Les droits sans sujet - article ; n°2 ; vol.12, pg 342-355
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1960 - Volume 12 - Numéro 2 - Pages 342-355
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

K.H. Neumayer
Les droits sans sujet
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 12 N°2, Avril-juin 1960. pp. 342-355.
Citer ce document / Cite this document :
Neumayer K.H. Les droits sans sujet. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 12 N°2, Avril-juin 1960. pp. 342-355.
doi : 10.3406/ridc.1960.12569
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1960_num_12_2_12569LES DROITS SANS SUJET
Professeur K. H. à l'Unirersité NEUMAYBR de Lauianne
Les nécessités des événements pratiques et la précision des tâches
pratiques imposées à la science du droit ont peut-être fait oublier un
problème qui touche aux principes généraux du droit et qui, en tant
que produit de la pensée systématique allemande, n'avait, en son
temps, pas seulement passionné les grands penseurs juridiques all
emands, comme Bernhard Windscheid, Rudolf von Ihering, Otto von
Gierke et d'autres encore, mais aussi Ernest Roguin et Raymond Sa-
leilles. Il s'agit là d'un problème de tous les temps qu'il me paraît
opportun de faire revivre dans un monde où l'on parle beaucoup de
la notion du droit subjectif et des fonctions de celui-ci dans l'ordre
juridique. Permettez-moi donc de réveiller de son sommeil le problème
relatif à la possibilité de concevoir des droits sans sujet et laissez-moi
ajouter quelques réflexions sur le contenu du droit subjectif, en préci
sant comment ce concept est à la base de notre pensée juridique mo
derne.
De quoi s'agit-il ? Illustrons notre pensée par un exemple très
actuel. Dans la constitution que s'est donnée en 1946 l'Etat de Hesse,
on peut lire que certaines entreprises plus précisément décrites se
raient nationalisées dès l'entrée en vigueur de cette constitution. Plus
loin, il est expliqué que la propriété nationalisée est la propriété du
peuple. Enfin, on déclare que le droit de disposer de cette et
de l'administrer passera à des sujets de droit particuliers que la loi
devra encore créer (T). Cette disposition laconique, qui du reste n'a
pas son équivalent dans le système constitutionnel d'Allemagne occi
dentale, a fait l'objet de nombreuses critiques juridiques. Quelques-
uns des anciens propriétaires que la constitution avait expropriés
intentèrent une action devant le Tribunal constitutionnel de Hesse
(Staatsgerichtshof), puis la Cour constitutionnelle fédérale.
Finalement, le litige fut vidé par voie de compromis. Ce fait est re-
(1.) Art. 1, al. 10 do la constitution du 1er décfimbrfi lî)4fi. r.ïï.S DROITS SANS SUJF.T 343
grettable, car l'attention de toute la doctrine du droit civil et du
droit constitutionnel se portait sur le résultat et les considérants de
l'arrêt annoncé. Le compromis laissa naturellement les questions juri
diques ouvertes ; la science se vit ainsi privée d'une friandise con
voitée, car sur la table richement garnie de cette cause célèbre se
trouvait notamment le problème des droits sans sujet. En effet, il
fallait bien partir de l'idée que l'entrée en vigueur de la constitution.
avait fait perdre tous leurs droits aux anciens propriétaires des entre
prises nationalisées. Mais il qui appartenaient désormais les biens
ainsi expropriés ? La constitution disait : au peuple. Pourtant — et
sur ce point tous les experts étaient d'accord — le peuple ne jouit pas
de la personnalité juridique, dans l'Etat de Hesse non plus ; le peu
ple ne peut pas être acquéreur ni titulaire de droits sur un patri
moine. En conséquence, les entreprises nationalisées ne pouvaient pas
être juridiquement la propriété du peuple. Mais alors à qui apparten
aient-elles ? La doctrine adverse prétendait ironiquement qu'il n'y
avait que deux possibilités : si ces entreprises n'étaient pas restées
tout de même aux mains des anciens propriétaires, à l' encontre des
dispositions clairement formulées dans la constitution, si donc l'ex
propriation proprement dite était parfaite, mais si la transmission
des droits à de nouveaux sujets avait échoué, alors ces entre
prises nationalisées étaient sans maître. Chacun pouvait s'approprier
les usines de Buderus à Wetzlar, chacun pouvait prendre une voiture
de tramway de Kassel pour aller se promener. L'enlèvement d'une
auto appartenant à une entreprise nationalisée ne serait pas un vol,
mais une occupation légitime, de sorte que l'on pourrait ainsi dire
par extension du sens d'un adage connu: « Le vol c'est la propriété ».
Les contrats de travail entre employés et patrons devenaient sans fon
dement, car il n'y avait plus d'employeurs ; les entreprises cessaient
d'avoir des dettes, mais leurs débiteurs se voyaient aussi libérés de
leurs obligations ; en bref, tout tombait dans le vide.
Cette alternative, ce choix limité à deux seules réponses possibles,
sont-ils pertinents ? Ou bien ne peut-on imaginer une troisième solu
tion ? Ne serait-il pas possible que les entreprises nationalisées aient
certes quitté le dominium de leurs anciens propriétaires et, en raison
de l'absence de capacité juridique du peuple, ne soient pas encore
dans un nouveau dominium, sans être pour autant sans maître ? Ne
suffit-il pas qu'il ressorte avec une clarté suffisante du texte et des
intentions du législateur que toutes les utilités des biens expropriés
sont destinées au peuple et que l'administration et la jouissance des
biens devenus sans sujet soient bientôt confiées à un nouveau sujet
de droit créé par la loi ? N'appert-il pas que des biens-fonds, des mac
hines, des véhicules ne sont certes la propriété de personne mais
qu'ils n'en sont pas pour autant sans maître, parce qu'il sont affectés
à un destinataire et que leur jouissance est réservée à la société hu
maine, à tout le peuple. Et n'est-il pas non plus pensable que des
biens incorporels, des droits, des créances, par exemple, soient privés
de créancier, mais continuent à exister objectivement, puisqu'ils sont LES DROITS SANS SUJET 34i
réservés à un destinataire, à un sujet d'affectation (Zicecksubjekt) ,
comme auraient dit Alois Brinz et R. von Ihering ?
Si la conséquence en est que les biens-fonds et les machines ne
sont pas livrés à l'appropriation de quiconque les convoite, alors, en
ce qui concerne les créances, les débiteurs continuent à devoir, ce
« juris vinculum quo necessitate adstringimur alicujus solvendœ rei »
demeure. En d'autres termes, un droit peut-il continuer à subsister
objectivement, même lorsque son titulaire, le sujet de droit comme
l'on dit d'ordinaire, n'existe plus ? Peut-on concevoir des droits sans
sujet ?
En général, on distingue le droit objectif et le droit subjectif. Par
droit objectif, « lato » en anglais, on entend la somme de toutes les
règles juridiques qui sont en vigueur dans un territoire déterminé. En
revanche, il ne règne pas d'unanimité en doctrine sur le concept de
droit subjectif, « right » en anglais. Omnis definitio periculosa. Ber
nard Windsclieid a vu dans le droit subjectif l'expression de la volonté
humaine ; Rodolphe von Ihering, l'intérêt protégé par l'ordre juridi
que. Il est compréhensible que la qualité de titulaire d'un droit sub
jectif entraîne différentes exigences, selon que l'on considère ce titu
laire comme sujet d'un pouvoir « Maclitsubjekt » ou comme pur por
teur d'intérêts. La doctrine nouvelle, aujourd'hui dominante, a forgé
une définition qui tient compte de ces deux conceptions et voit dans
le droit subjectif le pouvoir accordé par l'ordre juridique aux fins de
satisfaire les intérêts humains (2). Si l'on s'en tient à cette définition,
on sera enclin à considérer les droits sans sujet comme une « contra-
dictio in adjecto ». En effet, si an droit subjectif correspond un pou
voir accordé par l'ordre juridique, il faut qu'il y ait quelqu'un qui
puisse exercer ce pouvoir. S'il n'existe pas de titulaire de ce pouvoir,
si le sujet n'a pas la faculté d'exercer ce pouvoir, il faut en conclure
qu'il n'existe pas de droit subjectif.
Supposez qu'un immeuble en faveur duquel est établie une servi
tude foncière, par exemple une servitude de non bâtir grevant la pro
priété voisine, dev

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