Madame Mallès de Beaulieu
LE ROBINSON
DE DOUZE ANS
(1834)
Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits » Table des matières
I .................................................................................................5
– Naissance de notre héros, – Son éducation. – Il perd son père. –
Caractère indiscipliné de Félix. – Il veut s'embarquer. — Sa mère est
forcée d'y consentir. – Conduite de Félix à bord. — Il prend soin de
Castor. – Tempête. – Naufrage. – Le chien reconnaissant. ................ 5
II.............................................................................................. 14
– Félix aborde dans une île. – Il souffre de la faim et de la soif. –
Secours inattendu. – La route souterraine. – La plaine et le ruisseau.
– Les œufs d'oiseaux. – Félix allume du feu. – Le calebassier. –
L'agouti. – La montagne. – Choix d'un lieu pour s'établir. ............... 14
III ............................................................................................25
– Les patates. – Les glands doux. – Le cocotier. – Construction d'une
cabane. – Félix mange du rôti. – La porte de la cabane. – Le toit. –
Les œufs de tortue. – Le sel. – Sujet d'inquiétude. – Projet de voyage.
– Départ. – Les noix de coco. – Les chèvres. – Félix en prend une. –
Il revient à sa demeure. ...................................................................... 25
IV.............................................................................................37
– Le parc aux chèvres. – Augmentation de famille. – Le karatas. –
Félix manque d'amadou. – Les cannes à sucre. – Les citronniers. –
Vive la limonade ! – Le riz. – Les fraises. – La caverne. – Le coffre. –
Félix ne peut l'ouvrir. – Il casse son couteau. – Retour à la cabane. –
Le lait de chèvre. – Surprise agréable................................................ 37
V ..............................................................................................46
– Grandes occupations. – Incendie. – Le coffre est entamé. – Félix
éteint le feu. — Les patates brûlées. – Les coquilles de Saint-Jacques.
– Heureuse découverte. – Félix a des outils. – Bonne chasse de
Castor. – Entrée dans la caverne. – L'orage. – Le coffre dépecé. –
Nouvelles trouvailles. – L'orage a presque détruit la cabane. –
Changement de domicile....................................................................46 VI.............................................................................................58
— Le porc-épic. – La chaussure. – Les récoltes. – La tortue. – Ah ! la
bonne soupe ! – Félix pense à l'hiver. – Il se prépare de l'ouvrage. –
Les habits de peaux. – Les ficelles. – Les paniers. – Installation du
troupeau dans la maison des champs. ...............................................58
VII ...........................................................................................68
– Nouveau voyage. – Le bananier. — Pêche singulière. – Le flamant.
– Félix fait un bon souper. – Le bois de palmiers. – Mais c'est du vin !
– Rien ne manque au dîner. – Le perroquet. – L'ananas. – La claie ;
Castor y est attelé. – Le jardin............................................................68
VIII ..........................................................................................77
– Départ pour la grande rivière. – Palmier-nain. – Le miraca ou
l'arbre à cire. – Félix fait des bougies. – Occupations du second hiver.
– L'arc et les flèches. – Félix pleure en pensant à sa mère. – Retour
du printemps. – Progrès du jardin. – II faut une table et des bancs. 77
IX.............................................................................................84
– Grande entreprise. — La forêt ténébreuse. – Orage. – L'arbre à
casse. – Le vallon et la cascade. – Changement de scène. – Félix
manque de tout. – Il ne peut trouver d'issue ni se garantir de la pluie.
– La caverne de la Mort. – Les ossements. - Il se remet en marche. 84
X ..............................................................................................93
– Félix remonte le ruisseau. – Espérance. – Il en sortira. – La
montagne. – Vue délicieuse. – Arrivée. – État du troupeau. – Oh !
qu'il fait bon chez soi ! – Félix se fait des habits neufs. – Travaux
considérables. – Départ pour visiter les côtes. — Spectacle
épouvantable. – Consternation. – Grande surprise. – Transport de
joie. —Ils sont deux. – Retour à la grotte. – Castor fait connaissance
avec le nouveau venu..........................................................................93
XI...........................................................................................102
– Soins de Félix pour Tomy. – La promenade du soir. – Les premiers
pas de l'enfance. – Voyages. – Travaux. – L'hiver agréable. – Plan
d'éducation. – Tomy est habillé. – Heureuses dispositions du petit
noir. – Il a une voiture. — Voyage en famille................................... 102
– 3 – XII .........................................................................................108
– Tempête. – Canon de détresse. – Nuit affreuse de Félix. – Ils ont
tous péri ! – Recherches. – Voilà un corps. – C'est une femme. – Elle
vit. – Succès des soins de Félix. – Sa joie......................................... 108
XIII115
– Histoire de la naufragée. – Construction d'un radeau. – Voyage au
vaisseau. – Félix charge son radeau d'objets d'une grande utilité. –
Retour. – Transport des effets sauvés...............................................115
XIV ........................................................................................ 123
– Toilette de Félix et de sa mère. – Surprise de Tomy. –
Augmentation de richesses. – Le berceau d'acacias. –
Reconnaissance. – Voyage en famille. – Travaux pour l'hiver. –
Projet de Félix et de sa mère. – La cassette. — Les richesses inutiles.
.......................................................................................................... 123
XV..........................................................................................129
– Rencontre inattendue. – Réception dans la grotte. – L'hospitalité. –
Aventure des Anglais. – Offres de services. – Les Anglais retournent
à bord. – Sir Walter. – Séjour dans l'île. – Départ. – On s'embarque
pour Plymouth. – Adieux. – La famille passe en France. – Le retour
au pays natal. – Les affaires s'arrangent. – Félicité de la famille.... 129
À propos de cette édition électronique................................. 136
– 4 – I
– Naissance de notre héros, – Son éducation. – Il perd son
père. – Caractère indiscipliné de Félix. – Il veut s'embarquer.
— Sa mère est forcée d'y consentir. – Conduite de Félix à bord.
— Il prend soin de Castor. – Tempête. – Naufrage. – Le chien
reconnaissant.
Louis Francœur avait servi trente ans son pays avec hon-
neur ; sa bravoure et sa bonne conduite lui avaient acquis
l’estime de ses chefs ; sa franchise et sa gaieté l’avaient fait ché-
rir de tous ses camarades. Couvert de blessures et âgé de qua-
rante-six ans, il sentait le besoin de se reposer et de se faire une
famille.
Louis revint au lieu de sa naissance avec le grade de ser-
gent. Il jouissait d’une pension de quatre cents francs, et d’un
revenu de huit cents que lui avaient laissé ses parents. Il fut reçu
dans son village, situé à une lieue de Brest, avec joie et affection.
Une jeune et jolie paysanne ne dédaigna point l’offre de sa
main, et les lauriers qui couvraient le front du soldat effacèrent
à ses yeux la différence des années. Cette union fut heureuse ;
Francœur, toujours satisfait et joyeux, parce que sa conscience
était pure, voulait que tout fût content autour de lui ; le bonheur
de sa femme était une partie essentielle du sien. Suzanne, excel-
lente ménagère, entretenait l’ordre et la propreté dans la mai-
son, pourvoyait à tous les besoins de son mari avec une tendre
sollicitude, écoutait avec intérêt le récit des batailles où il s’était
trouvé ; et lorsque le guerrier peignait avec force les dangers
auxquels il avait été exposé, Suzanne le serrait dans ses bras,
comme pour s’assurer qu’il y avait échappé.
– 5 –
Bientôt un nouveau lien vint resserrer cette douce union.
La naissance d’un fils combla les vœux des deux époux. « Je
veux, avait dit Francœur, qu’il soit nommé Félix, car j’espère
bien qu’il sera aussi heureux que son père, qui ne changerait pas
son sort pour celui d’un roi. » Félix ne quittait le sein de sa mère
que pour passer dans les bras de Francœur, et s’endormait au
bruit d’une chanson guerrière que celui-ci fredonnait, tandis
que Suzanne berçait mollement cet enfant chéri.
Que de projets formait l’heureux couple pour l’éducation
de son cher Félix ! « J’en ferai un honnête homme, disait Fran-
cœur, un bon citoyen et un brave défenseur de la patrie ; » et à
ces mots un rayon d’orgueil brillait dans les yeux du soldat.
À cinq ans, Félix fut envoyé à l’école. Son père surveillait
ses études, lui faisait chaque jour répéter ses leçons, et faire,
sous ses yeux, une page d’écriture. Sa mémoire et son intelli-
gence comblaient de joie ses bons parents. Cependant une ex-
trême pétulance, une grande dissipation, n’étaient pas les seuls
défauts de l’enfant : il montrait avec ses camarades une humeur
querelleuse qui lui attirait souvent des horions ; et, à huit ans, il
ne rentrait presque jamais qu’avec un œil poché ou une oreille
déchirée. Cependant il ne se plaignait de personne : il avait bien
pris sa revanche, cela le satisfaisait. Félix eût donc été un assez
mauvais sujet si la crainte de son père ne l’eût retenu ; mais le
sergent l’élevait avec une sage sévérité, qui n’était que trop tem-
pérée par la tendresse souvent excessive de la mère. Ce fut à
cette époque qu’une fièvre épidémique enleva l’honnête Franc-
œur à son épouse désolée, et délivra leur fils de cette crainte
salutaire, si nécessaire à un caractère tel que le sien. Dès lors il
se livra entièrement