La France en 2025, vue par Pierre Moscovici
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29/07/2013 LA FRANCE EN 2025 Contribution MINEF1 Que sera devenue la France en 2025 ? Que risque-t-elle, si nous échouons ? Et que pourrait-elle devenir, si nous réussissons ? Il est essentiel de fixer un cap à moyen terme. Un cap à dix ans, parce qu'on ne peut accepter les sacrifices que si, au moment même où on les consent, on en perçoit le sens et le terme. Un cap à dix ans, parce qu'il faut d'urgence - nous ne l'avons pas encore assez fait - parler à la jeunesse, à la génération qui n'a connu que la crise et à la suivante, celle qui sent, qui croit déjà, confusément, qu'elle n'en sortira pas. Pour leur montrer que leur avenir ne sera pas nécessairement moins généreux ni moins solidaire que le passé de leur parents, pour peu que l'on retrouve en France la dynamique du progrès technique, économique et social. L'exercice est risqué. Il pourrait même paraître artificiel, s'il dérive vers une politique- publique-fiction ou s'il oublie qu'avant de fixer des cibles à dix ans, il faut tenir nos engagements à cinq ans. Mais il est salutaire pour le politique qui a perdu, depuis longtemps, le sens de la durée. Et qui, dans l'immédiateté, semble avoir oublié les éléments constitutifs de « l'identité de la France » et applique, trop souvent, des formules toutes-faites et inadaptées. I - Le péril est grand. Un péril macro-géo-économique, d'abord, à présent que nous sommes pleinement entrés dans « le temps du monde.

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Publié le 04 avril 2014
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Langue Français

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29/07/2013
LA FRANCE EN 2025 Contribution MINEF1
Que sera devenue la France en 2025 ? Que risquetelle, si nous échouons ? Et que pourraitelle devenir, si nous réussissons ? Il est essentiel de fixer un cap à moyen terme.Un cap à dix ans, parce qu'on ne peut accepter les sacrifices que si, au moment même où on les consent, on en perçoit le sens et le terme. Un cap à dix ans, parce qu'il faut d'urgence  nous ne l'avons pas encore assez fait  parler à la jeunesse, à la génération qui n'a connu que la crise et à la suivante, celle qui sent, qui croit déjà, confusément, qu'elle n'en sortira pas. Pour leur montrer que leur avenir ne sera pas nécessairement moins généreux ni moins solidaire que le passé de leur parents, pour peu que l'on retrouve en France la dynamique du progrès technique, économique et social. L'exercice est risqué. Ilpourrait même paraître artificiel, s'il dérive vers une politique publiquefiction ou s'il oublie qu'avant de fixer des cibles à dix ans, il faut tenir nos engagements à cinq ans. Mais il est salutaire pour le politique qui a perdu, depuis longtemps, le sens de la durée. Et qui, dans l'immédiateté, semble avoir oublié les éléments constitutifs de « l'identité de la France » et applique, trop souvent, des formules toutesfaites et inadaptées. I  Le péril est grand. Un péril macrogéoéconomique, d'abord, à présent que nous sommes pleinement entrés dans « le temps du monde. » Sila grande croissance des pays émergents se poursuit, chaque pays européen, pris isolément, verra sa taille et son influence se réduire. En 2022, l'ordre des pays, selon leur P1B en milliards de dollar, sera le suivant EtatsUnis (23,5), Chine (19,5), Japon (7,4), Inde (5) et Brésil (4,4). L'Allemagne devrait passer de la quatrième place en 2012 à la sixième, et la France à la huitième ou neuvième place, au coude à coude, comme toujours, avec le Royaume Uni. La France va donc voir son poids relatif se réduire inexorablement dans les jeux de l'échange international. Et même si le modèle productif des grands émergents se transforme rapidement, passant de la fabrication à faible coût de biens à faible valeur ajoutée à celle de biens et de services enrichis, qu'ils vendront d'abord à leurs propres classes moyennes, il est probable qu'en 2025, la pression sur les travailleurs les moins qualifiés des économies avancées ne se sera réduite que marginalement, sans permettre encore des créations massives d'emplois. Un péril démographique et social ensuite va bouleverser nos « structures du quotidien. »En 2025, un tiers de la population française aura plus de soixante ans et la France n'aura pas encore commencé à rajeunir, phénomène qui n'interviendra qu'après la disparition des générations du babyboom. Un choc majeur va donc frapper la société française : le tiers des personnes en emploi en 2005 aura quitté le marché du travail en 2020 et ce n'est qu'en 2035 que le nombre d'actifs recommencera à augmenter en France, sauf immigration massive. Avec deux conséquences immédiates la nécessité d'augmenter massivement la création d'emplois au cours de la prochaine décennie — seul un
doublement du rythme des créations nettes d'emplois observées dans les vingt dernières années pourrait permettre de garantir l'équilibre de nos comptes sociaux ! — et l'urgence d'adapter notre société au vieillissement, qui va transformer notre système de santé et, surtout, nos régimes de retraite. Un péril microéconomique et technologique enfin, si nous n'entrons pas tous dans la nouvelle « dynamique du capitalisme.»vivons les prodromes d'une nouvelle Nous phase de la révolution industrielle, dont le moteur principale est l'émergence de la société numérique. Nous n'avons pas pris encore la mesure de l'impact sur les secteurs traditionnels, y compris les administrations publiques, de cette transformation radicale des processus de production, de distribution et de commercialisation. Cette dynamique est portée, dans les pays qui en profitent à plein, par une accumulation massive du capital financier, technologique et humain dans le secteur du numérique. Accumulation que vient démultiplier la mondialisation financière l'ouverture du marché des capitaux chinois, que Pékin prépare lentement mais sûrement, pourrait bien parachever le retour de la Chine au premier rang de l'économie mondiale. Ces trois périls, inévitables, ne sont pas pour autant inéluctables, pour peu que l'on sache s'y préparer et éviter, d'ici 2025, une décennie perdue de déflation et de mécroissance. Seul un environnement favorable à l'investissement, reposant sur une coordination plus étroite des politiques économiques et budgétaires à l'échelle européenne, le renforcement indispensable des gains de productivité et la réorientation de l'appareil productif par un investissement massif à court terme dans l'innovation, permettra d'éviter ces périls. II — Tout est possible, si nous savons fixer et tenir trois objectifs : retrouver le plein emploi, renouveler nos solidarités et conforter notre souveraineté pour mieux la partager. Carc'est en articulant, systématiquement, l'Europe et la France que nous pourrons susciter suffisamment d'adhésion pour un élan de dix ans. a)Le plein emploi, aujourd'hui inimaginable, est un objectif réaliste.L'Allemagne est au plein emploi, et d'autres pays qui ont connu un chômage de masse ont su également améliorer nettement leur situation. Pourquoi pas la France, si nous savons faire des choix dynamiques pour notre économie, donnant la priorité à l'emploi des jeunes et des seniors ? Le choix de l'Europe d'abord et toujours. Dixpays membres de l'Union Européenne figureront encore parmi les trente premières économies mondiales et leur PIB cumulé en 2022 atteindrait 18,7 milliards. En ajoutant la richesse des autres membres de l'UE, les Européens resteront en 2025 devant la Chine. La question est donc de savoir si, dans dix ans, l'Union européenne sera pleinement devenue une grande économie unifiée et dynamique, ou restera une collection d'économies trop souvent désaccordées. Si nous savons bâtir un ensemble coordonné et dynamique, les débats d'aujourd'hui sur le bon policymix n'auront plus lieu d'être et la gouvernante européenne saura fixer et adapter de façon plus rapide et pertinente la politique macroéconomique de la zone. Et l'Europe attirera à nouveau l'épargne mondiale nécessaire, en complément de son épargne domestique, à l'accumulation du capital primaire utile à la révolution industrielle en cours.
Le choix d'une économie diversifiée, susceptible de répondre à la demande internationale de demain.Prenons garde à ne pas faire l'erreur stratégique de copier le modèle allemand actuel et de chercher, à grand renfort d'argent public, à reconstruire une industrie perdue. Le modèle allemand repose aujourd'hui sur un positionnement dans le commerce mondial, sans doute idéal à court terme, mais qui ne correspondra plus à l'état de l'économie mondiale dans dix ans. Il devra luiaussi s'adapter en profondeur. L'émergence des classes moyennes des nouvelles économies mondiales, y compris dans l'Afrique voisine, va modifier la structure même de la demande mondiale dans dix ans, le potentiel d'importations supplémentaires au niveau mondial aura augmenté de 3 400 milliards d'euros, soit une hausse de plus de 40% par rapport à 2012. Schématiquement, les grands émergents, aujourd'hui fortement consommateurs de biens d'équipement — qui font la fortune du commerce extérieur allemand — vont voir leur demande se rapprocher davantage de la nôtre. La France doit donc s'inspirer de l'Allemagne en termes de performance et de compétitivité et privilégier des segments plus hauts dans la chaîne de valeur internationale, mais sans se focaliser sur les mêmes priorités sectorielles. Nous avons de formidables atouts pour répondre à la nouvelle demande mondiale, qu'il s'agisse du secteur pharmaceutique, des services financiers, de la grande distribution ou des secteurs de la gestion de l'eau et des transports. A nous de capitaliser sur ces points forts pour que la France soit l'un des fournisseurs des classes moyennes émergées en 2025. Sans manquer de soutenir massivement le développement de la société numérique en France et les entreprises de ce secteur. Le choix d'un consumérisme durable. Il est artificiel de séparer une politique de l'offre, indispensable, et notre attention à la demande de biens et de services. Après l'entrée en vigueur du dispositif d'action de groupe, la France saura concilier les intérêts de protection des consommateurs avec ceux des producteurs, et promouvoir un modèle de consommation durable. Les mesures pour renforcer le recyclage des produits et l'orientation vers des modes de consommation plus durables, associés à des exigences de qualité pour les produits fabriqués en France, comme les indications géographiques, sont de nature à lutter contre l'expansion d'une économie systématiquement « low cost. » Le choix de poursuivre la réforme du marché du travail.de 2013 sera, L'ANI espéronsle, l'événement fondateur, à partir duquel d'autres négociations entre partenaires sociaux auront été rendues possibles, pour lutter contre la segmentation de notre marché du travail, contre les régulations paralysantes, tout en renforçant les protections dynamiques. En 2025, la formation professionnelle aura été réformée en profondeur pour offrir à chacun plus de mobilité et de perspectives professionnelles. La démocratie sociale devra aussi se rénover, avec la généralisation d'incitations à l'adhésion, comme le chèque syndical, et le développement d'un syndicalisme de services. b) Une solidarité renouvelée est la condition de notre sursaut. La spécificité de l'Europe et de la France, c'est son modèle social. Les dépenses sociales représentent 12% du PIB de la zone euro, contre 7% aux EtatsUnis, et les dépenses publiques dans le PIB respectivement 45% en moyenne dans la zone euro contre 32% aux EtatsUnis et 33% au Japon seulement. Le succès de la France dépendra donc, en grande partie, de notre capacité à moderniser nos services publics et à leur redonner l'agilité promise par la révolution
numérique.Les sociétés qui ont confiance dans leur avenir sont celles qui ont su rénover leur Etat providence et celles qui sont en train de le construire. Avec 57 % du PIB, nos dépenses publiques pèsent excessivement sur notre compétitivité, pour une performance qui n'est pas optimales, en comparaisons internationales. Nous avons des marges de manœuvre importantes pour améliorer la qualité du service public, tout en réduisant ses coûts. A titre d'exemple, en 2025, l'administration fiscale pourrait avoir entièrement dématérialisé la déclaration, le paiement et le contrôle de premier niveau des déclarations. Ce qui ne signifie pas, tout au contraire, l'absence de lieux d'accueil des contribuables. Les agents pourront alors concentrer leur action au service des contribuables, notamment des plus fragiles et au contrôle de cohérence des données dont ils disposent, ainsi qu'au contrôle des fraudes complexes et déterminées par analyse croisée (datamining). De même, la relation de confiance pourrait être devenue le mode normal de relation entre l'administration fiscale et les entreprises, leur assurant une garantie sur leur cadre fiscal et limitant les risques contentieux. Plus largement, la France pourrait, en 2025, avoir réformé dans la durée sa fiscalité pour la rendre plus juste, plus simple et globalement allégée. Plus juste, si elle taxe mieux les rentes et incite l'activité à se développer en pesant moins sur les coûts de production. Plus juste aussi, si elle est plus régulièrement progressive, sur les revenus comme sur le patrimoine. Plus simple, si de nombreuses petites taxes au rendement faible sont supprimées et si les «grands impôts » ont vu leurs modalités d'établissement et de paiement simplifiées et retenues à la source. Les phénomènes de rentes, qu'elles soient fiscales ou statutaires, devront été réduits, pour redonner de la confiance à la société française. La France poursuivra aussi ses efforts de coordination européenne accrue en matière fiscale, en commençant par une harmonisation effective de l'imposition des entreprises. En 2025, la France sera la référence mondiale en ternies d'innovations sociales.Des services sociaux innovants répondront aux besoins de nos concitoyens. Une génération nouvelle d'entrepreneurs sociaux aura élaboré ces réponses en coconstruction avec les citoyens, grâce à des entreprises solidaires d'utilité sociale au sein desquelles la gouvernante sera démocratique et les bénéfices réinvestis au service des projets. Ces entreprises solidaires bénéficieront d'une fiscalité favorable et adaptée à leur fonctionnement solidaire et démocratique. Cette révolution de l'entrepreneuriat social aura permis à la France de répondre aux défis de la dépendance et du handicap, de l'insertion des personnes éloignées de l'emploi, des circuits courts alimentaires, de la création de logements abordables et durables et de la production d'énergie propre, grâce à un renouveau coopératif et associatif. c) Enfin, en confortant sa souveraineté économique, budgétaire et financière, la France a retrouvé des marges de manœuvre et sa capacité d'initiative en Europe. Avec plus de 50 milliards d'euros de charge de la dette, les contraintes que nous imposent les marchés sont devenues excessives et limitent notre capacité à conduire des réformes et à mener une transformation sociale à l'échelle pertinente. La France de 2025 aura pleinement recouvré sa souveraineté budgétaire, c'estàdire l'équilibre structurel de ses
comptes. Elle aura alors la latitude nécessaire pour investir dans les secteurs prioritaires, dans le respect d'une trajectoire de croissance des dépenses publiques inférieure à sa croissance potentielle. Les comptes sociaux pourront alors être ramenés à l'équilibre, pour refaire du modèle social français une référence en Europe. La France aura trouvé une capacité nouvelle à redéployer des ressources, en responsabilisant l'ensemble des acteurs publics, sous l'autorité de l'Etat. La France en 2025 n'aura pas de difficultés à placer sa dette, revenue à un niveau proche du seuil fixé à Maastricht. Souveraine, la France pourra aller plus loin dans le partage de sa souveraineté, en jouant un rôle plus actif encore dans la définition d'une politique économique, financière et budgétaire harmonisée en Europe.consolidation de la zone euro et La une meilleure maîtrise de la finance seront des acquis en 2025, après avoir réalisé l'union bancaire, lutté contre la fraude fiscale et mis en place de nouveaux instruments de solidarité. La zone euro devra disposer à l'avenir d'un budget incluant des dépenses sociales, en commençant par l'assurance chômage. La question de la mutualisation des dettes souveraines, d'abord des eurobills et/ou la mise en place d'un fond de rédemption, devra être reposée avant 2025, dans le cadre d'une gouvernante rénovée de la zone euro avec une représentation au Parlement européen, un ministre des finances et un Trésor européens. L'Europe doit retrouver la capacité collective à conduire des projets de grande ampleur pour faire émerger en Europe les technologies de demain.Elle doit donner la priorité à une stratégie d'investissement garantissant l'indépendance et la transition énergétique. La raréfaction des matières premières non renouvelables et des énergies fossiles est une source d'inquiétude pour nos concitoyens et pèse sur la compétitivité de nos entreprises. Notre continent a épuisé ses réserves et doit désormais importer ce qu'il consomme, à grand frais lorsque l'économie mondiale redémarre. L'orientation des investissements vers le secteur énergétique porte la double ambition de la compétitivité de notre économie et du caractère durable de son développement. ** * Tracer une perspective jusqu'en 2025 n'a de sens que si nous parvenons à faire comprendre aux Français que les décisions difficiles que nous prenons, en ce début de cette mandature, contribueront à atteindre la cible ainsi définie.Le réformisme de gauche, dont nous sommes les champions, en France et en Europe, n'est ni un conservatisme immobile — critique paresseuse de la droite française — ni la simple gestion, sans vision, d'une conjoncture durablement déprimée — critique désespérée de l'ultragauche. C'est en promouvant la démocratie sociale et la concertation et en fixant un double cap, à cinq et à dix ans, que le réformisme de gauche démontrera la cohérence des résultats qu'elle obtient. www.lescrises.frd’après LePoint.fr
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