Rabelais à Rome - article ; n°4 ; vol.124, pg 686-697
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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1980 - Volume 124 - Numéro 4 - Pages 686-697
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 43
Langue Français

Extrait

Monsieur Robert Marichal
Le dernier séjour de Rabelais à Rome
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 124e année, N. 4, 1980. pp. 686-
697.
Citer ce document / Cite this document :
Marichal Robert. Le dernier séjour de Rabelais à Rome. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres, 124e année, N. 4, 1980. pp. 686-697.
doi : 10.3406/crai.1980.13783
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1980_num_124_4_13783LE DERNIER SÉJOUR DE RABELAIS A ROME
PAR
M. ROBERT MARICHAL
MEMBRE DE L'ACADÉMIE
François Rabelais fit trois séjours à Rome1. Le premier, de deux
mois seulement, en 1534, fut consacré à l'étude de la faune et de la
flore de l'Italie et à l'archéologie.
Durant le second, d'août 1535 à avril 1536, et surtout durant le
troisième, le plus long, de septembre 1547 à septembre 1549, il fait
partie du corps diplomatique.
Il appartient, en effet, comme il le dit lui-même2, à la « maison »
du Bellay : à Rome, en 1534 en 1535, il accompagna le cardi
nal Jean qui le recevra dans sa collégiale de Saint-Maur. Il assiste,
en 1538, à Aiguës-Mortes, à l'entrevue de François Ier et de Charles
Quint. De 1539 à 1543, il est au service du frère du cardinal, Guil
laume, sieur de Langey, gouverneur du Piémont. Lorsqu'en 1546, la
Sorbonne censure son Tiers Livre des aventures de Pantagruel, et
qu'il juge probablement prudent de s'éloigner, c'est à Metz qu'il se
rend, Metz, l'un des relais des agents de Jean du Bellay en All
emagne ! On a peine à croire qu'il ait assisté passif aux luttes malheur
euses que livraient nos amis luthériens contre l'empereur Charles
Quint et qui sont au premier plan de l'actualité3.
C'est donc, peut-on dire, un diplomate confirmé qui rejoint à
Rome le cardinal, son maître, à qui le nouveau roi Henri II vient de
confier la surintendance des affaires royales en Italie avec autorité
sur tous les autres membres du Sacré Collège.
Le cardinal a un train de maison important : cent trois personnes
ont chez lui le vivre et le couvert. D'après une note des services de
bouche, Rabelais y occupe le neuvième rang ; il a un serviteur attaché
1. Cf. A. Heulhard, Rabelais, ses voyages en Italie, son séjour à Metz, 2e éd.,
Paris (1891) et la Chronologie, p. cxxvm sq. du Gargantua de l'éd. critique
publiée sous la direction d'Abel Lefranc, I, Paris (1912).
2. Lettre au cardinal du Bellay, Metz, 6 février [1547], dans J. Plattard,
Œuvres complètes de Rabelais, V, Paris (1929), p. 263.
3. Cf. R. Marichal, Le Quart Livre de 1548 dans Études Rabelaisiennes, IX,
Genève (1971), p. 131 sq. DERNIER SÉJOUR DE RABELAIS À ROME 687 LE
à sa personne4. Officiellement on le suppose médecin de Jean du
Bellay comme lors des séjours précédents, comme auprès de Langey,
mais il servait aussi à celui-ci de secrétaire. A Rome, en 1536, il a
assisté à une conversation confidentielle du cardinal du Bellay avec
le cardinal de Trente5. Enfin, c'est à la demande du cardinal qu'il
rédige et publie en 1549 le récit de cette Sciomachie, c'est-à-dire
« simulacre de bataille terrestre », grand divertissement qui tient à la
fois du tournoi, du ballet et du feu d'artifice que Jean du Bellay
fit célébrer devant son palais, place SanV Apostolo, en l'honneur de
la naissance de monseigneur d'Orléans, fils puîné de Henri II et sur
lequel il compte pour relever son crédit alors compromis à la Cour de
France6.
Donc, médecin, secrétaire, confident, François Rabelais mène
à Rome la vie de tous les membres du Corps diplomatique dont
quelques années plus tard, Joachim du Bellay, dans ses Regrets, nous
a laissé un tableau pittoresque7.
Nous n'avons, pour ce séjour, aucune lettre, aucune note de Rabel
ais, mais nous avons son Quart Livre, commencé à Metz, dont une
édition partielle a paru, à Lyon, en 1548, auquel il a continué à
travailler à Rome même8, qu'il a achevé à Saint-Maur en 1551. C'est
donc là qu'on peut espérer retrouver ses souvenirs de Rome.
L'enquête est apparemment décevante, peu de choses vues et
banales, rien sur les monuments, très peu même sur la Rome antique,
qui, comme tous les voyageurs humanistes, l'intéresse plus que la
Rome contemporaine. En réalité, comme on pouvait le deviner, c'est
la politique qui semble avoir accaparé toute son attention.
On sait que le Quart Livre est le récit de la croisière de Pantagruel
et de Panurge pour aller consulter la Dive Bouteille, au Cathay, c'est-
à-dire la Chine, sur les projets de mariage de Panurge qui ne parvient
pas à se décider. On voit volontiers aujourd'hui9 dans chacune des
îles où la flotte fait escale sans jamais y séjourner, dans chacun des
incidents du voyage, autant de symboles, parfois, il faut l'avouer,
assez obscurs, des obstacles que rencontre dans sa quête de la vérité
un évangéliste, c'est-à-dire un chrétien persuadé de la nécessité de
réformer l'Église romaine dans sa discipline et dans ses dogmes sans
adhérer aux réformes luthérienne ou calviniste ; parmi ces obstacles
se trouve évidemment en 1551 la Papauté : Rabelais achève son
4. Heulhard, op. cit., p. 284.
5. Lettre de Rabelais à Geoffroy d'Estissac, Rome, 15 février 1536, dans
Plattard, op. cit., p. 251.
6. Cf. R. Marichal, Le dernier séjour de Rabelais à Rome dans Association
Guillaume Budé, Congrès de Tours et Poitiers, 1953, Paris (1954), p. 110 sq.
7. Sonnets LXXXIV-LXXXVI.
8. Marichal, Congrès, p. 125 sq.
9. V. L. Saulnier, Le dessein de Rabelais, Paris (1957), p. 125 »q. COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 688
livre au moment où ce qu'on appelle la « Crise gallicane » atteint son
paroxysme.
Il en a observé les prodromes à Rome même au cours des négo
ciations interminables, sans franchise d'aucun côté, qu'il a suivies
pendant tout son séjour. Après son départ, au vieux pape Paul III
a succédé le cardinal del Monte qui prit le nom de Jules III. Rabelais
le connaît bien. Il avait été élu grâce aux voix des cardinaux fran
çais ; on comptait sur sa reconnaissance ; or, en avril 1550, il fait
volte-face et se tourne vers Charles Quint. On sait la suite, comment
des deux côtés on s'échauffe, comment Henri II est à deux doigts de
soustraire le royaume à l'obédience du Pape et de créer un patriarche,
comment Jules III menace de l'excommunier ; puis, vers la fin de
l'année 1551, la fièvre tombe10.
Les deux escales les plus politiques du livre, les plus violentes, les
plus méprisantes pour la Papauté, sont celles aux îles des Pape-
figues, puis des Papimanes (XLV-LIV).
Les Papefigues sont des gens qui ont fait la « figue » — geste
obscène de dérision — au portrait du Pape, un jour de fête, en Papi-
manie. En punition, les Papimanes ont débarqué à l'improviste,
ravagé et ruiné toute l'île et taillé au fil de l'épée « tout homme
portant barbe » ; depuis lors rien n'a prospéré dans l'île livrée aux
diables. On voit avec vraisemblance dans ce saccage une évocation
du massacre des Vaudois de Mérindol et de Cabrières en 1545 qui fit
scandale11, mais ce n'est pas au pied du Lubéron que se déroule la
scène à laquelle assiste Pantagruel, c'est à Rome.
Un pauvre laboureur, à qui un jeune diableteau a assigné rendez-
vous pour un duel à coups de griffes, s'est réfugié, le jour venu, dans
une église au moment où débarquent nos voyageurs. « Voyans la
misère et calamité du peuple, nous dit Rabelais, plus avant entrer
ne voulusmes. Seulement pour prendre de l'eaue béniste et à Dieu
nous recommander, entrasmes dedans une petite chapelle près le
havre, ruinée, désolée et descouverte, comme est à Rome le temple
de sainct Pierre ». — Michel-Ange vient de prendre la direction des
travaux, la coupole est en cours de construction et ne sera achevée
que quarante ans plus tard ; mais notons la comparaison. — « En la
chapelle entrez et prenens de l'eaue beniste apperceusmes dedans le
benoistier un home vestu d'estolles et tout dedans l'eaue caché

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