XI.Le Lion & le Rat.XII.La Colombe & la Fourmy.Il faut autant qu’on peut obliger tout le monde.On a ſouvent beſoin d’un plus petit que ſoy.De cette ...
I l faut autant qu’on peut obliger tout le monde. On a ſouvent beſoin d’un plus petit que ſoy. De cette verité deux Fables feront foy, Tantla choſe en preuves abonde. Entreles pattes d’un Lion, Un Rat ſortit de terre aſſez à l’étourdie. Le Roy des animaux en cette occaſion Montra ce qu’il eſtoit, & luy donna la vie. Cebienfait ne fut pas perdu. Quelqu'unauroit-il jamais crû Qu’unLion d’un Rat eût affaire ? Cependant il avint qu’au ſortir des foreſts, CeLion fut pris dans des rets, Dont ſes rugiſſemens ne le pûrent défaire. Sire Rat accourut ; & fit tant par ſes dents, Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage. Patience& longueur de temps Fontplus que force ny que rage.
XI. Le Lion & le Rat. XII. La Colombe & la Fourmy.
L ’autre exemple eſt tiré d’animaux plus petits. Le long d’un clair ruiſſeau beuvoit une Colombe : Quand ſur l’eau ſe panchant une Fourmy y tombe. Et dans cet Ocean l’on euſt vû la Fourmy S’efforcer, mais en vain, de regagner la rive. La Colombe auſſi-toſt uſa de charité. Un brin d’herbe dans l’eau par elle eſtant jetté, Ce fut un promontoire où la Fourmy arrive. Elleſe ſauve ; & là-deſſus Paſſe un certain Croquant qui marchoit les pieds nus. Ce Croquant par hazard avoit une arbaleſte. Désqu’il void l’Oiſeau de Venus Il le croit en ſon pot, & déja luy fait feſte. Tandis qu’à le tuer mon Villageois s’appreſte, LaFourmy le picque au talon.
LeVilain retourne la teſte. La Colombe l’entend, part, & tire de long. Le ſouper du Croquant avec elle s’envole : Pointde Pigeon pour une obole.
Fables de La Fontaine: Barbin & Thierry | Georges Couton