Le Colonel Chabert de Angelo Yves
3 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
3 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Fiche produite par le Centre de Documentation du Cinéma[s] Le France.
Site : abc-lefrance.com

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 503
Langue Français

Extrait

Le Colonel Chabert
F de Yves Angelo
FICHE FILM
Fiche technique
France - 1993 - 1h50
Réalisateur :
Yves Angelo
Scénario :
Jean Cosmos
Yves Angelo
d'après le roman de
Honoré de Balzac
Interprètes :
Gérard Depardieu
Fanny Ardant
Fabrice Luchini Fanny Ardant dans Le Colonel Chabert
André Dussollier
Résumé Critique
Apparamment c’est, inspirée d’un roman Dans ce premier film surprenant, l'audace
de Balzac, I’histoire du héros d’Eylau. d’Yves Angelo c’est d’avoir fait de Chabert,
Laissé pour mort durant la bataille, le colo- sorti d’entre les morts, un véritable fantô-
nel Chabert revient, quelques années plus me. Un prétexte. Hitchcock appelait ça un
tard, dans ce Paris où il n’est plus rien. "McGuffin", un objet essentiel pour les
Louis XVIII a remplacé Napoléon. Et la héros de l’histoire mais pas pour les spec-
veuve du colonel, remariée, l’a spolié de tateurs. Sans trop s’en rendre compte,
tous ses biens. Un avocat accepte de Depardieu est devenu un McGuffin.
l’aider... Excellent, ça va sans dire.
Ce sont les autres qui mènent le jeu. Dans
des salons feutrés, un homme du pouvoir
(Claude Rich) susurre des conseils inélé-
gants qui permettent au comte Ferraud
(André Dussollier) de devenir pair de
France... Mais le vrai duel, le plus beau, le
plus cruel, oppose un avoué, Derville
L E F R A N C E
1D O C U M E N T S
(Fabrice Luchini) et une femme, la com- ment amplifiés par Pierre Benoît et puis- personnages, déchirés entre passion et
tesse Ferraud (Fanny Ardant). Lui, sorte samment habités par Raimu. On ne sau- raison, se brûlent. Lui se tient à distan-
de Talleyrand miniature, prétend rait faire les mêmes reproches au film ce. Sa mise en scène - rassurante,
défendre tout le monde, sans doute pour d’Yves Angelo, fidèle au livre jusqu’au confortable, en un mot académique - est
se prouver sa propre habileté. Elle, elle scrupule (si l’on excepte les quelques un modèle de prudence. Du coup, le spec-
se bat avec les seules armes que la scènes destinées à étoffer la figure du tateur ronronne. Il regarde cette belle et
société du temps lui autorise - I’argent comte Ferraud), et qui reconstitue de la cruelle histoire avec détachement.
et la beauté - pour acquérir la puissance manière la plus soigneuse l’atmosphère A quoi sert d’adapter Balzac si c’est
qui lui perrnettra de survivre. de la Restauration : pas un bouton de pour en donner une version tiédasse ? A
Cette lutte impitoyable et inégale pas- manchette, pas un détail plus vrai que quoi servent les décors somptueux si la
sionne. On en connaît l’issue, mais on nature ne fait défaut ; et Depardieu caméra s’y promène comme pour une
ne se lasse pas d’en suivre le déroule- emprunte le masque du mort-vivant visite guidée ? Pourquoi avoir choisi des
ment, comme dans une partie Chabert, après ceux de Rodin et de comédiens aussi magnifiques si c’est
d’échecs... Christophe Colomb, avec le même art pour les filmer avec un respect aussi
Pierre Murat protéiforme et anonyme qui le rend à la glaçant ? Aussitôt, tout se fige. La
Télérama n°2332 fois exemplaire et insaisissable... A caméra ne fait plus qu’enregistrer, à la
force de vouloir humaniser la mons- manière d’un constat, le travail des
trueuse comtesse Ferraud, Fanny Ardant comédiens. Et tous les personnages en
convainc moins ; elle manque de cette deviennent exsangues et transparents, àAdaptation
morgue un peu canaille qui faisait de l’image de Chabert-le-fantôme : des sil-
l’affrontement Marie Bell-Raimu un houettes qui bougent et parlent sans
L’adaptation faite du sombre et cruel
authentique combat de fauves. Au bout jamais nous émouvoir. Et lorsque la
univers balzacien ne néglige donc pas la
du compte, le film laisse un goût de per- caméra s’aventure dans le passé du
complexité et l’ambiguïté des person-
fection sans saveur, comme si Yves héros : catastrophe ! Soldats "plombés",
nages, au contraire, ce qui noircit
Angelo, chef opérateur passé à la réa- fumigènes, figurants en pagaille alignés
d’autant la peinture écœurée d’un
lisation, s’était perdu (en dépit de "pour faire riche". Séquences inutiles, qui,
monde où l’argent est un moyen de
quelques plans-séquences virtuoses) en l’illustrant, affaiblissent le récit de
pression et de marchandage social et
dans les détours juridiques et rhéto- Chabert.
amoureux. Mais là où le film fait preuve
riques du texte, sans jamais donner à On aura beau mettre en avant toutes les
de sensibilité et d’intelligence, c’est que
voir l’incroyable férocité de l’histoire. qualités du film, celles-ci ne valent rien
cette noirceur n’est ni cynique (réjouie, à
S’il évite les conventions du "grand sans une mise en scène qui les sublime.
la façon "voyez comme le monde est
spectacle" (on lui sait gré, notamment, Le Colonel Chabert n’est donc qu’une
pourri et les hommes mauvais !") ni
de filmer sans esbroufe l’évocation de la simple illustration, soignée mais sans
manichéenne. C'est une noirceur bles-
bataille d’Eylau), c’est pour renouer avec âme. Sans passion, sans courage, le
sée, mélancolique, presque compassion-
les traditions, certes plus honorables, de talent ne peut rien.
nelle.
la télévision de papa (telle que l'ont pré- Philippe Piazzo
Camille Taboulay
cisément illustrée d’irréprochables Télérama n°2332
Cahiers du Cinéma n°484
adaptations de Balzac : La Cousine
Bette, Le Curé de Tours…), avec une
espèce d'intimisme feutré qui aplanit Un film sur la mortBalzac n’a décidément pas de chance
toute démesure tragique, pour la rame-
avec le cinéma - qui ne l’a honoré
ner aux dimensions d'un bel objet sans
jusqu’ici que de ces adaptations dis- Le Colonel Chabert est aussi (ou sur-
vie et sans flamme.
tinguées où se réfugiaient les réalisa- tout ?) un film sur la mort, sur vivre (sur-
Positif (Octobre 1994)
teurs de l’Occupation : du meilleur (La vivre) en fantôme quand on n’a plus de
Duchesse de Langeais, Un seul place dans le jeu de la société (certaines
amour) au passable (Vautrin, La images du clochard Chahert, largué
Bien sûr, on peut toujours rêver ! Mais,
Rabouilleuse), il n’est jamais rien resté social, peuvent même ainsi résonner
en réalité, où est donc le mystère de ces
de la cruauté balzacienne que sa car- dans la réalité contemporaine) et sur le
héros balzaciens que Pierre Murat, bou-
casse mélodramatique : la version 1943 dérisoire de ce jeu. Le charnier du
leversé, a cru voir sur l’écran ? Nulle
du Colonel Chabert ne reposait ainsi champ de bataille bleu et ocre où les
part. Car Yves Angelo est paralysé. Ses
que sur des "coups de théâtre", habile- cadavres s’empilent fait clairement écho
L E F R A N C E
SALLE D'ART ET D'ESSAI
CLASSÉE RECHERCHE
8, RUE DE LA VALSE
42100 SAINT-ETIENNE
77.32.76.96 2
RÉPONDEUR : 77.32.71.71
Fax : 77.25.11.83D O C U M E N T S
aux piles de dossiers dans l’étude en
boiseries bien cirées de l’avoué Derville.
Entre ces deux cimetières, que de vio-
lents mais vains combats... Et dans ces
deux cimetières, Chabert, mort deux
fois, a laissé un peu de lui-même.
Cette force sombre, ce goût de terre,
parviennent à tirer le film un peu au-
dessus de son emballage qui reste par
ailleurs classique, même esthétisant et
volontiers théâtral. La mise en scène
fonctionne par tableaux ; tableaux
composés de corps, de décors ou de
paysages portés par des morceaux de
musique, alternant avec les tableaux où
les acteurs viennent jouer leur scène.
Influencé par la peinture et la musique,
Angelo a cependant visiblement cherché
à appliquer ces traditionnels ingrédients
(ou stimulants) du film d’époque avec
rigueur. Le décor est ainsi filmé moins
pour exalter sa richesse que pour accu-
ser le vernis moiré d’un pourrissement
en marche, ou comme l’accessoire
trompe-I’œil du sujet principal qui est le
néant, le silence (traversé par les diffé-
rentes voix troublantes des acteurs), les
fantômes.
Camille Taboulay
Cahiers du Cinéma n°484
Yves Angelo
Le Colonel Chabert : Premier film du
chef-opérateur Yves Angelo qui a tra-
vaillé avec des cinéastes aussi divers
qu’Alain Corneau, Bertrand Van
Effenterre, François Dupeyron ou Claude
Miller

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents