Incipit- Candide
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Vous qui préparez le bac de français devez obéir aux règles du commentaire composé….un plan en deux parties voire trois mais c'est plus compliqué, deux sous-parties, introduction et conclusion….
Ce texte est l'aboutissement de deux séances de préparation avec Roxanne, qui passe les EAF en juin. Merci Roxanne !

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Publié le 02 juillet 2016
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Langue Français

Extrait

L'INCIPIT DE CANDIDE
Vous qui préparez le bac de français devez obéir aux règles du commentaire composé….un plan en deux parties voire trois mais c'est plus compliqué, deux sous-parties, introduction et conclusion…. Ce texte est l'aboutissement de deux séances de préparation avec Roxanne, qui passe les EAF en juin. Merci Roxanne !
Voltaire, écrivain philosophe des Lumières, écrit le conte philosophique Candide alors que la société française vit encore sous le régime de la monarchie absolue mais connaît de grands bouleversements tant sur les plans idéologique, religieux qu'économique et politique. La publication de l'Encyclopédie, immense ouvrage de recensement des connaissances humaines mais aussi puissant outil de critique et de remise en cause de la société d'ordre et de la puissance de l’Église, est l'aboutissement d'une entreprise gigantesque qui a réunit les énergies des grands philosophes, penseurs français de cet époque. Les philosophes et Voltaire particulièrement remettent en cause les systèmes politiques et sociaux européens, ce qui conduira à la Révolution. Pour cela, et notamment échapper à la censure ou bien attirer vers lui un public raffiné et spirituels, Voltaire utilise de nombreux genres littéraires : le théâtre, l'essai, et le conte. Ce petit essai vous propose de commenter l'Incipit Du conte philosophique Candide. Le mot savant vient du latin INCIPERE qui veut dire commencer et donne une teinte scientifique et plus sérieuse à l'étude du début, d'un commencement d’œuvre ! Quelles sont donc les exigences d'une Incipit ? Que trouve-t-on en général au début d'un texte ?
On peut étudier ce texte en s'interrogeant d'abord sur la spécificité d'un incipit de conte et dans un deuxième temps comment Voltaire en détourne les fonctions pour présenter à son lecteur une critique sociale et philosophique implicite. Ce texte demande de l'intelligence à son lecteur et la connaissances de certains codes intellectuels.
Un incipit répond à des enjeux littéraires précis : il indique la situation initiale, propose un univers spatio-temporel et présente les personnages principaux avant d'initier le début des péripéties. Qu'en est-il de ce texte ? Dès les premiers mots, Voltaire nous plonge dans l'univers des contes avec l'expression
« il y a avait » qui renvoie à la fameuse phrase « il était une fois ». Les portes de ce genre littéraire s'ouvrent immédiatement, la magie va opérer. Par ailleurs l'usage quasi exclusif de l'imparfait avec les verbes « pensais, était, enseignait, paraissait » révèle la durée dans le passé d'une situation a été permanente, tout comme les contes évoquent les temps heureux d'un royaume disparu. On peut noter que ces verbes sont conjugués à la troisième personne du singulier, caractéristique majeure des conte ou nulle personnalisation n'est nécessaire pour atteindre une portée morale et universelle.
Bien évidemment, les contes se déroulent dans un passé lointain et dans un royaume tout aussi lointain et imaginaire. Ici Voltaire choisit la Westphalie, lointain s'il s'en faut, pays réel mais certainement doué d'un fort pouvoir dépaysant pour les Français du XVIIIème siècle. Dès la première phrase, Voltaire pose son décor : « il y avait en Westphalie un château », le pays lointain, le château, les deux éléments nécessaires au conte sont là. Bien évidemment de ces éléments spatio-temporels, nous allons définir la pyramide sociale de l'univers de Candide : un baron, une baronne, des enfants, précepteur, abbé, et toute la domesticité, les chiens de chasse composent un ensemble attendu et cohérent: nos héros seront des nobles.
Notre situation initiale est classique : un cadre spatio-temporel convenu, un cadre social typique, un pays lointain. Voltaire peut maintenant faire entrer dans sa comédie ses personnages.
Les habitants du château, on l'a vu, respectent l'ordre social de la société monarchique d'ordre de l'époque : un baron/une baronne, titrés fort puissamment dans l'échelle des titres honorifiques. L'emploi d'hyperboles, « un des plus puissants... » « encore plus respectable », confirme notre idée première. On est dans la classe supérieure. Viennent ensuite le enfants, un garçon et une fille, choix du roi qui montre bien les bienfaits dont sont comblés cette famille, enfants dont la jeunesse, la grâce, la fraîcheur ne peuvent que réjouir les parents. Ces premiers personnages sont présentés assez brièvement dans leurs caractéristiques générales ce qui correspond bien à l'esprit du conte qui se sert d'archétypes et non de personnages à la psychologie développée.
Vient ensuite Candide dont la place dans la maisonnée est certes visible et revendiquée mais dont l'origine reste trouble : enfant illégitime d'une sœur du baron, il est élevé au même titre que les enfants du baron, dans l'égalité fraternelle où vivent les enfants des grandes maisonnées jusqu'à leur âge adulte. Sur son physique on ne sait pas grand-chose sauf qu'il est à l'unisson de son caractère. Voltaire insiste sur le portrait moral de son personnage éponyme : son nom qui évoque innocence et naïveté, son intelligence, son goût pour l'apprentissage, en donnent une image flatteuse qui rappelle sûrement le jeune Voltaire. Pour terminer, Pangloss, précepteur attiré de la famille clôt ce portrait de groupe. Son nom indique qu'il ait tout et surtout qu'il peut discourir sur tout ( pan = tout en grec, et logos = parole, le verbe le discours ) Il a la charge de l'éducation des enfants de la maison et comme tout précepteur il est sûrement accueilli à la table de son hôte et dans son quotidien. Pangloss assure aussi les conversations « intellectuelles » de la famille.
L'Incipit correspond bien aux attentes premières : situation initiale, espace spatio-temporel, personnages principaux et secondaires, archétypes liés au conte. L'Incipit se termine d'ailleurs avec l'irruption de l'élément perturbateur et déclencheur des
péripéties qui vont éveiller l'intérêt et la curiosité du lecteur.
Mais mais, il y a un mais…. Voltaire est Voltaire. Il écrit un conte,certes pour distraire son auditoire. Ses contes sont lus le soir, parfois ils sont écrits très vite pour satisfaire l'auditoire de Madame du Châtelet ou autre grande dame tenant salon. Mais Voltaire a un projet littéraire et philosophique : glisser dans un divertissement un projet philosophique, une critique sociale. Comment fait-il pour réaliser ce projet, sachant qu'il devra affronter la censure royale et religieuse. Voltaire a déjà subi les foudres de l'aristocratie, de la royauté et de la religion : la prison, l'exil ne sont pas des vains mots pour lui. Il sait les risques qu'il prend.
Un ordre social fondé sur la vanité et l'orgueil ne peut se justifier pour Voltaaire. Certes le conte présente un royaume, des nobles, des jeunes gens vivant une vie heureuse et sans histoire. Un philosophe respecté dans son univers, pédagogue confirme veille sur tout ce petit monde telle une bonne fée. Mais….Voltaire, pervertissant le règles du conte grâce à une ironie féroce et un sens de l'implicite aigu, nous livre une critique sans pitié de l'ordre social noble : ses personnages sont tout d'abord ridicules et vaniteux : ce château qui n'a qu'une porte et une fenêtre, ces domestiques qui font office de piqueurs, ces chiens de basse cour transformés en meute de chasse, ce baron tout aussi stupide que grossier, composent un univers petit, rétréci, quasiment minable. Il suffit à Voltaire de son ironie pour mettre à bas le bel édifice : ces nobles orgueilleux, vaniteux ne font rien de leur vie et méprisent les autres en raison de leur naissance seule et de ce qu'ont accompli leurs ancêtres. Le rire, le sourire, qui naissent à la lecture de ces descriptions sont plus corrosifs que toutes les diatribes violentes. Non contents d'être vaniteux, stupides et grossiers, les personnages sont intolérants, reflets de leur caste sociale : la sœur du baron refuse d'épouser le père de son fils au prétexte que ses quartiers de noblesse ne sont pas assez anciens. Elle préfère la honte d'être une fille mère de mettre au monde un bâtard et sûrement de rester seule toute sa vie. Quelle est cette maison noble où l'on élève un bâtard, où l'on se tait sur ses origines, que l'on trompe sur son avenir ? Que se passera-il quand Candide tombera amoureux de la jeune Cunégonde, quand leurs désirs se révéleront ? Car Candide aux yeux du baron et de la baronne ne peut en aucun cas être le prince charmant de cette histoire : le bâtard doit être chassé. Il l'aurait été de toute façon à un moment donné ou relégué à la place de serviteur : un grand coup de pied le chasse de son paradis terrestre. Ce coup de pied le ravale au rang de domestique, de chien que l'on chasse parce que trop importun. Ainsi Voltaire fut bastonné par un noble, jeté en prison. Il a connu physiquement l'humiliation, la contrainte physique, lui qui en tant que roturier ne pouvait porter l'épée et n'espérait ni recevoir la justice ne se faire justice, sauf avec et instrument du pauvre, le bâton ou ses poings.
Et que dire des comportements du philosophe attitré ? Pangloss se sert de sa philosophie pour trousser les servantes et dissimule ses appétits sous des théories fumeuses.
Car Voltaire a d'autres cibles : les philosophes tenant de l'optimisme, tel Leibniz qui prônent que tout est au mieux dans le meilleur des mondes et que ce qui est arrivé est arrivé parce que cela devait arriver, sont les ennemis intimes et personnels de Voltaire. C'est une philosophe qui fonctionne à l'envers : les hommes construisent des ponts et les rivières passent sous les ponts, les hommes fabriquent des lunettes et les hommes ont des nez pour les porter. Le summum de la bêtise est atteint et Pangloss nous est présenté
sous les jours les plus ridicules. D'ailleurs, le sort qui lui est réservé dans la suite du conte révèle les pensées de Voltaire à l'égard de l'optimisme érigé en philosophie. Voltaire ici s'en prend férocement aux théories « métaphysico-théologo-cosmolonigologiques » de Pangloss, ou seul le terme « nigaud « s'entend. Nul besoin d'être plus explicité, le jeu de mot, l'ironie font leur office à qui sait entendre.
Pour terminer ce petit commentaire, je dirais que Voltaire sous les habits rassurants et innocents du conte, fait apparaître le squelette féroce et ricanant de la critique sociale. S'adressant à un public averti, intellectuel et acquis à ses idées, Voltaire n'oublie pas de séduire et d'amuser cette classe sociale à laquelle il s'adresse : la haute société noble et bourgeoise acquise aux Lumières, avide de liberté mais sensible aux formes littéraires. On peut lire dans la même optique le texte « Si j'avais à soutenir que les nègres…. » de Montesquieu qui adopte le même ton ironique et distant.
Catherine Calvel et Roxanne.
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