RAPPORT FINAL DU GFR
"LA DIMENSION CULTURELLE
DANS L’ENSEIGNEMENT DES
LANGUES"
31 JANVIER 2007
IUFM CHAMPAGNE-ARDENNE
23, rue Clément Ader
BP 175
51685 REIMS CEDEX 2
1Résumé
L'étude d'autres cultures et l'apprentissage des langues sont considérés comme
indissociables, à la fois dans le système éducatif français et dans les directives
européennes concernant l’apprentissage des langues. Toute langue, en tant qu’elle
reflète une vision du monde, qu’elle en propose une interprétation, constitue une
donnée culturelle ; elle est à la fois signifiant et signifié culturel.
L’objectif central de l’apprentissage des langues reste de rendre les élèves capables
à terme de communiquer en langue étrangère, dans des situations adaptées à leur
âge, culturellement marquées. Comment rendre cet apprentissage plus efficace ?
Quels savoirs travailler en évitant de reprendre d’année en année les mêmes
contenus et thèmes ? Quelles stratégies permettent de développer les compétences
de compréhension et d’expression tout en enrichissant et organisant les
connaissances linguistiques et culturelles des élèves ? Enfin, comment aboutir à une
véritable action sur les savoir-être ? Comment, à terme, concilier cet apprentissage
complexe et l’automatisation des savoirs linguistiques ?
Il s’agit de travailler sur les représentations liées à l’apprentissage et à
l’enseignement des langues, en incitant les enseignants à prendre davantage en
compte dans leurs pratiques la dimension culturelle et en incluant dans les
apprentissages le développement de compétences spécifiques et générales relevant
de la formation de l’individu et de l’acteur social.
Janvier 2007
Pilote : FOUCARD MICHELE, Formatrice, IUFM Champagne-Ardenne
Tuteur scientifique : LAGOGUEY HERVE, MCF, IUFM Champagne-Ardenne
Ont également collaboré à la rédaction du présent rapport :
REMY Marie-Claire, Formatrice, IUFM Champagne-Ardenne
PIERRET Nathalie, professeur au lycée Sévigné, Charleville, Formatrice, IUFM
Champagne-Ardenne
2I - Les objectifs du GFR
Le Groupe de Recherche par la Formation est né des interrogations et
préoccupations soulevées par les nouveaux programmes de lycée et collège ainsi
que des recommandations et de la mise en place du Cadre Européen Commun de
Référence pour les Langues. Il se propose :
- D’interroger les pratiques de classe dans le domaine du traitement des
contenus, des savoir-faire et des savoir-être relevant du culturel, afin
d’identifier les caractéristiques de ces pratiques.
- D’étudier les pratiques enseignantes et les programmes officiels, les apports
théoriques sur la question, afin de mesurer les écarts entre les incitations
officielles et les pratiques réelles et de mettre en évidence les obstacles à leur
développement.
- D’identifier les pratiques innovantes dans ce domaine pour en mesurer
l’efficacité. Par pratiques innovantes on entendra, en première analyse, des
dispositifs d’enseignement qui rompent avec une pédagogie frontale,
traditionnelle, axée sur la transmission de savoirs linguistiques qui, selon le
rapport intitulé « l’évaluation des compétences en anglais des élèves de 15
1
ans à 16 ans dans sept pays européens » , contribuerait de façon non
négligeable à limiter l’efficacité de l’apprentissage de l’anglais en France. On
peut légitimement se demander dans quelle mesure cette analyse ne vaudrait
pas également pour l’ensemble des langues vivantes enseignées en France.
- De baliser des pistes de réflexion et d’action afin d’améliorer les pratiques
enseignantes et la formation des enseignants.
Le projet prend appui sur l’étude des interrelations entre les pratiques enseignantes
et les apprentissages réalisés par les élèves, pour mener une réflexion sur la
dimension culturelle dans l’enseignement des langues en France et notamment en
Champagne-Ardenne.
1 L’évaluation des compétences en anglais des élèves de 15 ans à 16 ans dans sept pays européens,
rapport coordonné par G. Bonnet, Paris, MEN/DEP Editions, mars 2004.
3II - Les travaux en rapport avec le sujet
L’étude menée ici sur la prise en compte de la dimension culturelle dans
l’enseignement des langues n’aurait pu être conduite sans une lecture attentive de
travaux en rapport avec le sujet, qui ont permis de collecter des informations clés
autour des principaux concepts afférents au sujet traité. Il s’agit à terme d’apporter
des éléments de réflexion de nature à mieux cerner les apprentissages culturels tels
qu’ils sont conduits dans les salles de classe. De quelle manière la recherche en
didactique notamment, et les instructions officielles, qui s’appuient en partie sur les
données de cette recherche, influencent-elles les pratiques enseignantes ? C’est à
cette question que cette partie voudrait apporter des éléments de réponse, en
présentant les données de la recherche autour de la dialectique langue / culture(s),
puis en jetant différents éclairages sur le contexte de l’apprentissage culturel dans le
cadre d’une discipline scolaire. Un bref historique de l’enseignement des langues
vivantes en Europe, abordé selon un axe diachronique, précédera la présentation du
contexte européen et de l’outil de la politique européenne dans ce domaine, le Cadre
2
européen commun de référence pour les langues . Le problème plus large de la
gestion de la diversité sera ensuite traité sur le plan international, puis européen et
national, afin de tenter de mieux cerner les relations complexes qui articulent les
arrières plans politiques, économiques et éducatifs de cette recherche. Enfin, les
obstacles qui jalonnent la mise en œuvre des directives nationales et européennes,
ainsi que les éléments facilitateurs, seront passés en revue.
• Langue et culture(s)
De nombreux travaux insistent sur les liens langue et culture. Edgar Morin définit
leurs relations en ces termes : « la culture, qui est le propre de la société humaine,
est organisée/organisatrice via le véhicule cognitif qu’est le langage, à partir du
capital cognitif collectif des connaissances acquises, des savoir-faire appris, des
expériences vécues, de la mémoire historique, des croyances mythiques d’une
3société » . Toute langue, en tant qu’elle reflète une vision du monde, qu’elle en
propose une interprétation, constitue une donnée culturelle ; elle est à la fois
signifiant et signifié culturel. En prenant appui sur cette conception de la dialectique
langue-culture, le traitement du culturel en classe de langue est présenté comme
devant nécessairement s’effectuer en ayant recours de manière exclusive à la langue
cible, à partir de supports qui en rendent l’utilisation quasi indispensable.
La synergie des composantes linguistique et culturelle est également réaffirmée par
Pierre Martinez, qui distingue, parmi les éléments que l’apprenant doit s’approprier
dans le cadre de l’apprentissage d’une langue, non seulement des savoirs
linguistiques et des compétences communicatives, mais également « une manière
2 Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer, Didier,
Paris, 2001. Le CECRL est un outil du conseil de l’Europe, conçu pour aider à la mise en place d’une
politique des langues vivantes cohérente au sein de l’Europe. Pour plus d’informations, se reporter
aux pages …de cette étude.
3
Morin E., La méthode 4. Les idées, Paris, Seuil, 1991, cité dans Enseigner la civilisation des pays
anglophones, définitions, méthodes, expériences, Renée Dickason et al, Presses universitaires de
Rennes, 1997.
4d’être, des comportements culturels souvent indissociables de la langue, car inscrits
4dans la langue même » . En d’autres termes, la notion de savoir-être s’imbrique dans
la langue, dans son utilisation dans des situations culturellement marquées.
L’apprentissage de la communication en langue étrangère est ainsi placé sous le
signe de l’activité sociale inhérente à tout groupe humain. Cette réalité à la fois
linguistique, culturelle et sociale est également prise en compte dans les
5programmes des classes de troisième des collèges , sous le titre « compétences
terminales en fin de collège ». Dans la rubrique « compétences culturelles », il est
précisé que cet enseignement ne peut se limiter à la transmission d’informations. Il
s’agit « de sensibiliser à des spécificités culturelles, de faire prendre conscience à la
fois des similitudes et des différences qui peuvent exister entre [le pays des élèves]
et les pays dont ils apprennent la langue dans les usages sociaux, les coutumes, les
mentalités, les institutions ». Cela s’effectue dans le cadre d’une démarche
contrastive intégrée rendant l’utilisation de la langue cible incontournable dans le
cadre de tâches centrées sur la construction du sens de supports divers, qu’il s’agira
ensuite de commenter dans une perspective interculturelle.
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Cette approche a été décrite dès 1996 par Albane Cain , pour qui l'enseignement de
la culture est l'occasion d'amener l'apprenant à relativiser ses propres pratiques
sociales, ses convictions, ses croyances, et à se décentrer : « Il faut que tout
document soumis aux élèves oppose au système de références maternel une
certaine opacité qui offre matière à interprétation et pose problème, requérant de
l'apprenant l'effort de décentrement et de réajustement ». La démarche comparative
ou "comparatiste", selon Albane Cain, consiste à "amener les élèves à relativiser la
position de leur système maternel vis-à-vis du système étranger, de leur fournir un
apport de connaissances, tenant compte de l'objectif de relativisation déjà
mentionné". C'est aussi celle que préconise Jean-Claude Beacco dans son ouvrage
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intitulé Les dimensions culturelles des enseignements de langue , dans lequel il
reprend à son compte les travaux de Geneviève Zarate, pour qui « La pédagogie
interculturelle vise à agir sur des attitudes peu contrôlées et sur des représentations,
celle d'autres cultures, de la sienne et de soi-même, … [et] intervient dans le