Gouvernance participative et RSE - par François Enaud
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Description

François Enaud nous présente la spécificité du modèle de l'entreprise qu'il dirige : une Société en Commandite par Actions (SCA) organisée de manière bicéphale entre un conseil d'administration représentant les salariés actionnaires (l'associé commandité) et un conseil de surveillance représentant les actionnaires (les associés commanditaires). Il fait ainsi la démonstration qu'il est possible de s'inscrire dans une économie de marché et même d'y performer, tout en respectant certaines valeurs et en adoptant un modèle de gouvernance qui ne correspond pas au modèle dominant du capitalisme financier.
Diplômé de l'Ecole Polytechnique et des Ponts et Chaussées, François Enaud est, depuis 1998, PDG du groupe Stéria, qui se classe parmi les premières SSII d'Europe, et dont le modèle organisationnel est fondé sur la participation. Il est également président de l'Agence Nationale des Solidarités Actives depuis 2009.

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Extrait

 
 
   Observato re u anagemen lternatif Alternative Management Observatory  __  Compte-rendu   Gouvernance participative et responsabilité sociale Stéria : un modèle alternatif performant  
 
 François Enaud PDG de Stéria Séminaire Roland Vaxelaire 30 Novembre 2009  Majeure Alternative Management – HEC Paris Année universitaire 2009-2010 
François Enaud – Gouvernance participative et responsabilité sociale – Novembre 2009   
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Gouvernance participative et responsabilité sociale La Majeure Alternative Management, spécialité de dernière année du programme Grande Ecole d’HEC Paris, organise conjointement avec Roland Vaxelaire, Directeur Qualité, Responsabilité et Risques du Groupe Carrefour, un ensemble de séminaires destinés à donner la parole sur la question du management alternatif à des acteurs jouant un rôle majeur dans le monde de l’économie. Ces séminaires font l’objet d’un compte-rendu intégral, revu et corrigé par l’invité avant publication. Ils sont organisés sur le campus d’HEC Paris et ont lieu en présence des étudiants de la Majeure Alternative Management et du Master Spécialisé Management du Développement Durable et de leurs responsables.  Résumé :François Enaud nous présente la spécificité du modèle de l’entreprise qu’il dirige : une Société en Commandite par Actions (SCA) organisée de manière bicéphale entre un conseil d’administration représentant les salariés actionnaires (l’associé commandité) et un conseil de surveillance représentant les actionnaires (les associés commanditaires). Il fait ainsi la démonstration qu’il est possible de s’inscrire dans une économie de marché et même d’y performer, tout en respectant certaines valeurs et en adoptant un modèle de gouvernance qui ne correspond pas au modèle dominant du capitalisme financier.  Mots-clés :Modèle alternatif, performance, gouvernance participative, RSE    Participative Governance and Social Responsibility The Major Alternative Management, a final year specialised track in the Grande Ecole of HEC Paris, organises jointly with Roland Vaxelaire, Director of Quality, Responsibility and Risk in Groupe Carrefour, a series of workshops where major business actors are given an opportunity to express their views on alternative management. These workshops are recorded in full and the minutes are edited by the guest speaker concerned prior to its publication.They take place in HEC campus in the presence of the students and directors of the Major Alternative Management and the Specialised Master in Sustainable Development.  Abstract:François Enaud presents the specificity of the model of the company he directs : a Limited Shares Partnership (LSP) organized bilaterally between an administrative council representing the employée-shareholders and a suvervellance council representing the shareholders. He thus demonstrates that it is possible to work within a market economy, and even to perform in one, while at the same time respecting certain values and adopting a governance model that does not correspond to the dominant model of Financial capitalism.  Key words:Alternative model, Perfomance, Participative governance, ESR   Charte Ethique de l'Observatoire du Management Alternatif Les documents de l'Observatoire du Management Alternatif sont publiés sous licence Creative Commons http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/fr/pour promouvoir l'égalité de partage des ressources intellectuelles et le libre accès aux connaissances. L'exactitude, la fiabilité et la validité des renseignements ou opinions diffusés par l'Observatoire du Management Alternatif relèvent de la responsabilité exclusive de leurs auteurs. 
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Présentation de l'invité :   cinquante ans, François Enaud préside depuis 1998 le Groupe Steria, qui se classe parmi les premières sociétés de services en ingénierie informatique (SSII) en Europe. Diplômé de Polytechnique et des Ponts et Chaussées, il est entré chez Steria en 1983, comme Ingénieur dans le secteur bancaire. Il n’a, depuis, eu de cesse de conforter le modèle de Steria, fondé sur une gouvernance participative et des valeurs sociales. François Enaud a également été élu Président de l’ANSA (Agence Nationale des Solidarités Actives) en mars 2009. Féru d’alpinisme, nombreux sont ceux qui font un lien entre la réussite professionnelle de François Enaud et l’ambition et la persévérance qui caractérisent les adeptes de cette discipline.   
Intervention de François Enaud :  Steria, ou la démonstration d’un modèle alternatif performant : gouvernance participative et responsabilité sociale
 Introduction  Bonjour à tous, cela me fait très plaisir de venir témoigner de ce qui fait l’unicité de Steria et j’espère pouvoir vous apporter un regard quelque peu différent sur le monde que vous êtes en train d'étudier. Ce que je vais vous dire n'a qu'une valeur de témoignage, il n'y a pas de vérité absolue, c'est à vous de vous faire votre propre jugement. Je vous propose de développer deux sujets : laresponsabilité sociale des entrepriseset la gouvernance: c'est-à-dire la façon dont on gère les parties prenantes d'une entreprise, dont on maintient les équilibres entre les différentes forces qui mettent une entreprise en mouvement. Ceci est important, surtout dans le contexte actuel. La gouvernance, c'est une longue histoire chez Steria : depuis l'origine, il y a eu une volonté de créer un modèle alternatif en matière de gouvernance, mais dans le contexte de la crise actuelle, ce modèle raisonne fort. Si on devait la résumer, je pense que la crise actuelle est vraiment une crise de gouvernance. Elle permet de mettre en exergue les risques d'un système non régulé, d'un capitalisme non contrôlé, c'est en ce sens que la crise est intéressante et riche d'enseignements, à condition de bien vouloir l'utiliser pour de bonnes décisions et de faire en sorte qu’elle ne se reproduise pas.
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Présentation de Steria  Steria est une société de services informatiques, au coeur des technologies de l'information. Notre métier touche tout le monde, nos clients peuvent être toutes les grandes entreprises ou les grandes administrations. Nous sommes assez visibles sur le marché, nous réalisons 1 600 M de chiffre d'affaires dans 16 pays, avec 19 000 collaborateurs. Nous sommes au coeur d'une industrie dont le modèle de production se répartit entre des équipes onshore et offshore. 30 % de nos effectifs sont en offshore, dont une grosse partie en Inde. C'est un secteur extrêmement fragmenté. Le leader, IBM, n'a pas une très grande part de marché. Nous sommes la troisième société française, la quatrième européenne. Ce qui est intéressant pour notre propos d’aujourd'hui c'est ce qui caractérise Steria et qui est très particulier pour une société de cette taille : ses 17 % d'actionnariat salarié. Pour une telle entreprise qui appartient aux 120 premières sociétés cotées à Paris, Steria est la société qui a la part d'actionnariat salarié la plus importante. La structure qui représente les actionnaires salariés est de loin le premier actionnaire de l’entreprise, le deuxième étant à 5 ou 6 %. C'est une caractéristique forte. Et ce n'est pas parce qu'on a un actionnariat salarié fort que l'on est condamné à une performance moyenne. Je tue l'idée que l’actionnariat salarié va à l’encontre de la performance et que celle ci n’est possible que dans un capitalisme ouvert. Vous verrez que notre gouvernance qui repose sur un équilibre entre le pouvoir des salariés et le pouvoir des actionnaires n'a jamais été contre un projet ambitieux, bien au contraire. En croissance ou en rentabilité, on ne peut pas dire que cette gouvernance ait été un frein au développement de l'entreprise. Il y a encore 10 ans, on était une société surtout française ; on est ensuite devenu réellement européens, avec aujourd’hui 39% de notre chiffre d’affaires au Royaume-Uni contre 31% en France.  Les services que l'on propose vont du conseil en amont, au développement de solutions et l’on opère des services de manière récurrente pour nos clients, ce qui nous permet de développer des relations dans la durée. Nous travaillons pour les administrations, le secteur financier et de l’énergie. Nos clients sont à 90 % des industries de services. Nous avons également des clients en Asie, mais 90 à 95 % de notre chiffre d’affaires est réalisé en Europe. Cela n'exclut pas qu'un jour, on ait des clients en Inde mais, pour l'instant, l'Inde est un centre de production. Le Maroc, où l’on a déjà des clients, est également un
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centre de production. La Pologne est un centre de production au service des clients du Groupe. Nous n’avons pas de clients polonais à ce jour. J’en arrive à ce qui nous a amené à un modèle de gouvernance un peu original. Quand on réfléchit à la performance, on pense d'abord à ce que fait une entreprise, ses produits : c'est le moteur de la performance ; on pense beaucoup aussi à l'identité de l'entreprise, la qualité de son image de marque… Nous, sommes partis d'une conviction que l'engagement et la motivation des collaborateurs est un facteur clé de la performance de l'entreprise. Cette conviction est l’un des piliers de notre stratégie d'entreprise. Depuis sa création en 1969, l’entreprise s’est développée sur un principe fondateur : être une entreprise détenue par ses salariés, pas une entreprise détenue par son management. Quand on crée une entreprise, c'est à cela que l'on pense tout de suite. Le propriétaire rassemble quelques personnes autour de lui, le noyau dur des fondateurs ou des managers qui essaient de garder le contrôle de l’entreprise le plus longtemps possible. Mais quelques années après sa création, le fondateur de Steria n'était déjà plus majoritaire dans l'entreprise. Il n'a jamais souhaité en garder le contrôle. J'ai rejoint cette entreprise en 1983. J'ai 50 ans, je suis marié et j'ai trois enfants et j'ai fait l'école Polytechnique, puis les Ponts et Chaussées, avec l'idée de travailler dans les travaux publics. Je suis rentré chez Colas, mais j'étais déjà attiré à l'époque par l'informatique et je sentais que les nouvelles technologies irriguaient toute l’économie. J'ai pensé que rentrer dans une entreprise d’informatique, c'était une manière de ne pas faire de choix de métiers. J'ai travaillé sur des projets passionnants pour différents secteurs : le transport, la banque, etc. Comme l'informatique est très intrusive, vous rentrez dans ces métiers, vous les voyez de l'intérieur. Lorsque je suis entré chez Steria, je n’avais pas l’objectif d'y rester aussi longtemps mais j’en suis devenu le président en 1998. Dès mon arrivée dans l’entreprise, tous ces principes fondateurs existaient déjà, et Steria était alors majoritairement détenu par ses salariés. Ce n'était pas encore une société cotée en Bourse, c'était une société unique, très originale pour l'époque . Que l'engagement des salariés soit le facteur clé de la réussite des entreprises n'est qu'une déclaration en soi : il faut ensuite aller plus loin. C'est une évidence de dire qu'on est meilleur si on a des salariés engagés, mais concrètement qu'est-ce que cela veut dire ? Comment donner réalité à cette volonté du management d'associer les salariés dans les décisions stratégiques ? Parce que si l’on dit : « soyez motivés et engagés , mais, d'un autre côté : « vous n'êtes pas là pour décider, vous êtes là pour exécuter , le niveau d'engagement n'est pas tout à fait le même. Au moment où l’on vous demande de faire quelque chose dont vous
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ne comprenez pas forcément bien la nécessité, vous êtes probablement moins motivé pour le faire. Il y a aussi l’idée de se dire : « très bien, vous allez vous défoncer pour une boîte, mais quel est le retour pour vous au-delà d'avoir l'opportunité de travailler sur un projet intéressant ? . Par conséquent, cela ne suffit pas de dire que c'est bien d'avoir des employés motivés. C’est pourquoi on a créé cette structure de management centré sur un actionnariat salarié important, avec deux vocations. Aujourd'hui l'actionnariat salarié est devenu à la mode, même Nicolas Sarkozy en a parlé, mais en n’abordant que l'aspect patrimonial de l'actionnariat. Le fait d'associer les salariés au partage la richesse créée, c'est très bien, mais c'est largement insuffisant. Car donner une vocation entrepreneuriale à l’actionnariat salarié est essentiel. Il y a un projet très important derrière cette notion. Il s’agit de se demander : finalement les salariés dans une entreprise sont-ils seulement des salariés ? Ils sont liés par un contrat de travail mais comment les met-on dans une logique d’entrepreneurs ? La vocation entrepreneuriale de cet actionnariat salarié, c'est-à-dire comment fait-on pour que les salariés soient partis prenantes du projet lui-même est notre leitmotiv. Je pense que la plupart des patrons des entreprises ont plutôt envie de bien faire et sont animés des mêmes objectifs. Ce qui diffère, c'est la façon d'agir sur le terrain.   La structure de l’entreprise et le système de gouvernance  Avez-vous entendu parler des sociétés à commandite ? Jusqu’en 1998-1999, nous étions une société anonyme à capital majoritairement détenu par les salariés. Il y avait un conseil avec un actionnariat salarié dominant. C’est alors que l’on s'est interrogé : garder un actionnariat salarié majoritaire, n’est-ce pas un frein au développement ? Car si l'on fait des acquisitions, comment les salariés peuvent-ils accompagner ces projets ? C'est souvent le problème des entreprises familiales. Nous nous sommes dit qu’il fallait arriver à concilier la croissance, le développement, l'ambition du groupe et en même temps ce projet d'entreprise. On s'est dit que pour cela, il fallait entrer en bourse, mais on risquait de perdre notre indépendance : il fallait donc trouver une structure juridique qui permette de concilier développement, actionnariat salarié et valeurs fondatrices. On s'est alors constitué en commandite. La commandite repose sur un principe de séparation entre la notion de propriété (les propriétaires sont les actionnaires, appelés les commanditaires) de la notion de pouvoir, qui est porté par le commandité, à qui les commanditaires confèrent l'autorité de
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décider sur les questions importantes de l'entreprise ; sachant que le commandité délègue à un gérant, qui est lui responsable de l'exécutif. C'est celui qui commande, mais il est sous l'autorité du commandité. Autrement dit, je suis le gérant du groupe Steria SCA, nommé et révoqué par l'associé commandité. Par contre, je travaille dans un cadre de régulation et de contrôle qui est opéré par les commanditaires. Ces derniers n’ont pas le pouvoir de me nommer ou de me révoquer mais ils ont un pouvoir de contrôle. Dans la mesure où ils sont actionnaires, ils vérifient que le fonctionnement de l’entreprise est conforme à leurs intérêts. La SCA est, aujourd'hui en France, souvent utilisée pour protéger des patrimoines familiaux où la famille, qui ne détient qu'un petit pourcentage, souhaite préserver l'indépendance de l'entreprise : ce modèle est utilisé par Michelin, Lagardère, Hermès, notamment.  La SA, c’est extrêmement contraint. La SCA a été un peu oubliée, elle a été désuète à un moment, mais on peut faire beaucoup de choses avec ce statut. Nous nous sommes donc engouffrés dans cette opportunité pour pouvoir façonner des statuts d'entreprise qui correspondent exactement à notre projet. Mais nous nous distinguons cependant énormément des commandites que j'ai citées. Finalement, la seule chose qui me gêne dans ce modèle, c’est qu’il s'appelle « commandite , parce que cette dénomination est connotée en France. Notre commandite est exceptionnelle, l’associé commandité n'est pas une personne physique, ce n'est pas non plus un noyau de personnes physiques, c'est l'ensemble des salariés actionnaires. L’associé commandité est une personne morale qui regroupe tous les salariés actionnaires représentés par un conseil d'administration, soit des salariés actionnaires élus par leurs pairs. Le conseil d’administration représente ainsi, grâce aux règles démocratiques, la réalité de l'entreprise dans sa diversité géographique, hommes-femmes, etc. Aucun membre du comité exécutif ne peut être élu, pour éviter que le conseil d'administration soit la chambre d'enregistrement d'un comité exécutif. Le comité exécutif, comme son nom l’indique, correspond au pouvoir exécutif ; le conseil d'administration, au législatif.  Et en tant que gérant, je reporte à ces deux conseils [le conseil d’administration et le conseil de surveillance, voir ci-dessous], mais cela ne me complique pas beaucoup la tâche.
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 Ici [désignant l’organigramme, à droite], j'ai un conseil de surveillance qui représente les actionnaires, vous y retrouvez exactement le respect des règles de gouvernance classiques, le quota d'administrateurs indépendants, le comité stratégique, le comité d'audit, les comitésad hoc, qui jouent vraiment leur rôle de contrôle, et le comité de rémunération (parce que l'on s'est dit que c'était un peu délicat de mettre les salariés en porte-à-faux pour décider de la rémunération de leurs dirigeants). Comment ça marche ? Vous avez le gérant qui reporte aux deux comités, ici [désignant le conseil de surveillance], c'est essentiellement du contrôle, le pouvoir qu'ils ont ici ce sont toutes les autorisations que j'obtiens et toutes les assemblées générales doivent être préalablement approuvées par ce conseil. C'est-à-dire qu’ils peuvent dire par exemple : « cela ne va pas du tout avec le gérant, il ne répond pas à ses objectifs  etc., ils peuvent suggérer la révocation du gérant, sauf que cela fait l'objet d'une résolution en assemblée générale qui doit être approuvée par ce conseil [désignant le conseil d’administration]. C'est-à-dire que, si les salariés n'ont pas du tout envie de révoquer le gérant, il y aura débat entre les deux conseils. De la même façon s'il y a une OPA externe : on me dit souvent que l'on n'est pas « opéable , mais si, nous le sommes, tout le monde peut venir faire une offre très attractive sur le cours de bourse. Elle sera soumise aux salariés. Si les salariés l'approuvent, l’OPA peut se faire. Mais si les salariés ne l’approuvent pas, le prédateur pourra toujours prendre une grosse partie du capital, séduire une grande partie des actionnaires, mais il n'aura pas le pouvoir. Et prendre une entreprise de cette façon, et payer cher sans pour autant avoir le
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pouvoir, celà en rebute quelques-uns. Mais je ne pars pas du principe que les salariés, sous prétexte que je les connais bien, nous protègent. Ils ont leur indépendance et on fait en sorte qu'ils la conservent ; c'est-à-dire que l’on leur donne même des cours d'économie pour qu'ils soient en capacité de juger et apprécier les propositions stratégiques que nous leur soumettons. Évidemment, c'est l'assemblée générale qui est souveraine, mais les résolutions sont validées préalablement par le conseil qui propose leur approbation. Cependant, cela ne vaut que si l'actionnariat salarié est supérieur à 10 %. Nous voulons que notre mode de gouvernance soit légitime. Tous les ans nous faisons une augmentation de capital la plus attractive possible, avec des formules leviers etc., pour que, malgré la diversité des fiscalités des pays où nous sommes implantés, nous arrivions à maintenir un actionnariat salarié fort. L’actionnariat salarié en tant que tel n'est pas suffisant. Encore faut-il l’utiliser comme un instrument de gouvernance réelle. Certains disent qu’il suffit de mettre deux représentants des salariés actionnaires au board, sauf que dans ce cas, ces deux représentants n'osent pas s'exprimer, ils ont à peine droit au vote et s'ils ne représentent que 5 ou 6 %, ils ne pèsent rien. L'idée était donc de construire un modèle qui puisse vraiment leur donner à une influence réelle sur le cours de la vie de l'entreprise, pour qu’ils soient maîtres de leur destin.   La responsabilité sociale de l’entreprise  Voilà pour ce qui est de la gouvernance. Laresponsabilité sociale, c’est un chapeau que l'on met sur un certain nombre de choses que l'on peut faire dans l'entreprise, et c'est d’ailleurs intéressant de voir comme cela se devient plus une question de marketing qu’autre chose. La responsabilité sociale pour nous repose sur un modèle autour de quatre piliers : le marché, l'entreprise en tant que lieu de travail, l'environnement et les communautés.  Fondamentalement, je reste convaincu du bien fondé de l'économie de marché, mais je suis convaincu aussi qu’elle n'est pas antinomique de valeurs sociales fortes. La question viendra peut-être tout à l’heure dans le débat : qu'est-ce qui vous anime à faire tout cela ? Ce que je souhaite, c’est montrer, jour après jour, qu’une alternative est possible, qu'il n'y a pas forcément qu’un capitalisme sans régulation, dans lequel l'entreprise est complètement dépendante du bon vouloir de ses actionnaires animés de motivations financières à court terme, alors que l'entreprise, elle, est dans un projet à long terme. Je pense que l’on peut réellement raisonner sur des équilibres. Je ne pense pas que l'entreprise soit
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quelque chose d'isolé, elle est un agent important dans la société et devrait être constitutive d'un équilibre, d'un bien-être pour tout le monde.  Nous avons mis l’accent sur l’ « informatique verte . Initialement, nous pensions que l'informatique n'était pas une industrie polluante, mais en fait, c'est une industrie qui peut être incroyablement moteur sur des problématiques d’environnement. Un second aspect de notre politique RSE porte sur l'éducation, l’école. Avec les technologies de l'information, on peut faire beaucoup pour éradiquer les barrières en matière d’éducation ou de fracture numérique. Il faut que ces sujets soient portés au plus haut niveau de l'entreprise pour ne pas s'arrêter aux discours. En interne, nos sponsors [désignant l’organigramme du programme de responsabilité sociale], chaque membre du comité exécutif, porte en responsabilité un des thèmes. C'est comme cela que les questions de RSE peuvent ensuite être véritablement vécues et traduites par des faits dans l'entreprise. Si vous vous dites que c'est l'affaire de quelques personnes qu'on a désignées « responsables de , cela ne suffit pas ; il faut vraiment faire porter ces sujets au plus haut niveau. Sur le marché [le premier pilier de la CSR], au-delà des questions de gouvernance, il y a les questions d’éthique. Il n'y a pas longtemps, je suis allé devant un institut des administrateurs, l'IFA, où l’on m'a demandé d'intervenir sur l'éthique. La question qui était posée était « est-ce que l'éthique va au-delà des lois et des obligations et est une question de valeurs ? . Dans la crise financière que l'on a vécue et qui mettait en question la non-régulation des marchés financiers, il n'y avait rien d'illégal, c'était juste immoral. Se poser encore la question aujourd'hui signifie que l'on n'a rien compris. On peut donc en conclure que le débat sur l'éthique n'est pas encore terminé dans l'entreprise. Les Américains avaient d'ailleurs commencé à établir un code éthique ; c'était un code de bonne conduite qui précisait dans quels cas on devait ou on ne devait pas faire certaines choses. Bien évidemment, on ne pouvait pas parer à toutes les situations, et ils sont revenus à une réflexion sur les valeurs.  Sur le lieu de travail [le deuxième pilier de la CSR], on a engagé deux actions : la première sur le stress, car nous travaillons sur de gros projets. Il m’arrive souvent de croiser des collaborateurs et de m’apercevoir en discutant que ces personnes se mettent des pressions très importantes. Il me paraît essentiel que l’entreprise veille à mettre chacun dans une situation gérable avec des objectifs atteignables et ne pas confondre l’engagement d’une entreprise avec l’engagement personnel.
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La deuxième action est sur le handicap : par exemple en mai, tous les postes d'ordinateurs que l'on faire entrer dans l'entreprise seront équipés d’une interface qui permet d'acceptertous les types de handicap: de vue, de toucher etc. L’idée est de rendre plus accessible notre métier à des handicapés.  Sur l'environnement [le troisième pilier de la RSE], je pense qu'on peut à la fois être « green  pour nous-mêmes, comme toute entreprise, mais également être « green  pour nos clients. Nous avons notamment développé une offre d’éco-conduite ayant beaucoup de succès. On équipe les voitures d'un boîtier, pour des flottes professionnelles par exemple, pour obliger à être le plus économe possible : on va vous proposer de plus en plus des primes d'assurance qui dépendent de la manière dont vous allez conduire (plutôt le jour, la nuit, sur des autoroutes, des voies secondaires etc.), à la fois pour mesurer votre conduite, vous inciter à consommer moins, mais aussi être dans une conduite moins accidentogène afin de réduire les primes d'assurance. Vous voyez que l’on peut développer des solutions informatiques pour sensibiliser ou aider à la protection de l'environnement.  Et enfin, sur les communautés [quatrième pilier de la CSR], on agit beaucoup sur l'éducation c'est-à-dire sur l'accès aux technologies de l'information. Il s’agit à la fois d’utiliser les technologies de l'information pour l'éducation et comme élément d'employabilité. Donner l'accès à l'informatique, donner l'accès à l'éducation et donner l'accès à un métier. Avec une partie de l'argent qui a été gagné par le management lors de l'introduction en bourse, nous avons créé une fondation : la fondation Steria, qui est hébergée par l'Institut de France, et qui a vocation à développer des projets pour rendre accessible l'informatique aux plus démunis. On a, par ailleurs, mis en place un certain nombre de programmes pour aider à l'éducation, notamment dans des écoles de zones défavorisées. Et depuis que nous avons fait cette acquisition qui nous a donné une forte présence en Inde, nous sommes très actifs en Inde dans ce domaine-là. Nous nous occupons de 43 écoles représentant plus de 46 000 enfants, qui viennent de milieux extrêmement pauvres. 600 collaborateurs volontaires Indiens viennent dans les écoles faire du soutien scolaire ou donner des cours. On équipe aussi des salles informatiques pour ces écoles, et on facilite l’accès de leurs élèves à des métiers informatiques.    
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