La concurrence déloyale en droit français - article ; n°3 ; vol.26, pg 467-504
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1974 - Volume 26 - Numéro 3 - Pages 467-504
38 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 95
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Antoine Pirovano
La concurrence déloyale en droit français
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 26 N°3, Juillet-septembre 1974. pp. 467-504.
Citer ce document / Cite this document :
Pirovano Antoine. La concurrence déloyale en droit français. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 26 N°3, Juillet-
septembre 1974. pp. 467-504.
doi : 10.3406/ridc.1974.15560
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1974_num_26_3_15560CONCURRENCE DELOYALE LA
EN DROIT FRANÇAIS
par
Antoine PIROVANO
Professeur à la Faculté de droit
ce des sciences économiques de l'Université de Nice
1. — L'action en concurrence déloyale existe-t-elle ? La question
peut surprendre, et même paraître provocatrice, alors que la lecture
des traités de droit commercial ( 1 ), des ouvrages spécialisés (2) et
des recueils de jurisprudence semble ne laisser place à aucune hési
tation. L'action en concurrence déloyale fait l'objet d'applications
fort nombreuses permettant de limiter les abus de la liberté du
commerce et de l'industrie affirmée par la loi des 2-17 mars 1791.
Pourtant des querelles doctrinales encore récentes, qui risquent
d'être ravivées par la thèse de M. Le Moal(3), montrent que le fonde
ment de l'action en concurrence déloyale est incertain, en tout cas
complexe, et que cette complexité ne peut que croître, compte tenu
des contradictions de l'économie moderne.
Les bases de la théorie de la concurrence déloyale apparaissent
cependant comme étant relativement simples, si l'on se borne à pré
senter les solutions du droit positif. Celles-ci consistent, essentiel
lement, dans les deux principes suivants.
Premier principe : la liberté du commerce et de l'industrie a
pour conséquence la licéité du dommage concurrentiel. Les tribunaux
affirment avec force que le seul fait objectif du détournement de la
(1) Ripert et Roblot, Droit commercial, t. 1, 7e éd., n° 462 et s. ; Escarra,
Cours n° V° 159 Concurrence de et droit s. ; De commercial, Juglart déloyale et ou n° Ippolito, illicite, 246 ; Rodière Droit Encucl. commercial, et Dalloz Houin, de Droit p. 344 Droit commercial, et commercial s. ; Derrida, t. 1, ;
Didier, Droit p. 617 et s. ; Pirovano, V° Concurrence déloyale,
Encycl. Dalloz de Droit commercial, 2e éd.
(2) Roubier, Le droit de la propriété industrielle, t. 1 ; Mermillod, Essai
sur la concurrence déloyale en France et aux Etats-Unis (thèse Lyon), 1953 ;
Lebel, Les règles de la concurrence en droit français, 1972 ; Krasser, La répres
sion de la concurrence déloyale dans les Etats Membres de la C.E.E., t. 4,
La France, 1972.
(3) Contribution à l'étude d'un droit de la concurrence (thèse Rennes), 1972. 468 LA CONCURRENCE DELOYALE EN DROIT FRANÇAIS
clientèle n'est pas en soi illicite (4). Et s'il se trouve quelque rare
juridiction pour décider le contraire (5), on ne manque pas de
stigmatiser aussitôt le « désir de protectionnisme, marque des orga
nismes chétifs », ainsi que la crainte « panique de la concurrence qui
n'est souvent que le signe d'une existence parasitaire » (6). Le libéra
lisme économique postule en effet que les entreprises puissent s'arra
cher ce bien précieux, mais instable, qu'est la clientèle. Cette chasse
au client ne va pas sans entraîner des conséquences sévères, parfois
dramatiques. Face au mouvement de concentration qui caractérise
l'économie contemporaine (7), nombreuses sont les petites entre
prises, particulièrement vulnérables, qui succombent dans un tel
combat. Parfois même de grandes unités économiques périssent sous
le poids de la concurrence internationale. Déjà, en 1847, Karl Marx
ne parlait-il pas de « l'impitoyable liberté du commerce » (8) ?
Deuxième principe : la liberté de la concurrence n'est pas totale.
En l'absence de textes particuliers, les tribunaux se fondant sur le
droit commun de la responsabilité civile (art. 1382 et 1383 du C. civ.),
sanctionnent les fautes commises dans l'exercice de cette liberté.
Suivant la Cour de cassation « l'action en dommages-intérêts pour
concurrence déloyale ou illicite ne peut être fondée que sur les
dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil qui impliquent
notamment l'existence d'une faute commise par le défendeur et d'un
préjudice souffert par le demandeur »(9). Une précision terminolo
gique, tout d'abord : la Cour de cassation parle de concurrence
déloyale et de concurrence illicite. La première, estime-ton (10), ne
viserait que les seuls actes de mauvaise foi, la seconde les autres
actes fautifs. Certains auteurs ont proposé des formules plus géné
riques : concurrence reprehensible (11), anormale (12). Ces formules
ne sont pourtant pas utilisées. En fait, c'est l'expression « concurrence
déloyale » qui connaît le plus de faveurs. Elle désigne, brevitatis causa,
à la fois les actes commis de mauvaise foi et les autres actes
fautifs (13).
2. — La référence aux principes généraux de la responsabilité
civile présente incontestablement l'avantage de la souplesse : elle
permet aux tribunaux d'adapter leurs solutions aux situations de fait
(4) Req. 9 avr. 1900, D.P. 1900.1.240 ; Paris, 4 janv. 1954, Ann. 1955, 51 ;
Com. 12 fcvr. 1964, Bull. civ. III, n° 73 ; Corn. 18 février 1969, D. 1969.383 ;
Rouen 18 juin 1971, D. 1972, somm. 45.
(5) V. par ex. Trib. coin. Mirecourt, 4 mars 1960, O.P. 1960.1, somm. 36.
(6) Roubier et Chavanne, Rev. trim. dr. com. 1960.841.
(7) Houssiaux, Le pouvoir de monopole ; Farjat, Droit économique.
(8) Manifeste du Parti Communiste, éd. 10/18, p. 22.
(9) Com. 23 mars 1965, Bull. civ. III, n° 228.
(10) Krasser, op. cit., p. 6.
(11) Mermillod, op. cit., p. 119.
(12) Derrida, note D. 1959, 87.
(13) Afin d'éviter toute difficulté, la loi du 2 juillet 1963, qui a créé une
action préventive en cessation de concurrence déloyale, utilise la formule
concurrence déloyale ou illicite. LA CONCURRENCE DÉLOYALE EN DROIT FRANÇAIS 469
si diverses soient-elles. Elle est cependant loin d'être satisfaisante.
Plus encore que dans le droit commun de la responsabilité civile,
pourtant déjà fort perturbé, notamment par l'apparition de la
machine, les textes du Code civil ont subi l'épreuve du temps. Les
impératifs du commerce ont conduit les tribunaux à déformer les
notions fondamentales contenues dans les articles 1382 et 1383 du
Code civil. Il en est résulté que le fondement de l'action en
concurrence déloyale est aujourd'hui complexe et hétérogène.
Nous ne pouvons, dans ce rapport, retracer en détail l'évolu
tion des idées quant à la nature juridique de cette action (14). Il
semble néanmoins possible d'affirmer que le fondement de l'action
en concurrence a oscillé — et oscille sans doute encore aujourd'hui
— entre deux pôles extrêmes.
3. — Dans une conception restrictive, la responsabilité du
défendeur ne saurait être engagée sur la preuve d'une simple faute.
Le mot « déloyal » implique une action volontaire, l'intention de
nuire. Cette opinion, admise autrefois par de nombreux tribunaux
et encore retenue par certains auteurs (15), a été condamnée par la
Cour de cassation. Cette dernière a affirmé, en effet, que le quasi-
délit de l'article 1382 «ne requiert pas l'élément intentionnel » (16).
Les choses, cependant, ne sont pas aussi simples. La mauvaise foi,
comme nous le verrons, joue un rôle indubitable. Elle permet par
exemple de sanctionner des agissements « contraires aux usages
honnêtes » et cela, chose remarquable, même en l'absence de préjud
ice. C'est là une première brèche dans l'édifice de la responsabilité
civile. Elle est facile à expliquer : le but de l'action en concurrence
déloyale n'est pas exclusivement indemnitaire. Au-delà de l'intérêt
privé de la victime, il est nécessaire de protéger l'intérêt du milieu
professionnel, qui est le cadre naturel des relations de concurrence.
D'où un certain aspect disciplinaire, répressif même, de l'action en
concurrence déloyale, aspect qu'il serait difficile de nier.
4. — Mais cette brèche n'est pas la seule. Si l'on admet qu'une
personne puisse, en toute bonne foi, engager sa responsabilité (c

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