Un droit europén ... pour quel contrat ? Recherches sur les frontières du contrat en droit comparé - article ; n°3 ; vol.59, pg 475-521
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Revue internationale de droit comparé - Année 2007 - Volume 59 - Numéro 3 - Pages 475-521
Studies are currently being carried out on the unification of contract law in Europe. Several texts have already been drafted and announce a possible future European contract code. Whatever the quality of these rules may be they will only be effective if their field of application is precisely defined, i. e. if European lawyers first agree on what a contract is. At the present time, national laws profoundly diverge on this point. An analysis of some of the main differences raises a number of questions concerning the classical view that a contract is an agreement giving rise to obligations between the contracting parties. Neither the principle of a reciprocal agreement nor the creation of obligations permit a clear distinction to be made between those situations that are contractual and those that are not. On the other hand, a definition based on the socioeconomic function of contracts - production or, at least, anticipation - could bring together national conceptions of what constitutes a contract.
L’unification du droit du contrat en Europe est à l’étude. Plusieurs textes ont déjà été élaborés qui préfigurent ce que pourrait être, demain, un Code européen du contrat. Quelle que soit la qualité de ces règles, elles ne seront pleinement efficaces que si leur domaine d’application est clairement déterminé, c’est-à-dire si les systèmes juridiques européens s’accordent au préalable sur ce qu’est un contrat. A ce jour, les divergences sont profondes et nombreuses. L’examen d’un certain nombre d’entre elles conduit à remettre en cause une approche classique du contrat, qui consiste à le définir comme un accord de deux volontés destiné à créer des obligations entre les parties. Ni l’échange de consentements ni la création d’obligations ne permettent de départir ce qui est contractuel de ce qui ne l’est pas. En revanche, une définition basée sur la fonction socio-économique du contrat - sinon la production, du moins la prévision - pourrait fédérer les conceptions européennes du contrat.
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Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2007
Nombre de lectures 35
Langue Français

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R.I.D.C. 3-2007
UN DROIT EUROPÉEN … POUR QUEL CONTRAT ? Recherches sur les frontières du contrat en droit comparé Martin OUDIN L’unification du droit du contrat en Europe est à l’étude. Plusieurs textes ont déjà été élaborés qui préfigurent ce que pourrait être, demain, un Code européen du contrat. Quelle que soit la qualité de ces règles, elles ne seront pleinement efficaces que si leur domaine d’application est clairement déterminé, c’est-à-dire si les systèmes juridiques européens s’accordent au préalable sur ce qu’est un contrat. A ce jour, les divergences sont profondes et nombreuses. L’examen d’un certain nombre d’entre elles conduit à remettre en cause une approche classique du contrat, qui consiste à le définir comme un accord de deux volontés destiné à créer des obligations entre les parties. Ni l’échange de consentements ni la création d’obligations ne permettent de départir ce qui est contractuel de ce qui ne l’est pas. En revanche, une définition basée sur la fonction socio-économique du contrat – sinon la production, du moins la prévision – pourrait fédérer les conceptions européennes du contrat. Studies are currently being carried out on the unification of contract law in Europe. Several texts have already been drafted and announce a possible future European contract code. Whatever the quality of these rules may be they will only be effective if their field of application is precisely defined, i.e. if European lawyers first agree on what a contract is. At the present time, national laws profoundly diverge on this point. An analysis of some of the main differences raises a number of questions concerning the classical view that a contract is an agreement giving rise to obligations between the contracting parties. Neither the principle of a reciprocal agreement nor the creation of obligations permit a clear distinction to be made between those situations that are contractual and those that are not. On the other hand, a definition based on the socio-economic function of contracts – production or, at least, anticipation – could bring together national conceptions of what constitutes a contract.
Maître de conférences à l’Université de Tours.
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1; à ce. Le contrat installe entre deux individus une relation juridique titre, il est une exception à l’extranéité qui est de règle entre les individus. Exceptionnel, il porte avec lui un ensemble de règles dérogatoires du droit commun des obligations, tant procédurales (compétence territoriale d’attribution, prescription…) que substantielles (conditions et effets d’une éventuelle responsabilité, incidence des prévisions des parties…). Le droit transitoire lui-même est affecté par la nature contractuelle d’un litige : échappant à l’effet immédiat des législations nouvelles, les contrats demeurent en principe régis par les règles en vigueur au moment de leur conclusion. Et il n’en va pas différemment en droit international privé qui fait au contrat une place à part en le soumettant en principe à la loi choisie par les parties. Il est donc classique et presque banal de constater combien la qualification contractuelle d’une situation est déterminante du droit qui lui est applicable. Mais il y a aujourd’hui d’autres motifs de se pencher sur la question. On annonce en effet pour bientôt une unification, sinon du droit civil européen tout entier, du moins du droit européen du contrat. Plusieurs initiatives en ce sens ont récemment été mises en lumière, dont les projets 1 Gandolfietde l’Académie des privatistes européens Von Bar du Groupe 2 d’étude sur un Code civil européen . Or, à la différence d’instruments non contraignants tels que les Principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international ou les Principes du droit européen du contrat, les projets en cours aspirent à la force obligatoire. Il faut donc à nouveau se demanderà quoi les règles proposées sont destinées à s’appliquer. Au contrat, oui, mais qu’est-ce que le contrat ? Il conviendrait, à l’heure d’entreprendre une telle unification, de s’assurer que tout le monde s’accorde sur son exacte portée. Le contrat n’a peut-être pas la même signification, ni l’unification du contrat la même portée, selon que l’on se place d’un côté ou de l’autre de la Manche, des Alpes ou du Rhin. 2.Donner du contrat une définition supranationale est une nécessité, un préalable nécessaire à l’application des règles en cours d’élaboration. Mais l’entreprise est ardue. Un rapide survol du droit comparé suffit à se convaincre des profondes divergences qui séparent les systèmes juridiques 3 européens – pour n’évoquer que ceux-ci . Ceci est tellement vrai que, pour
1 Les travaux de cette Académie peuvent être consultés sur le site http://www.accademiagiusprivatistieuropei.it/. Un avant-projet, accompagné d’un volumineux rapport comparatiste du coordinateur, a été publié (en français) par l’éditeur italien Giuffrè en 2004, sous le titreCode européen des contrats – Livre premier. 2 V. le site http://www.sgecc.net/. 3 V. notamment G. ALPA, « Le contrat « individuel » et sa définition »,RIDC, 1988, p. 327.
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ne pas compromettre la mise en œuvre des instruments internationaux intervenus en la matière, il a parfois fallu prohiber toute qualification « nationaliste ». C’est ainsi que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice des communautés européennes, la notion de matière contractuelle au sens de la Convention de Bruxelles 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (devenue le Règlement « Bruxelles I » du 22 décembre 2000) est une « notion autonome qu’il faut interpréter en se référant principalement au système et aux objectifs de la 4 Convention » . Il en résulte qu’aux diverses conceptions internes du contrat, il faut en outre ajouter une conception internationale, qui n’est d’ailleurs peut-être pas la même selon que sont en cause les règles de conflits de lois 5 ou celles de conflits de juridictions . Si l’on se tourne vers la Convention de Rome 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, on s’aperçoit dès le premier article que les rédacteurs se sont heurtés à des difficultés de définition de la matière contractuelle. Après avoir déclaré la convention applicable « aux obligations er contractuelles », l’article 1 procède à l’énumération des questions exclues du champ d’application de la Convention. Si certaines de ces exclusions s’expliquent par le souci de ne pas porter atteinte à des instruments internationaux préexistants (c’est le cas du chèque et de la lettre de change), d’autres visent notamment à prévenir d’éventuelles divergences d’interprétation par les juges nationaux. Par exemple, on peut hésiter à faire entrer dans la catégorie « contrat » les régimes matrimoniaux, la représentation ou bien encore letrust: de fait, la qualification n’en est pas la même d’un système à l’autre. La convention prévient toute difficulté en se déclarant inapplicable à ces institutions. Mais elle ne se limite pas à une définition extrinsèque du contrat, par opposition aux situations qui lui sont étrangères. Elle s’attache également à délimiter son applicabilité aux différents aspects du contrat : l’interprétation, l’exécution, les conséquences 6 de l’inexécution, les conséquences de la nullité, etc . Or, ce n’est pas là le moindre des problèmes de qualification que soulève le contrat. Il ne suffit pas en effet de dire qu’une situation est globalement contractuelle. Il faut ensuite se prononcer sur la nature de chacun des aspects de la situation qui pourrait être l’objet d’une contestation : la phase préalable ou postérieure au contrat est-elle contractuelle ? Dans quelle mesure les tiers sont-ils intégrés
4  CJCE, 8 mars 1988,Arcado,RCDIP 1988, ;p. 610, note H. GAUDEMET-TALLON JDI1989 p. 453, obs. A. HUET ;D.1989, somm. p. 344, obs. B. AUDIT. 5 En ce sens, v. V. HEUZE, « La notion de contrat en droit international privé »,Trav. com. fr. DIP1997-1998, p. 319. 6 Art. 10, « Domaine de la loi du contrat ».
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à la sphère contractuelle ? Quelle est la nature des obligations non expressément stipulées par les parties ? etc … Il faut reconnaître que, sur toutes ces questions, la convention de Rome est très incomplète. 3. On perçoit aisément l’ampleur de la tâche qui consisterait à délimiter les frontières du contrat en droit comparé. Il n’est même pas certain qu’une telle étude soit réalisable, tant sont nombreuses les questions à envisager et divers les systèmes juridiques nationaux, même à s’en tenir aux pays de l’Union européenne. On se proposera simplement de recenser un certain nombre de points de divergence (peut-être les plus importants), pour en tirer des enseignements sur laméthodedoit présider à toute tentative de qui définition du contrat. 7 Deux approches de la question sont concevables . La première – que l’on pourrait qualifier de normative – est celle, notamment, du droit français. Elle consiste à accueillir comme un contrat tout accord de volontés qui non 8 seulement répond à la définition posée par l’article 1101 du Code civil , mais en outre obéit aux conditions de validité énumérées (incomplètement) 9 par l’article 1108 du même Code. Dans un tel système, le juge n’accepte de reconnaître quelque efficacité juridique à l’accord que parce que celui-ci a été conclu dans le respect de règles préétablies. C’est le sens de l’article 1134 du Code civil, qui reconnaît force de loi aux seules conventions « légalement formées ». De la sorte, les questions de l’existence et de la validité du contrat se confondent. Selon une autre approche, fonctionnelle, le juge ne doit accepter de connaître que des accords de volontés qui remplissent une certaine fonction économique ou sociale. Ça n’est qu’à cette condition que l’accord peut accéder au rang juridique de contrat. C’est, 10 notamment, l’approche du droit anglais . Pour celui-ci en effet, le contrat réalise un échange économique (bargain), dans lequel, en général, les parties consentent à subir un préjudice (detriment) en considération du profit (benefit) qu’elles escomptent. Cette conception résulte notamment de ce 11 que, lorsque le droit anglais a jugé nécessaire d’inventer le droitducontrat ,
7  On lira avec intérêt les hésitations de l’Académie des privatistes européens entre ces deux approches inCode européen des contrats – Livre premier,op. cit.p. 93. 8  « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». 9 « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention : le consentement de la partie qui s’oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; une cause licite dans l’obligation. » 10  Peut-être conviendrait-il de dire que c’est une des approches du droit anglais, tant la définition du contrat y est controversée. V. G. ALPA,op. cit., spéc. p. 330 et s. 11  Là où auparavant il ne connaissait qu’un droit des contrats. V. sur cette évolution P. S. ATIYAH,The Rise and Fall of Freedom of Contract, 1979, pp. 681-693.
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