Rapport de synthèse - article ; n°2 ; vol.33, pg 659-671
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1981 - Volume 33 - Numéro 2 - Pages 659-671
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Rivero
Rapport de synthèse
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 33 N°2, Avril-juin 1981. pp. 659-671.
Citer ce document / Cite this document :
Rivero Jean. Rapport de synthèse. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 33 N°2, Avril-juin 1981. pp. 659-671.
doi : 10.3406/ridc.1981.3286
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1981_num_33_2_3286RAPPORT DE SYNTHESE
par
Jean RIVERO
Professeur émérite à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris
Chacun d'entre vous, au terme des travaux de ce Colloque, va
pouvoir, à tête reposée, dans la sérénité, avec du recul, faire lui-même sa
propre synthèse. Malheureusement, celle qui est censée être la synthèse
officielle sera la synthèse bâclée, la synthèse nocturne, la synthèse faite à
chaud que je vais vous présenter maintenant. Je la centrerai sur deux
aspects car un bilan comporte toujours deux colonnes. Ici, bien entendu,
ce ne seront pas l'actif et le passif, car il n'y a pas de passif à un colloque
aussi enrichissant que celui-ci, ce seront d'une part, les problèmes dont il
me semble qu'ils ont été ici résolus et, d'autre part, plus passionnants
encore, les problèmes qui ont été posés et qui demeurent à résoudre.
I
D'abord, les problèmes dont il me semble que nos travaux ont
contribué à les résoudre.
A. Le premier, peut-être n'y avons-nous pas attaché suffisamment
d'importance, c'est le problème de la nécessité et de l'existence d'une
protection constitutionnelle des droits fondamentaux. Car enfin, le
moindre des paradoxes de ce colloque n'est pas son titre.
« Droits fondamentaux » : jusqu'à une période récente, la notion de
droits était totalement ignorée de l'ensemble de nos droits
positifs. Au temps, lointain peut-être, mais enfin pas encore préhistori
que, où je faisais mes études de droit, personne ne m'a jamais parlé de
l'existence de droits fondamentaux. Il y avait le Droit objectif, les droits
subjectifs, mais la notion même de droits fondamentaux était une notion
que personne n'évoquait. Bien sûr, il restait le souvenir de la Déclaration
de 1789, bien sûr, il restait les efforts faits, en France même, et il ne
faudrait pas les oublier, par Hauriou et par Duguit au début de ce siècle,
pour rappeler qu'au-dessus des travaux du législateur, il y avait un certain 660 SYNTHESE
nombre de valeurs juridiques à protéger. Mais cela demeurait au niveau
de la doctrine, et d'une doctrine contestée.
La notion de droits fondamentaux n'est apparue qu'au lendemain de
la seconde guerre mondiale, avec la Déclaration universelle des droits de
l'homme et tout le mouvement qui s'en est suivi.
Quant à la notion de Cour constitutionnelle en Europe, elle était, à
l'époque antédiluvienne dont je vous parle, aussi parfaitement ignorée et
aussi parfaitement impensable. A cette époque, le contrôle de constitu-
tionnalité des lois était au droit public ce que le western et la comédie
musicale étaient au cinéma, une spécialité américaine. L'Europe n'était
pas encore guérie de la leçon de Jean- Jacques Rousseau : la loi est
l'expression de la volonté générale, la loi ne peut être que souveraine. Au
demeurant, la loi, comme le Roi d'Angleterre, ne peut mal faire, la loi est
nécessairement libérale, et l'idée d'iin contrôle de la volonté du Parlement
apparaissait comme une sorte d'idée iconoclastique.
Or, voici qu'aujourd'hui, nous trouvons tout naturel d'étudier « la
protection des droits fondamentaux par les Cours constitutionnelles
européennes ». C'est une révolution, et le problème se pose de savoir
pourquoi cette révolution a eu lieu. Il ne suffit pas de dire qu'il s'agit d'une
mode. Bien sûr, il y a des modes juridiques : le développement de
l'ombudsman en quelques années est un bon exemple de mode juridique.
Il y en a d'autres, mais, contrairement aux modes vestimentaires, les
modes juridiques ne s'expliquent pas par les caprices de quelques
créateurs, elles ont des raisons plus profondes.
Pour passer du stade que j'évoquais à l'instant au stade actuel, il a
fallu un certain nombre de causes. Sans doute le fédéralime, qu'on a
évoqué, a-t-il joué son rôle dans ce passage. Ce n'est tout de même pas un
hasard si les pays qui, les premiers, ont mis au point un contrôle de
constitutionnalité sont des pays fédéraux : l'Autriche, dès 1920, avait créé
sa Cour constitutionnelle — et comment ne pas évoquer ici les travaux que
notre pauvre ami Charles Eisenmann avait consacrés entre les deux
guerres, à la Cour constitutionnelle autrichienne ? — L'Allemagne a
suivi : pays fédéraux dans un cas comme dans l'autre. Je crois cependant
que le fédéralisme n'a joué, en l'occurrence, qu'un rôle relativement
secondaire. D'autres facteurs expliquent la transformation, et des facteurs
plus essentiels.
Le premier, c'est, me semble-t-il, la prise de conscience, au
lendemain de la seconde guerre mondiale, de la nécessité de défendre les
droits de l'homme, précisément parce qu'ils venaient de subir les atteintes
qwe nous avons douloureusement connues. Là encore, ce n'est pas un
hasard si c'est l'Allemagne, si c'est l'Italie qui, les premières, ont affirmé
dans leur charte la nécessité de droits fondamentaux et organisé leur
garantie. Si la France n'a suivi qu'avec un retard indiscutable, peut-être
l'une des causes en est-elle dans le fait que nous avons, moins directement
que d'autres, renié la tradition libérale.
Autre facteur, celui-là non plus circonstanciel mais beaucoup plus
durable : la transformation de la loi. Faut-il y insister ? l'évidence ici
s'impose à nous tous. SYNTHESE 661
La loi, œuvre du législateur, expression de la volonté nationale, c'est
la tradition du xixe siècle ; mais compte tenu de l'évolution des systèmes
parlementaires, compte tenu de la soudure qui s'établit à travers le parti
dominant entre la majorité parlementaire et le Gouvernement, la loi, très
souvent, n'est plus que l'expression de la volonté gouvernementale
approuvée par une majorité solidaire. Et puis, il y a le fait que la loi,
obligée par l'évolution des tâches de l'État de se faire de plus en plus
technique, échappe souvent au contrôle effectif du Parlement parce que
c'est le technicien qui est seul en mesure d'en fixer le contenu.
Enfin, il y a peut-être aussi le fait que le mythe post-rousseauiste
(rendons justice à Rousseau pour qui la volonté ne se représente pas) de la
représentation de la volonté du citoyen par l'élu tend progressivement à
s'effacer devant la réalité, la prise de conscience par l'électeur qu'en
définitive, ces hommes qu'il a choisis — et l'analyse de Rousseau ici
reprend tout son prix — veulent eux-mêmes et ne veulent pas pour lui. Le
citoyen, dans cette multiplication de lois de plus en plus complexes, de
plus en plus techniques de plus en plus orientées par la volonté
gouvernementale, ne reconnaît pas sa propre volonté. Le citoyen en
présence de la loi ne dit pas « nous avons voulu », il dit « ils ont voulu » et
cela change tout.
Cette transformation de la loi aboutit à la prise de conscience de la
nécessité de protéger les droits fondmentaux, dont on a pris également
conscience, contre la loi elle-même. A la vieille idée, qui domine tout le
xixe siècle libéral, de la protection de la liberté par la loi tend à se
substituer l'idée expérimentale de la nécessité de la protection des libertés
contre la loi. Et cette évolution rend possible ce phénomène extraordi
naire qu'est l'acceptation d'une autorité supérieure au législateur
lui-même, d'une autorité chargée d'imposer au législateur le respect de la
Constitution.
C'est la logique de l'État de droit. La logique du Rechtstaat met, au
sommet de la pyramide des normes, la Constitution d'où toutes les autres
tirent leur validité. Mais il faut reconnaître que pendant un long siècle
cette logique s'est t

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