Deux décisions judiciaires canadiennes récentes sur le droit à la mort. Monsieur le juge puis-je mourir? - article ; n°3 ; vol.46, pg 909-919
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Deux décisions judiciaires canadiennes récentes sur le droit à la mort. Monsieur le juge puis-je mourir? - article ; n°3 ; vol.46, pg 909-919

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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1994 - Volume 46 - Numéro 3 - Pages 909-919
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 19
Langue Français

Extrait

Mme Sylvette Guillemard
Deux décisions judiciaires canadiennes récentes sur le droit à la
mort. Monsieur le juge puis-je mourir?
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°3, Juillet-septembre 1994. pp. 909-919.
Citer ce document / Cite this document :
Guillemard Sylvette. Deux décisions judiciaires canadiennes récentes sur le droit à la mort. Monsieur le juge puis-je mourir?. In:
Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°3, Juillet-septembre 1994. pp. 909-919.
doi : 10.3406/ridc.1994.4920
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1994_num_46_3_4920ACTUALITES-INFORMATIONS 909
nal de s'engouffrer (8) dans le système juridique hongrois ; il reste à voir comment
l'écluse va fonctionner les années à venir.
Vanda LAMM et
Andrâs BRAGYOVA
Institut des sciences juridiques de Hongrie
(8) La Cour Suprême hongroise par ex. a mis en place à partir du 1er avril 1994 une
section de droit international, dont le but est d'assister les juges de la Cour Suprême et
les instances inférieures dans l'application des normes de droit international. Cela concerne,
en l'occurrence, les conventions sur les droits de l'homme touchant aux procédures pénale,
civile et administrative (il n'existait pas en Hongrie de tribunaux administratifs séparés).
DEUX DÉCISIONS JUDICIAIRES CANADIENNES
RÉCENTES SUR LE DROIT A LA MORT
MONSIEUR LE JUGE, PUIS-JE MOURIR ?
INTRODUCTION
Depuis quelques années, des justiciables s'adressent aux tribunaux pour leur
demander l'autorisation de mourir. Autres temps, autres mœurs. Autrefois, la
majorité des hommes attendaient simplement que la dame en noir viennent frapper
à leur porte et personne n'aurait eu l'idée de faire intervenir l'État dans ce dernier
rendez-vous. De nos jours, les mentalités changent, certes moins vite que les
progrès scientifiques et technologiques. Le droit, quant à lui, a souvent bien du mal
à évoluer au même rythme que les transformations de la société. Par conséquent, les
hommes ont parfois des attentes ou des désirs que la loi n'admet pas ou, tout
simplement, ignore. Il en est ainsi de la volonté de mettre fin à ses jours dans
certaines circonstances, en particulier lorsque le passage dans l'au-delà nécessite
une intervention humaine, intervention du sujet ou d'un tiers.
Nous venons de parler de la mort avec intervention du sujet, il s'agit évidem
ment du suicide. Dans un passé proche, le suicide était un acte criminel au Canada.
Pour des raisons pratiques, dirons-nous, c'était la tentative de suicide qui était
criminellement reprehensible. Il y avait des raisons spirituelles et temporelles à
cela. L'être humain, le citoyen était un sujet de Dieu et un sujet du roi. Pour ce
qui est de Dieu, c'est lui qui choisit l'heure de la mort des hommes et non eux-
mêmes. Donc se suicider, c'était s'arroger une prérogative de Dieu. Du point de
vue civil, quiconque se suicidait supprimait au roi un de ses sujets.
Signalons au passage que dans l'Antiquité, les opinions étaient déjà partagées,
certains considérant que le suicide était justement un crime contre les dieux et
l'État, d'autres, comme les stoïciens, pensant au contraire que le suicide était une
expression rationnelle de la liberté individuelle et même un acte de sagesse dans
certains cas, parmi lesquels la vieillesse, la maladie, le déshonneur.
C'est en 1972, au Canada, que la tentative de suicide a été décriminalisée.
Il semblerait que ce changement ne soit pas dû à des raisons purement juridiques. 910 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 3-1994
C'est plutôt parce que la solution — pour certains, la sanction — relève de la
morale ou de la religion plus que du droit.
Le droit à la mort avec intervention d'un tiers reste un sujet beaucoup plus
controversé. Il a récemment donné lieu à de nombreux débats, tant parmi la
population canadienne que devant les tribunaux, en raison, principalement, en
l'espace de moins de deux ans, de deux demandes adressées aux juges d'un
océan à l'autre. Il nous a semblé intéressant de les analyser de façon parallèle
et comparative parce que, à première vue et pour bien des gens, ce sont des cas
qui se ressemblent. En effet, les deux demanderesses souhaitaient pouvoir décider
du moment de leur mort et que celle-ci vienne autrement que par le suicide. Nous
allons essayer d'expliquer pourquoi et comment les juges en sont arrivés à deux
résultats totalement opposés puisque dans le cas de Nancy B., les tribunaux ont
accédé à sa demande (1), c'est-à-dire de « se faire débrancher », alors que dans
le cas de Sue Rodriguez, les tribunaux du Canada et en particulier la Cour
Suprême, récemment, ont rejeté sa requête qui portait sur le suicide assisté (2).
Nous présentons ici le point de vue juridique mais il est certain que tout le
monde doit contribuer à faire avancer la réflexion, les médecins, les éthiciens,
les sociologues, les psychologues, les anthropologues, les travailleurs sociaux...
Nancy B.
Nancy B. est jeune femme de 25 ans, atteinte de paralysie motrice, due au
syndrome de Guillain Barré. En juin 89, elle est intubée et branchée à un respirateur
et ainsi confinée à un lit d'hôpital. Le système de respirateur est essentiel à sa
vie. Les facultés intellectuelles de la jeune femme sont intactes ; elle connaît
l'irréversibilité de sa maladie et demande que le traitement de soutien respiratoire
soit interrompu. Elle aurait pu vivre longtemps branchée au respirateur. Par contre,
selon l'opinion des experts venus témoigner devant le tribunal et de l'avis même
de son médecin traitant, Nancy B. ne survivrait pas longtemps sans l'aide du
respirateur.
Elle a été vue à 4 reprises par un psychiatre au cours de l'année 1991, à la
fin de laquelle a eu lieu l'audition. Le médecin a affirmé que Nancy B. jouissait
d'une bonne santé mentale et qu'elle était en mesure de prendre des décisions
et d'en saisir la portée. Il faut noter que la jeune femme a toujours voulu interrompre
le traitement et que jamais, elle n'a changé d'avis.
Lorsque les procédures ont commencé, Nancy B, a demandé à la Cour de
se « transporter » à son chevet à l'hôpital. Le juge a alors constaté que le consente
ment de la patiente concernant l'interruption du traitement était réel et éclairé.
Le juge Jacques Dufour, de la Cour supérieure de Québec, qui a été saisi
de la demande et qui a rendu jugement le 6 janvier 1992, s'est d'abord penché
sur le consentement. En matière médicale, c'est une question fondamentale et
essentielle, comme le dit l'article 19.1 du Code civil du Bas-Canada : « Nul ne
peut être soumis sans son consentement à des soins quelle qu'en soit la nature,
qu'il s'agisse d'examens, de prélèvements, de traitements ou toute autre intervent
ion. » Cette disposition découle en ligne directe du principe de l'inviolabilité de
la personne humaine énoncée à l'article 19 du Code civil (3).
Le juge Dufour remarque que les tribunaux sont de plus en plus exigeants
sur les qualités du consentement qui doit être libre et éclairé, selon la formule
(1) Nancy B. c. L'Hôtel-Dieu de Québec, [1992] R.J.Q. 361 (C.S. Que).
(2) Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519.
(3) Le 1er janvier 1994, le Code civil du Bas-Canada a été remplacé par le Code civil
du Québec, dont les articles 11 et 10 correspondent essentiellement aux articles 19.1 et 19
C. civ. B.-C. ACTUALITÉS-INFORMATIONS 9 1 1
consacrée, et sur le devoir d'information du médecin. Que le consentement doive
être libre signifie essentiellement que le patient ne subisse pas de pressions ou
d'influences extérieures. Le consentement éclairé implique que le patient doit savoir
à quoi s'attendre. Ce principe est lié, en grande partie, au devoir d'information du
médecin dont la Cour Suprême dans un jugement rendu en 1980 (4) a dit qu'il
consistait en l'obligation d'informer le patient à un point tel que ce dernier
puisse donner un consentement éclairé à tout soin proposé. D'ailleurs, le Code
de déontologie des médecins est clair sur cette obligation d'informer le patient.
Le juge admet que le consentement de Nancy B. répond aux crit&

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