Jules Mary
LA REVANCHE DE
ROGER-LA-HONTE
TOME II
Édition J. Rouff 1887 – 1889
Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits »Table des matières
Troisième épisode.....................................................................4
CHAPITRE XLIII ........................................................................ 5
CHAPITRE XLIV....................................................................... 14
CHAPITRE XLV ........................................................................29
CHAPITRE XLVI.......................................................................49
CHAPITRE XLVII .....................................................................54
CHAPITRE XLVIII....................................................................78
CHAPITRE XLIX.......................................................................88
CHAPITRE L ........................................................................... 107
CHAPITRE LI.......................................................................... 127
CHAPITRE LII......................................................................... 148
CHAPITRE LIII ....................................................................... 158
CHAPITRE LIV ....................................................................... 166
CHAPITRE LV......................................................................... 176
CHAPITRE LVI ....................................................................... 196
CHAPITRE LVII ......................................................................207
CHAPITRE LVIII..................................................................... 231
CHAPITRE LIX .......................................................................240
CHAPITRE LX......................................................................... 271
CHAPITRE LXI ....................................................................... 291
CHAPITRE LXII......................................................................320
CHAPITRE LXIII ....................................................................330
Quatrième épisode............................................................... 340
CHAPITRE LXIV..................................................................... 341
CHAPITRE LXV ......................................................................354CHAPITRE LXVI.....................................................................363
CHAPITRE LXVII ................................................................... 376
CHAPITRE LXVIII..................................................................396
CHAPITRE LXIX.....................................................................403
CHAPITRE LXX ...................................................................... 412
CHAPITRE LXXI.....................................................................428
CHAPITRE LXXII ...................................................................433
CHAPITRE LXXIII..................................................................469
CHAPITRE LXXIV .................................................................. 475
CHAPITRE LXXV................................................................... 500
CHAPITRE LXXVI ..................................................................506
CHAPITRE LXXVII................................................................. 513
CHAPITRE LXXVIII ...............................................................524
CHAPITRE LXXIX ..................................................................536
CHAPITRE LXXX....................................................................563
CHAPITRE LXXXI ..................................................................590
CHAPITRE LXXXII.................................................................599
CHAPITRE LXXXIII ...............................................................605
CHAPITRE LXXXIV................................................................624
CHAPITRE LXXXV .................................................................650
CHAPITRE LXXXVI................................................................660
ÉPILOGUE............................................................................667
À propos de cette édition électronique.................................669
– 3 –Troisième épisode
– 4 –CHAPITRE XLIII
– À samedi, avait dit Laroque à Luversan.
C’était seulement le soir de ce jour qu’il attendait Luversan.
Il s’était excusé de l’heure étrange – neuf heures – qu’il avait
donné à ce rendez-vous en lui disant qu’il serait pris toute la
journée par quelques visites à des amis de Versailles et qu’il ne
rentrerait à Ville-d’Avray qu’à la nuit tombante.
La mère Dondaine lui servit à dîner – il la congédia quand
la table fut desservie et se mit à sa fenêtre, attendant l’arrivée du
boursier.
Celui-ci ne se fit pas attendre.
À neuf heures, il descendit à la gare, du train de Paris.
Nous le suivrons, cet homme, qui se trouvait ainsi, après
douze ans, refaire le trajet qu’il avait fait une fois pour com-
mettre un crime horrible, non expié.
Il était très agité, en mettant le pied sur le quai. Instincti-
vement, il jeta un coup d’ œil sur ceux qui descendaient comme
lui. Par hasard, il ne vit personne de connaissance.
Il respira. Il se sentait soulagé ! Pourquoi ? Il ne savait. Il
aimait mieux être seul sans doute. Il ne voulait pas être vu. Il se
rappelait les dernières paroles de William Farney :
– La rue de Paris !… Tout au bout… La maison Larouette…
Ah ! comme il savait où elle était, cette rue !… Et comme il
la voyait, cette maison… là-bas… isolée dans les arbres.
– 5 –De la sueur lui coulait du front.
Il ne demanda pas son chemin… Il le connaissait, ce che-
min…
Il eût vécu mille ans qu’il s’en serait souvenu.
Il alla très vite d’abord, en croyant que l’énergie physique
abattrait son émotion, aurait raison de sa faiblesse. Mais, quand
il approcha, il fut obligé de s’arrêter, de s’appuyer contre un
mur, et il resta là longtemps, sans souffle, les tempes battant
avec une force inouïe. Enfin, il fallait se décider. Il se remit en
marche. Aux arbres qui entouraient la maison, il s’arrêta encore.
Laroque l’avait vu, dans la nuit, et comme ses yeux peu à
peu s’étaient habitués à l’obscurité, il avait surpris les hésita-
tions étranges de Luversan… et il avait remarqué qu’à diffé-
rentes reprises, il s’était essuyé le front…
Lorsque Luversan sonna, Roger descendit et, ouvrant la
porte :
– Excusez-moi, dit-il, je n’ai pas encore de domestiques…
C’est une vieille femme, la mère Dondaine, qui fait mon mé-
nage… en attendant que je trouve une cuisinière et un valet de
chambre…
Et il tendit la main à Luversan.
Une lampe, suspendue dans l’antichambre où ils étaient,
les éclairait. Laroque put voir combien le misérable était pâle et
bouleversé. Luversan prit en tremblant la main qu’on lui ten-
dait ; mais quand Roger prononça le nom bizarre et caractéris-
tique de la mère Dondaine, il tressaillit si violemment que le
faux Américain demanda :
– 6 –– Qu’avez-vous ? Êtes-vous souffrant ?
C’est que Larouette l’avait eu aussi autrefois à son service,
cette mère Dondaine ; on le lui avait dit lorsqu’il avait préparé
son crime…
William Farney vivait isolé, comme jadis Larouette…
Quelle étrange ressemblance dans les deux situations, et
comme tout cela était bien fait pour le bouleverser !…
– Non, j’ai marché vite, voilà tout ! balbutia-t-il.
Laroque monta l’escalier, le précédant.
– Je vous montre le chemin, dit-il. Excusez-moi, n’est-ce
pas, de la simplicité avec laquelle je vous reçois… Je suis un
vieux garçon et, par-dessus le marché, américain. Qui dit améri-
cain dit original… Et qui dit vieux garçon dit vieux maniaque…
Est-ce bien cela ?
Luversan esquissa un sourire… mais il ne put faire qu’une
grimace… ses terreurs n’avaient point cessé…
Cette épouvante était plus forte que toutes ses résolutions,
que l’appel suprême qu’il faisait à son énergie !…
Quand il entra dans la chambre que nous avons décrite, la
chambre de Laroque, il eut un geste de recul… d’horreur… Il
revoyait tout ce qu’il avait déjà vu… la table au milieu… et, là-
bas, le bureau-secrétaire. Larouette seul manquait !… Fasciné,
terrifié, il restait là, la bouche entrouverte, la respiration op-
pressée.
– 7 –– Il paraît, d’après la mère Dondaine, que Larouette a été
attaqué par-derrière lorsqu’il était assis à ce secrétaire que vous
voyez là-bas contre le mur. Il a été surpris et n’a pu se dé-
fendre… La table était renversée et le cadavre à l’endroit où vous
êtes, tenez, lorsque la mère Dondaine est entrée le matin pour
faire le ménage…
Luversan se retira brusquement comme s’il avait marché
sur un fer rouge.
Machinalement, il regarda, à ses pieds, le plancher : il
croyait voir du sang – et même l’hallucination fut si intense et
complète qu’il bégaya, montrant les planches auprès de la table :
– Du sang !… du sang !…
– Non ! fit Laroque en riant. Il n’y en a point… J’ai regar-
dé… Je le regrette pour ma part… C’est la mère Dondaine, avec
ses manies de propreté, qui a lavé la place. Mais asseyez-vous
donc, mon cher Luversan, vous restez là, debout et vous parais-
sez gêné… Est-ce le logis ?
Le boursier retrouva un peu son sang-froid.
– Non, dit-il, pourtant, j’avoue que je suis un peu ému…
– Pourquoi ? L’histoire de Larouette peut-être ?
– Oh ! le pouvez-vous croire ?… Je ne suis pas timide… Si
vous me voyez ému, c’est que, de ce que vous allez me dire, dé-
pend ma fortune, la réalisation d’espérances longtemps cares-
sées, déçues toujours faute… du nerf de la guerre.
William Farney s’était assis à son secrétaire. Il se gratta le
front, en se tournant vers Luversan :
– 8 –– Oui, c’est une bonne affaire, je le sais bien, c’est une très
bonne affaire… Et je suis très chagriné, croyez-le bien, on ne
peut plus chagriné !…
– Quoi ! vous refusez ?…
– Non, je n’ai pas dit cela… Je ne refuse pas absolument !…
Non… même j’étais sur le point d’accepter… Il nous faut, n’est-
ce pas, un million… Eh bien, la preuve que