La recherche veut comprendre l irrationalité des marchés
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La recherche veut comprendre l'irrationalité des marchés

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IV Economie
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Le Prix du meilleur jeune chercheur en finance a été délivré par l’Institut Europlace à Laurent Calvet, professeur à HEC La recherche veut comprendre l’irrationalité des marchés
’Institut Europlace de finance a attri-Un autre courant de la recherche françai-bué pour la seconde fois en 2006 unse en finance s’intéresse à la microstructu-meLpact du mode d’organisation des échangesilleur jeune chercheur en finance parmi prix destiné à récompenser lere des marchés financiers. Quel est l’im-sept finalistes. Les thèmes de recherchesur l’asymétrie d’information entre les représentés cette année dans cette ultimeacteurs, sur le bon fonctionnement des sélection affichaient une grande diversité,marchés, leur volatilité, la vitesse à laquelle à l’image de la richesse de la recherche enles cours boursiers intègrent les informa-finance en France.tions concernant les entreprises cotées… Les travaux de Laurent Calvet (HEC),Ce domaine, exploré par le lauréat 2005 du lauréat du prix 2006, et de Pascal Maen-Prix du meilleur jeune chercheur en finan-hout (Insead), relèvent de l’économiece, Thierry Foucault, professeur à HEC, financière. Ces deux auteurs se sont notam-était représenté cette année parmi les fina-ment intéressés à l’incomplétude des mar-listes par Stefano Lovo (HEC), qui s’est chés, c’est-à-dire à l’incapacité des mar-notamment intéressé aux comportements chés à fournir des assurances contre tousmoutonniers sur les marchés financiers et les aléas possibles (aléas liés aux chocsaux procédures d’enchères optimales, lors-potentiels sur les revenus individuels, alé-que, comme dans le cas des licences UMTS as exogènes liés au climat, à l’environne-ou des droits de retransmission télévisuel-ment politique…).le, l’acquisition de plusieurs « unités » a M. Calvet montre qu’en raison même deune valeur supérieure à la somme des cette incomplétude, des phénomènes devaleurs retirées de l’acquisition séparée deArnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace, devant le palais Brongniart fluctuations des prix ou des taux d’intérêtchaque unité.à Paris.SÉBASTIEN CALVET/FEDEPHOTO peuvent apparaître. Il est bien connu, etDeux finalistes relèvent quant à eux de l’histoire nous l’a régulièrement rappelé,la finance mathématique, domaine danspas chercher à acquérir de l’information.Maenhout (Insead) pour son article que le fonctionnement des marchés peutlequel la France a toujours exercé, de LouisCette incohérence peut également offrir« Consumption and Portfolio Choice over faire naître des bulles spéculatives auBachelier en 1900 à Nicole El Karoui – àun élément d’interprétation aux phénomè-the Life Cycle », coécrit avec Joao Cocco et cours desquelles les prix se mettent à croî-qui leWall Street Journala récemmentnes de volatilité et de prime de risque exces-Francisco Gomes (tous deux de la London tre de manière injustifiée au regard des fon-consacré sa Une–, un leadership peusive, que les modèles classiques s’avèrentBusiness School), et Nicole El Karoui damentaux. En revanche, les phénomènescontesté. Il s’agit de Nizar Touzi (universi-incapables d’expliquer – elles ne sont alors(Polytechnique) pour son article «Inf-de fluctuations n’avaient jusqu’ici jamaisté Paris-I et Ensae) et Rama Cont (CNRSjugées excessives qu’au regard des prédic-convolution of risk measures and optimal été expliqués sur une base rationnelle.et Polytechnique), dont les travaux portenttions des modèles standards.risk transfer », coécrit avec Pauline Bar-M. Maenhout s’est, entre autres, intéressénotamment sur la mesure et le contrôleTous ces travaux sontrieu (London School of à l’effet de cette incomplétude sur les straté-des risques ainsi que sur l’évaluation demenés par des chercheursEconomics). Si ces prix «Des chaires de recherche gies d’épargne tout au long du cycle de vie.produits financiers complexes.de moins de 40 ans, c’estont permis de mettre en Il montre notamment que la part des titresLes travaux des deux finalistes suivantsl’une des règles de ce prix,avant l’excellence de la devraient être mises financiers dans le patrimoine doit décroî-relèvent, pour le premier, de la macroéco-et ont donné lieu à desrecherche française en tre avec l’avancée en âge.nomie financière, et pour le second de lapublications dans lesfinance, il faut cependant en place prochainement, finance comportementale. Harald Haurevues considérées com-remarquer que cette (Insead) est un spécialiste des taux d’inté-me les meilleures au mon-en partenariat avecrecherche se trouve CLÉS rêt. Ses travaux portant sur plus de 40 paysde dans les domaines de laconcentrée dans un tout des institutions telles bL’Institut Europlace de Finance,finance, de l’économiepetit nombre d’institu-démontrent une forte relation entre le fondation reconnue d’utilité publique,financière ou de la financetions (Dauphine, Toulou-degré d’ouverture économique d’un pays Dauphine, Toulouse a pour ambition de développer lesmathématique :et la volatilité de ses taux d’intérêt. Il a éga-Journal ofse-I, HEC, Insead, Ensae, synergies entre la recherche françaiselement démontré que la proximité géogra-Finance, Review of Finan-Ecole polytechnique). et Polytechnique» en matière d’économie et de financephique entre un trader et une entreprisecial Studies, Journal of Eco-C’est d’ailleurs essentielle-et les professionnels : intermédiairesprocure au premier un avantage informa-nomic Theory, Finance andment en partenariat avec financiers, investisseurs et gérants,tionnel à court terme sur le titre de l’entre-Stochastics… Départager des finalistes tra-ces institutions que des chaires de recher-émetteurs et entreprises de marchés.vaillant dans des directions aussi différen-prise concernée suffisamment importantche devraient être mises en place dans les bA l’occasion d’appels à candidaturepour générer, sur ce titre, des profits de ges-tes et à un tel niveau de qualité – tous pour-prochains jours ou mois : chaire « finance réguliers, l’Institut participe auxtion supérieurs à la moyenne.raient être recrutés sans difficulté danset développement durable » à Dauphine financements de travaux de recherchen’importe quelle université parmi les plusfinancée par Calyon et EDF, chaire « inves-Thomas Mariotti (université Toulou-ciblés sur des thèmes suggérés par sontissement socialement responsable» àprestigieuses –a été une tâche difficile.se-I) a travaillé quant à lui sur l’irrationali-« groupe des professionnels » et validésToulouse et Polytechnique financée par laL’Institut Europlace de finance attribueté des intervenants sur les marchés finan-par son conseil scientifique, telsprofession de la gestion d’actifs, sanségalement chaque année un prix duciers, ou, plus précisément, sur une forme que la performance des portefeuilles,particulière d’irrationalité : l’incohérencemeilleur article en finance publié au coursoublier les chaires sur la thématique du ris-la couverture des risques et de gestionintertemporelle. Les décisions prisesde l’année écoulée dans l’une des septque en cours de gestation à l’initiative des de portefeuille, la profitabilitéaujourd’hui pour demain peuvent ne pasAGF, d’AXA, de Groupama et de la Sociétémeilleures revues au monde dans le domai-des activités bancaires et financières…être validées demain, même en l’absencegénérale, qui devraient associer Dauphi-ne, par un chercheur (sans limite d’âge) a bLe Prix du meilleur jeune chercheur end’éléments nouveaux à même de justifier,exerçant en France. Dix-huit articlesne, l’Ensae et Polytechnique. finance récompense chaque année unétaient en lice cette année. Plusieurs dessur une base rationnelle, un tel revirement.Elyès Jouini, professeur chercheur de moins de 40 ans dont lesfinalistes présentés ci-dessus sont égale-Ce trait, bien établi par la psychologie expé-à l’université Paris-Dauphine travaux sont jugés remarquables par unrimentale, peut conduire le décideur,ment auteurs ou coauteurs d’un de ces arti-et conseiller scientifique jury international de vingt chercheurs.cles. Les lauréats pour ce prix sont Pascalconscient de sa propre incohérence, à nede l’Institut Europlace de finance. Laurent Calvet :« Les professionnels doivent imaginer de meilleures couvertures contre les chocs subis par les acteurs économiques »
Quel est l’axe principalsoit leur nature, en de vos recherches ?considérant un rendement Je m’intéresse à lade marché donné, à un volatilité des marchésmoment précis, comme financiers et à leurle résultat de l’ensemble interaction avec les chocsde ces chocs. En attribuant macro ouà chacun d’entre eux microéconomiques. uneprobabilité d’impact Comment interagissent, pardans le temps, il est possible exemple, les mécanismesLAURENT CALVETd’affiner la prévisibilité de formation des prix desde l’évolution des cours. produits financiers avec l’activité desQu’est-ce qu’un « marché incomplet » ? firmes ou le comportement des ménages en matière d’épargne et de placements ?Les marchés financiers sont censés Il est courant de constater que lagénérer des produits destinés à volatilité des actifs fluctue, au cours du« couvrir » les acteurs économiques temps, au gré de chocs dont la durée estcontre tous les chocs possibles. On peut variable. Il y a des chocs de court terme,se couvrir contre les fluctuations des comme les crises de liquidité ; des chocschanges, contre la variation des taux à moyen terme, sur trois à cinq ans,d’intérêt, etc. Mais certains risques comme le cycle des affaires ; et enfinspécifiques ne peuvent être couverts, des chocs à long terme, qu’ils soientgénéralement pour cause d’aléa moral – démographiques ou technologiques.une garantie modifierait le Les modélisations classiquescomportement des acteurs dans un sens permettent une bonne analyse de laqui la rendrait inopérante. Par exemple, volatilité à court terme. Mais nous nouspour un ménage, la perte du revenu du sommes efforcés, avec Adlai Fisher, detravail ou une hausse de l’immobilier ; l’université de Colombie-Britannique,pour une firme, une rupture de mettre au point un modèled’approvisionnement, l’échec qui intègre tous les chocs, quelle quedu déploiement d’une technologie,
la mauvaise productivité d’une usine. Un marché est incomplet dès lors que certains risques ne peuvent être couverts. Mes travaux ont montré que les effets de ces chocs spécifiques sur les performances des firmes et les comportements des ménages amplifiaient les épisodes récessifs, dans la mesure où les marchés financiers ne sont pas en mesure d’apporter une solution de couverture contre ces chocs.
Vous avez également travaillé sur le comportement d’épargne des ménages… J’ai eu la chance d’accéder à la base de données que l’administration fiscale suédoise collecte auprès des contribuables pour prélever l’impôt sur le patrimoine : j’ai pu ainsi analyser les arbitrages que les ménages suédois font entre les différents types d’épargne, et sur la performance de ces arbitrages. Alors que la recherche portant sur le comportement des investisseurs insiste généralement sur l’irrationalité des choix, il s’avère que, à condition de prendre en compte l’ensemble des placements possibles et non plus seulement l’un des segments, la performance des ménages suédois
est supérieure à celle du marché national et à peine inférieure à celle des marchés internationaux !
Que faut-il en conclure ? Que l’apparente irrationalité des comportements relève parfois d’équilibres que la recherche économique et financière n’aperçoit pas toujours, en raison d’une approche peut-être trop fragmentaire et compartimentée des marchés. C’est peut-être aussi un appel à l’imagination des professionnels de la finance pour qu’ils conçoivent des produits mieux adaptés aux besoins réels des acteurs économiques.a Propos recueillis par Antoine Reverchon
CV 2004Laurent Calvet est nommé professeur associé à HEC. 1998Il occupe les fonctions d’assistant puis de professeur à l’Université Harvard. 1991Il est diplômé de l’Ecole polytechnique, puis PhD en sciences économiques à Yale.
0123 Mardi 20 juin 2006
DROIT ET ÉCONOMIE La course au moins d’impôts
CHRONIQUE STÉPHANE CORONE
MALGRÉ un rapprochement des politi-ques fiscales, chaque Etat de l’Union euro-péenne fixe souverainement son montant d’imposition. Rien d’étonnant à ce que les entreprises utilisent à leur avantage cette situation. L’une des pratiques consiste à créer une filiale dans un autre Etat euro-péen où la fiscalité est moindre et d’y trans-férer les bénéfices de la société mère ; les groupes échappent ainsi pour partie à l’im-pôt de l’Etat d’origine. Pour parer à cette évasion fiscale, la Grande-Bretagne a voté une loi en 1988 qui autorise le fisc à attri-buer à la société mère domiciliée au Royau-me-Uni les bénéfices réalisés par ses filia-les étrangères. Ces bénéfices sont alors imposés en Grande-Bretagne, déduction faite de l’impôt payé par la filiale dans son pays d’établissement. Toutefois, cette dis-position ne s’applique que lorsque l’impôt dû par la filiale est inférieur de trois quarts à l’impôt qu’elle aurait payé si elle avait été imposée en Grande-Bretagne. La société peut échapper à cette loi si elle démontre que l’implantation de sa filiale à l’étranger n’a pas été faite essentiellement dans le but de diminuer son imposition. Mais cette législation est a priori contraire au traité d’Amsterdam. L’article 43 CE pré-voit que :«[…]les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre dans le territoire d’un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales[…]».
8,638 millions de livres Pour la première fois, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a été appelée à se prononcer sur la compati-bilité de cette loi avec les règles européen-nes. Dans l’affaire qui va être jugée, la société Cadbury, dont le siège est au Royaume-Uni,étient à 100 % deux filiales en Irlande, CSTI et CSTS. Leur activité consiste à lever des fonds qu’elles transfè-rent aux filiales du groupe. Cadbury a reconnu que le choix du lieu d’implanta-tion de ses filiales a été dicté par des consi-dérations fiscales. Le fisc anglais lui récla-me 8,638 millions de livres (12,577 mil-lions d’euros) d’impôt au titre des bénéfi-ces réalisés par CSTI pour 1996. Cadbury a fait appel de cette décision, invoquant la liberté d’établissement prévue par le traité d’Amsterdam et s’est tourné vers la CJCE. e L’avocat général, MPhilippe Léger, a rendu des conclusions très argumentées le 2 mai 2006 (affaire C-196/04). S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour, il estime que le fait pour une société mère de créer une filiale dans un autre Etat dans le but de bénéficier d’un régime fiscal plus favo-rable ne constitue pas en soi un usage abu-sif de la liberté d’établissement. Pour lui, le niveau d’imposition constitue l’un des élé-ments qu’une société peut légitimement prendre en considération lors de son choix d’un Etat d’accueil. Il admet que cette situation est regrettable, mais il souligne à juste titre qu’il s’agit d’un problème politi-que et non juridique, qui doit donc être e réglé au niveau politique. MLéger estime que la loi britannique constitue bel et bien une entrave à la liberté d’établissement, car elle introduit une inégalité de traite-ment entre les sociétés qui créent une filia-le dans un Etat moins imposé et les autres. Enfin, le magistrat rappelle que la lutte contre l’évasion fiscale peut justifier une loi qui restreint la liberté d’établissement si elle vise exclusivement les montages arti-ficiels, et qu’à ce titre la loi britannique n’est pas contraire au droit européen. Les critères à prendre en compte pour détermi-ner un montage artificiel ne doivent pas reposer sur des éléments subjectifs tels que, par exemple, l’intention d’échapper à l’imposition, mais sur des éléments objec-tifs. Il y en a trois. D’abord la filiale doit être effectivement présente dans le pays d’accueil, ce qui exclut une simple boîte aux lettres. Ensuite, elle doit fournir une prestation réelle, ce qui sous-entend notamment la présence de personnel com-pétent. Enfin, elle doit créer de la valeur ajoutée. Si ces trois conditions ne sont pas réunies, le montage est purement artifi-ciel. Il s’agit d’une question de fait qui doit être appréciée par les juges nationaux.a
Stéphane Corone (agence Juris Presse).
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