JARDINS, JARDINAGE ET AUTOCONSOMMATION ALIMENTAIRE RECHERCHES EN ...
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N∞ 2 -AVRIL 1995 8Ëme annÈe ISSN 0988-3266
RECHERCHESENƒCONOMIEETSOCIOLOGIESRURALES
JARDINS, JARDINAGE ET AUTOCONSOMMATION ALIMENTAIRE
En France aujourdÕhui, un mÈnage sur deux dispose dÕun jardin, potager ou dÕagrÈme;nut n mÈnage sur trois cultive des lÈgumes pour la consommation familiale ou pour le plaisir du jardinier. Loin dÕÍtre une survivance de lÕÈconomie paysanne, ces jardins avec potager sont lÕoccasion de combinaisons multiples entre autocon-sommation alimentaire et affirmation de soi, entre rationalitÈ Èconomique et rÈcrÈation, entre passe-temps gratuit et loisir co˚teux. Ils procurent ˆ la fois des aliments, une occupation et une amÈlioration de lÕhabitat, chacun de ces trois ÈlÈments ˆ moindre co˚t que sur le marchÈ. Mais ils offrent surtout la possibilitÈ, pour leurs jardiniers, dÕattribuer ˆ ces ÈlÈments une valeur (morale ou Èconomique) ˆ la hauteur de ce quÕils y ont investi en temps et en savoir-faire. Car la tenue dÕun jardin tÈmoigne aux yeux de tous de la valeur de son jardinier et du statut (effectif ou convoitÈ) de sa famille.
Pour une sociologie de lÕÈconomie domestique
La culture potagËre familiale a longtemps ÈtÈ considÈrÈe seulement comme un ÈlÈment de lÕÈconomie domestique agricole. Mais si, en 1954, les exploitants agricoles culti-vaient 53% de la surface en jardins potagers, ils nÕen culti-vent plus en 1993 que 20%. La dÈfinition de la culture de lÈgumescommeactivitÈdomestiquealimentairepermet,certes, de dÈpartager les pratiquants des non pratiquants mais, de ce fait, elle regroupe des usages hÈtÈrogËnes et en donne une image consensuelle. Si cette activitÈ (comme bien dÕauters pratiques dÕautant plus patragÈes quÕelles autoisrent une grande diversitÈ dÕinvestissements) est plus rÈpandue chez les mÈnages ‡ revenus moyens(cf. graphique 1), nÕest-ce pas parce que, dans ces catÈgories ÒmoyennesÓde la population, coÔncident des aspects qui se toruvent sÈparÈs aux extrÍmes - par exemple pour lÕautoconsommation : annuelle, saisonniËre et occasionnelle ou encore le cÙtÈ cui-sine et le cÙtÈ salon du jardin ? Commenterndre compte de lÕhÈtÈorgÈnÈitÈsocialedesmÈnagescultivantunpotageret de la pluralitÈ de sens de cette pratique ?
La complexitÈ du phÈnomËne (quiernvoie autant ‡ lÕespa-ce rÈsidentiel et au loisir individuel quÕ‡ lÕautoconsomma-tion familiale) est de nature ‡ Èclairer les diverses valeurs (Èconomiques,sociales,morales) accordÈes ‡ des pratiques non marchandes quÕon ne peut considÈrer ni comme pro-duction ni comme consommation, ni comme travail ni comme loisir, et quÕon ne peut qualifier de domestiques
Graphique 1 : Pourcentage de potagistes dans lÕensemble de la population, en fonction du revenu annuel du mÈnage 45% 40% 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% moins de30 de50 de75 de100 de130 de200 plusde de 30‡ 50‡ 75‡ 100‡ 130‡ 200‡ 300300 Tranches de revenu annuel du mÈnage, en milliers de Francs Source : INSEE, Modes de vie quÕ‡ condition de nÕoublier ni la complexitÈ desprpaorts entre mÈnage (unitÈ de rÈsidence) et parentËle (rÈseau actif demÈnagesapparentÈs),nilÕexistencedÕhÈacngesinter-familiaux.EndÕautrestermes,lejardinagepeutservirdÕexemplepourconcevoirlÕÈconomienonmarhcande dans ses liens avec le marchÈ,pour sortir lÕÈconomie domestique de lÕespace supposÈ clos de la maison et pour apprÈhender la diversitÈ des institutions qui lÕencadrent. Il peut aussi permettre dÕÈlcairer un aspect trop souvent mÈconnu du dÈveloppement de lÕhbaitat pavillonnaire en France au cours des trente derniËres annÈes : le mouve-
EditÈ par le DÈpartement dÕEconomie et de Sociologie Rurales de lÕInstitut National de la Recherche Agronomique Mission Publications : 65, Bd de Brandebourg, 94205 Ivry-sur-Seine Cedex - TÈl. (1) 49 59 69 00. Directeur de la publication: Jean CavailhËs Ð RÈdaction : GÈrard Buttoud (RÈdacteur en chef), JoÎlle Veltz. Reproduction partielle autorisÈe avec mention de lÕorigine.
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