Rhétorique et poésie à l époque de Chénier et de Chateaubriand - article ; n°1 ; vol.50, pg 139-157
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Rhétorique et poésie à l'époque de Chénier et de Chateaubriand - article ; n°1 ; vol.50, pg 139-157

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1998 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 139-157
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Edouard Guitton
Rhétorique et poésie à l'époque de Chénier et de Chateaubriand
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1998, N°50. pp. 139-157.
Citer ce document / Cite this document :
Guitton Edouard. Rhétorique et poésie à l'époque de Chénier et de Chateaubriand. In: Cahiers de l'Association internationale
des études francaises, 1998, N°50. pp. 139-157.
doi : 10.3406/caief.1998.1314
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1998_num_50_1_1314RHÉTORIQUE ET POESIE
À L'ÉPOQUE DES CHÉNIER ET
DE CHATEAUBRIAND
Communication de M. Edouard GUITTON
(Université de Rennes 2 Haute Bretagne)
au XLIXe Congrès de l'Association, le 9 juillet 1997
Un des mirages auxquels sont exposés les universitaires est
de prêter aux termes d'école une réalité ontologique, alors
qu'ils ne sont le plus souvent que des prête-noms, justifiés
par leur seule commodité : « rationalisme », « classicisme »,
« sensualisme » n'ont qu'une valeur de classement (1).
Cette mise en garde s'applique à plus forte raison au
« néo-classicisme », concept bâtard, équivoque, tardif, que
ses inventeurs, vers les années 1880, ont intercalé vaille
que vaille entre le rococo et le mouvement romantique,
afin de désigner « des œuvres d'art de la fin du XVIIIe et du
début du XIXe siècle « à une époque où elles étaient tom
bées en discrédit et où la notion même de résurgence clas
sique était suspecte »...» (2). « Le néo-classicisme existe-t-
il ? » Certainement pas, selon J. Chouillet (3). Dès lors,
(1) Jacques Chouillet, L'Esthétique des Lumières, Paris, PUF, 1974, p. 216.
(2) Hugh Honour, The Age of Nco-Classicism, Londres, 1972, Avant-propos,
p. XXII. Cité ibid., p. 1S7.
(3) J. Chouillet intitule ainsi la dernière partie du dernier chapitre de son
ouvrage (ibid., p. 186) et répond par la négative. 140 EDOUARD GUITTON
comment pourrait-on parler d'un « âge du néo-classici
sme » et d'après quels critères en fixer les contours ? La
définition donnée par le Petit Larousse de 1980 nous place
en pleine ambiguïté : « Tendance artistique et littéraire
inspirée de l'Antiquité classique ou du classicisme du XVIIe
siècle. Tendance qui retourne à un certain classicisme, par
réaction contre les audaces d'une période antérieure ». Si
encore il n'y avait qu'un classicisme, tout serait tellement
plus clair ! Classique, selon Furetière, « ne se dit guère que
des Auteurs qu'on lit dans les classes, dans les écoles, ou
qui y ont grande autorité », saint Thomas pour la théolo
gie, Aristote en philosophie, Cicéron et Virgile dans les
Humanités. Le terme s'est successivement appliqué « à
l'Antiquité gréco-latine, considérée comme le fondement
de la culture », puis, après 1800, aux auteurs du XVIIe
siècle « qui se signalent par l'ordre, la clarté, la mesure »
(4). Il en fut de même pour classicisme, mot forgé au XIXe
siècle et qui, avec le temps, « s'est chargé des idées d'har
monie, d'équilibre, de respect des règles reçues » (5). D'où
des emplois rétroactifs : on parle légitimement du class
icisme de Poussin, de Malherbe, voire de Descartes. Quant
à Boileau et Racine, sans doute seraient-ils bien étonnés
d'être devenus les parangons du classicisme français. En
revanche, le classicisme renaît de ses cendres chaque fois
qu'un artiste ou un courant en réactive les tendances : il y
a un classicisme du Parnasse, de Valéry, de Debussy. Il y a
même, on l'a souvent constaté, un classicisme fondament
al du romantisme français, d'autres diraient du génie
français. Mais, s'agissant de Saint-Saëns, de Richard
Strauss, de Stravinski, dira-t-on qu'ils étaient classiques
ou néo-classiques ?
A quoi tient donc la différence entre le classicisme et le
néo-classicisme, et pourquoi le dérivé s'imposait-il ? S'il
(4) Dictionnaire étymologique et historique de la langue française par E.
Baumgartner et Ph. Ménard, Paris, La Pochothèque, Librairie Générale
Française, 1996, art. Classique.
(5) Ibid., art. classicisme. ET POÉSIE 141 RHÉTORIQUE
définit une résurgence, un retour en arrière, un coup de
frein, l'accentuation de tendances conservatrices, double
ment problématiques apparaissent, à propos du néo-clas
sicisme, la nouveauté qu'on lui suppose (pourquoi ne pas
parler de rétroclassicisme ?) et le classicisme auquel on le
rattache (pourquoi ne pas dire néo-antique ?). Originale,
féconde, en revanche, la bipolarité qu'il implique : un
besoin de renouvellement et une aspiration à l'ordre, deux
tendances consubstantielles de l'esprit créateur. Sans
doute un concept a-t-il droit à l'existence du moment que
l'usage l'a consacré, à condition du moins qu'on sache le
maintenir dans des limites restrictives et prudentes (6) :
gare aux extensions de sens aussi indéterminées que la
cime des forêts ! Notion utilisée d'abord par les spécial
istes des arts picturaux et plastiques et appliquée à une
période bien définie avant d'être adoptée par les musicol
ogues, le néo-classicisme se caractérise par une dominant
e esthétique qui incline à chercher les secrets de sa mise
en application là où la littérature ne rougit pas de se lais
ser définir comme l'un des beaux-arts, dans les parages de
la rhétorique et de la poésie à la charnière du XVIIIe et du
XIXe siècle. Ce rétrécissement apparent du champ de
vision n'exclut pas la prise en compte des « innombrables
phénomènes de survivance et de coexistence qui sont la
matière même de l'histoire » (7).
*
*
L'art de la fin du xvnie siècle émane de ce que J. Chouillet
appelait, à juste titre, « l'Esthétique des Lumières ». Encore
(6) C'est ce que souhaitait, à propos du préromantisme, Jean Fabre qui dis
tinguait le mot, inadéquat, et la notion, « opérationnelle » et comme telle
pouvant « présenter une réelle commodité » (Le Préromantisme hypothèque ou
hypothèse, Colloque de Clermont-Ferrand, 1972, Paris, Klincksieck, 1975, p.
76).
(7) J. Chouillet, op. cit., p. 217. 142 EDOUARD GUITTON
convient-il de préciser la nature de cette filiation. En fa
isant naître d'un même œuf, en 1690, Lumières et Romant
isme, vrais dioscures de la pensée occidentale (8), Jean
Fabre, emporté par un élan de superbe générosité, a pas
sablement brouillé les pistes et rejeté dans l'ombre l'exi
stence, pourtant réelle, d'un vaste entre-deux. Nous
sommes si familiarisés avec la notion de classicisme, si
convaincus de sa pérennité à travers les siècles « depuis
qu'il y a des hommes, et qui pensent », que nous oublions
de nous demander à quel moment de l'histoire elle a pris
forme dans le cerveau des mortels. Or cet événement
paraît bien dater de la première moitié du XVIIIe siècle et
découler des découvertes de Newton et de la transformat
ion des mentalités qu'elles ont provoquée. Du classicisme
reconnu comme tel on pourrait dire en gros qu'il se
cherche au XVIIe siècle, se constitue au XVIIIe, se conceptual
ise et se définit au XIXe, et c'est alors qu'il apparaît dans
les dictionnaires. La normalité et la codification qu'il
implique présupposaient l'établissement d'une relation
d'intelligibilité entre le modèle et l'artiste et que la proport
ion, mot capital, se substitue à la disproportion caractéris
tique des époques antérieures. Le regard porté par l'esprit
sur le monde change radicalement : l'ancien rapport de
subordination à l'égard du surnaturel, encore si sensible
chez Pascal, Bossuet et même Racine, à l'égard des autori
tés religieuses, métaphysiques ou politiques, laisse la
place à un rapport d'égalité, celui que l'entendement
humain, éclairé par les sciences exactes et fort de leur
appui, établit entre les phénomènes qui l

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