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  • cours - matière potentielle : souveraines
15 AOÛT 1539 : L'ORDONNANCE ROYALE DE VILLERS-COTTERÊTS Le 15 août 1539, au château de Villers-Cotterêts (actuel département de l'Aisne, en Picardie), le roi François 1er signe une Ordonnance(1) de 192 articles intitulée joliment : « Ordonnan du Roy sur le faid de justice » Outre le fait qu'elle fxe de nouvelles règles en matière de justice, cette Ordonnance est historiquement très importante et célèbre pour deux raisons : > D'une part, elle institue la tenue de registres dans chaque paroisse, prémices d'un Etat civil.
  • projets de loi relatifs au statut des langues régionales
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15 AOÛT 1539 : L'ORDONNANCE ROYALE DE VILLERS-COTTERÊTS
L'Ordonnance de Villers Cotterêts : Archives nationales.
Le 15 août 1539, au château de Villers-Cotterêts (actuel département de l'Aisne, en (1) Picardie), le roiFrançois 1ersigne une Ordonnancede 192 articles intitulée joliment : «Ordonnan du Roy sur le faid de justice» Outre le fait qu'elle Fxe de nouvelles règles en matière de justice, cette Ordonnance est historiquement très importante et célèbre pour deux raisons : > D'une part,elle institue la tenue de registres dans chaque paroisse, prémices d'un Etat civil. (Articles 50 à 55) > D'autre part,elle établit que tous les actes légaux et notariés seront désormais rédigés en« langage maternel françoys »(Articles 110 et 111).
La tenue des registres de baptêmes et des sépultures :
Art.50.«Que des sepultures des personnes tenans beneFces sera faict registre en forme de preuve pour les chappitres, colleges, monasteres et curez, qui fera foy pour la preuve du temps de la mort, duquel sera faict expresse mention esd. registres, pour servir au jugements des procès ou il seroit question de prouver led. temps de la mort, a tout le moins quant a la recrance. »
(Que pour les sépultures des personnes tenant bénéFces sera fait registre en forme de preuve pour les chapitres, collèges, monastères et curés, qui fera foi pour la preuve du temps de la mort, duquel sera fait expressément mention desdits registres pour servir au jugements des procès ou il serait question de prouver ledit temps de la mort, à tout le moins quant à la récrance.) [En résumé : Les sépultures des gens de bien doivent être enregistrées par les prêtres, qui doivent mentionner la date du décès.]
Art.51. «Aussi sera faict registre en forme de preuve des baptesmes, qui contiendront le temps de l'heure de la nativite, et par l'extraict dud. registre se pourra prouver le temps de majorité ou minorité et fera plaine foy a ceste Fn. »
(Aussi sera tenu registre pour preuve des baptêmes, lesquels contiendront le temps et l'heure de la naissance, et dont l'extrait servira à prouver le temps de la majorité ou de la minorité et fera pleine foi à cette Fn.)[En résumé : Les baptêmes doivent être enregistrés par les prêtres qui doivent en mentionner la date.]
La tenue de registres dans lesquels sont enregistrés les baptêmes est conFée aux curés de chaque paroisse. Le clergé devient, en quelque sorte, un agent de recensement de la population. Les règles d'enregistrement sont édictées dans les articles de l'Ordonnance (Art. 50 à 55). On peut entrevoir dans ces articles de 1539 les prémices d'une sorte d'État civil. Quarante ans plus tard, l'Ordonnance de Blois (1579), signée par Henri III ordonnera aux curés et vicaires, de tenir registre des naissances, mariages et décès de toute personne ; elle stipule que le mariage doit être célébré devant le «curé parochial» après publication de bans et en présence de témoins dignes de foi (article 40). Outre le fait de recenser les baptêmes et les sépultures, ces dispositions allaient également permettre de pérenniser les patronymes. Au Moyen-Âge, les seuls nobles avaient un nom de famille héréditaire. Les gens du peuple avaient un prénom de baptême qui leur servait de nom. L'usage voulait que l'on désignât les personnes par un surnom pour distinguer les nombreux homonymes. Exprimés dans tous les idiomes du royaume ces surnoms étaient librement donnés en fonction d'un lieu d'origine ou d'habitation, d'une Fliation, d'un métier, d'une particularité physique, d'un trait prononcé de caractère, ou de tout autre critère. Ils sont à l'origine des noms de familles actuels. Jusqu'à l'Ordonnance de Villers-Cotterêts, le plus grand désordre régnait au point de vue du port et de la transmission des noms de famille. À partir de 1539, par la tenue des registres de baptêmes, ces noms de famille seront, de fait, héréditaires et les nouveaux-nés seront déclarés sous le nom de leur père... il faudra attendre le... 1er janvier 2005 pour qu’entre en application une loi prévoyant de nouvelles règles de transmission du nom.
EnFn, ce souci d'organisation traduit, en Fligrane, un souci d'efFcacité pour lutter contre la fraude Fscale. Et oui, déjà ! En étant enregistré, difFcile d'échapper plus tard à l'impôt (2) direct :.la Taille
L'usage du « langage maternel françoys » dans les actes ofciels :
Art.110.«Que les arretz soient clers et entendiblesEt aFn qu'il n'y ayt cause de doubter sur l'intelligence desdictz arretz. Nous voulons et ordonnons qu'ilz soient faictz et escriptz si clerement qu'il n'y ayt ne puisse avoir aulcune ambiguite ou incertitude, ne lieu a en demander interpretacion. »
(Que les arrêts soient clairs et compréhensibles, et aFn qu'il n'y ait pas de raison de douter sur le sens de ces arrêts, nous voulons et ordonnons qu'ils soient faits et écrits si clairement qu'il ne puisse y avoir aucune ambiguïté ou incertitude, ni lieu d'en demander une explication.) [En résumé : Les lois et les textes juridiques doivent être rédigés de manière claire et intelligible.]
Article 111 de l'Ordonnan du Roy sur le faid de justice
Art.111.«Et pour ce que telles choses sont souventesfoys advenues sur l'intelligence des motz latins contenuz es dictz arretz. Nous voulons que doresenavant tous arretz ensemble toutes aultres procedeures, soient de nous cours souveraines ou aultres subalternes et inferieures, soient de registres, enquestes, contractz, commisions, sentences, testamens et aultres quelzconques actes et exploictz de justice ou qui en dependent, soient prononcez, enregistrez et delivrez aux parties en langage maternel francoys et non aultrement. »
(Et parce que de telles choses sont arrivées très souvent, à propos de la compréhension des mots latins utilisés dans les arrêts, nous voulons que dorénavant tous les arrêts et autres procédures, que ce soit de nos cours souveraines ou autres, subalternes et inférieures, ou que ce soit sur les registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments et tous les autres actes et exploits de justice ou de droit, que tous ces actes soient dits, écrits et donnés aux partiesmaternel« langage françoys », et pas autrement.) [En résumé : Les lois du royaume, les documents administratifs ou juridiques ne seront plus rédigés en latin.]
Par ces deux articles, tous les sujets du roi pourront donc comprendre les documents administratifs et judiciaires.... sous réserve néanmoins qu'ils lisent et écrivent le«langage maternel françoys», ce qui, dans les faits, ne concerne qu'une inFme partie de la population ayant accès à l'instruction.
D'une part, parmi les dialectes de langue d'Oil une minorité parlait le« françoy »du roi pratiqué dans le bassin parisien et sur les bords de la Loire ; d'autre part, le« françoy populaire » était assez éloigné de celui de la Cour. Les autres locuteurs d'Oil parlaient le normand, le champenois, le bourguignon, le vendéen, le poitevin, le picard, le saintongeais... etc, qui sont autant de dialectes différents constitutifs de l'actuel français.
Si l'on se réfère à la carte légendée ci-dessous (la rance de rançois 1er) et que nous comparons cette carte avec celle des dialectes et des langues historiques de la rance (3) actuelle, le peuple du royaume s'exprimait essentiellement dans un dialecte de langue d'Oil au nord de la Loire, dans un dialecte d'Oc au sud ou dans un parler breton dans le Duché de Bretagne récemment acquis à la couronne (1532, soit 7 ans plus tôt).
Il ne faut donc pas perdre de vue qu'à cette époque, ce que nous pourrions appeler le « français » était essentiellement la langue de la Cour, des élites (noblesse et clergé), d'une partie des écrivains, des riches négociants, des ofFciers de justice et des notaires.
Un texte contre le latin juridique et contre le pouvoir ecclésiastique :
Avant 1539, les textes juridiques écrits étaient majoritairement en latin, langue de toutes les personnes instruites de cette époque. L'article 111 montre que le latin est explicitement cité et visé dans ce texte : parce que source d’équivoques, d’ambiguïtés et de malentendus dans l’interprétation des arrêts. En ceci l’Ordonnance de 1539 n’innove nullement : les rois de rance avaient déjà (4)entrepris auparavant une politique de « délatinisation » des actes juridiques motivée par un souci de clarté et de précision d’expression que le latin ne permettait pas ou plus sufFsamment et, en même temps, par la volonté de rendre intelligibles les actes de justice à tous ceux qui ne connaissent pas cette langue de communication savante. Cependant, le latin est aussi associé au pouvoir de l'église et le pouvoir ecclésiastique est nommément visé. Parmi les 192 articles de ce texte, les articles 1 à 5 limitent celui-ci aux seules affaires religieuses.
Le roi renforce ainsi ses plus grands pouvoirs administratifs en déterminant les limites entre la juridiction ecclésiastique et séculière (laïque). Cette politique est d'autant plus opportune en 1539 qu'un concordat signé avec le pape Léon X à Bologne, le 18 août 1516, er assure à rançois I un très large contrôle sur l'épiscopat dont il propose les candidats à l'investiture pontiFcale.
Un texte dirigé contre les idiomes (régionaux) du royaume ?
Si l'Ordonnance de Villers-Cotterêts est clairement dirigée contre le latin en tant que langue juridique, l'est-elle aussi clairement contre les idiomes régionaux du royaume ? Les avis sont partagés à ce sujet. La polémique se concentre, en effet, autour de l'interprétation de l'expression citée dans le texte de l'article 111 :« en langage maternel françoys ».
Beaucoup d'historiens lisent dans cette expression une ofFcialisation du français dans tout le royaume de rance. En d'autres termes : unité linguistique = unité territoriale.
D'autres interprètent, au contraire, cette expression comme un « ou » englobant toutes les langues et dialectes de ce même royaume : en ce sens,maternel françoys»« langage (4) remplacerait l'ancienne expressionet langage du pays « vulgaire », antérieurement employée. Pour essayer de comprendre les arguments des uns et des autres, nous nous référerons à deux longs articles, disponibles sur Internet, de Jean Pierre Cavaillé, Maître de conférence à l'EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales), intitulés : « La légende de Villers Cotterêts » et « La langue qui n'existait pas ». Sources :008/es/2chivm/ar45h.1176/201800/p:ttta//lhtmolbloc.g.nabanachttp://taban.canalblog.com/archives/2008/12/17/11786374.html Ainsi, selon Pierre Martel, professeur à l'Université Paul Valéry de Montpellier, l'article 111 vise, sans le nommer, l’occitan. C'est, en effet, la seule autre langue utilisée dans le royaume pour les productions juridiques en dehors du français et du latin. Même si cette production est minime et résiduelle, à la veille de 1539, l'occitan n'en demeure pas moins (5) langue juridique dans les Pays de Droit écrit du sud de la rance, au moment de l'Ordonnance. Le français écrit a déjà gagné la partie dans la plupart des villes occitanes, l’occitan écrit voit son domaine réduit aux bourgades et aux campagnes plus reculées. Au contraire, Jean Pierre Cavaillé démontre que plusieurs arguments militent pour une autre interprétation : è è - L'idéologie nationaliste de la Fn du XIX et du début du XX siècle a fait une lecture partisane de l'Ordonnance de Villers-Côtterets, transformant ce texte en mythe fondateur.
e - Rien n’est plus courant que de voir considérer, au XVI siècle, le langage français comme pluriel, multiple, en tant que langue maternelle des « pays » composant le royaume. Dans cette multiplicité, la langue de Paris et du bord de Loire, langue de la Cour, s’impose d’abord comme langue du pouvoir car langue du roi. - Désignant comme « françaises » les langues maternelles des diverses provinces, l'expressionfrançoys »« maternel  aurait valeur de terme générique pour considérer tous les idiomes en usage dans le royaume, y compris le« françoy ». è - Les juristes du XVI siècle qui évoquent l'Ordonnance de 1539 ne parlent que de sa portée contre le latin : aucune protestation en faveur des autres langues du royaume alors que des défenseurs de la cause latine se sont, eux, bel et bien exprimés.
- Le français n'avait pas besoin d'une Ordonnance pour s'imposer. Un processus de centralisation linguistique s'était déjà largement engagé auparavant. Il n'y aurait pas eu de contrainte politique en ce sens car les élites locales, éminemment intéressées, avaient déjà adhéré à l'usage de la langue du roi. Ces élites, bien qu'acquises au prestige du « françoy » royal, étaient d'ailleurs parfaitement bilingues.
- EnFn, une glose juridique (commentaire interprétant une loi) du juriste Pierre Lebuffe, rédigée en latin quelques années après l'Ordonnance de rançois 1er vient corroborer cette interprétation. Ce magistrat né à Montpellier fut premier président du parlement de Paris, voici ce qu'il écrivit :
«Pour éviter les ambiguïtés et les obscurités qui se trouvaient dans la langue latine […] Le Roi a édicté que désormais les contrats, procédures, sentences, arrêts et tous autres actes doivent être rédigés en langue vulgaire : comme il est écrit dans le texte « en langaige maternel », et ceci veut dire en idiome du lieu et maternel ; ainsi les français [Galli, en latin : français de la zone Oïl] doivent-ils rédiger les actes en langage français [Gallicis verbis] et les Occitans [Occitani] en langue vulgaire, et dans l’idiome propre du pays [patriae] : car s’il en était autrement, si les actes devaient être écrits en français, l’obscurité serait supérieure. Parce que de nombreux gascons et de nombreux autres gens peu cultivés qui sont sous la juridiction des Parlements de Bordeaux et de Toulouse ne comprendraient pas ce langage français. Et si les actes devaient être écrits ainsi, cette Ordonnance n’enlèverait pas les ambiguïtés, mais les accroîtrait plutôt.[…] C’est pourquoi le roi a décidé que ces actes seront rédigés en langage vulgaire maternel ; c’est pourquoi il a dit « Maternel rançoys », parce que ce n’est ni la langue italienne, ni la langue espagnole. Car on dit communément maternelle de la langue du lieu où l’on est né, c’est pourquoi il appelle pour la rance, langage maternel, celui qui est parlé dans le pays ; mais il dit « maternel françoys », et non pas simplement « françoys », parce qu’il proclame ne pas vouloir obliger quiconque à se servir du langage français [d’Oïl], mais de celui de son pays, selon les usages des différentes régions de rance où ces actes et autres procédures sont faits.
[…] … le texte dit « Maternel françoys », non pas seulement « françoys », parce que dans toute la rance que ce soit en Auvergne, en Gascogne ou dans tout autre pays de langue d’oc, le langage qui y est parlé est « françoys maternel ». Ce n’est en effet ni un langage maternel « Espagnol », ni un langage maternel « Anglais ». Et c’est ainsi que l’on comprend cette Ordonnance.»
Pour J.P Cavaillé, il ne peut ainsi y avoir d'ambigüité : selon Pierre Rebuffe, juriste autorisé s'il en fut, contemporain de l'Ordonnance, l'expression« langage maternel françoy » de l'article 111 recouvre toutes les formes de langues parlées dans le royaume.
Un texte entérinant un mouvement de « collaboration » linguistique :
En vérité, et sous couvert de rendre une administration plus accessible, le cent onzième article de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts n'a fait qu'entériner un mouvement de e centralisation linguistique déjà amorcé depuis plusieurs siècles. C'est, en effet, entre les XIV e et XV siècles que le français s'est petit à petit imposé comme langue administrative dans les chartes royales, au détriment du latin et des langues régionales du royaume. Historiquement, la rance est une construction politique sans unité linguistique à (6) l'origine. Y compris dans les contrées les plus reculées du royaume, les « élites » n'ont
donc pas attendu l'Ordonnance pour faire leur la langue française et ainsi se rapprocher du pouvoir central. Plaire aux puissants, adopter une attitude intéressée, se faire « bien voir du pouvoir » et collaborer en ce sens... ne date pas d'hier ! Ainsi, en 1448, peu après sa création, le Parlement de Toulouse décide de son propre chef qu'il n'emploierait plus que la langue d'oïl dans ses travaux et ses écrits, bien que cette langue fût complètement étrangère aux parlementaires toulousains et à leurs concitoyens.
En guise de conclusion :
Par l'Ordonnance du 15 août 1539, rançois 1er réforme la justice pénale et l'administration de son royaume tout en afFrmant et en renforçant son pouvoir vis à vis de l'Eglise invitée à ne légiférer que pour les affaires religieuses. Cette loi, en vigueur sur tout le territoire, transforme les prêtres en agents de l'administration obligés de tenir à jour les registres qui recensent les baptêmes pour tous. Le latin disparaît en rance comme langue juridique mais il ne meurt pas et restera encore longtemps la langue des échanges internationaux, la langue des érudits, la langue ofFcielle de l'église (jusqu'au concile de Vatican 2, en 1962). (7) Le français n'est pas instauré en tant que langue ofFcielle du royaume en 1539, au sens strict que nous lui donnerions aujourd'hui avec obligation de l'apprendre et de le parler. C'est la langue du roi qui est langue écrite des lois, actes, de l'expression du pouvoir. Cette disposition ne concernait que la langue du Droit et de l’État sans aucune incidence sur les pratiques linguistiques d’ordre privé pour lesquelles la diversité a prévalu jusqu’à la Fn de l’Ancien Régime.
Que ce texte soit ou non dirigé contre l'occitan ou d'autres idiomes dialectaux du royaume, le passage du latin au français ne changera rien dans le quotidien des gens du peuple qui, analphabètes et majoritairement non francophones, ne pouvaient avoir un accès direct à la langue du Droit et de la Justice. Ils dépendaient entièrement de la traduction orale que les magistrats devaient nécessairement faire des actes, avec parfois, à leurs dépens, tous les « arrangements entre amis » possibles et imaginables éventuels de la part d'une caste de possédants.
L'Ordonnance du roi n'a fait qu'entériner un processus de centralisation linguistique initié bien plus tôt par des élites « provinciales » soucieuses de se rapprocher du pouvoir, de collaborer avec lui. À l'échelon local, ceux qui lisent et écrivent la langue du roi vont d'ailleurs former une caste inuente.
Malgré cette réforme royale, dans les pays d'Òc de Droit écrit, on trouve quelques textes, de dimension cependant locale, rédigés en occitan, postérieurs à l'Ordonnance du 15 aôut (8) 1539, et cela plus d'un siècle plus tard .
Nous noterons enFn que l'Ordonnance de Villers-Cotterêts n'a pas été remise en cause ni abrogée par la Révolution de 1789. Aujourd'hui, les plus farouches adversaires de la reconnaissance des langues régionales par la Constitution française, bien que se réclamant Républicains, mettent en avant ce texte « royal » toujours en vigueur dans la République française pour contrer tous les projets de loi relatifs au statut des langues régionales. C'est là un paradoxe culturel exclusivement français dans l'Europe contemporaine. Novembre 2010 Alain loutard, CP Occitan 31
NOTES
1)
2)
3)
4)
5)
6)
7)
8)
Sous l'ancien régime, une Ordonnance est une loi applicable dans tous le royaume.
Sous l'ancien régime, la Taille est un impôt direct annuel uniquement supporté par le Tiers Etat. Principale contribution directe, objet de nombreux ressentiments, la Taille disparaît avec la révolution de 1789.
Un dialecte est une variante constitutive d'une langue. Il n'y a pas des langues et des dialectes mais des langues composées de dialectes. Une langue officielle est un dialecte qui a réussi politiquement en s'imposant comme langue de référence hégémonique. C'est le cas du dialecte de l'Île de France, parlé par les rois de France qui est à l'origine du français actuel. Seraient-ils nés en Normandie, la norme de notre langue nationale serait « ptêt-ben » différente aujourd'hui.
En 1454, une Ordonnance de Charles VII avait obligé à rédiger les coutumes qui tenaient lieu de Droit. Ces rédactions se sont faites, dans le respect de l'égalité, en langue maternelle, que ce soient des langues d'Oil, d'Oc ou d'autres.
L'Ordonnance de Moulins de Charles VIII, en 1490 : L'article 101 exige que la langue maternelle et non le latin soit utilisée dans les interrogatoires et les procès verbaux.
L’Ordonnance générale de Lyon, du roi Louis XII, sur la réformation de la justice, (juin 1510, Art. 47) :«Pour obvier aux abus et inconvéniens, qui sont par ci-devant advenus au moyen de ce que les juges desdits païs de droit escrit ont fait, les procès criminels des dits païs en latin, et toutes enquestes pareillement, avons ordonné et ordonnons ; afin que les témoins entendent leurs dépositions et les criminels les procès faits contre eux que doresnavant tous les procès criminels et lesdites enquestes en quelque matière que ce soit,seront faitesen vulgaire et langage du païsseront faits lesdits procès criminels et enquestes, autrement ne seront d’aucun effet ou valeur»
On oppose les pays de Droit coutumier (usage juridique oral accepté par la population d'un territoire déterminé) aux pays de Droit écrit (héritage issu du Droit romain, l'usage juridique est consigné par écrit et fait force de loi sur un territoire déterminé). Globalement, les pays d'Oil du nord de la France étaient de Droit coutumier et les pays d'Oc, au sud, de Droit écrit.
Dans « La mort du français », un essai passionné autant que passionnant publié en 1999, le linguiste et écrivain Claude Duneton rappelle que l'anglais, l'allemand, le castillan ou encore le toscan, qui sont aujourd'hui les langues officielles du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'Espagne et e de l'Italie, étaient déjà comprises par la majorité de la population, dans ces pays, au XV siècle. Rien de tel en France ! À l'exception de l'Ile-de-France et du Val de Loire, toutes les provinces ont usé dans la vie quotidienne, jusqu'au début du XXe siècle, de langues régionales originelles ou de dialectes d'Oil plus ou moins éloignés du français de Paris.
e Le français n'est pas encore linguistiquement normalisé au XVI siècle. Comme il y avait bien plus d'un seul « langage maternel francoys » dans le royaume de 1539, certains juristes (cf. : Pierre Lebuffe, cité dans ce dossier) ont pu interpréter que l'édit royal ne se limitait pas à la seule langue française et que sa protection s'étendait à toutes les langues maternelles du royaume.
Dans le Midi, certains Compoix (ancêtres du Cadastre) sont entièrement rédigés en occitan, comme celui d'Assac (81) daté de 1649 (soit 110 ans postérieur à l'Ordonnance de V-Cotterêts).
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