Autour d une analogie valéryenne - article ; n°1 ; vol.17, pg 171-189
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1965 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 171-189
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 36
Langue Français

Extrait

Professeur Jean Hytier
Autour d'une analogie valéryenne
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1965, N°17. pp. 171-189.
Citer ce document / Cite this document :
Hytier Jean. Autour d'une analogie valéryenne. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1965, N°17.
pp. 171-189.
doi : 10.3406/caief.1965.2286
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1965_num_17_1_2286AUTOUR D'UNE ANALOGIE VALÉRYENNE
Communication de M. Jean HYTIER
{Columbia University)
au XVIe Congrès de V Association, le 29 juillet 1964.
Je dois prévenir que cette analogie, au sens le plus précis,
car c'est une proportion à quatre termes exprimant l'identité
de deux rapports, ne se présente pas sous une forme aussi
nette chez Valéry et chez les écrivains qui l'ont utilisée avant
lui. Mais sa présence en esprit y est incontestable. On disput
ait, il y a trois siècles, pour savoir si les cinq propositions de
Jansénius se trouvaient bien dans VAugustinus, et Bossuet
affirmait qu'elles étaient l'âme du livre.
La formule dont il s'agit serait : La poésie est à la prose ce
que la danse est à la marche.
J'ai pensé qu'il serait bon d'amorcer une enquête sur le
sort de cette formule et de la comparaison complexe qu'elle
résume, sur les analogies apparentées qui ont servi à illustrer
l'opposition de la prose et de la poésie, sur la chaîne des méta
phores suscitées par ce thème central, et, dans une autre
direction, non moins instructive, sur la polyvalence des images,
c'est-à-dire sur l'exploitation d'un même terme de compar
aison à des fins hétérogènes. Des exemples suffiront à mont
rer l'attrait de cette perspective. JEAN HYTIER 172
Quand Valéry a-t-il eu l'idée d'assimiler le rapport de la
marche et de la danse à celui de la prose et de la poésie ?
Le rapprochement se dessine dans ses Cahiers. En octobre
1918 :
Marche-Danse et entre les deux, pas rythmé, marche proces
sionnelle.
Qu'est-ce qui distingue ces divers modes ? — par déplacement
du but.
Quand je marche [...] la manière dont je franchis la distance pour
l'atteindre importe peu — est nulle. C'est bien là la prose ordinaire...
En 1922 :
Dans la marche, les actes dépendent des lieux — c'est-à-dire des
corps voisins.
Dans la danse, les actes des temps — de la
loi.
Ce sont à peu près les mêmes machines mais autrement ordonnées.
Dans le Calepin ďun poète, antérieur à sa publication en
1928, la proportion apparaît. Elle est même double :
Le passage de la prose au vers ; de la parole au chant, de la mar
che à la danse. — Ce moment à la fois actes et rêve.
La danse a pour objet de me transporter d'ici là ; ni le vers,
ni le chant purs.
Mais ils sont pour me rendre plus présent à moi-même...
Dans une conférence en 1927, publiée en 1928, Propos sur
la poésie, Valéry s'appuie sur une citation communiquée par
un auditeur lors d'un séjour à l'étranger. C'est
un extrait d'une lettre de Racan à Chapelain dans laquelle Racan
nous apprend que Malherbe assimilait la prose à la marche, la poésie
à la danse.
Le développement donné par Valéry à cette comparaison
porte sur deux points. i° La danse d'une analogie valéryenne 173 autour
use des mêmes membres, des mêmes organes... que la marche
même,
comme la poésie
use des mêmes mots, des mêmes formes, des mêmes timbres
que la prose.
2° Quand l'homme qui marche « a accompli son mouvement,
... atteint le lieu » où il voulait aller, il ne demeure de son acte
que « le résultat ». De même, le langage ordinaire, quand il
a rempli son office, s'évanouit à peine arrivé [...], il est remplacé
[...] par son sens [...] ; dans les emplois pratiques ou abstraits du
langage, la forme ne se conserve pas.
Au contraire, le poème
est fait expressément pour renaître de ses cendres [...] la forme
poétique se récupère automatiquement.
A Oxford, en 1939 (voir Poésie et Pensée abstraite), Valéry
reprend le parallèle et en montre la genèse naturelle :
Pensez à un petit enfant : [...] il appris à parler et à marcher.
Il a acquis deux types d'action [...] il découvrira qu'il peut non seu
lement marcher, mais courir, [...] mais danser [...] Il a inventé et
découvert du même coup une sorte d'utilité du second ordre pour
ses membres, une généralisation de sa formule du mouvement.
Mais, du côté de la parole, ne trouvera-t-il pas un développement
analogue ? [...]
Ainsi, parallèlement à la Marche et à la Danse, se placeront et se
distingueront en lui les types divergents de la Prose et de la Poésie.
Dans sa conférence sur la liberté de V esprit (1939), Valéry
rappelle, en passant, la fonction double, et de la locomotion
et du langage.
II
La citation de Racan, nous confie Valéry,
me fit voir que l'idée n'était pas nouvelle. Elle ne l'était du moins
que pour moi [...] JEAN HYTIER 174
La comparaison que Racan donne à Malherbe et que j'avais,
de mon côté, facilement aperçue, est immédiate.
Quelqu'un s'en est-il avisé avant Malherbe ? En tout cas,
entre Racan et Valéry on la retrouve, et le hasard des lec
tures me Га fait rencontrer à plusieurs reprises.
Voici d'abord le texte exact de Racan, qui date probable
ment de 1656 mais ne fut imprimé qu'en 1857, dans l'édition
procurée par Tenant de Latour :
... je suis résolu de me tenir dans les préceptes de mon premier
maître et de ne chercher jamais ni nombre ni cadence à mes pé
riodes [...]. Ce bonhomme comparoit la prose au marcher ordinaire,
et la poésie à la danse et disoit qu'aux choses que nous sommes obli
gés de faire on y doit tolérer même négligence, mais que ce que nous
faisons par vanité, c'est être ridicule que de n'y être que médiocre.
Les boiteux et les goutteux ne se peuvent pas empêcher de marcher,
mais il n'y a rien qui les oblige à denser la valse ou les cinq pas.
Le Père Bouhours, dans une phrase citée par l'abbé Bre-
mond (Les deux musiques de la prose), déclare :
... la prose a un autre nombre que la poésie et il y a pour le moins
autant de différence entre elles qu'il y en a entre deux personnes
dont l'une marche et l'autre danse parfaitement bien.
Voltaire, à l'article Molière de son catalogue d'écrivains en
tête du Siècle de Louis XIV, établit une proportion triple :
La bonne poésie est à la bonne prose ce que la danse est à une
simple démarche noble, ce que la musique est au récit ordinaire,
ce que les couleurs d'un tableau sont à des dessins au crayon.
V Encyclopédie, à l'article Poème, tire de la Théorie géné
rale des Beaux-Arts de Sulzer les remarques suivantes :
... le poète feint des mouvements et des sentiments qui n'existent
point au-dedans de lui, ou du moins qui y sont beaucoup plus fai
bles. [...] Il en est comme de la danse qui, dans son origine, était
une marche impétueuse dont les passions réglaient les pas. [...] Les
sauvages [...] ne dansent que dans le transport de quelque passion.
Mais dans les lieux où la danse est cultivée, on danse de sang-froid, autour d'une analogie valeryenne 175
en feignant cependant de suivre les impulsions de quelques mou
vements plus forts que ceux de la simple nature.
Que la poésie et la danse aient cette affinité, c'est ce qui résulte
encore du besoin qu'elles ont l'une et l'autre d'être secondées par
la musique.
Alfred de Musset, dans un roman commencé en 1839,
Le poète déchu, prend à l'égard de la prose rythmée la même
attitude que Racan, semble retrouver d'instinct l'analogie
malherbienne et deviner l'un des points de comparaison de
Valéry :
... la prose n'a pas de rythme déterminé, et, sans le rythme, la mélo
die n'existe pas. Or, du moment qu'un moyen qu'on emploie n'est
pas une condition nécessaire pour arriver au but veut attein
dre, à quoi bon ? Que dirait-on d'un homme qui, ayant une affaire
pressée, s'imposerait l'obligation de ne marcher dans les rues qu'en
faisant des pas de bourrée comme un danseur ? C'es

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