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Abstract de la thèse
Le parking dans le grand ensemble
Dominique Lefrançois

Prix Jean Panhard


Le parking, un espace déprécié, associé aux insécurités sévissant en banlieue

Cette thèse est centrée sur les usages du parking et partant, de la voiture en banlieue, étudiés à
la lumière de l’observation de deux sites de la région parisienne – les quartiers Nord
d’Aulnay-sous-bois, le quartier du Palais à Créteil, et d’entretiens menés avec leurs habitants.
Elle s’attache à décrypter les qualités spatiales et sociales d’un espace considéré comme un
non espace ou un espace de conflit, et qui, aussi, de par l’emprise qu’occupe le stationnement,
se présente comme une question majeure posée par la généralisation de l’automobile en
milieu urbain.

Le parking a pour caractéristique d’être un espace complexe. Public par son inscription dans
un espace commun, mais privé par le bien qu’il contient, il associe bien des contraires : le
vide (lorsque la voiture roule), le plein (lorsque qu’elle est présente) ; l’arrêt, le déplacement.
Ce sont autant de caractéristiques qui ne sont pas sans contribuer à la difficile appréhension
d’un espace, qui alors que le voiture était l’apanage d’un petit nombre a pu faire l’objet des
plus grands soins, mais n’est plus perçu aujourd’hui pour les aménageurs et architectes que
comme une contrainte. Le parking, réduit le plus souvent au statut d’espace technique, enfoui
le plus possible dans les tréfonds d’un souterrain, n’a pas ...

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1
Abstract de la thèse
Le parking dans le grand ensemble
Dominique Lefrançois
Prix Jean Panhard
Le parking, un espace déprécié, associé aux insécurités sévissant en banlieue
Cette thèse est centrée sur les usages du parking et partant, de la voiture en banlieue, étudiés à
la lumière de l’observation de deux sites de la région parisienne – les quartiers Nord
d’Aulnay-sous-bois, le quartier du Palais à Créteil, et d’entretiens menés avec leurs habitants.
Elle s’attache à décrypter les qualités spatiales et sociales d’un espace considéré comme un
non espace ou un espace de conflit, et qui, aussi, de par l’emprise qu’occupe le stationnement,
se présente comme une question majeure posée par la généralisation de l’automobile en
milieu urbain.
Le parking a pour caractéristique d’être un espace complexe. Public par son inscription dans
un espace commun, mais privé par le bien qu’il contient, il associe bien des contraires : le
vide (lorsque la voiture roule), le plein
(
lorsque qu’elle est présente)
;
l’arrêt, le déplacement.
Ce sont autant de caractéristiques qui ne sont pas sans contribuer à la difficile appréhension
d’un espace, qui alors que le voiture était l’apanage d’un petit nombre a pu faire l’objet des
plus grands soins, mais n’est plus perçu aujourd’hui pour les aménageurs et architectes que
comme une contrainte. Le parking, réduit le plus souvent au statut d’espace technique, enfoui
le plus possible dans les tréfonds d’un souterrain, n’a pas d’existence en soi.
Dans les quartiers HLM, le parking, fortement associé aux violences urbaines, insécurités et
trafics liés à la voiture et aux banlieues, pose, en outre, de véritables problèmes de gestion.
Les parkings éloignés de l’espace d’habitation ou en sous-sol sont désinvestis par leurs
usagers souhaitant garer leur véhicule – principale cible des infractions sur la voie publique -
au plus près de leur logement de manière à pouvoir le surveiller depuis leur fenêtre. Mais le
bien privé de l’individu s’accapare les espaces extérieurs modernes que les acteurs de la
réhabilitation s’efforcent de rendre public, c’est-à-dire accessible à tous. L’espace public du
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grand ensemble que les architectes et urbanistes modernes voulaient ouvert et fluide avant
toute chose, sans limites de propriété affirmées, est accusé d’être propice aux conflits d’usage
et hostile à l’appropriation.
Un espace riche de ce qu’il n’est pas
La voiture, un bien individualisé, une marque de propriété bricolée, travaillée,
surveillée…
Cette thèse cherche donc à montrer comment le parking ou l’aire investie par la voiture, peut-
être vu, à contrario comme un espace à part entière, occupant même, une place centrale dans
la résidence HLM, apte à susciter tout à la fois une valorisation de l’espace public, une
appropriation au grand ensemble des relations sociales inescomptées entres les habitants.
Car, si le parking semble dépourvu de qualité intrinsèque, il n’en est pas moins riche de son
contenu. Dans un monde où l’individu serait moins valorisé pour ce qu’il a, que pour ce qu’il
est, la voiture tend, aujourd’hui, moins à signifier la réussite sociale que la particularité des
individus. La voiture, production standardisée au même titre que le logement, est, en tout cas,
à la différence de ce dernier, matière à fort investissement. L’individu tend à la vivre comme
une extension de lui-même mais aussi de sa maison. À ce titre, la voiture nous semble apte à
trouver place dans l’espace de représentation au pied de la barre, où l’on s’efforce le plus
souvent de l’évincer, en cela qu’elle inscrit un support d’identification au pouvoir nettement
plus identifiant que tous les artefacts architecturaux - aire arborée, portion de pelouse, barrière
- auxquels les acteurs de la réhabilitation ont recours pour le requalifier. De par ces qualités
d’objet très personnalisé, elle permet d’indexer dans l’espace où elle séjourne un peu
d’identité, celle de l’individu qui réprouve son identification à la barre HLM – jugée par trop
homogène et anonyme-, et au groupe social l’abritant dont l’individu cherche aujourd’hui à se
démarquer. Prothèse de l’individu mais aussi du logement, elle contribue en retour à participer
de l’appropriation de l’ensemble résidentiel qu’elle parvient par sa présence à individualiser.
Le parking ou l’espace converti comme tel en dessous du logement, en somme, privatisé par
la présence du véhicule, l’est par l’individu - mécanicien ou bricoleur -qui s’y active comme
si l’espace était sien. Mais ce qui s’y fait n’est-il pas de nature publique ? L’activité exercée
renvoie au travail, qui est une activité publique, une norme, une institution, propre à faire
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accepter une activité privée qui comme telle n’a pas sa place dans l’espace public. Et puis, le
bricolage et la mécanique ne participent-t-ils pas de la publicisation de l’espace public, en cela
qu’ils introduisent une marque privée dans l’espace public moderne considéré comme trop
vaste et donc trop public mais que les actions menées pour sa réhabilitation contribuent à
rendre encore plus public en y implantant des équipements et centres sociaux, faute de
pouvoir y attirer des commerces et entreprises.
La voiture, enfin, est aussi au coeur d’enjeux communs, aptes à induire des relations sociales
en des quartiers où celles-ci seraient le plus souvent conflictuelles. Le bricolage en est, la
surveillance un autre. Le parking –
figure moderne en quelque sorte des Biens communs des
villages de l’Ancien Régime - est un lieu en indivision qu’il convient de partager, pour que
tous puissent être à même à se garer dans la place de choix qu’est le logement. Or le fait de
pouvoir être tous à même à se garer ne relève-t-il pas d’un enjeu commun, propre à induire
des formes d’ ententes et de collaboration autour d’une voiture qu’il convient de surveiller ?
Car si l’implication des habitants dans l’espace limitrophe du logement ne va pas de soi dans
des quartiers HLM d’aujourd’hui, des études américaines montrent que dans les quartiers
même très pauvres, les habitants tendent à se mobiliser, les problèmes de sécurité s’estompant
même, lorsqu’ils deviennent propriétaires. Or de quoi les habitants en HLM sont-ils
propriétaires si ce n’est de leur voiture ? La surveillance est un acte à priori de repliement sur
soi, mais qui n’en a pas moins, selon nous, des incidences collectives : elle entraîne une
attention portée à son environnement. Le matérialisme et l’insécurité poussent l’individu à
diriger son regard vers le sol, à annexer au privé du logement une portion d’espace public fuit
de façon corporelle par un individu qui peut réprouver la présence de ses voisins. Le regard,
en outre, balaye large. La surveillance s’exerce sur un espace bien délimité, à l’intérieur
duquel on observe sa propre voiture, mais également celle qui est garée à côté qui, en
l’occurrence, appartient au voisin. L’inconnu présent sur le parking est aussi repéré. Ce
dernier, à priori suspecté, permet de définir l’étranger, celui extérieur à la résidence, et ce
faisant d’apposer des frontières : celle d’un espace considéré comme commun – l’espace
d’une résidence.
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Une auto plus souvent immobile que mobile, très présente dans l’espace résidentiel
Le parking est en somme indissociable de la voiture, dont il est question tout le long de cette
thèse. Celle-ci occupe, dans le
contexte de quartiers relégués et paupérisés, une place un peu
particulière. À l’heure d’une mobilité nécessaire à l’intérieur de la ville distendue, la voiture
est certes un bien acquis aujourd’hui par le plus grand nombre, et la situation même des
quartiers à la périphérie des villes, rend sa possession obligatoire. Les taux de motorisation
sont proches de la moyenne nationale. Mais si la voiture est un objet banalisé, son usage l’est
moins. Le coût du véhicule incite un certain nombre d’habitants, tirant parti des transports en
commun, à en limiter l’usage dans l’espace et le temps. La possession du véhicule jugée
indispensable pour les courses, les visites de familles ou d’amis mais aussi les besoins rares
que sont l’urgence (se rendre à l’hôpital) et les vacances - peut être aussi temporaire. Liée à
l’obtention d’un emploi, elle peut être comme lui fluctuant. La voiture dont on peut se
dessaisir après la perte d’un travail peut être aussi acquise pour le temps exclusif de vacances
(certains la revendant au retour), ou au moyen de la location, cette pratique qui aurait du mal à
s’implanter en France, mais, qui, dans les quartiers HLM s’avère très répandue pour des
raisons pécuniaires ou parce que l’usage de la voiture est très lié au festif, moment de dépense
autorisée dans les milieux populaires. Cet usage incite jeunes et moins jeunes à louer le
véhicule pour se rendre en « boîte » le samedi soir ou à l’occasion de cérémonies et fêtes très
souvent organisées par la communauté immigrée. En fait, si le coût du véhicule à l’achat n’est
pas le plus difficile à supporter, celui qu’occasionne son entretien et fonctionnement l’est
nettement plus. L’essence, que l’on cherche à économiser, l’état souvent vétuste de voiture
d’un certain âge que l’on n’a pas toujours les moyens de réparer et qui pour cette raison peut
séjourner plus longtemps que de coutume sur le parking du domicile tendent à faire du
véhicule dans les quartiers un moyen de locomotion moins souvent mobile qu’immobile, et,
donc, très présent dans l’espace public.
Un espace annexé au logement, à multiples fonctions
Mais si la voiture ne bouge pas toujours beaucoup, elle ne s’inscrit pas moins dans « un
quotidien » résidentiel, l’espace où elle séjourne, servant lui, à bien d’autres usages que son
seul stationnement. Le parking est utilisé un par un peu tout le monde, si l’on s’arrête sur
l’utilisation d’un coffre de voiture ou d’un box converti en placard de la cuisine. Nombre
d’habitants y stockent des vivres et objets courants. L’espace, à plus proprement parlé
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masculin, est investi par les jeunes qui tendent à s’y replier lorsque les locataires s’exaspèrent
de leur présence dans les halls d’entrée ou parce que les plaintes à leur égard finissent par les
perturber ! Espace de reflux, propre à contenir ou circonscrire l’activité d’adolescents
« rouillant » dans l’espace public, le parking squatté en dessous du logement de parents – sur
un autre parking, les locataires pourraient croire qu’ils convoitent leur voiture ! -
s’offre
comme un espace de régulation d’un conflit qui tend à faire s’opposer les jeunes et les adultes.
La voiture, en son sein, apporte son lot d’animations. Vécu de manière collective sur le mode
du territoire, elle n’en est pas moins un bien fortement individualisé qui, à la différence de la
moto, ne se prête, mais en laquelle on est autorisé à monter, que se soit pour s’y asseoir ou
faire un tour. La voiture qui permet de « tourner », certains propriétaires monnayant même le
droit (moyennant deux euros) de la conduire, extrait régulièrement les jeunes d’un parking où
sans cesse, toutefois, ils reviennent. Les jeunes apprécient ses qualités de seuil - un espace, à
la fois animé par les allées et venues d’habitants aujourd’hui motorisés le traversant, et à la
fois tenu à l’ombre du logement. L’homme adulte très, présent à l’heure du moindre emploi,
l’a transformé, lui de son côté, en véritable atelier de mécanique ou de bricolage.
Un espace support à l’appropriation du logement et de la barre HLM, par le biais d’un
travail que l’on fait sur sa parcelle parking
Le bricolage exercé sur la voiture l’est parfois aux fins de la personnaliser ; certains parfois le
font avec la volonté de la faire se différencier de celle de leur voisin. La voiture fait parfois
l’objet d’ingénieuses transformations : celles-là mêmes que l’habitant en HLM ne peut
s’autoriser sur l’habitat, en cela qu’il est collectif – géré et ornementé par un gérant. Certains
véhicules, après transformations, ne sont pas sans évoquer celles que le facteur Cheval a pu
faire « subir » à sa maison. De fait la voiture est une propriété, le logement, une location.
Aussi, si le parking peut s’offrir comme
le support d’une identification - non pas indexée à
l’immeuble dont
tout un chacun cherche à se démarquer, c’est avant tout, parce qu’il offre la
possibilité de s’adonner au bricolage, qui, lui, est un véritable acte d’appropriation.
L’individu qui y travaille, oeuvre pour lui-même - le bricolage lui permet de manifester son
individualité– mais aussi pour son logement : la mécanique exercée sur la parcelle parking
vécue comme le prolongement de l’appartement contribue à parcelliser la barre HLM. La
cellule d’habitation doublée de sa parcelle parking en ressort individualisée un peu à la
manière du pavillon, cette forme d’habitat individuel d’autant plus valorisée par les Français
qu’elle autorise, par-delà l’intérêt de son acquisition, la possibilité de pouvoir disposer en son
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sein d’un espace à soi. Ce pavillon, en lequel l’individu peut donner libre cours à des activités
telles que le bricolage ou le jardinage et qui sont autant de tâches jamais terminées et sans
cesse à recommencer, autant d’actes permettant de faire sien un espace aménagé par d’autres,
lui apporte ce qui peut aujourd’hui participer du confort du logement : à savoir suffisamment
de place pour pouvoir bénéficier d’un espace de retrait, à l’heure où la famille aujourd’hui est
perçue comme un refuge, mais où l’autonomie en son sein est également souhaitée. Ce
confort, l’individu, faute de pouvoir le vivre dans la cellule d’habitation HLM par trop
peuplée, de taille trop réduite, le trouve justement, dans l’espace libre et ouvert, considéré
comme trop vaste pour en permettre l’appropriation, mais dont l’ampleur pourrait contribuer à
participer de l’appréciation d’un logement. Le parking vécu comme s’il était une pièce de
l’appartement parvient en retour à parcelliser et inscrire une marque de propriété dans un
espace extérieur jugé trop public.
Une activité associée à un métier que l’on tendrait moins aujourd’hui à faire dans
l’espace du travail que dans le quartier d’habitation
Ce qui s’y fait en outre est de nature publique. En effet, l’activité omniprésente dans l’espace,
l’est non seulement parce que beaucoup s’y adonnent mais aussi parce qu’elle se montre. Le
bricolage, bien qu’interdit dans la résidence, au même titre que les activités illicites exercées
à fin de rémunération auxquelles la mécanique renvoie, n’est nullement caché. Car ce qui
compte avant tout, pour le bricoleur, c’est de se démarquer de l’oisiveté et de l’errance
condamnée par notre société, associée aux quartiers et parfaitement représentée par la
présence des jeunes dont l’homme adulte cherche à se distinguer. Et ceci passe par la mise en
évidence de ce que le mécanicien y fait : il travaille. L’individu cherche en somme à
amoindrir l’impact de sa présence en se camouflant sous le signe d’une professionnalisation.
Et l’activité se montre peut- être d’autant plus que l’emploi souvent proposé aux habitants des
banlieues dans le secteur tertiaire est lui, véritablement dévalorisé et n’exige aucune
qualification. Le travail manuel auquel peut être assimilé mécanique ou bricolage, alors
qu’aujourd’hui l’emploi exigeant technicité et compétence est peu banalisé, peut peut-être
beaucoup plus que la voiture jouer le rôle de signe de distinction.
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Un lieu de mixité sociale, un point de repère dans la résidence
.Le parking est un espace que l’on vit, à la manière du pavillon, comme un intérieur, à l’heure
où l’individu, moins porté par les relations de voisinage, aspire à une vie plus centrée sur le
logement. Mais cet intérieur s’inscrit à l’extérieur. L’individu qui y travaille en solitaire ou
avec les siens
jouxte ou côtoie d’autres individus ou groupes. L’activité, comme le dit Loic
Wacquant de la boxe, est un sanctuaire : elle concentre donc, et isole. Elle joue en quelque
sorte le rôle de barrière. Car à l’instar de cette dernière, elle protège l’homme de son
entourage, en même temps qu’elle autorise par un mouvement contraire, son rapprochement.
La mécanique, passion de l’homme invite à partages et bavardages entre des personnes qui
autrement ne seraient pas toujours enclines à se parler. L’espace très passant attire aussi à lui
ceux pour qui le parking joue un peu la fonction de seuil, ceux donc venant y déposer leur
véhicule en rentrant du travail et s’accordent une halte en rendant visite aux bricoleurs qu’ils
connaissent ; ceux qui, désireux de sortir de chez eux, se saisissent de l’alibi pour aller
rejoindre les autres mécaniciens, mais dont le but est moins d’oeuvrer que de discuter. Le
travail en somme attire le travailleur au nombre duquel peut figurer un ou deux commerçants
ambulants. Ces derniers dont la viabilité du commerce tient justement à leur mobilité, leur
aptitude à sillonner non pas un seul mais plusieurs quartiers, tirent parti de cet espace à la
croisée des flux. Le parking leur permet de faire se croiser deux types de clients : des
mécaniciens et habitants ; des personnes extérieures à la résidence ou au quartier, tels par
exemple celles y travaillant, (policiers, étudiants d’une université limitrophe), tous concernés
par l’absence de commerces de proximité. Le parking, qui met en présence des gens très
différents, se profile comme un lieu de mixité sociale.
Il fait figure à l’instar des anciens cafés (dorénavant moins fréquentés), des commerces
(difficiles à implanter), de point de repère, fonctionnant, même jusqu’à très loin à la ronde si
l’on en croit la présence de ces anciens habitants – ne résidant plus sur les lieux mais que l’on
trouve à travailler ou discuter avec leurs anciens voisins. Le parking en somme fait office
d’espace public, pour cet ancien habitant qui est parvenu à accéder à un plus grand
logement, que ce soit pour les uns le pavillon, pour les autres un appartement dans une cité
HLM : il est le lieu d’une sociabilité qu’ils ne trouvent pas dans leur nouveau quartier.
Le parking où l’on travaille, plutôt dominé par des hommes plus âgés – distinct selon la règle
de fonctionnarisation de l’espace du parking « maison à plus proprement parler de jeunes » -
est un lieu de transmission : la mécanique exige un certain savoir faire que l’on apprend
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moins à l’usine ou à l’école, qu’auprès des anciens. Le parking, qui réunit le temps d’une
réparation des fils et des pères, renvoie à un certain ordre : il rappelle – le travail manuel
apprécié par les jeunes issus d’un monde anciennement ouvrier, exercé de manière informelle
entre deux contrats à durée déterminée, pouvant conduire à un emploi (dans le secteur
automobile notamment), que la famille, ou le milieu sont encore des valeurs sur lesquelles on
peut compter. La pratique très ancienne de mécaniciens y travaillant parfois dès l’origine du
quartier, ou de jeunes pour qui le parking squatté dès le plus jeune âge, encore chéri lorsqu’il
n’y séjourne plus car il relève du souvenir d’enfance, est aussi propre à inscrire de la mémoire
aux lieux. En bref cette mémoire, que le grand ensemble n’aurait pas, en raison de l’absence
de rues animées de commerces supposées l’insuffler, le parking, cette pièce informe et neutre,
l’intronise.
Un espace réputé non sur, mais ordonné par la nécessité commune de garer ou surveiller
sa voiture, instrument, elle, d’une mobilité qui rend plus sur
Le parking est un espace très régenté et sous contrôle : le stationnement perçu comme
anarchique obéit en fait à des règles, de manière que tous puissent se garer au plus près du
logement. La voiture, que l’on peut ainsi surveillée l’est par delà son propriétaire, par un peu
tout le monde, par sa famille, ses proches, mais aussi le voisin, les jeunes et les enfants qui
séjournent sur le parking et que l’on sait tous vigilants. Et ce d’autant plus que le parking pâtit
peut-être avant même du problème de l’insécurité qui se porte sur la voiture dans les quartiers
comme dans d’autres parties de la ville, de son statut ambigu, à la fois public et privé.
L’espace, continuellement surveillé, l’est pour se prémunir d’un étranger communément
désigné en la personne extérieure à la résidence : clients de commerces, employés des services
publics désireux aussi de s’y garer et contre lequel tous bataillent ou plus simplement policier
.
Ce dernier est, susceptible de verbaliser les voitures mal garées, immobilisées plus longtemps
que ne l’autorisent les règles de stationnement sur la voie publique, parce qu’elles roulent peu
faute de moyens pour payer les réparations ou l’essence, ou parce qu’on a pas pris en compte
l’importance d’un des usages du parking. Le parking abrite un certain nombre de voitures en
attente de réparation, ou plus simplement transformées en remises à outils et qui comme telles
peuvent être la cible d’une amende, si l’habitant n’intervient pas.
Et puis, le parking réputé alimenter le sentiment d’insécurité dans les quartiers est en fait avant
tout le lieu où stationne la voiture, instrument d’une mobilité, qui, elle, est source de sécurité.
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Car la mobilité est coeur de la notion d’appropriation
dans le sens où offre la possibilité (par le
biais par exemple des loisirs et vacances que la voiture autorise) de démultiplier les sphères
d’investissements vers d’autres lieux que le seul quartier d’habitation. Ce qui contribue à le
faire mieux accepter, d’être, aussi moins soumis au sentiment d’insécurité qui affecterait en
premier lieu les populations captives. L’offre de stationnement, à ce titre, peut être considérée
comme un élément favorisant une mixité tant sociale que fonctionnelle.
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condition du maintien des commerces et des équipements dont les clients et employés font, du
reste, eux véritablement les frais d’une insécurité qui touche plus particulièrement la voiture
des gens extérieurs aux quartiers (ceux venant y travailler ou représentant une institution
touchée en premier chef par les violences dites « urbaines »). Elle peut l’être également de
l’implantation aujourd’hui désirée des classes moyennes pour lesquels on tend à adapter
l’intérieur des logements en omettant de prendre en compte leur besoin de stationnement. L’un
des atouts de la banlieue tient à l’espace plus vaste que l’on peut y trouver à l’intérieur mais
aussi à l’extérieur du logement. L’on peut trouver à y garer ses deux voitures, sans pour autant
avoir à en payer le prix de stationnement, comme en d’autres parties de la ville. C’est tout au
moins l’avis des habitants des classes moyennes que nous avons interrogées, pas toujours
encline à fréquenter l’espace public en bas de chez eux. Quoique l’on peut trouver quelques
uns à bricoler sur un parking qui s’avère être bien plus qu’un entre d’eux, mais un espace
public central, apte à faire en son sein se mélanger les gens et les genres.
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