LETTRES DE CAPITALES
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LETTRES de CAPITALES 1 × × × × × × × × × × × × De Tananarive Page 3 Bombay Page 8 Shanghai Page 13 Prague Page 18 Séville Page 22 Paris Page 24 Rabat Page 30 Rio de Janeiro Page 35 Damas Page 39 Saint Petersbourg Page 43 Dakar Page 48 Ma ville imaginaire page 53 2 De Madagascar, Sur le petit aéroport de Tananarive, une foule bigarrée attend les voyageurs. Des parapluies ouverts servent d’ombrelle à quelques femmes car malgré l’heure encore matinale, le soleil darde déjà ses rayons. A la sortie, de vieux véhicules tentent d’absorber d’énormes quantités de bagages et de passagers, dans les coffres, à l’intérieur et sur les toits. je m’engouffre dans un taxi avec le reste de mes bagages : mon matériel est si encombrant qu’il remplit presque le coffre à lui tout seul. Sur le trajet, mal réveillé et sous le coup du voyage, le spectacle qu’offrent les abords populeux de la ville me fascine. Des marchands ambulants tirent leurs carrioles couvertes d’objets de toutes natures à bout de bras. Des étals de fruits exposent leurs couleurs à même le sol et une foule de piétons rend la circulation, déjà très dense, encore plus difficile. Une file ininterrompue de voitures se dirige vers le centre, et quelques rares véhicules d’aujourd’hui côtoient une majorité de voitures datant de plus de vingt ans. La ville frôle l’asphyxie.

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Publié le 24 janvier 2013
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Langue Français

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LETTRES de CAPITALES


1



De

? Tananarive Page 3
? Bombay Page 8
? Shanghai Page 13
? Prague Page 18
? Séville Page 22
? Paris Page 24
? Rabat Page 30
? Rio de Janeiro Page 35
? Damas Page 39
? Saint Petersbourg Page 43
? Dakar Page 48
? Ma ville imaginaire page 53

2

De Madagascar,


Sur le petit aéroport de Tananarive, une foule bigarrée attend les voyageurs.
Des parapluies ouverts servent d’ombrelle à quelques femmes car malgré
l’heure encore matinale, le soleil darde déjà ses rayons. A la sortie, de vieux
véhicules tentent d’absorber d’énormes quantités de bagages et de
passagers, dans les coffres, à l’intérieur et sur les toits. je m’engouffre dans
un taxi avec le reste de mes bagages : mon matériel est si encombrant qu’il
remplit presque le coffre à lui tout seul. Sur le trajet, mal réveillé et sous le
coup du voyage, le spectacle qu’offrent les abords populeux de la ville me
fascine. Des marchands ambulants tirent leurs carrioles couvertes d’objets
de toutes natures à bout de bras. Des étals de fruits exposent leurs couleurs à
même le sol et une foule de piétons rend la circulation, déjà très dense,
encore plus difficile. Une file ininterrompue de voitures se dirige vers le
centre, et quelques rares véhicules d’aujourd’hui côtoient une majorité de
voitures datant de plus de vingt ans. La ville frôle l’asphyxie. La vitre
ouverte du taxi me renvoie les bruits assourdissants des klaxons, les
pétarades des deux roues, le brouhaha d’une foule dense et compacte. La
chaleur devient étouffante et la moiteur mouille mes vêtements, mes
cheveux, mon corps. La ville ne laisse voir que ses collines urbanisées, tant
les rues et les places sont noires de monde. Seuls quelques rares pagnes
chatoyant, des pantalons et des T-shirts crasseux, des chapeaux de paille ou
de toile et les mendiants postés tous les cinquante mètres sont à hauteur de
mes yeux.
A peine arrivé à l’hôtel, je prépare mon programme avec le guide. Je ne
veux pas d’images pour touristes. Je ne suis pas là pour faire la promotion
3

de l’île, mais pour rendre compte de la réalité de la vie quotidienne. C’est le
contrat que j’ai passé avec le magazine qui m’envoie ici. Je laisse le guide
organiser mon circuit et je rejoins ma chambre pour prendre une douche
avant de déjeuner et partir pour mes premières photos.

Je rejoins trop vite l’enfer. Mon guide n’a pas l’intention de me ménager. Il
est accompagné d’un journaliste local peu loquace et nous passons devant
un lavoir situé en bord de route. Dans le bruit assourdissant des camions qui
passent en les frôlant, des femmes s’entassent au coude à coude pour laver
leur linge, entourées de bassines en plastiques multicolores. On est bien loin
de l’image traditionnelle de femmes riant et papotant autour d’une eau pure.
Leurs visages sont durs et fermés et je manque de créer une émeute en
sortant mon appareil photo. Je dois m’éloigner et je ne peux capter qu’un
portrait, au téléobjectif, d’une femme chargée d’une lourde bassine sur la
tête. Puis le guide quitte la ville et nous arrivons assez vite à proximité
d’une décharge. Il coupe son moteur. « Je vous attend dans la voiture. Ne
vous approchez pas trop. Ils vous voleraient votre matériel. »
Le journaliste me suit à bonne distance. Je suis interdit devant ce qui s’étale
sous mes yeux. Des images comme celles là, j’en ai déjà vues dans des
reportages de confrères. Mais être plongé au cœur même d’une telle misère,
c’est autre chose. Je suis bouleversé. Des familles entières semblent vivre là,
des hommes, des femmes, des enfants, des bébés portés sur le dos et qui
n’ont sans doute connu que ce lieu répugnant. Des cochons trottinent entre
les jambes des enfants. Tout courbés, ils remuent des ordures, à la recherche
d’on ne sait quoi. Un peu plus loin s’ouvre l’entrée de galeries creusées dans
ces immondices. Le guide m’expliquera plus tard que les hommes creusent
pour tenter de retrouver les restes d’une époque plus riche. Un bijou
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représenterait une fortune. Ils en rêvent mais n’en trouvent jamais et ils font
presque chaque jour le trajet vers la ville pour revendre les quelques
grammes de métaux ou les ustensiles divers qu’ils récupèrent. Je
m’approche, malgré l’étendue de boue hétéroclite que j’ai à traverser et les
remugles qui s’en échappent. Le journaliste est resté en arrière. Je prends
des images jusqu’au dégout. Personne ne vient m’interrompre. Personne ne
m’agresse, ou m’interpelle. Les enfants s’approchent pour être pris en photo
et un homme âgé me fait signe que je peux le photographier. Il prend la
pause et met dans son regard toute la colère qui l’imprègne. Ses yeux
reflètent malgré tout une désespérante résignation.
Je suis comme choqué. J’aurais du aller plus doucement, commencer par
d’autres lieux pour m’habituer, autant que possible, à cette affreuse et
repoussante misère. Le journaliste est blême. Nous reprenons le chemin du
retour, essayant d’oublier les visages mornes, les regards vides,
l’épouvantable saleté, les odeurs nauséabondes. La nuit est terrible, peuplée
de ces images.
Le lendemain, j’opte pour une matinée moins éprouvante. Le guide
m’indique ce que je peux faire à proximité et me dit qu’un agent de sécurité
m’attendra à la réception pour m’accompagner. je vais refuser, mais le guide
me répond que la ville est pleine de gens très pauvres, des gens qui n’ont
rien et rien à perdre. Les riches, ici ne sortent pas sans garde du corps. Selon
lui, c’est plus prudent pour moi aussi.
Les rues sont les seuls lieux de promenade, le musée de la Reine étant
encore les échafaudages depuis l’incendie qui l’a embrasé il y a près de
quinze ans. À l’idée d’être l’objet d’une surveillance constante, j’envisage
de renoncer à sortir. Mais au bout de deux heures oisives au bord de la
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piscine, je décide de bouger. Je hèle un taxi à deux pas de l’hôtel et je me
fais conduire à la ville haute.
Le taxi me laisse aux pieds des escaliers. Cette foule partout… c’est
oppressant. Quand j’atteins les hauteurs, c’est plus calme. Moins étouffant.
Les villas sont encore assez belles là haut, il y a de la végétation, des
maisons en pisé. Des enfants jouent dans les jardins et dans les rues. La vue
donne sur toute la ville, mais ce sont surtout des toits en tôle ondulée qui
forment le premier plan. Il y a un lac quelque part en contre bas. je suis
épuisée et je reste un moment là haut J’ai du prendre un autre escalier pour
descendre, sans m’en rendre compte, et j’arrive dans un coin bondé, des
petits marchands partout, des gens qui veulent me vendre quelque chose à
tout prix. Des gosses pouilleux me sautent dans les jambes en
quémandant… cette misère étalée est insupportable, mais que peut-on y
faire ? Un instant, je regrette presque l’agent de sécurité. Jai peur pour mon
matériel que je porte autour du cou. Je ne parviens plus à me repérer et les
gens ici ne parlent ni français, ni anglais. La foule est une chose affreuse
quand on se sent perdu : une hydre folle, une pieuvre tentaculaire qui
cherche à t’empêcher de lui échapper. Mais personne ne cherche à me faire
du mal. Je finis par trouver quelqu’un qui baragouine un peu de français et
qui me redirige. Cette aventure de touriste égaré ne réussit pas à me faire
oublier le choc de la veille.
En ville, chacun cherche à faire commerce de tout bois. Il y a une vie et
malgré la misère, quelque chose d’humain, dans les mots, les échanges, les
regards, les rires, les manifestations de dépit… Rien n’est plus violent que
cette tension parmi des hommes que la misère a exclu de toute société et
qui, tels des animaux, ne vivent que pour trouver leur nourr

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