La Marseillaise de la Paix (RDDM)
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La Marseillaise de la PaixAlphonse de LamartineRevue des Deux Mondes4ème série, tome 26 1841La Marseillaise de la Paix (RDDM)Le poète allemand Becker vient de publier et de dédier à M. de Lamartine unrecueil de poésies où il a inséré le chant national qui a eu cet hiver un si grandretentissement sur les bords du Rhin, et qu’on a appelé la Marseillaise del’Allemagne : « Non, les Français ne l’auront pas, le libre Rhin allemand ! » M. deLamartine vient d’y répondre par les vers suivans qu’il intitule la Marseillaise de laPaix. Nous donnons ici les deux pièces, afin que nos lecteurs puissent apprécierles deux points de vue, et faire la part des circonstances dont chaque poète s’estinspiré. M. de Lamartine est une de ces voix pour lesquelles, amis politiques oudissidens, il n’y a qu’admirateurs.LE RHIN ALLEMAND« Ils ne l’auront pas, le libre Rhin allemand, quoiqu’ils le demandent dans leurs criscomme des corbeaux avides.« Aussi long-temps qu’il roulera paisible, portant sa robe verte, aussi longtempsqu’une rame frappera ses flots,« Ils ne l’auront pas, le libre Rhin allemand, aussi long-temps que les cœurss’abreuveront de son vin de feu ;« Aussi long-temps que les rocs s’élèveront au milieu de son courant, aussi long-temps que les hautes cathédrales se reflèteront dans son miroir.« Ils ne l’auront pas, le libre Rhin allemand, aussi long-temps que de hardis jeunesgens feront la cour aux jeunes filles élancées.« Ils ne l’auront pas , le libre Rhin ...

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La Marseillaise de la Paix Alphonse de Lamartine
Revue des Deux Mondes 4ème série, tome 26 1841 La Marseillaise de la Paix (RDDM)
Le poète allemand Becker vient de publier et de dédier à M. de Lamartine un recueil de poésies où il a inséré le chant national qui a eu cet hiver un si grand retentissement sur les bords du Rhin, et qu’on a appeléla Marseillaise de l’Allemagne : « Non, les Français ne l’auront pas, le libre Rhin allemand ! » M. de Lamartine vient d’y répondre par les vers suivans qu’il intitule laMarseillaise de la Paix. Nous donnons ici les deux pièces, afin que nos lecteurs puissent apprécier les deux points de vue, et faire la part des circonstances dont chaque poète s’est inspiré. M. de Lamartine est une de ces voix pour lesquelles, amis politiques ou dissidens, il n’y a qu’admirateurs.
LE RHIN ALLEMAND
« Ils ne l’auront pas, le libre Rhin allemand, quoiqu’ils le demandent dans leurs cris comme des corbeaux avides. « Aussi long-temps qu’il roulera paisible, portant sa robe verte, aussi longtemps qu’une rame frappera ses flots, « Ils ne l’auront pas, le libre Rhin allemand, aussi long-temps que les cœurs s’abreuveront de son vin de feu ;
« Aussi long-temps que les rocs s’élèveront au milieu de son courant, aussi long-temps que les hautes cathédrales se reflèteront dans son miroir. « Ils ne l’auront pas, le libre Rhin allemand, aussi long-temps que de hardis jeunes gens feront la cour aux jeunes filles élancées. « Ils ne l’auront pas , le libre Rhin allemand, jusqu’à ce que les ossemens du dernier homme soient ensevelis dans ses vagues. »
REPONSE A M. BECKER
Roule libre et superbe entre tes larges rives, Rhin, Nil de l’Occident, coupe des nations ! Et des peuples assis qui boivent tes eaux vives Emporte les défis et les ambitions !
Il ne tachera plus le cristal de ton onde, Le sang rouge du Franc, le sang bleu du Germain ; Ils ne crouleront plus sous le caisson qui qronde, Ces ponts qu’un peuple à l’autre étend comme une main ! Les bombes et l’obus, arc-en-ciel des batailles, Ne viendront plus s’éteindre en sifflant sur tes bords ; L’enfant ne verra plus, du haut de tes murailles, Flotter ces poitrails blonds qui perdent leurs entrailles, Ni sortir des flots ces bras morts !
Roule libre et limpide, en répétant l’image De tes vieux forts verdis sous leurs lierres épais, Qui froncent tes rochers, comme un dernier nuage Fronce encor les sourcils sur un visage en paix !
Ces navires vivants dont la vapeur est l’âme Déploieront sur ton cours la crinière du feu ;
L’écume à coups pressés jaillira sous la rame ; La fumée en courant lèchera ton ciel bleu. Le chant des passagers, que ton doux roulis berce, Des sept langues d’Europe étourdira tes flots, Les uns tendant leurs mains avides de commerce,
Les autres allant voir, aux monts où Dieu te verse, Dans quel nid le fleuve est éclos.
Roule libre et béni ! Ce Dieu qui fond la voûte Où la main d’un enfant pourrait te contenir, Ne grossit pas ainsi ta merveilleuse goutte Pour diviser ses fils, mais pour les réunir !
Pourquoi nous disputer la montagne ou la plaine ? Notre tente est légère, un vent va l’enlever ; La table où nous rompons le pain est encor pleine, Que la mort, par nos noms, nous dit de nous lever ! Quand le sillon finit, le soc le multiplie ; Aucun &oelig ;il du soleil ne tarit les rayons ; Sous le flot des épis la terre inculte plie : Le linceul, pour couvrir la race ensevelie, Manque-t-il donc aux nations ?
Roule libre et splendide à travers nos ruines, Fleuve d’Arminius, du Gaulois, du Germain ! Charlemagne et César, campés sur tes collines, T’ont bu sans t’épuiser dans le creux de leur main.
Et pourquoi nous ha&iuml ;r, et mettre entre les races Ces bornes ou ces eaux qu’abhorre l’&oelig ;il de Dieu ? De frontières au ciel voyons-nous quelques traces ? Sa voûte a-t-elle un mur, une borne, un milieu ? Nations, mot pompeux pour dire barbarie, L’amour s’arrête-t-il où s’arrêtent vos pas ? Déchirez ces drapeaux ; une autre voix vous crie :
L’égo&iuml ;sme et la haine ont seuls une patrie ; La fraternité n’en a pas ! &raquo ;
Roule libre et royal entre nous tous, ô fleuve ! Et ne t’informe pas, dans ton cours fécondant, Si ceux que ton flot porte ou que ton urne abreuve Regardent sur tes bords l’aurore ou l’occident.
Ce ne sont plus des mers, des degrés, des rivières, Qui bornent l’héritage entre l’humanité : Les bornes des esprits sont leurs seules frontières ; Le monde en s’éclairant s’élève à l’unité. Ma patrie est partout où rayonne la France, Où son génie éclate aux regards éblouis ! Chacun est du climat de son intelligence ; Je suis concitoyen de tout homme qui pense : La vérité, c’est mon pays !
Roule libre et paisible entre ces fortes races Dont ton flot frémissant trempa l’âme et l’acier, Et que leur vieux courroux, dans le lit que tu traces, Fonde au soleil du siècle avec l’eau du glacier !
Vivent les noble fils de la grave Allemagne ! Le sang-froid de leurs fronts couvre un foyer ardent ; Chevaliers tombés rois des mains de Charlemagne, Leurs chefs sont les Nestors des conseils d’Occident. Leur langue a les grands plis du manteau d’une reine, La pensée y descend dans un vague profond ; Leur c&oelig ;ur sûr est semblable au puits de la sirène, Où tout ce que l’on jette, amour, bienfait ou haine, Ne remonte jamais du fond.
Roule libre et fidèle entre tes nobles arches, Ô fleuve féodal, calme mais indompté !
Verdis le sceptre aimé de tes rois patriarches : Le joug que l’on choisit est encor liberté.
Et vivent les essaims de la ruche de France, Avant-garde de Dieu, qui devancent ses pas !
Comme des voyageurs qui vivent d’espérance, Ils vont semant la terre, et ne moissonnent pas . . . Le sol qu’ils ont touché germe fécond et libre ; Ils sauvent sans salaire, ils blessent sans remord : Fiers enfants, de leur c&oelig ;ur l’impatiente fibre Est la corde de l’arc où toujours leur main vibre Pour lancer l’idée ou la mort !
Roule libre, et bénis ces deux sangs dans ta course ; Souviens-toi pour eux tous de la main d’où tu sors : L’aigle et le fier taureau boivent l’onde à ta source ; Que l’homme approche l’homme, et qu’il boive aux deux bords !
Amis, voyez là-bas ! &mdash ; La terre est grande et plane ! L’Orient délaissé s’y déroule au soleil ; L’espace y lasse en vain la lente caravane, La solitude y dort son immense sommeil ! Là, des peuples taris ont laissé leurs lits vides ; Là, d’empires poudreux les sillons sont couverts : Là, comme un stylet d’or, l’ombre des Pyramides Mesure l’heure morte à des sables livides Sur le cadran nu des déserts !
Roule libre à ces mers où va mourir l’Euphrate, Des artères du globe enlace le réseau ; Rends l’herbe et la toison à cette glèbe ingrate : Que l’homme soit un peuple et les fleuves une eau !
Débordement armé des nations trop pleines, Au souffle de l’aurore envolés les premiers, Jettons les blonds essaims des familles humaines Autour des n&oelig ;uds du cèdre et du tronc des palmiers ! Allons, comme Joseph, comme ses onze frères, Vers les limons du Nil que labourait Apis, Trouvant de leurs sillons les moissons trop légères, S’en allèrent jadis aux terres étrangères Et revinrent courbés d’épis !
Roule libre, et descends des Alpes étoilées L’arbre pyramidal pour nous tailler nos mâts, Et le chanvre et le lin de tes grasses vallées ; Tes sapins sont les ponts qui joignent les climats.
Allons-y, mais sans perdre un frère dans la marche, Sans vendre à l’opresseur un peuple gémissant, Sans montrer au retour aux yeux du patriarche, Au lieu d’un fils qu’il aime, une robe de sang ! Rapportons-en le blé, l’or, la laine et la soie, Avec la liberté, fruit qui germe en tout lieu ; Et tissons de repos, d’alliance et de joie L’étendard sympathique où le monde déploie L’unité, ce blason de Dieu !
Roule libre, et grossis tes ondes printanières, Pour écumer d’ivresse autour de tes roseaux : Et que les sept couleurs qui teignent nos bannières, Arc-en-ciel de la paix, serpentent dans tes eaux !
AL. DE LAMARTINE.
Saint-Point, 28 mai 1841.
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