La lecture à portée de main
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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 19 |
EAN13 | 9782824710099 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
LE LYS D ANS LA
V ALLÉE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LE LYS D ANS LA
V ALLÉE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1009-9
BI BEBO OK
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.MONSI EU R J. - B. NA CQU ART ,
MEMBRE DE L’ A CADÉMI E RO Y ALE DE MÉDECI N E.A Cher do cteur , v oici l’une des pier r es les plus travaillé es dans
la se conde assise d’un é difice liérair e lentement et lab orieusement
constr uit ; j’y v eux inscrir e v otr e nom, autant p our r emer cier le savant
qui me sauva jadis, que p our célébr er l’ami de tous les jour s
DE BALZA C.
n
1MAD AME LA COMT ESSE NA T ALI E DE MAN ERV I LLE.
« Je cède à ton désir . Le privilég e de la femme que nous aimonsA plus qu’ elle ne nous aime est de nous fair e oublier à tout pr op os
les règles du b on sens. Pour ne p as v oir un pli se for mer sur v os fr onts,
p our dissip er la b oudeuse e xpr ession de v os lè v r es que le moindr e r efus
ariste , nous franchissons miraculeusement les distances, nous donnons
notr e sang, nous dép ensons l’av enir . A ujourd’hui tu v eux mon p assé , le
v oici. Seulement, sache-le bien, Natalie : en t’ obéissant, j’ai dû fouler aux
pie ds des répugnances inviolé es. Mais p our quoi susp e cter les soudaines
et longues rê v eries qui me saisissent p arfois en plein b onheur ? p our quoi
ta jolie colèr e de femme aimé e , à pr op os d’un silence ? Ne p ouvais-tu
jouer av e c les contrastes de mon caractèr e sans en demander les causes ?
As-tu dans le cœur des se cr ets qui, p our se fair e absoudr e , aient b esoin
des miens ? Enfin, tu l’as de viné , Natalie , et p eut-êtr e vaut-il mieux que tu
saches tout : oui, ma vie est dominé e p ar un fantôme , il se dessine
vaguement au moindr e mot qui le pr o v o que , il s’agite souv ent de lui-même
audessus de moi. J’ai d’imp osants souv enir s ense v elis au fond de mon âme
comme ces pr o ductions marines qui s’ap er çoiv ent p ar les temps calmes,
et que les flots de la tempête jeent p ar fragments sur la grè v e . oique
2Le ly s dans la vallé e Chapitr e
le travail que né cessitent les idé es p our êtr e e xprimé es ait contenu ces
anciennes émotions qui me font tant de mal quand elles se ré v eillent tr op
soudainement, s’il y avait dans cee confession des é clats qui te
blessassent, souviens-toi que tu m’as menacé si je ne t’ obéissais p as, ne me
punis donc p oint de t’av oir obéi ? Je v oudrais que ma confidence r e
doublât ta tendr esse . A ce soir .
«F ÉLIX. »
n
3 nour ri de lar mes de v r ons-nous un jour la plus
émouvante élégie , la p eintur e des tour ments subits en silenceA p ar les âmes dont les racines tendr es encor e ne r encontr ent que
de dur s cailloux dans le sol domestique , dont les pr emièr es fr ondaisons
sont dé chiré es p ar des mains haineuses, dont les fleur s sont aeintes p ar
la g elé e au moment où elles s’ ouv r ent ? el p oète nous dira les douleur s
de l’ enfant dont les lè v r es sucent un sein amer , et dont les sourir es sont
réprimés p ar le feu dé v orant d’un œil sé vèr e ? La fiction qui r
eprésenterait ces p auv r es cœur s opprimés p ar les êtr es placés autour d’ eux p our
fav oriser les dé v elopp ements de leur sensibilité , serait la véritable
histoir e de ma jeunesse . elle vanité p ouvais-je blesser , moi nouv e au-né ?
quelle disgrâce phy sique ou morale me valait la fr oideur de ma mèr e ?
étais-je donc l’ enfant du de v oir , celui dont la naissance est fortuite , ou
celui dont la vie est un r epr o che ? Mis en nour rice à la camp agne , oublié
p ar ma famille p endant tr ois ans, quand je r e vins à la maison p ater nelle ,
j’y comptai p our si p eu de chose que j’y subissais la comp assion des g ens.
Je ne connais ni le sentiment, ni l’heur eux hasard à l’aide desquels j’ai
pu me r ele v er de cee pr emièr e dé ché ance : chez moi l’ enfant ignor e et
l’homme ne sait rien. Loin d’adoucir mon sort, mon frèr e et mes deux
4Le ly s dans la vallé e Chapitr e
sœur s s’amusèr ent à me fair e souffrir . Le p acte en v ertu duquel les
enfants cachent leur s p e ccadilles et qui leur appr end déjà l’honneur , fut nul
à mon ég ard ; bien plus, je me vis souv ent puni p our les fautes de mon
frèr e , sans p ouv oir ré clamer contr e cee injustice ; la courtisanerie , en
g er me chez les enfants, leur conseillait-elle de contribuer aux p er sé
cutions qui m’afflig e aient, p our se ménag er les b onnes grâces d’une mèr e
ég alement r e douté e p ar eux ? était-ce un effet de leur p enchant à
l’imitation ? était-ce b esoin d’ essay er leur s for ces, ou manque de pitié ?
Peutêtr e ces causes réunies me privèr ent-elles des douceur s de la frater nité .
D éjà déshérité de toute affe ction, je ne p ouvais rien aimer et la natur e
m’avait fait aimant ! Un ang e r e cueille-t-il les soupir s de cee
sensibilité sans cesse r ebuté e ? Si dans quelques âmes les sentiments mé connus
tour nent en haine , dans la mienne ils se concentrèr ent et s’y cr eusèr ent
un lit d’ où, plus tard, ils jaillir ent sur ma vie . Suivant les caractèr es,
l’habitude de tr embler r elâche les fibr es, eng endr e la crainte et la crainte
oblig e à toujour s cé der . D e là vient une faiblesse qui abâtardit l’homme
et lui communique je ne sais quoi d’ esclav e . Mais ces continuelles
tourmentes m’habituèr ent à déplo y er une for ce qui s’accr ut p ar son e x er cice
et pré disp osa mon âme aux résistances morales. Aendant toujour s une
douleur nouv elle , comme les marty r s aendaient un nouv e au coup , tout
mon êtr e dut e xprimer une résignation mor ne sous laquelle les grâces
et les mouv ements de l’ enfance fur ent étouffés, aitude qui p assa p our
un sy mptôme d’idiotie et justifia les sinistr es pr onostics de ma mèr e . La
certitude de ces injustices e x cita prématurément dans mon âme la fierté ,
ce fr uit de la raison qui sans doute ar rêta les mauvais p enchants qu’une
semblable é ducation encourag e ait. oique délaissé p ar ma mèr e , j’étais
p arfois l’ objet de ses scr upules, p arfois elle p arlait de mon instr uction et
manifestait le désir de s’ en o ccup er ; il me p assait alor s des frissons
horribles en song e ant aux dé chir ements que me causerait un contact jour
nalier av e c elle . Je bénissais mon abandon, et me tr ouvais heur eux de p
ouv oir r ester dans le jardin à jouer av e c des cailloux, à obser v er des inse ctes,
à r eg arder le bleu du fir mament. oique l’isolement dût me p orter à la
rê v erie , mon g oût p our les contemplations vint d’une av entur e qui v ous
p eindra mes pr emier s malheur s. Il était si p eu question de moi que
souv ent la g ouv ernante oubliait de me fair e coucher . Un soir , tranquillement
5Le ly s dans la vallé e Chapitr e
bloi sous un figuier , je r eg ardais une étoile av e c cee p assion qui saisit
les enfants, et à laquelle ma pré co ce mélancolie ajoutait une sorte
d’intellig ence sentimentale . Mes sœur s s’amusaient et criaient, j’ entendais leur
lointain tap ag e comme un accomp agnement à mes idé es. Le br uit cessa,
la nuit vi