Les ?les: Promenades dans le golfe Saint-Laurent: une partie de la C?te Nord, l ?le aux Oeufs, l Anticosti, l ?le Saint-Paul, l archipel de la Madeleine
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Les ?les: Promenades dans le golfe Saint-Laurent: une partie de la C?te Nord, l'?le aux Oeufs, l'Anticosti, l'?le Saint-Paul, l'archipel de la Madeleine

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The Project Gutenberg EBook of Les les �by Narcisse-Henri- douard Faucher de Saint-Maurice �This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and withalmost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away orre-use it under the terms of the Project Gutenberg License includedwith this eBook or online at www.gutenberg.netTitle: Les les � Promenades dans le golfe Saint-Laurent: une partie de la C te Nord, � l' l�e aux Oeufs, l'Anticosti, l' le Saint-Paul, l'archipel de la � Madeleine Author: Narcisse-Henri- douard Faucher de Saint-Maurice �Release Date: January 28, 2005 [EBook #14828]Language: FrenchCharacter set encoding: ISO-8859-1*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES LES ***�Produced by Wallace McLean, Renald Levesque and the Online DistributedProofreading Team. This file was produced from images generouslymade available by the Canadian Institute for HistoricalMicroreproductions.BIBLIOTH �QUE RELIGIEUSE ET NATIONALE.APPROUV E� PAR Mgr L' V Q�UE DE MONTR� AL. �2i �me S �RIE IN-8. NEUVI ME� DI�TION.MONTR �AL, LIBRAIRIE SAINT-JOSEPH CADIEUX & DEROME.[Illustration: F. Emmanu l Crespel, R colet] � � FAUCHER DE SAINT-MAURICE. LES ILES PROMENADES DANS LE GOLFE SAINT-LAURENT UNE PARTIE DE LA C T�E NORD.--L'ILE AUX OEUFS. L'ANTICOSTI ...

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The Project Gutenberg EBook of Lesles by Narcisse-Henri-douard Faucher de Saint-Maurice
This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net
Title: Lesles  Promenades dans le golfe Saint-Laurent: une partie de la Cte Nord,  l'le aux Oeufs, l'Anticosti, l'le Saint-Paul, l'archipel de la  Madeleine        
Author: Narcisse-Henri-douard Faucher de Saint-Maurice
Release Date: January 28, 2005 [EBook #14828]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LESLES ***
Produced by Wallace McLean, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team. This file was produced from images generously made available by the Canadian Institute for Historical Microreproductions.
BIBLIOTHQUE RELIGIEUSE ET NATIONALE. APPROUVE PAR Mgr L'VQUE DE MONTRAL. 2ime SRIE IN-8. NEUVIMEDITION. MONTRAL, LIBRAIRIE SAINT-JOSEPH CADIEUX & DEROME.
[Illustration: F. Emmanul Crespel, Rcolet]
 FAUCHER DE SAINT-MAURICE.
 LES ILES
 PROMENADES  DANS LE  GOLFE SAINT-LAURENT
 UNE PARTIE DE LA CTE NORD.--L'ILE AUX OEUFS.
 L'ANTICOSTI.--L'ILE SAINT-PAUL.--L'ARCHIPEL  DE LA MADELEINE.
I.
EN DESCENDANT LE FLEUVE.
Il me semble encore que les choses que je vais vous raconter se passaient hier; et d'ici, je revois le quai de la Reine tout encombrde pesants colis, de chanes d'ancres, de rouleaux de cbles, au milieu desquels chuchotaient, riaient et discutaient, bruyants matelots, gens d'affaires et amis venant serrer la main et souhaiter un heureux retour ceux qui s'embarquaient.
Le steamer sur lequel nous partionstait de la taille d'un aviso de premire classe, fortement membr, un peutroit, ce qui--pour les novices--lui faisait trop prter la bande au roulis, maispremire vue il promettait de se bien dfendrela mer, promesse qu'il nous a noblement tenue. Dans sa cale, sur son pont, le long de ses passerelles, sur son gaillard d'arrire, s'talait la plustrange des cargaisons, et dans ce pandmonium indescriptible s'tait donnrendez-vous tout ce qui peut servirun homme qui, sept mois sur douze, se donne le luxe de vivre comme Robinson Cruso, loin de toute distraction, de toute amiti, de tout secours humain.
_ _ Le Napol partaiton III ce matin-lpour ravitailler les phares de la cte et du golfe Saint-Laurent.
Dans les flancs de sa sainte-barbe sommeillaient dix mille livres de poudrecanon qui--affaire nerfs probablement--m'ont toujours sembltre un voisinage peu rassurant pour une centaine de barils de ptrole que nous avionsfond de cale. Des quarts de porc salet de farine, des ballots de marchandises, des caisses d'piceries balances lourdement au crochet d'un fort palan, descendaient et disparaissaient par lescoutilles, pendant que sur le pont on rangeait des cagespoules non loin de deux vaches qui ruminaient mlancoliquement au pied du grand mt, en songeantces vertes prairies des plaines d'Abraham qu'elles allaientchanger contre les brouillards de l'Anticosti. Un cochon, insoucieux de son sort, se frottait le dos sur l'afft d'un canon, regardant d'un air satisfait un groupe de matelots qui jetaient de grosses toiles cires sur des balles de foin destines tre exposesl'air, pendant que des camarades empilaient des planches et des bardeaux le long des bastingages. Sur la dunette, une charrette donnait l'accoladeune baleinire. Partout ce n'tait que chaos, bourdonnement et travail. L'quipage soigneux et attentif s'empressait de mettre la dernire main aux prparatifs du dpart, et l'ordre se faisait vite au milieu de ce tohubohu.
Le carrdes passagers faisait bientt oublier tous ces bruits et cet inextricable fouillis. Le petit salon de l'arriretait simple, coquet avec ses tentures vertes, bien emmnag, et son demi-cercle de divan promettait plus d'une bonne heure de sieste aux coureurs et aux travailleurs de la mer. La salledner onous devions passer de si douces soires, se montrait propre, bienclaire, assez large pour mettrel'aise quinze personnes. Elle nous permettait d'entrer de plain pied dans des cabines parfaitement ventiles; et c'tait plaisir de voir par leurs portires souleves un lit frais et bien blanc. Tout promettait donc d'aller pour le mieux sur le meilleur des bateaux possibles, et je ne me laissai distraire de toutes ces douces choses que par le premier tour de l'hlice qui nous entranait vers l'inconnu.
Le tempstait superbe, le fleuve calme, mon cigare dlicieux, et tout en jetant un regardceux qui restaient et qui agitaient leur mouchoir en signe d'adieu, je me misexaminer curieusement ceux qui devaient tre mes camarades de voyage.
Sur la dunette se promenait en paletot gris, le binocle gris d'aciercheval sur un nez passablement rubicond, un hommefavoris gris dont la tte s'lanait triomphalement hors d'une cravate verte, pour aller s'enfouir sous un chapeau melon. D'une voix bgayante, mais accompagnant chaque mot d'un coup d'oeil dont la vivacitsupplait aux lenteurs de la parole, il donnait des ordresun colosse qui, debout sur le gaillard d'avant, la moustache en brosse, le teint hl, le nez dans le vent, rptait d'une voix de tonnerre chaque monosyllabe tombdes lvres de son suprieur.
Le monsieur bguetait notre capitaine, un de nos pilotes les plus expriments: l'homme au torse herculen,la physionomie franche et ouverte qui l'coutait, n'tait que premier lieutenant. Rude tte que celle de LeBlanc, je vous l'assure: il avait le flair des mystres de l'abme, et sentait une caye, un grain ou un dangerdix lieuesla ronde.
LeBlanc ne savait ni lire, nicrire, mais sa vie s'tait passe sur l'ocan. La mertait le livre de cet homme d'airain, et comme la pauvretet le hasard en lui fermant le chemin de l'cole l'avaient jetloin de toutes connaissances humaines, il avait appris seul, et ne connaissait pour camarades de collge que la tempte et le danger. LeBlanc savait donc par coeur la navigation que nous allions faire, et si de notrepoque personne n'et song lui pour en faire un chevalier de la Toison d'Or, du temps de Jason il serait passd'emble amiral, et auraittde forcemener l'expdition des Argonautes.
A tribord, prs du capot d'chelle, la casquette galonne sur le coin de la tte, l'uniforme boutonnjusqu'au col, le teint bronz, le nez en bec d'aigle, l'oeil doux et profond, Jrme Savard, notre deuxime lieutenant, s'occupaittransmettre automatiquement les ordres qui pleuvaient du banc de quartl'adresse de l'hommela roue.
De la cambuse au capotin qui menaitla sallemanger, notre matre d'htel, Raphal Ct, faisait trottiner son gros ventre tout en transportant fines poulardes, langues sales et grosses pices de rsistance. Cela ne l'empchait pas, suivant la course qu'il tenait, de lancer un bon motWilliam Dchne, le cordon bleu du bord qui suait et soufflait devant ses fourneaux chauffsrouge, de saluer obsquieusement un passager qu'il ne connaissait pas, ou de lorgner d'un oeil de fin connaisseur les meilleurs plats du jour. Gai comme pinson, il commenait ce jour lun service agrable pour tous et qui ne se ralentit pas une seconde pendant la dure de nos trois croisires.
Ce va et vient de l'illustre Raphal faisait pressentir les tintements de la cloche du dner. Noustions alors par la travers du phare de Saint-Laurent d'Orlans, et au moment oj'allais me lever, j'aperus dans la direction du sud scintiller au soleil le clocher de la petite glise de Beaumont. Je n'ai jamais pu regarder ce temple agreste et sans prtentions, sans que ma pense ne replit ses ailes sur elle-mme. Sous cette vote de bois,toile dans le genre du sicle dernier, dans ces vieux murs de 1732, non loin de ces fonts baptismauxla balustrade en fer forget fleurdelys, dorment la chair de ma chair, les os de mes os. C'est lque mes deux frres Charles et Pierre et que ma chre soeur Josphine attendent, calmes et impassibles dans la tombe, le jour oil sera du bon plaisir de Dieu de mler ma poussireleur poussire.
Personne au milieu de ceux qui prenaient l'air sur le pont et regardaient d'un oeil distrait ce paysage--pour moi le plus aim, sinon
le plus ravissant du monde--ne se serait doutque j'tais en frais de broyer du noir, et djautour de moi les manies d'un chacun s'accentuaient.
A deux pas de l, untudiant en mdecine, propritaire d'unnorme colis de drogues os'taient glisss une foule d'instruments aussi utiles que dsagrables, ttait la clientle du bord, parlant du mal de mercelui-ci, pronostiquant un rhumatismecelui-l, faisantun troisime qui l'coutait d'un air hagard, le rsumdes premiers soins qu'il fallait donnerun noy, et prvenant chauffeurs et matelots _ _ qu'il distribuerait pro bono publico , tout ce qu'exigent brlures, contusions ou cassures, enfin toute cette srie de surprises qui existent entre le perroquet de hune et l'arbre de couche de l'hlice.
Dans les jambes de ce Samaritain anglais, courait et jasait le plus endiabl Birdie , homme de dix ans aux r masterdes gamins,ponses _ _ phnomnales, aux thories renversantes, qui un jour,table, se prit causer d'histoire naturelle avec un joyeux shrif de ma connaissance, bel esprit, grand parleur, et certes de fil en aiguille ce ne fut pas ce dernier qui eut le beau rle dans la discussion.
Assis sur un rouleau de chanvre, M. Gagnier, gardien du phare de la pointe aux Bruyres sur l'le d'Anticosti, vrai type du canadien des anciens jours, causaitvoix basse avec M. Malouin, jeune homme qui tait parti de San Francisco pour aller embrasser son vieux pre--autre gardien de phare--et oublier au milieu des joies de la famille sept longues annes de travail et d'absence.
Un passager dsolconfiait djtristementl'un des ingnieurs qu'il avait eu tort d'oublier son paletot et de partir pour le golfe Saint-Laurent comme on part de chez soi, par une matine ensoleille, pour faire le tour du Belvdre. Un autre, debout prs du mt d'artimon, chaussdans ses bottes de sept lieues, coiffd'une casquette aux formes cosmopolites, le lorgnon ferme sous l'arcade sourcillire, discutait gravement avec son autre compagnon de route, Agnor Gravel, l'importante question de savoir queltait le meilleur temps pour prendre en mer le coup d'apptit, lorsque Raphal vint mettre tout le monde d'accord eu sonnant vigoureusement la cloche, et clerc mdecin, hommes de lettres, gardiens de phare, fils de famille et gamin disparurent en un clin d'oeil du pont, pour aller se mettre en rang _ _ d'ognons autour de la table hospitali Napolre duon III .
Je n'ai pas besoin de dire que ce premier dner fut assez silencieux. Chacuntudiait la physionomie de son voisin; mais Agnor, qui n'y allait jamais par quatre chemins, et avait djla vellitde tutoyer le capitaine, eut bien vite fait circuler parmi les convives cette gatchaude et ptillante qui ne cessa de rgner entre nous, aux jours de pluie comme aux jours de soleil.
C'tait une singulire tte que cet Agnor Gravel, et puisque son nom reviendra souvent sur mes lvres pendant le rcit de ce voyage, j'aime autant vous faire son portrait tout de suite.
Assez grand, large d'paules, borgne sans le laisser voir le moins du monde, causeur jovial et bon enfant lorsqu'on lui demandait un service ou une anecdote, saupoudrant le moindre rcit d'une lgre pointe d'exagration gasconne, ce qui n'tait pas dsagrable, triste comme un saule pleureur ds qu'il approchait une plume de l'encrier, Agnor avait tune foule de choses pendant le cours de sa vie aventureuse. Tour tour avocat, zouave pontifical, homme de lettres, journaliste, naturaliste, collectionneur, bibliophile, ce nouveau Vichnou avait tout juste conservde ses diffrentes incarnations ce qu'il fallait pour vritablement constituer ce qu'on appelle un bon garon, trois mots dont on fait de nos jours un usage immodr, et que l'on applique trop
souventtort ettravers au premier venu.
Railleur sans fiel, hardi par temprament, serviable et discret par got, jouissant d'une bonne sant d'Horace,et de l' aurea mediocritas _ _ joyeux, bon, prodigue de tout ce qu'il avait, il prenait la vie comme elle se prsentaitlui, sans permettrel'ambition,l'excs de travail oul'envie de lui faire des cheveux blancs, des rides et de la bile avant le temps. Ses ennemis le fuyaient pour ne pastre forcs de devenir ses amis, et sans son incomparable paresse, matre Agnor aurait tde forcecourir aprs eux, pour se les concilier, en ouvrant la conversation par leur dire tout le mal qu'il pensait de lui, et leur faire part de tout le bien qu'il voulait aux autres.
On sait djqu'Agnor avait une manire particulire de s'y prendre pour faire causer les gens; aussi ne faut-il pas s'tonner si le lendemain de notre dpart, nonchalamment couchs sur une peau de buffle, la tte appuye sur une bosse de chaloupe, noustions djen frais de prendre des notes sur l'intressante conversation que nous tenait le gardien d'un des phares de l'Anticosti.
Ceux qui sont habitus aux petites grandeurs, aux grandes misres et aux minces bonheurs des villes, ne sauraient se faire une ide de la vie que mnent l-bas ces braves gens. Obligs de faire cuire leur pain, de tailler leurs habits, de travaillerla menuiserie, de chasser, pcher, trela fois mdecin, calfat, brasseur, que sais-je? l'tils n'ont pour distraction que la culture d'un petit carrde terre, si toutefois l'avare rcif le permet, l'hiver que d'interminables pipes fumes en ttette avec lespaves arrachesla tempte, et qui flambent tristement dans l'immensetre en pierre de la cuisine de la tour.
Notre interlocuteur, M. Gagnier,tait, un des privilgis de la bande. Il desservait un phare confortable, spacieux, et lui du moins, pouvait chausser ses raquettes, ou s'acheminer le long des sentiers battus par les ours et les fauves, pour visiter ses voisins etchapper ainsi, cinq ou six fois l'an, au terrible supplice de l'isolement.
--Ah! monsieur, disait-ilAgnor, si vous saviez comme la solitude et le silence amnent l'homme tre serviable etaimer son semblable. Mon plus proche voisin fit un jour trente-cinq millespied pour venir m'apporter une lettre. D'ailleurs, ajouta-t-il en clignant de l'oeil, c'tait un rude jarret que celui de mon compre James. Dans un temps de disette il fut onze jours sans pouvoir fumer. Enfin n'y tenant plus, il part, enjambe dix-huit milles par une pluie battante, et me tombe dessus au moment oj'allais souper. Je veux le forcerpasser des habits secs, etboire un bon verre de rhum. Le rhum, il l'avala sans se faire prier; mais pour ce qui est des hardes et du souper, il fit la sourde oreille, et se mitbattre le briquet etfumer avec tant d'apptit, qu'une demi-heure aprs, iltait malade, comme uncolier qui a voulu faire l'homme et s'est imbibde nicotine. Pauvre James! il devait mourir plus tard d'une maladie bien pire que celle-l, et en attendant ce fut lui qui entra l'un des premiers dans la maison de Gamache et le trouva mort,tendu de tout son long sur le plancher, et la main crispe sur l'anse d'une cruche de whiskey.
--Comment Gamache, l'homme aux relations diaboliques, Gamache le mystrieux, Gamache le terrible, le grand Gamache buvait autant que cela? fit d'un ton de profonde commisration matre Agnor, tout en laissant passer un soupir encore tout parfumpar un vieux rhum de Sainte-Croix.
--Oui monsieur, puisque c'est ce vice qui l'a tu, reprit gravement Gagnier. D'ailleurs Gamache n'tait pas aussi mchant que nous le fait la lgende. Basque, mais bon coeur sous sa rudecorce, il s'tait entourde mystre, et se faisait une rputation de sorcier pour ne pas
se voir dranger dans cette vie de libertet d'isolement qu'il aimait autant que sa gourde et son fusil.
Puis secouant les cendres de sa pipe par dessus la lisse de plat-bord, notre interlocuteur ajouta:
--Nous allons bien, messieurs; voilque nous sommes djpar le travers de la Pointe--l'Outarde.
Et nous indiquant la terre de la main, Gagnier reprit gravement:
--Voyez-vous l-bas cette maisonnette blanchtre qui se dtache sur les tons gris de la cte? C'est la demeure d'Hawkins, un homme qui a fait une fin bien tragique! Par un de ces temps clairs et froids de dcembre, il aperut un navire abandonndans les glaces qui montaient lentement avec le reflux. La batturetait solide et prise au loin, le temps beau, l'air sec mais sans vent, et, suivi d'un chien, Hawkins partit rsolument et se dirigea vers l'pave. Malheureusement le long de la route le vent se fit, la neige fouette par la brise se mitpoudrer, la mer se prittravailler sourdement la glace, et bientt l'infortunse trouvala merci d'unlot flottant. Qu'advint-il? comment et quand le pauvre Hawkins mourut-il? nul ne le sait. Seulement,quelques jours de l, sa femme voyait revenir au logis le fidle terreneuve, portant nouau cou, en signe d'adieu et de souvenir, le mouchoir de son matre. Le printemps suivant, Hawkinstait retrouvau large de la Pointe de Mons, gel, dans l'attitude de la prire, le front, les mains et les genoux scells encoresa banquise solitaire!
Pendant que nouscoutions attentivement ces rcits de la mer, le Napoljoyeusement dans une forte brise de nord-est. La on filait _ _ veille, nous avions ravitaillle Bicquet; aujourd'hui nous courions dans le nord laissant par tribord les ctes verdoyantes du sud qui, vues de cette distance, paraissent sombres,leves, ne laissant voira et lsur les flancs escarps des Schick-Shoacks qu'uneblouissante tache de neige, jete lpar l'hiver en signe d'ternel dfi au soleil d't.
Djnous avions entrevu Bersimis avec son joli village et songlise; vers cinq heures nous doublions la Pointe de Mons[1], et l'approche du phare noustait annonce, en amont, par deux croix de bois qui abritent des tombes de naufrags, et font le plus triste effet sur cette cte montagneuse et boise, tranche de foisautres par des falaises grises, coupespic.
[Note 1: La pointe de Mons est ainsi nomme en l'honneur de Pierre du Gua, sieur de Mons, l'infatigable explorateur des ctes de l'Acadie et le fidle ami de Champlain. L'amiral Bayfield est le seul qui ait maintenu la vritable orthographe de ce nom. Presque toutes les autres cartes indiquent ce lieu sous le nom de Pointe des Monts, ce qui est un non-sens topographique.]
Ds sept heures du soir la premire chaloupe du steamertait misel'eau, et bientt nous descendionsterre. Debout sur les galets, le matre de cans nous attendait pour nous souhaiter la bienvenue dans son aride domaine, et mettrenotre disposition son fils, dans le cas onous aimerionsescalader les huittages du phare, solide construction en pierre qui trne majestueusement au milieu de ses dpendances, de sa poudrire, et de son abricanon, et qui, de la hauteur de ses 75 pieds, semble narguer les temptes de la rose des vents. Nous profitmes de la bienveillance de notre nouvel ami, montant, grimpant, soufflant, touchanttout, demandant des explications sur tout, jusqu'la minute ohors d'haleine sur les galets deil nous ramena sains et saufs, mais la grve.
Le soleiltait alorsson couchant, et je n'oublierai jamais le
spectacle qui nous ravit ce soir-l. La tour dtachait sa faade blanche sur les teintes pourpres de l'occident. Au loin, la mer dormait, et son immense respiration venait mourir au pied des roches moussues que frangeaient de lgers flocons d'cume. Debout, dans la porte cintre du phare, entourde sa famille qui l'coutait anxieuse, Ferdinand Fafard, tte nue, la main tremblante, lisait d'une voix qui voulait paratre ferme une lettre que nous lui apportions de l'un de ses fils. Le lecteur pesait gravement chaque mot, savouraitlongs traits chaque ligne, s'interrompant pour jeter de tempsautre, par dessus ses lunettes, un regard sur son auditoire attentif.
Cette scne touchante aurait mritles honneurs de la peinture.
Fermez les yeux et groupez autour de Fafard brunes ttes de fillettes, jeune homme au teint hl, profil de vieille et bonne mnagre canadienne; mettez au fond lespres teintes d'un paysage du Labrador; semez sur l'horizon une poigne de nuages cuivrs qui courent vers le couchant; relisez, avant de crayonner, ce que je viens de vous dire plus haut, et vous aurez un tableau vrai, sinon ravissant.
--Ah! le manque de nouvelles, nous disait le brave Fafard, c'est ce qui nous rend la vie si triste. J'ai bien l, ajoutait-il en montrant sa lettre, de quoi me consoler pour quelques jours; mais mon fils Pierre, qu'est-il devenu? Et mon plus jeune frre, laissmalade ds l'automne dernier, est-il mort? Et ma petite propritdu Saguenay, est-elle brle lors des derniers incendies? L'incertitude fait pousser bien des cheveux blancs. Heureux encore si nous n'avons que cela--mais les jours d'hiver se font quelquefois bien longs ici;preuve ceux de l'an dernier. Figurez-vous que vers la fin de l'automne, ds les premires bordes de neige, ma famille fut attaque par les fivres typhodes. Les dbuts de la terrible maladie eu mirent sept au lit, et bientt les autres suivirent. J'tais seul valide. Mon plus proche voisin demeurait vingt milles, et comme les mauvaises nouvelles n'ont pas besoin d'un fort vent pourtre portes au loin, le pharetait djsignalcomme un foyer d'infection aux Indiens qui faisaient un dtour pour ne pas le trouver sur leur passage. Un seul homme fut touchde mon malheur. Un matin Laurent Thibeau se prsentama porte et me fit part de sa dtermination de rester avec moi et de m'aider. Tout alla mieux pour quelque temps; mais comme noustions alors aux derniers jours de la navigation, les brouillards et la neige se mirent de la partie, et nous forcrent de tirer du canon toutes les demies, quelquefois tous les quarts d'heure. Alors la vibration se faisait terrible dans cette tour haute de 75 pieds. Nos malades ne pouvaient la supporter, et avant chaque dtonation, il fallait monter les cinqtages du phare transforms en infirmerie, avertir ces pauvres malheureux, et mettre de la ouate dans les oreilles des plus nerveux. Les jours succdrent ainsi aux nuits sans apporter autre chose que le chagrin, l'inquitude et les insomnies. Laurent et moi, noustions en train de perdre la tte; le service du phare et des malades ne se faisait plus que machinalement, lorsque Dieu prit pitide nous, et dans sa misricorde nous envoya le repos et la joie, en dterminant une convalescence gnrale.
Un mois de tranquillitnous remit frais et gaillards, et comme les grands froidstaient venus, j'eus le plaisir de mener une partie de mon hpital faire visitemon confrre de l'Ile-aux-Oeufs. C'est cettele qu'il y a l-bas,dix lieues sous le vent; le golfetait pris en vive glace, et de ma vie je n'ai fait plus belle course en traneau. Vous voyez, messieurs, que le bon Dieu nous aime encore, et qu'il ne nous abandonne pas toutfait, ajouta-t-il sous forme de proraison, en versant un verre de champagnematre Agnor, et en lui disant:
--Gotez ferme, M. Gravel, c'est du meilleur. Je l'ai achetil y a quinze jours d'un de nos pcheurs de la Trinit, qui en a sauvbien d'autres du malheureux naufrage du navire marseillais du capitaine
Figueron, venula cte en septembre pass.
Puis, comme nous faisions mine de nous retirer:
--Allons, messieurs, une nouvelle tournevotre prompt retour etvotre bonheur. Quantvous autres, mes gars, mettez le petit canotla mer, et faites un brin de conduitela chaloupe de ces messieurs. _ _ Peut- Napoltre, avant que l'ancre duon ne soit leve, auront-ils le temps de trouver dans leurs cabines quelques vieux journaux de par chez nous. Ici, les morceaux en sont bonslire.
Et ce fut ainsi que par un beau clair de lune, sur une mer splendide, nous quittmes Ferdinand Fafard de la Pointe de Mons, enchants de notre nouvelle connaissance, et joyeux d'avoir causavec lui et de lui avoir donnune bonne minute de distraction. Nos rameurs glissaient gaiement sur le flot, qui s'ouvrait pour nous laisser passer. Au loin, on entendait les ronflements d'une baleine qui venait respirerla surface: sur nos ttes une aurore borale s'amusaitcouler des tuyaux d'orgue pour les refondre ensuite, et de la terre le grand cyclope de pierre nous regardait aller et disparatre.
Agnor en ce moment eut une inspiration. Sa mmoiretait implacable, et il se mitdclamer aux matelotsbahis le commencement du beau travail de Paul Parfait sur le phare.
--"A l'heure ole soir tombe, invariablement il s'allume; peupeu l'ombre enveloppe sa tour blanche et l'on ne voit plus surgir au loin qu'un point brillant,toile factice pose par la main de l'homme au bord des flots. Que la nuit soit claire ou sombre, calme ou tumultueuse, l'toile luit toujours de sonclat doux, paisible, immuable, pour ne s'teindre qu'avec le retour de l'aube. Qui pourrait considrer sans motion cette lueur perdue dans l'espace, en songeant que c'est elle qui,travers les brumes, sous la pluie qui fouette et le vent qui fait rage, trace au navigateur sa route, lui marque lescueils viter ou la passegagner?
"Par les nuitstoiles, le phare trace sur la mer un sillon lumineux, et par les nuits noires il montre encoretravers l'ombre son grand oeil vigilant. Qui ne croirait alors volontiers que le phare est vivant? Qui ne s'adresseraitlui commeuntre capable de comprendre?"
D'une oreille distraite j'coutais. Ma pensetait ailleurs; et la dclamation d'Agnor avait rveillen moi d'autres ides.
Je songeaisla vie humble, pleine d'abngation et de dvouement, que menaient les modestes gardiens de ces phares.
--A chacun sa fonction dans le grand rouage humanitaire. Ceux-ci, me disais-je, doiventtre premiers ministres, gnraux ou millionnaires: ceux-lseront pauvres, mconnus, mais dvous. S'il en faut des premiers pour guider lestats, perfectionner les engins de mort et acheter tout ce qui s'achte sur terre, il en faut aussi des seconds pour accomplir une mission de paix, aider et rconforter ceux qui souffrent et qui sont en pril.
Mais comme mme ici-bas, tout se compense, ce n'est pas sur les lvres de ces dshrits que vient errer le soupir que laissaitchapper le cardinal d'Amboise mourant, lorsque se retournant vers son infirmier, il lui disait:
--Ah! frre Jean!... que ne suis-je toujours restfrre Jean!
II.
L'EXPDITION DE L'AMIRAL WALKER.
Il faisait petit jour lorsque matre Raphal que je ne me rappelle pas avoir vu dormir pendant le voyage, s'en vint sur la pointe des pieds, chuchoterla porte de nos cabines:
--L'Ile-aux-Oeufs, messieurs! Dois-je vous prparer quelques provisions pour descendreterre? On arme le canot en ce moment.
--Je le crois bien, nom d'une pipe! s'cria Agnor Gravel, en faisant  son apparition dans le carravec deux bouquins sous le bras. En route mes amis! Nous allons faire aujourd'hui un chapitre indit de l'histoire du Canada. C'est ici, que l'amiral Sir Hovenden Walker est venu aplatir une partie de sa flotte, sous le spcieux prtexte de mettre le sige devant Qubec. Je vous raconterai tout cela sur l'le; et en attendant, qui m'aime s'embarque.
Ce fut ainsi que nous nous installmes dans la baleinire, et que nous poussmes au large.
En face gisait unele sauvage et dnude, longue de trois quarts de mille. Elletait forme par des rochers granitiques diviss en quatre sections trs-sensibles, et n'avait pour habitation qu'un petit phare en bois, lav  Napolla chaux. Bien que le fon IIIt mouillpar quinze _ _ brasses--en approchant de la falaise on trouve soixante-quinze pieds d'eau--la distancefranchir n'tait pas considrable; et bientt, sous la conduite d'Agnor qui n'aimait pas ce que la brise de mer a de piquant le matin, nous nous installions dans un de ces nombreux trous, fouills tout le long de l'lot par les chercheurs de trsors, pendant que l'quipage roulait sur les crans les quarts de ptrole, les provisions et les ballots destins au Robinson de cans.
Ce ne fut qu'alors que nous fmes connaissance avec les bouquins d'Agnor Gravel. Il venait de les sortir triomphalement hors d'un sac qui a contenu bien d'autres choses agrables, utiles et mystrieuses, pendant les deux mois qu'il nous tint compagnie, et ilstalaient modestement sur la mousse sombre du rocher leurs titres jaunis par le temps.
Le premier de ces prcieux volumestait le journal du malheureux Walker: le second, s'intitulait l'histoire de l'Htel-Dieu de Qubec par la mre Franoise Juchereau de Saint-Ignace.
Quelle relation y avait-il entre ce livre de loch d'un amiral anglais et le pieux rcit d'vnements dont leschos affaiblistaient venus s'teindre sur le seuil d'un monastre? C'est ce qu'Agnor ne devait pas tarderexpliquerdes profanes comme nous; car, il avait djcommencpar nous dire d'un ton grave:
--Ce fut le 11 avril 1711,sept heures du soir, que le contre-amiral de l'escadre blanche, Sir Hovenden Walker, accompagnpar le brigadier-gnral l'honorable John Hill, commandant les troupes de dbarquement destines au Canada, vint recevoir au palais de Saint-James les instructions de la reine Anne. Il y a cent soixante-et-deux ans de cela, et comme les historiens se sont contents d'effleurer le rcit d'un des moments d'angoisse les plus terribles de notre pass, je me suis mis en tte de venir ici, pices en main, vous donner les prmices d'un travail qui mritait d'tre fait, et que ma douce paresse aurait dsirardemment voir menerbonne fin par un autre. Allons, passez-moi le briquet; et puisqu'un cigare est le meilleur de tous les prambules, j'allume et je commence.
--Les instructions de la reine Annetaient prcises. Aprs avoir pris rendez-vousSpithead, l'amiral et le gnral devaient, au premier vent favorable, faire voile directement pour Boston. Une fois rendu l, Sir Hovenden Walker dtachait de l'escadre une nombre suffisant de vaisseaux pourquiper et envoyer les troupes de New-York, du Jersey et de Pennsylvanie qui devaient prendre partl'expdition du Canada, puis une fois cette mission accomplie, renforcer sa flotte de tous les vaisseaux disponibles et remonter immdiatement le Saint-Laurent, pour se mettre en mesure d'attaquer Qubec au plus tt.
Embossdevant la malheureuse ville, l'amiral anglais avait ordre d'employer toutes les forces suffisantes, tous les moyens connus pour la rduire, pendant que le lieutenant gnral Nicholson, maintenant en route pour organiser les milices de la colonie anglaise, combinerait un mouvement qui s'excuterait par terre.
Tout ce qu'il est donn l'esprit humain de prvoir avaittemploypour assurer le succs de cette campagne, prpare longuement d'avance, et destine ds l'abord, tre commande par Sir Thomas Hardy. Les mdecins de la flotte avaienttpourvus de douze mois de mdicaments. On poussa la prcaution jusqu'embarquer d'normes grues pour hisser les canons anglais sur les remparts de Qubec, et les vaisseaux de Sir Hovenden renfermaient une flottille de flibotsfond plat, destinstre jets sur le lac Saint-Pierre pour empcher l'ennemi de communiquer avec les assigs, et protger en mme temps--ils devaienttre arms en frgate--les canots et les fltes qui emmenaient les troupes de Nicholson. Les embarras d'argent avaient mmetprvus: et l'on avait donndroitWalker--droit qui lui fut contestplus tard--de tirervue sur les commissaires de la marine, s'il arrivaitsesquipages de manquer de vivres ou de munitions.
En cas de succs,--ce dont, avec le secours du Dieu tout puissant, la reine Anne n'avait aucune raison de douter, puisque tous les prparatifs avaienttfaits, les ordres donns, les moyens pris pour menerbonne fin cette campagne--une force navale anglaise devait rester dans le Saint-Laurent, pendant que les prises faites sur les Franais transporteraient en Europe le gouverneur ennemi, les troupes prisonnires, les religieux et toutes autres personnes comprises dans les articles de la capitulation. Puis, quand ces choses glorieuses seraient passes dans le domaine de l'histoire britannique; lorsque la Nouvelle France aurait pris rang au nombre des vassaux de celle qui s'intitulait alors reine d'Angleterre, de France et d'Irlande,[2] un ordre d'embarquement devaittre donnaux troupes qui n'taient plus ncessaires au maintien de la paix, et Sir Hovenden Walker s'empresserait de revenir, non toutefois sans avoir attaquPlaisance, dans le cas ola saison lui permettrait d'approcher de Terreneuve. Enfin, comme de tout temps il y a eu une pointe de commerce dans les guerres anglaises, sa gracieuse Majestterminait en disant, qu'une fois ces hauts faits accomplis, l'amiral licencierait les transports dont le service pouvait se passer, et leur donnerait pour mission d'aller dans lesles et les ports du continent amricain y prendre cargaison, et allger d'autant la taxe publique, tout en faisant le bnfice du Commerce et de la richesse nationale.
[Note 2: Le titre de roi de France, pris pour la premire fois par Edouard III d'Angleterre, fut portpar ses successeurs jusqu'en 1801.]
Muni de ces instructions royales, l'amiral Sir Hovenden Walker s'empressa de se rendrePortsmouth, puisSpithead, ol'attendaient des vents contraires, des calmes plats, des accidents de mture, enfin toute cette srie de contretemps qui s'abattent sur une escadrevoile, et retardent l'appareillage du jour au lendemain.
Une journe, c'taient les officiers de la flotte qui n'avaient pas
encore reu l'ordre d'obirl'amiral, et ne voulaientcouter que Sir Edward Whitaker, plus ancien que lui. Le lendemain, c'tait l'impossibilitd'obtenir un transport pour aller chercher l'infanterie de marinePlymouth. Puis, les vaisseaux n'avaient pas les garnitures d'ancre ncessaires: le gros temps s'en mlait, et la mer devenait trop forte pour embarquer les mortiers de sige. S'il ventait bonne brise, les navires n'taient pas encore suffisamment approvisionns. S'ils regorgeaient de vivres, au moment d'appareiller un grain fondait sur la frgate le Devonshire , et lui rasait tous ses mts de hunes, pendant _ _ _ _ qu'une seconde fr Swiftsuregate, le , perdait ses mts de perroquet. Le grain pass, le calme prenait; et pendant que toutes ces contrarits fondaienttire d'aile sur la flotte, le secrtaire Saint-John--plus tard lord Bolingbroke--ne cessait de dpcher courrier sur courrierl'amiral pour lui dire que c'tait le bon plaisir de Sa Majestde le voir prendre la mer au plus tt.
Enfin,force d'crire, de donner des ordres, et d'reinter des courriers, tout devint prt. Ce fut le 29 avril 1711quatre heures du matin que l'amiral Walker quitta son mouillage, par un vent frais est-sud-est, pour continuer cette srie de contrarits, d'hsitations et de malheurs qui devait se terminer le long des falaises de l'Ile-aux-Oeufs[3].
[Note 3: Les frgates avaient pour six mois d'approvisionnements: les transports pour trois mois.--Livre de loch de l'amiral.]
Conformmentses ordres, l'amiral mettait le cap sur Boston, oil tait all25 ans auparavant, en 1686.
A bord, sur 12,000 hommes d'embarquement, tous--l'amiral et le gnral excepts--ignoraient l'objet de l'expdition. A 153 lieues desles Scilly, Walker avait fait mettre en panne et distribuerchacun de ses capitaines un pli cachet, contenant le nom du lieu ol'escadre devait se rallier. Pourtant ces prcautions devenaient inutiles: le prcieux secret avaittmal gard.
Le 2 mai, Walker fut forcpar une saute de vent d'ancrerPlymouth, pendant que ses transports se rfugiaientCatwater. Un matelot _ _ franais embarqusur le Medway , un rengat qui prtendait avoir fait quatre voyages dans la rivire du Canada, entendit dire dans un des caboulots de la ville, qu'une flotte destinela conqute de la Nouvelle-Francetait de passage en ce moment, et se fit offrirl'amiral anglais pour la piloter jusqu'Qubec. Walkerpouvant, se pritdissimuler devant lui, assurant qu'il allait croiser dans la baie de Biscaye, et fit tout de mme embarquer cet hommebord de _ _ l' Humber , avec ordre de le bien traiter. Ce qui devaittre du got de ce nouveau Palinure car le colonel Vetch, donnant plus tard des notes sur le compte de ce transfuge,crivait du dtroit de Cansol'amiral, que le pilote franais lui faisait non-seulement l'effet d'un ignorant, d'un prtentieux, d'un cancre et d'un ivrogne, mais encore qu'iltait sous l'impression qu'il tramait en sa tte rien qui vaille. Walker comptait beaucoup sur l'exprience de cet homme pourviter les dangers de la navigation du Saint-Laurent, dangers que son imagination exagrait, au point de croire qu'une fois l'hiver venu, le fleuve ne formait, jusqu'au fond, qu'un bloc de glace. La lettre du colonel venait de dtruire une de ses plus chres illusions.
D'ailleurs, les contrarits continuaients'acharner sur le malheureux officier.
A peine en mer, Sir Hovenden s'aperut d'une impardonnable distraction: le transport Mary avaittoubli Catwater avec une partie du _ _ rgiment du colonel Disney. Par une nuit d'orage, le mt de misaine du Monmouth fut emportcomme une paille. La marche de l'escadre se _ _
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