Verlaine, la musique et les musicien - article ; n°1 ; vol.12, pg 143-159
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1960 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 143-159
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 23
Langue Français

Extrait

Professeur Pierre Fortassier
Verlaine, la musique et les musicien
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1960, N°12. pp. 143-159.
Citer ce document / Cite this document :
Fortassier Pierre. Verlaine, la musique et les musicien. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1960,
N°12. pp. 143-159.
doi : 10.3406/caief.1960.2172
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1960_num_12_1_2172LA MUSIQUE VERLAINE,
ET LES MUSICIENS
Communication àe M. Pierre FORTASSIER
au ХГ Congrès de l'Association, le 23 juillet 1959, à Liège.
« De la musique avant toute chose »... Il est courant
de considérer Verlaine comme le plus musicien des poètes.
Mais que doit exactement son inspiration à la musique et
aux musiciens qu'il a connus ? Quelles connaissances music
ales possède-t-il lui-même, et quel rôle jouent-elles dans
son œuvre ? Enfin cette œuvre, qui inspira tant de compos
iteurs, a-t-elle exercé une influence sur les destinées de la
musique ? Voilà les questions, où d'ailleurs tout se tient,
auxquelles notre enquête voudrait répondre (1).
*
* *
Verlaine est fils d'officier. Toute sa petite enfance, à
Metz ou à Montpellier, est comme baignée de musique milit
aire. Impression première ineffaçable : il l'aimera toute sa
vie plus qu'aucune autre, ne mettant au même rang, après
sa conversion, que les chants d'église. Mais il faut attendre
la fin de neuf longues années d'internat pour que le jeune
bachelier prenne contact avec des musiciens vivants. Or, les
Confessions nous l'apprennent, bien des Poèmes Saturniens
« remontent à son année de rhétorique, voire de seconde
et même de troisième », et nous le voyons dédier un poème
(1) Le lecteur voudra bien excuser la rapidité de cet exposé, que ies
nécessités de la publication nous contraignent d'écourter sensiblement. 144 PIERRE FORTASSIER
à Hugo dès 1858 — en quatrième! Ainsi la précoce carrière
du plus musicien de nos poètes ne doit rien, en ses débuts,
à la musique.
Toutefois, la voici présente à l'aube de sa carrière offi
cielle. Car — faut-il y voir un symbole ? c'est un musicien,
le violoniste Ernest Bouder, qui introduit Verlaine dans
le sanctuaire parnassien, chez Lemerre, passage Choiseul.
Il l'introduit d'ailleurs un peu partout, celui que Paul
appelle « le révérendissime Ernest », par exemple aux
Concerts Pasdêloup, ou aux Bouffes, généralement dans
la fosse de l'orchestre. Ainsi Verlaine peut-il se mêler aux
musiciens, voir de près instruments et instrumentistes : pré
cieux privilège qui n'aura pas peu contribué à sa formation
musicale.
Mais venons-en aux compositeurs qu'a rencontrés Verl
aine, dans le salon de Nina de Villard. Les Confessions
évoquent ces soirées, ces nuits plutôt, « toutes retentissant
es de poésie et de musique ». Déçue par la vie, Nina de Vil-
lard cherche à s'étourdir en recevant chez elle tout ce que
le Paris des années 1865-70 compte d'artistes valables,
dans tous les domaines :
« Sculpteur, musicien, poète,
Sont ses hôtes... »
Elle-même, « le plus lumineux agrégat de facultés qui
jamais rayonna d'un front », au dire de Catulle Mendès,
est essentiellement musicienne. Bersaucourt nous la montre,
s' abandonnant à des improvisations adolescente, au piano,
crépusculaires, ou sanglotant sur un cahier de Schubert.
Aussi remarquable cantatrice que pianiste, elle donne volont
iers des concerts, joue à l'occasion ses propres œuvres.
On rêve d'une initiation complète à la musique par une
artiste de cette envergure. Mais il ne semble pas que Ver
laine l'ait connue. Il parlera plus tard de « la délicieuse
et tant littéralement pleurée Nina de Villard » ; mais les PIERRE FORTASSIER 145
vers qu'il lui dédie au temps des premières « Bonnes chan
sons » s'adressent à la femme, à la mondaine, à la cama
rade et point du tout à l'interprète de Chopin.
En cet accueillant salon, d'ailleurs, la vraie musique est
loin d'occuper la première place. On s'amusait ferme :
charades, imitations, scies militaires, se succédaient sans
arrêt. « On psamoldiait des complaintes, nous dit Lepel-
letier, et l'on entonnait des Noëls burlesques, sortes de
revues, où les événements de l'année défilaient en couplets
de vaudeville... » Verlaine comptait parmi les animateurs.
« II chantait lui-même, et de bon cœur, les couplets d'Ofïen-
bach et les refrains de Paulus, en modifiant leur texte au
gré de sa fantaisie et à la joie intense des invités de Nina. »
A ses côtés, nous trouvons Charles Cros, « se multipliant en
mille démarches amusantes, comme de chanter du Wagner
ou de l'Hervé sur de savants ou fous accompagnements »
— (c'est Verlaine qui parle), Villiers de L'Isle-Adam, chan
tant en s'accompagnant lui-même tout un opéra dont il ne
sait pas fixer une note, le mélodramatique Rollinat, Cha-
brier enfin, aux improvisations joyeuses.
Dans ce milieu tapageur, bien rares sans doute les
moments où Nina pouvait épancher son rêve, et retrouver
ses émois musicaux d'adolescente. Quant au poète des
Paysages Tristes, des Fêtes Galantes, de la Bonne Chans
on, il fait ses délices d'Offenbach et d'Hervé, — et ne peut
concevoir la musique qu'endiablée. Pour collaborer avec son
ami Chabrier, il s'ingénie à écrire des vers de revue de fin
d'année.
Il y sent d'ailleurs le besoin d'un collaborateur : « Qui
veut des merveilles », revue de l'année 1867, parue dans le
Hanneton du 2 janvier 1868, est écrite avec François Cop-
pée ; Vaucochard et Fils Ier, avec son ami cher Lucien
Viotti ; on dirait que Verlaine, au fond de lui-même, se
trouve mal à l'aise dans ce genre où il s'obstine.
Sur ce livret guère poétique, — dont il ne nous reste
que quelques fragments, — la verve de Chabrier faisait
merveille. Verlaine ne s'y trompait pas. Il sentait parfai-
10 146 PIKRRE FORTASSIER
tement, comme il Га dit dans un sonnet fameux (Amour,
« A Emmanuel Chabrier ») « Passer ГЕссе Deus et le Je
ne sais quoi » — Mais enfin les vers suivants :
« Et c'était tout autour comme un brûlant anneau
De sympathie et d'aise aimable qui rayonne. »
nous montrent, sans équivoque, ce qu'il attendait de son
ami : une musique rayonnante « de sympathie et d'aise
aimable », — non pas, à coup sûr cette mélodie rêveuse,
douce, émouvante qui faisait sangloter Nina adolescente sur
un cahier de Schubert, et qui nous semble, à nous, parente
de la poésie verlainienne.
Le ton de V aucochard se retrouve dans Fisch-ton-kan,
opérette « chinoise », ou dans cette chanson du Pal qui orne
l'Etoile de Chabrier et dont les paroles, d'après Lepelletier,
sont de Verlaine.
Ainsi, même un Chabrier ne pouvait faire concevoir à
Verlaine, avant 1870, une autre alliance entre musique et
poésie que celle de l'Opéra-Bouffe. N'en soyons pas sur
pris. Le lied français n'existe pas avant 1870. C'est préc
isément Verlaine qui le fera naître. Le grand opéra, sauf
quelques œuvres exceptionnelles, est moribond ; reste
Горега-boufře, seule forme vraiment vivante.
Les autres musiciens que fréquente Verlaine partagent
aussi leur activité, à part quelques morceaux de piano, entre
le projet d'opéra-bouffe et la chansonnette comique. Ainsi
l'errant Cabaner, compagnon assidu de Verlaine, silhouette
quasi hoffmanienne avec le regard égaré de ses yeux clairs,
sa barbe rare et flottante : « Jésus-Christ après trois ans
d'absinthe », disait Verlaine, qui n'en est pas encore à
Sagesse. Ainsi Charles de Sivry, qui présenta un jour à
Verlaine sa demi-sœur Mathilde... C'est avec lui que le
poète projettera, en 1878, d'écrire une Tentation de
Saint-Antoine, sujet évidemment des plus sérieux pour
qui est en train de préparer Sagesse. Voici comment le
chrétien convaincu, le Sage, et le plus musicien des poètes
voit la Tentation de Saint-Antoine : « L'armée, avec ses PIERRE FORTASSIER 147
cantines (popinae), ses filles de joie, ses tribunaux d'except
ion, etc.. cam

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