Baudelaire entre Banville et Leconte de Lisle - article ; n°1 ; vol.50, pg 193-207
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1998 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 193-207
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 60
Langue Français

Extrait

Monsieur Robert Kopp
Baudelaire entre Banville et Leconte de Lisle
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1998, N°50. pp. 193-207.
Citer ce document / Cite this document :
Kopp Robert. Baudelaire entre Banville et Leconte de Lisle. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1998, N°50. pp. 193-207.
doi : 10.3406/caief.1998.1317
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1998_num_50_1_1317BAUDELAIRE ENTRE BANVILLE ET
LECONTE DE LISLE
Communication de M. Robert KOPP
(Université de Bâle)
au XLIXe Congrès de l'Association, le 9 juillet 1997
Lorsque Béatrice Didier m'a demandé une contribution
à cette journée sur le néo-classicisme, elle précisait : « On
aimerait analyser ce courant dans des perspectives nouv
elles, en en montrant le dynamisme. Il ne s'agit pas pour
les écrivains dits « néo-classiques » d'un retour en arrière,
d'un attachement passéiste, mais de puiser dans
l'Antiquité de nouvelles sources d'énergie : l'Antiquité
devient alors l'image d'une simplicité linéaire, par opposi
tion aux fastes baroques, d'un idéal démocratique, par
opposition aux monarchies européennes, d'un paganisme
littéraire, par opposition au catholicisme et à son retour en
force au XIXe siècle. » Et comme limite chronologique, elle
a indiqué aux participants : « de l'expulsion des jésuites
aux Poèmes barbares ».
Ce n'est pourtant pas de Leconte de Lisle directement
que je voudrais vous entretenir pour clore cette journée,
mais de l'un de ses amis — Baudelaire — et de son attitu
de, plus exactement de ses attitudes successives vis-à-vis
du « néo-classicisme » (le préfixe n'étant évidemment pas
utilisé à l'époque, et pour cause).
On a beaucoup insisté — à la suite de Walter Benjamin
et de quelques autres — sur la « modernité » de
Baudelaire et sur cette notion qu'il a lui-même contribué à 194 ROBERT КОГР
créer. Aussi le temps est-il peut-être venu de prendre le
contre-pied et de mettre en avant le « classicisme » de
Baudelaire. On se limitera toutefois, dans le cadre de cette
esquisse, aux idées esthétiques de Baudelaire telles
qu'elles sont exprimées dans ses textes de critique littérai
re et artistique.
Les anciennes histoires littéraires n'avaient pas entièr
ement tort lorsqu'elles réunissaient en un même chapitre
Gautier, Banville, Leconte de Lisle et le poète des Fleurs du
Mal. Elles ne faisaient d'ailleurs que reprendre une tradi
tion datant des dernières années de la vie de Baudelaire
lui-même et qu'il convient de rappeler pour commencer.
C'est peut-être l'éditeur Pierre-Jules Hetzel (1814-1886),
l'un des serviteurs les plus intelligents des lettres fran
çaises au XIXe siècle, qui, le premier, a qualifié Baudelaire
de « classique » — d'un genre très particulier, il est vrai.
Désirant publier en volume les Petits Poèmes en prose de
Baudelaire, dont Arsène Houssaye avait en main le
manuscrit, il intervint auprès du directeur de la partie li
ttéraire de La Presse, afin de le pousser à insérer rapide
ment les textes qui lui avaient été confiés. Sa lettre est très
connue ; elle a été publiée dès 1923 par F. Vandérem (1) et
exposée en 1957 à la Bibliothèque Nationale (n° 436 du
catalogue de l'Exposition Baudelaire) :
Mon cher Houssaye,
Lis pour de bon. — Je voudrais t'écrire ceci en lettre de Feu
— tu as le commencement des Foëmes en prose de
Baudelaire, et pour que je puisse le publier, il faut que cela
ait paru dans le journal.
(1) Bulletin du Bibiopfiile, 1er mars 1923; repris dans l'édition dos Petits
Poèmes en prose, de J. Crépet, Conard, 1926. Voir notre propre édition des en Taris, Corti, 1969, p. XLVIII. BAUDELAIRE 195
Baudelaire est notre vieil ami — ce qui n'est rien, car nous
avons trop d'amis — mais c'est assurément le prosateur le
plus original, et le poète le plus personnel de ce temps — il
n'y a pas de journal qui puisse faire attendre cet étrange clas
sique des choses qui ne sont pas classiques — publie-le donc
vite — mais vite — et mets-moi à même de le lire.
Les vrais singuliers sont si rares !
Après cette injonction, Houssaye fit diligence. Une pre
mière série de poèmes en prose parut les 26 et 27 août
1862. Elle fut aussitôt saluée par un article enthousiaste de
Banville dans Le Boulevard du 31 août. Banville parle d'un
véritable événement littéraire. Dix ans plus tard, dans son
Petit Traité de la poésie française (1872), il dénia au genre du
poème en prose jusqu'au droit à l'existence en poésie (2).
« Cet étrange classique... » : la formule a fait fortune et
cela jusqu'à aujourd'hui, puisqu'elle a fourni à Claude
Pichois et à Jean Ziegler le titre d'un des chapitres de leur
biographie de Baudelaire (3). Elle désigne parfaitement la
position charnière de Baudelaire entre « classicisme » et
« modernité ». Position que d'autres jugements de
l'époque désignent avec non moins d'acuité. Ainsi celui
d'Alcide Dusolier, brillant chroniqueur du Nain jaune,
entre autres. Le Nain jaune avait été fondé en 1863 par
Aurélien Scholl que vous connaissez bien pour l'avoir vu
aux côtés de Fantin-Latour, de Zacharie Astruc et
d'Offenbach dans La Musique aux Tuileries de Manet,
tableau exposé cette même année 1863 à la galerie de
Martinet et où figure également Baudelaire, de profil, en
chapeau haut de forme. Journal satirique, Le Nain jaune
fait une grande place à la chronique de la vie littéraire
parisienne. Alcide Dusolier y donne une série de port
raits, recueillis dès 1864 sous le titre Nos gens de lettres
(Faure). Le 27 avril 1864 paraît celui de Baudelaire intitulé
« M. Charles Baudelaire, ou Boileau hystérique ».
(2) Voir mon édition citée des Petits Poèmes en prose, p. XLIX-LI, et passim.
(3) Paris, Julliard, 1987 ; nouvelle édition, Paris, Fayard, 1996. 196 ROBERT KOPP
Dusolier explique au lecteur que l'auteur des Fleurs du
Mal est un admirable connaisseur de la langue française,
que ses vers sont aussi harmonieux que ceux de
Lamartine ou de Leconte de Lisle, mais qu'il n'en reste pas
moins un poète exécrable. Pourquoi ? Parce qu'il déteste
la beauté, que tout chez lui est froid et calculé, que sa poé
sie ne va pas jusqu'à l'âme, qu'elle ne fait qu'agacer les
nerfs. « Grammairien sûr », « lettré consciencieux »,
Baudelaire, néanmoins, est « artificiel en tout » (4).
Lorsque parut le portrait de Baudelaire par Dusolier, le
poète venait de quitter la capitale pour Bruxelles. Quand
à l'expression « Boileau hystérique », elle fit, elle aussi,
rapidement fortune. A preuve, l'article nécrologique de
Jules Vallès, publié dans La Situation (5 septembre 1867) et
dans La Rue (7 septembre 1867) avant d'être repris en
volume dans Les Enfants du peuple (1879) :
Baudelaire sentait uniquement son orgueil fermenter et s'ai
grir, mais il avait les entrailles pauvres, et se tordait sans
accoucher. Ah ! que ne s 'était-il fait professeur de rhétorique
ou marchand de scapulaires, ce didactique qui voulait singer
les foudroyés, ce classique qui voulait épater Prudhomme,
qui n'était, comme l'a dit Dusolier, qu'un Boileau hystérique,
et s'en allait jouer les Dante par les cafés. Il n'était pas le
poète d'un enfer terrible, mais le damné d'un enfer bur
lesque. [...] Il avait voulu moderniser l'infernalisme du
Dante et scudériser l'ordure (5).
Dusolier et Vallès ne sont pas les seuls, à l'époque, à
souligner la présence, dans l'œuvre de Baudelaire, de
deux versants antagonistes : classicisme et modernité, fa
scination par le sublime et complaisance dans l'ordure.
Sainte-Beuve les avait également relevés, mais dans un
texte publié bien plus tard, puisqu'il s'agit de la lettre qu'il
(4) Cité d'après W.T. Bandy, Baudelaire judged by his contemporaries (1845-
1867), Columbia University, N.Y., Publications of the Institute of French
Studies, 1933, p. 65-66.
(5) W.T. Bandy, op. cit., p. 126-127. Nous av

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