France - article ; n°1 ; vol.19, pg 43-59
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1967 - Volume 19 - Numéro 1 - Pages 43-59
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Jean Savatier
France
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 19 N°1, Janvier-mars 1967. pp. 43-59.
Citer ce document / Cite this document :
Savatier Jean. France. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 19 N°1, Janvier-mars 1967. pp. 43-59.
doi : 10.3406/ridc.1967.14752
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1967_num_19_1_14752FRANCE
par
Jean SAVATIER
et des Professeur sciences à économiques la Faculté de de droit Poitiers
Les institutions juridiques s'expliquent souvent davantage par les
besoins de la société où elles ont pris naissance que de la société où elles
continuent de fonctionner. Leurs lignes maîtresses sont le reflet d'une his
toire, et non la projection d'un avenir. Pourtant, sous la surface apparem
ment tranquille d'un système juridique dont les juristes disent avec
satisfaction qu'il est sorti de la période d'adolescence pour arriver à sa
maturité, la vie continue de fermenter. Des tendances nouvelles se dessi
nent, qui sont appelées à modifier l'architecture ou l'esprit des institutions
anciennes. On y pressent le droit de demain, et l'on éprouve à le découvrir
la joie de l'explorateur devant des terres vierges.
Mais l'exploration qu'entreprend le comparatiste le porte surtout à
découvrir les mœurs souvent étranges d'autres peuples qui ont des insti
tutions juridiques profondément différentes des siennes. Il s'intéresse
moins à ce qui est nouveau, dans le droit du pays qu'il étudie, qu'à ce qui
est différent de ce qu'il a coutume d'observer chez lui. Une présentation
du droit du travail français contemporain destinée à faciliter la compar
aison avec des systèmes juridiques différents ne saurait donc s'attacher
exclusivement aux tendances les plus récentes de l'évolution. Elle doit
rappeler certaines caractéristiques du droit français, même si elles parais
sent devoir perdre à l'avenir de leur importance.
En France, comme dans les autres pays industrialisés, le droit du
travail est né du souci de protection d'une population ouvrière que le
développement de l'industrie dans un climat de libéralisme économique
exposait à des conditions de travail inhumaines. Les relations juridiques
entre l'employeur et le travailleur étaient fondées sur un contrat régi par
le Code civil de 1804, qui laissait aux parties la plus grande liberté d'en
déterminer le contenu. La protection des travailleurs fut recherchée dans
une législation réglementant les rapports de travail, et limitant la liberté
des employeurs dans le choix et les conditions d'utilisation de leur main-
d'œuvre. Le droit du travail français se présenta donc d'abord comme
une réglementation légale du travail ouvrier.
En même temps, cependant, se développaient des syndicats de tra
vailleurs, légalement autorisés à partir de 1884, et apparaissaient des 44 FRANCE
conventions collectives, dont une loi de 1919 reconnaissait l'originalité
par rapport aux contrats classiques. Mais le syndicalisme français était
trop axé sur une contestation radicale de la société capitaliste pour entrer
dans la voie d'une politique contractuelle avec le patronat. Si l'anarcho-
syndicalisme d'avant 1914 voyait volontiers dans toute législation sociale
un cadeau empoisonné, le syndicalisme de la période comprise entre les
deux guerres mondiales recherchait davantage des réformes sociales impo
sées par la loi que des conventions avec les employeurs, pour la recon
naissance de droits nouveaux aux travailleurs. Certes la période du Front
Populaire de 1936 fut marquée par une floraison de milliers de convent
ions collectives. Mais, même alors, les grands progrès sociaux (congés
payés, semaine de quarante heures, délégués du personnel) sont imposés
par la loi.
Les conventions collectives de 1936 avaient néanmoins établi des
barèmes de salaires alors que la loi s'était jusqu'alors montrée d'une
extrême timidité pour imposer aux employeurs le paiement de salaires
minima. Mais, paradoxalement, elles ouvraient ainsi la voie à une régl
ementation des salaires par les pouvoirs publics. La période de la guerre
de 1939 et des années consécutives vit se développer en effet un type
nouveau d'intervention des pouvoirs publics dans les relations de travail.
Au lieu de chercher à protéger les travailleurs contre les abus des em
ployeurs, l'Etat intervient alors pour lutter contre les hausses de salaires
qui lui paraissent génératrices d'inflation. Dans un contexte de dirigisme
économique, un droit du travail à finalité économique tend ainsi à se
constituer parallèlement au droit du travail à finalité sociale. En même
temps, le syndicalisme ouvrier est combattu par une tentative d'instaura
tion d'un système corporatif qui devait rapidement avorter.
Depuis 1950, on a assisté à un retour à des techniques plus libérales
qui ont permis aux conventions collectives de prendre une place gran
dissante dans le droit du travail français. Mais celui-ci a été marqué sur
tout par les transformations de la société industrielle à l'époque contemp
oraine.
Dans cette société, la grande majorité de la population active tra
vaille désormais dans une position de dépendance au sein d'entreprises
dont la taille a tendance à augmenter constamment par le phénomène de
la concentration économique. Les travailleurs indépendants et les agri
culteurs ne représentent plus qu'une minorité. Cela ne pouvait manquer
de réagir sur le droit du travail qui, conçu d'abord pour une population
ouvrière ayant besoin d'une protection particulière, tend à devenir le droit
commun de tous ceux qui travaillent en état de subordination.
Mais, si les salariés sont toujours plus nombreux, le nombre des
ouvriers proprement dits ne s'accroît pas proportionnellement. Le déve
loppement du secteur tertiaire et les exigences de techniques industrielles
de plus en plus complexes accroissent la proportion des employés, des
techniciens et des cadres. En même temps, la croissance économique pro
cure à tous les agents de production un niveau de vie de plus en plus
élevé. Le droit du travail cesse ainsi d'apparaître comme un système de
protection d'une classe de prolétaires misérables. Il s'applique à des tra- 45 FRANCE
vailleurs dont les besoins élémentaires sont souvent largement satisfaits.
Et l'on peut se demander alors si son rôle ne va pas diminuer à mesure
que ses buts initiaux seront atteints.
Mais on s'aperçoit vite que, si les techniques traditionnelles de régl
ementation par l'Etat des rapports de travail s'essoufflent, le progrès social
passe désormais par d'autres voies, qu'on peut hésiter, il est vrai, à ratta
cher encore au droit du travail. C'est que l'on prend conscience de plus
en plus que l'amélioration de la condition des travailleurs ne dépend pas
seulement de leurs rapports avec leurs employeurs, mais de toute l'organi
sation sociale. La sécurité sociale, en particulier, ne peut être organisée
de manière satisfaisante dans le cadre d'une entreprise ou même d'une
branche professionnelle. Elle a donc cessé d'être une question de droit
du travail, c'est-à-dire de rapports entre employeurs et salariés. Mais des
phénomènes analogues peuvent être observés à propos d'autres questions,
comme celle de la sécurité de l'emploi ou de la garantie du pouvoir
d'achat du salaire. Dans tous ces domaines, on assiste à une modification
des techniques d'intervention des pouvoirs publics.
Car le droit français continue à compter sur les interventions de
l'Etat plus que sur l'entente entre les partenaires sociaux pour assurer le
progrès social, de plus en plus inséparable du progrès économique. C'est
sans doute l'un des traits dominants du droit du travail français que sa
timidité à organiser les rapports collectifs entre employeurs et syndicats
de salariés. Il ne cherche aucunement à les contraindre à négocier comme
le font certains systèmes de relations industrielles. Il hésite également à
associer les représentants des travailleurs aux responsabilités économi
ques au sein de l'entreprise. C'est donc à l'é

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