L’arrêt rendu par la CIJ dans l’affaire du Crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie) : vers un assouplissement des conditions permettant d’engager la responsabilité d’un État pour génocide ? - article ; n°1 ; vol.53, pg 249-279
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L’arrêt rendu par la CIJ dans l’affaire du Crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie) : vers un assouplissement des conditions permettant d’engager la responsabilité d’un État pour génocide ? - article ; n°1 ; vol.53, pg 249-279

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Annuaire français de droit international - Année 2007 - Volume 53 - Numéro 1 - Pages 249-279
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2007
Nombre de lectures 387
Langue Français

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ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL LIII – 2007 – CNRS Éditions, Paris
(*) Olivier CORTEN, Professeur ordinaire à la faculté de droit de l’Univ ersité Libre de Bruxelles, Centre de droit international et de soci ologie appliquée au droit international. 1. On évoquera ci-après l’affaire duCrime de génocide, en se référant au texte tel qu’il a paru sur le site internet de la Cour [http://www.icj-cij.org], site sur lequel on trouvera également l’ensemble des documents, des écritures et des plai doiries relatifs aux affaires portées devant la Cour qui seront citées ci-dessous.
JURIDICTIONS INTERNATIONALES
 811110:80  
Le 26 février 2007, la Cour internationale de Justice a rendu son arrêt dans l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répres-sion du Crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro)1. Après avoir confirmé qu’elle pouvait exercer sa compétence sur la base de la convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, la Cour a répondu, sur le fond, à la requête de la Bosnie-Herzégovine. Au vu des éléments de fait qu’elle a considéré comme établis, la Cour a estimé qu’un génocide avait été commis à Srebrenica par certains élém ents de l’armée des Serbes de Bosnie, au mois de juillet 1995, tout en refusant d’étendre cette qual ification à d’autres épisodes de la guerre. La Cour s’est en suite demandée si le génocide pouvait être imputé à l’État défendeur, pour conclure par la néga tive, l’acte illicite n’ayant été ni commis par un organe (de jureoude facto) de la République fédérale de Yougoslavie (RFY), ni sous les instructions , les directives ou le contrôle de cet État. En revanche, la Serbie (qui a succ édé à la RFY) est reconnue responsable pour défaut de prévention et de répression du crime de génocide, d’une part parce qu’elle n’a rien fait pour empêcher sa perpétration, d’autre part parce qu’elle a manqué à son devoir de collaboration avec le Tribunal pénal international pour la Yougoslavie (ci-après TPIY) dans le cadr e des poursuites engagées contre les personnes soupçonnées d’avoir commis les actes de génocide à Srebrenica. La Cour considère enfin que la simple satisfaction est en l’occurrence le mode appro-prié de réparation, aucun élément ne pe rmettant de démontrer que le génocide
L’ARRÊT RENDU PAR LA CIJ DANS L’AFFAIRE DUCRIME DE GÉNOCIDE (BOSNIE-HERZÉGOVINE C. SERBIE): VERS UN ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS PERMETTANT D’ENGAGER LA RESPONSABILITÉ D’UN ÉTAT POUR GÉNOCIDE ? OLIVIERCORTEN
2. Voy. p. ex. Antonio CASSESE, « A Judicial Massacre »,The Guardian, Feb. 27, 2007 [http://com-mentisfree.guardian.co.uk]. 3. Sur le plan du droit international, des dossiers relatifs à cet arrêt, comprenant chacun plusieurs con-tributions, ont été publiés dans laRevue générale de droit international public, leJournal of International Criminal Justiceet dans leEuropean Journal of International Law. On citera également des commentaires parus dans laRevue belge de droit internationalet dans laRevue trimestrielle des droits de l’homme. 4. Jean-Marc SOREL, « Les multiples lectures d’un arrêt : entre sentiment d’impunité et sentiment de cohérence, une déci sion à relativiser »,RGDIP, 2007, p. 260. 5. Philippe WECKEL: le souffle de l’avis de 1951 n’a pas transporté la sur le génocide  L’arrêt, « Cour »,RGDIP, 2007, p. 317. 6. Hervé ASCENSIO La responsabilité selon la Cour internationale de Justice dans l’affaire du, « génocide bosniaque »,RGDIP, 2007, p. 290. 7. Pierre-Marie DUPUY, « Crime sans châtiment ou mission accomplie ? »,RGDIP 244, 2007, p. (l’auteur utilise l’expression sous la forme interrogative). 8. Voy. notamment Paola GAETA On What Conditions Can a State be Held Responsible for, « Genocide ? »,EJIL, 2007, pp. 631-648 ; Karine BANNELIER/Théodore CHRISTAKIS, « Qu’est-ce qu’un géno-cide et quand un État est-il responsable pour ce crime ? Analyse de l’arrêt rendu par la CIJ dans l’affaire Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro(27 février 2007) »,RBDI, 2007-I, sous presse. 9. Opinion dissidente du vice-président Al-Khasowneh, §§ 41 et ss. Voy. aussi Hervé ASCENSIO, « La responsabilité selon la Cour internationale de Justice dans l’a ffaire du génocide bosniaque »,loc. cit., pp. 296-297 ; Andrea GATTINI, « Evidentiary Issues on the ICJ’s Genocide Judgement »,JICJ, 2007, pp. 889-904. 10. Selon les termes de la Cour ; p. 77, § 210 de l’ar rêt (dans la suite de l’ exposé, on citera l’arrêt en renvoyant simplement à la page de la version actue llement reproduite sur internet, ainsi qu’au(x) para-graphe(s) pertinents). 11.Ibid. ne vise que certaines décisions du, p. 80, § 223. La Cour précise cependant que ce statut tribunal, à l’exclusion de celles qui ne contie nnent pas encore de conclusions définitives.
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n’aurait pas été commis – et donc que le dommage n’aurait pas été causé – si l’État défendeur avait respecté ses obligations internationales. Dès le lendemain de son prononcé, le jugement de la Cour a fait l’objet de nombreux commentaires, d’abord dans les médias à large diffusion2, ensuite dans plusieurs publications scientifiques3fond – qui constitue le seul aspect de. Sur le l’affaire qui nous intéressera ici – le ra isonnement de la Cour a souvent été critiqué en raison de sa rigidité excessive, en particulier au vu du refus de tirer les conséquences des liens très étroits qu i existaient, au mome nt des faits, entre les autorités de la RFY et celles de la Republica Srpska. Selon certains auteurs, une telle décision montrerait combien il est difficile, voire impossible, d’engager la responsabilité d’un État au regard de la convention de 1948. On a ainsi évoqué une « impression d’impunité »4, ou encore un critère « strict »5, voire « absurde »6 d’attribution retenue par la Cour, dont l’arrêt marquerait peut-être la « seconde mort du “crime d’État” »7. C’est en nous appuyant en partie sur d’autres commentaires8 que nous souhaiterions proposer une lecture différente de l’arrêt du 27 février 2007. À l’analyse, il nous semble en effet ina pproprié d’évoquer une rigidité excessive pour caractériser le pr écédent de l’affaire duCrime de génocide. Au contraire, on pourrait même critiquer la Cour pour un e trop grande souplesse dans sa concep-tion, en droit, de la no tion de « génocide d’État ». Deux précisions importantes doivent être avancées d’emblée pour affirmer la portée de notre hypothèse. En premier lieu, celle-ci ne vise pas l’évaluation des faits de la cause, qui a souvent été au centre de la critique9. Tout au plus relè-vera-t-on que, sur la base, d’une part, des très nombreux éléments probatoires dont elle a pu disposer pendant les quel que quatorze ans de procédure qu’a duré cette affaire et, d’autre part, sur les rè gles de preuve découlant notamment de l’affaire duDétroit de Corfou, la Cour a estimé qu’un certain nombre de faits étaient établis avec un « degré élevé de certitude »10. La Cour s’est appuyée à cet effet sur certaines conclusions factuelles dressées par le TPIY, conclusions consi-dérées par principe comme « hautement convaincantes »11. On peut évidemment,
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I. – LES CONDITIONS D’EXISTENCE D’UN GÉNOCIDE
Pour déterminer si un génocide avait ou non été commis, la Cour s’est appuyée sur la définition én oncée à l’article 2 de la co nvention de 1948, définition reproduite ensuite dans divers in struments de droit international13. Pour rappel, cette disposition se lit comme suit : le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans « l’intention de détruire, en tout ou en pa rtie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ; a) Meurtre de membre du groupe ; b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; c) Soumission intention-nelle du groupe à des conditions d’exis tence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein d’un groupe ; e) Transfert forcé d’enfa nts du groupe à un autre groupe »14. La Cour distingue dans ce tte définition les « actes » de génocide, d’une part, 15 et l’« intention » de commettr e un génocide, d’autre part .
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sur tel ou tel aspect particulier de l’arrê t, être ou non convaincu par l’établisse-ment des faits opéré par la Cour. Nous ne prononcerons cependant pas sur ce type de question, particulièrement délicate sans une maîtrise approfondie de l’ensemble des documents de ce dossier, pour nous concentrer sur le raisonnement de la Cour dans son volet plus strictem ent juridique. On se demandera ainsi ce que la Cour a apporté à l’interprétation du droit existant, en particulier en matière d’engagement de la responsabilité d’un État pour génocide12. En deuxième lieu, l’opposition entre, d’un côté, une « rigidité excessive » et, d’un autre côté, une certaine « souplesse » du raisonnement de la Cour, doit être précisée. En privilégiant la seconde branche de l’alte rnative, nous voulons simplement signi-fier que, lorsqu’elle a été amenée à se prononcer sur plusieurs débats juridiques fondamentaux – et en particulier ceux qui portent sur la définition puis l’attribu-tion du génocide à un État – la Cour es t loin d’avoir systématiquement tranché en faveur de la solution la plus stricte ou rigoureuse, c’est-à-dire celle qui rend plus difficile l’établissement d’un génocide d’État. C’est dans cette mesure que nous pensons devoir réfu ter la thèse d’une rigi-dité excessive de la Cour, d’abord quan t aux conditions mêmes de l’existence du génocide (I), ensuite quant aux conditions d’attribution du génoci de à un État (II).
12. Le problème spécifique de la réparation ne sera pas traité dans le cadre restreint de ce commen-taire (voy. à ce sujet Christian TOMUSCHAT, « Reparations in cases of genocide »,JICJ, 2007, pp. 905-912). La question des actes liés à la commission d’un gé nocide, comme la complicité ou la prévention et la répression de ce crime, ne sera abordée qu’à titre incident, et non de manière autonome. Pour des com-mentaires relatifs à la question spécifique de la répression, voy. Orna BEN-NAFTALI/Miri SHARON, « What the ICJ Did Not Say About the Duty to Punish Genocide. The Missing Pieces in a Puzzle »,JICJ, 2007, p. 859-873 ; Eric DAVID de Justice en l’affaire de l’, « L’arrêt de la Cour internationa leApplication de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide(Bosnie-Herzégovine c/Serbie-et-Monténégro, 26 février 2007) »,RTDH, 2008, n° 74, sous presse. 13. Voy. l’article 4 du statut du TPIY, l’article 2 du statut du TPIR, ainsi que l’article 6 du statut de la Cour pénale internationale. Voy. encore l’article 17 du projet de co de des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité élaborée par la Commission du droit international,ACDI, 1996, II, deuxième par-tie, p. 46. 14. La Cour cite cette disposition dans son arrêt ; CIJ, p. 54, § 143, ainsi que, partiellement, p. 69, § 186. 15.Ibidem.
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