Le Plomb des Années (Shamus) chap 10
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Le Plomb des Années (Shamus) chap 10

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1 0 Pasle genre d’info qui circule, j’imagine. Et toi, alors, comment… Tu te figures bien que si je suis arrivé jusqu’ici c’est parce qu’à Belém j’ai appris des choses que les militaires ne tenaient pas à voir diffusées. Si ma liberté était déjà en danger avant, là il s’agissait de ma vie. Je te raconte. J’allais entrer dans l’université, un Kombi banalisé s’arrête sur un cri de freins. Le temps de me retourner, deux types en civil descendus au pas de course me poussent violemment à l’intérieur. Seul reste la banquette arrière occupée par un curé et deux jeunes femmes. On me signifie tout en m’appuyant sur la tête de m’asseoir parmi les cinq types à même le plancher. Tous gardent la tête basse sauf un, style commando, visage tuméfié, au regard de défi. Je me retrouve près de lui. Je demande des explications... il m’enjoint au silence d’un coup de coude discret dans les côtes. Trop tard…le mal rasé qui nous surveille me balance son pied dans la figure. Ici on la boucle. Et le Kombi de partir sur les chapeaux de roue. Ils sillonnent la ville comme des dingues et tout à coup crissement de pneus… dérapage… on fonce droit sur un bus. Je vais y passer, c’est ce que je flashe une seconde. Mais non. L’avant complètement enfoncé par le choc frontal, les deux de devant écrasées par les tôles, morts, le garde-chiourme resté debout qui m’a tabassé est allé valdinguer contre l’arrête de la portière et saigne abondamment de la tempe.

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Publié le 25 avril 2016
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 Pas le genre d’info qui circule, j’imagine. Et toi, alors, comment… Tu te figures bien que si je suis arrivé jusqu’ici c’est parce qu’à Belém j’ai appris des choses que les militaires ne tenaient pas à voir diffusées. Si ma liberté était déjà en danger avant, là il s’agissait de ma vie. Je te raconte. J’allais entrer dans l’université, un Kombi banalisé s’arrête sur un cri de freins. Le temps de me retourner, deux types en civil descendus au pas de course me poussent violemment à l’intérieur. Seul reste la banquette arrière occupée par un curé et deux jeunes femmes. On me signifie tout en m’appuyant sur la tête de m’asseoir parmi les cinq types à même le plancher. Tous gardent la tête basse sauf un, style commando, visage tuméfié, au regard de défi. Je me retrouve près de lui. Je demande des explications... il m’enjoint au silence d’un coup de coude discret dans les côtes. Trop tard… le mal rasé qui nous surveille me balance son pied dans la figure. Ici on la boucle. Et le Kombi de partir sur les chapeaux de roue. Ils sillonnent la ville comme des dingues et tout à coup crissement de pneus… dérapage… on fonce droit sur un bus. Je vais y passer, c’est ce que je flashe une seconde. Mais non. L’avant complètement enfoncé par le choc frontal, les deux de devant écrasées par les tôles, morts, le garde-chiourme resté debout qui m’a tabassé est allé valdinguer contre l’arrête de la portière et saigne abondamment de la tempe. Les prisonniers n’ont eux que des bosses et des petites contusions. Le commando reprend de suite ses esprits, nous harangue : cassez-vous tous et éparpillez-vous. Mêlez-vous aux passagers du bus avant de vous tirer… et sans courir. Le curé hésite… ausculte le corps au pied de la portière. Allez curé, laisse tomber ce salaud du DOPS. Il ne bouge toujours pas. Mets le curé dehors, mon gars, il faut que je te parle. Ne restez-pas là mon père. Le commando me fait signe. Je remarque qu’il est le seul menotté, qu’en plus il a les jambes entravées. Les clés ? Laisse tombercara… je ne pourrais pas marcher tellement ils m’ont cogné. Tâte mon col de chemise, côté droit, en-dessous… arrache. Je n’y arrive pas. Ah ça y est. Une clé ? Ouais, numéro 52, consigne de la gare routière… des photos. Fais gaffe là-bas… et tire-toi du pays… de la dynamite… journaux étrangers. Dehors l’un des passagers m’attend. T’es pas d’ici ? Tu sais où aller ? Ben… Méfiant ? Tu as raison. Si tu veux, sept heures… au Ver-O-Peso… devant l’horloge. A la gare routière j’ai longtemps traîné avant de me faufiler vers la consigne. Le sac militaire rapidement fouillé ne m’a rien révélé. Il m’a fallu le retirer et m’installer dans les toilettes. Je trouve enfin… un double-fond grossièrement confectionné. Dessous, une enveloppe, quelques tirages taille réduite et un minuscule appareil photo. Un Minox, l’appareil des espions. Justement le genre de truc qu’on ne trouve pas au Brésil. J’ai commencé à saisir l’importance… et puis il y avait une carte militaire Sergent José Santos Almeida,Centro d’Instruçao de Guerra na Selva de Manáos.
Le sac replacé j’ai balancé la clé 52. L’enveloppe cachée sous ma chemise dans un sac plastique, me tirer au plus vite devenait crucial. Avant de décider pour le rendez-vous avec l’autre type j’ai rapidement réfléchi. Qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ? Contacter mes camarades ? Risqué… et si l’un d’eux m’avait balancé ? J’avais du temps, j’ai traversé la ville à pied, ça m’a paru plus sûr. Une fois au Ver-O-Peso, après un café et unecoxinhaun bistrot j’ai profité des toilettes pour un dans débarbouillage et surtout pour bien installer l’enveloppe dans le plastique coincé par ma ceinture. Mais quelle trouille ! Attendre c’est toujours pire. Je n’y croyais plus… sept heures vingt... personne. Le désespoir déjà. Me faire repérer à force de tourner dans le secteur c’est ce qui m’inquiétait. Prendre le risque d’être dénoncé… aller voir les bateliers… la loterie. Et pas beaucoup de fric pour payer un voyage pour… pour n’importe où mais vers le nord. Tu sais dans une dictature il y a des flics en civils, des plus ou moins flics, des faux flics, des mouchards… partout. Et là, si on me coinçait avec ce que je trimbalais sur moi, j’étais bon, et pas seulement lepau de araraet la gégène, ils allaient me bousiller complet. Jamais on ne trouverait mon corps. Ma mère… je ne pensais qu’à elle. À tel point, mon vieux, que j’étais persuadé que tous lisaient la panique sur mon visage. De quoi devenir dingue. À sept heures et demie le gars passe enfin devant l’horloge. Et bien, tu me croiras pas, l’espace d’un instant… l’une des plus grandes joies de ma vie. J’ai dû me retenir de courir vers lui. Il est allé vers un petit parc un peu plus loin. Une fois derrière un rideau d’arbre il a réapparu brièvement. On s’est retrouvé là-bas. Il m’a soufflé de rester dans le secteur et de le suivre des yeux. Si j’enlève ma casquette c’est bon, tu viens. Sinon je ne pourrai rien faire pour toi. Alors là, l’angoisse à nouveau… plus qu’avant… l’angoisse aux tripes, une irrésistible envie de me libérer les intestins. Et pourtant il faut tenir… pas question de m’absenter une seconde même si j’en suis presque à me déculotter dans le parc comme un clodo. La sensation que tout va foirer m’engloutit. Le type ne réapparaît pas. La tapouille s’en va… c’est fini. Finalement non, c’en est une autre. L’attente… interminable. Enfin je le vois sur le pont, il enlève sa casquette.
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