"Parcours d un paresseux contrarié"
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Christian GOUAILLARD Parcours d'un paresseux contrarié… 1 Dédicace: …..A vous qui souhaitez mieux connaître les profondeurs de mes pensées les plus cachées. …."La solitude c'est quand vous avez fait les choses (que vous aviez envie de faire) et que vous vous reposez en vous-même. L'isolement, c'est une infirmité, les autres vous manquent et vous ne vous retrouvez plus vous-même"…. (Philippe ROTH auteur américain né en 1933). 2 AVANT-PROPOS. "Le travail c'est la santé, rien faire c'est la conserver"… chantait Henri Salvador. Quel chemin, pour trouver le bonheur entre ces deux propositions apparemment contradictoires? Plutôt que de considérer le travail comme une aliénation, ne serait-t-il pas au contraire la voie royale vers la félicité? La vie de chacun est remplie d'expériences originales, jalonnée de défis, d'échecs, de combats, de victoires, de joies ou de peines…Partageons ensemble un parcours singulier, et au terme de cette histoire, peut-être pourrons-nous en tirer de salutaires et subtiles réflexions… À l'école de l’immédiat après-guerre, les instituteurs s'acharnaient sur les gauchers pour les contraindre à écrire avec leur main droite. Ce temps est bien sûr révolu. Chacun peut constater aujourd'hui qu'un grand nombre d'hommes ou de femmes écrivent parfaitement de leur main gauche.

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Publié le 17 juin 2014
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Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Christian GOUAILLARD
Parcours d'un paresseux contrarié…
 1
Dédicace: …..A vous qui souhaitez mieux connaître les profondeurs de mes pensées les plus cachées. …."La solitude c'est quand vous avez fait les choses (que vous aviez envie de faire) et que vous vous reposez en vousmême. L'isolement, c'est une infirmité, les autres vous manquent et vous ne vous retrouvez plus vousmême"…. (Philippe ROTH auteur américain né en 1933).  2
AVANTPROPOS. "Le travail c'est la santé, rien faire c'est la conserver"… chantait Henri Salvador. Quel chemin, pour trouver le bonheur entre ces deux propositions apparemment contradictoires? Plutôt que de considérer le travail comme une aliénation, ne seraittil pas au contraire la voie royale vers la félicité? La vie de chacun est remplie d'expériences originales, jalonnée de défis, d'échecs, de combats, de victoires, de joies ou de peines…Partageons ensemble un parcours singulier, et au terme de cette histoire, peutêtre pourronsnous en tirer de salutaires et subtiles réflexions… À l'école de l’immédiat aprèsguerre, les instituteurs s'acharnaient sur les gauchers pour les contraindre à écrire avec leur main droite. Ce temps est bien sûr révolu. Chacun peut constater aujourd'hui qu'un grand nombre d'hommes ou de femmes écriventparfaitement de leur main gauche. Ce qui était autrefois considéré comme une anomalie devant être corrigée à tout prix, n'a abouti qu'à créer une population d'ambidextres aussi habile de leurs deux mains. Comme quoi, les préjugés sont parfois utiles...Ces «gauchers contrariés» se révélant finalement beaucoup plus adroits, que nous autres simples droitiers. Pendant le mandat du Président Mitterrand un ministère du «Temps libre » fut créé, éloge à la paresse qui atteignait là ses lettres de noblesse. Personnellement, je me considère comme un « paresseux contrarié ». Du temps de mes très jeunes années, j'étais davantage enclin à l'école buissonnière. Rêveur beaucoup plus sensible aux charmes des jeunes filles ou à l'élégance de mes tenues vestimentaires qu'aux vertus des dictées, des mathématiques ou de la philosophie. Il aura fallu un accident et plusieurs interventions chirurgicales pour que le temps de ma convalescence engendre de saines décisions, me propulsant vers la réussite à mes deux baccalauréats. L'attrait pour ces succès inattendus fut immédiat. Il ne s'est jamais interrompu depuis. Le «dilettante » des débuts s'étant mué en travailleur acharné, accroc de réussites et de notoriété.
Dans un de ses sketches, Guy Bedos disait : «... J'ai horreur des gens qui parlent pendant que je les interromps ». C'est aussi mon cas. Restait une
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alternative : écrire cette histoire. Au moins seraije certain de pouvoir poursuivre ce monologue pour le menerjusqu'à son terme ! FASHION ou RETRO? Je suis frappé de constater qu'à mon âge, qui devient respectable (j'ai largement entamé ma septième décennie) beaucoup d'incompréhensions existent entre la génération de mes enfants et plus encore avec celle de mes petits enfants, et la mienne. Lorsque j'étais encore très jeune, combien de fois n'aije pas entendu ce leitmotiv prononcé par nos aînés : «... De mon temps, on ne faisait pas ceci, ou bien, on ne disait pas cela » ! Critiques récurrentes de nos façons de se comporter ou de parler. Ces à priori, toujours péjoratifs, étaient sans appel et surtout sans discussion possible. Lorsqu'il m'arrive d'évoquer le passé de ma jeune enfance ou de mon adolescence avec mes enfants ou petitsenfants, je ne parle plus le même «étranger »qu'eux. Leurs regards éberlués traduisent leur ignorance la plus totale visàvis des modes de vie et des usages de leurs parents au même âge. Certes je ne suis plus un perdreau de l'année, j'ai même vous l'aurez compris pas mal d'heures de vol au compteur. Il a donc bien fallu que je m'adapte au fil des ans, à l'évolution du savoirvivre et des technologies actuelles. Je suis très admiratif des énormes progrès qui ont facilité les relations, et considérablement amélioré notre cadre de vie au quotidien. Il m’arrive pourtant de ne pas toujours m'y sentir totalement intégré. Pourquoi ? Il existait me sembletil, moins dedifférences entrela génération de nos parents et nous, qu’entre la nôtre et les suivantes. Je nous imagine comme ces dinosaures qui ont été décimés à l'ère glaciaire : derniers survivants d'une espèce en voie de disparition. Pour « les seniors » à cheval sur le vingtième et le vingt et unième siècle, la relativité du temps s'est considérablement accrue, celle des mœurs également. En regardant les photos jaunies du passé, je ne trouve que peu de différence entre l'époque de mon enfance ou de mon adolescence et celle de mes parents. La comparaison entre les modes de vie aujourd'hui et ceux d'il il y a une cinquantaine d'années me semble considérable : les tenues vestimentaires, les relations familiales, les loisirs, les comportements, l'habitat et ses commodités, les relations à autrui. Tous très influencés et largement promus par les médias. Je ne fais aucun jugement de valeur, c'est un constat! Je ne prétends pas non  4
plus m'ériger en censeur de nos jeunes générations. Paraphrasant La Rochefoucauld :« lesvieillards aiment à donner de bons conseils, pour se consoler de ne plus être en état de donner de mauvais exemples !» Il me semble pourtant que tous ces progrès technologiques et libertés parfois excessives, portent en germe quelques effets pervers sur la créativité et les relations familiales ou sociales. Sur un plan plus fondamental, nous voyions bien aujourd’hui que la société française s’estconsidérablement démoralisée, chez les jeunes en particulier. C’est une des différences fondamentales avec la société américaine par exemple qui reste majoritairement croyante, toutes couches sociales confondues. Autre aspect extrêmement frappant : cette fierté omniprésente de leur drapeau, de leur "Nation" que l’on perçoit partout dans la jeunesse et pas seulement dans le monde universitaire. Notion qui en France s’est diluée au point de quasiment disparaître dans la jeunesse française. Ces questions essentielles sontdes sujets difficilement abordables avec nos jeunes au vingt et unième siècle. Loin de moi l'intention de réformer ou de modifier le cours de notre histoire y compris et surtout pas celui de l’intégration ou de l’identité nationale. J'en serais bien incapable. Pas question non plus de supprimer Internet, la télévision, les portables et autres consoles de jeux. Par contre plus modestement, je souhaite laisser une photographie, une «trace » de mon vécu dépourvu de tous ces accaparants gadgets. Il fut façonné par les valeurs du respect et plus largement par celle de la morale (le bien et le mal)qui sembles’être délitée au fil des années. Il m'apparaît plus riche intellectuellement, plus heureux affectivement et sans doute plus formateur au plan social et humain. Aucune prétention à ressusciter les rigidités du passé, au risque de passer pour un "réactionnaire psychorigide". Pas d'accord non plus pour applaudir à un certain laxisme bien dans l’air du temps, lequel génère beaucoup de drames ou de conflits sociaux et familiaux. J'ai eu la chance de vivre une existence riche d'expériences diverses qui m'ont permis de côtoyer toutes sortes de personnages dans des milieux très variés. Quant aux souvenirs douloureux, je les ai enfouis dans ma mémoire afin qu'ils ne puissent jamais plus polluer mon présent. Exigeant jusqu'à l'excès je ne me suis jamais totalement satisfait de ce que j'ai réalisé. Pour tenter de m'approcher chaque fois un peu plus des étoiles (dont  5
je savais pourtantque je ne les atteindrais jamais). Je n'ai jamais cesséma vie durant, de me lancer de nouveaux défis tous azimuts. J'ai croqué la vie "à pleines dents" au point de m'en coller une indigestion. Cette quête m'a usé sans jamais réussir à me détruire. A mon âge, les forces physiques déclinent et les maladies surviennent… Même si par bravade on continue de jouer les matamores, je sens bien que le temps m'est compté! Jusqu'à quand? Dieu merci, cela reste encore un mystère. J'aime la vie à la folie, les enjeux, et ne crains pas la mort (mais bien au contraire la souffrance). Je sais pourtant qu'à chaque nouvelle année passée, l'échéance se rapproche un peu plus. Comme disait un humoriste:"On meurt en pièces détachées"… Raison supplémentaire pour profiter de chaque jour, chaque heure, chaque minute avec la plus grande intensité des bonheurs présents. Finalement, ce que je crains le plus dans la mort, c'est l'absence de la vie!....Plus proche des épicuriens que des stoïciens, je savoure encore bien davantage aujourd'hui plus qu'hier, malgré les apparences, chaque moment sans compter mon plaisir. J'ai largement passé l'âge des illusions, mais pas celui de l’espoir. J’ai encore la naïveté de croire que du sillon tracé par ma plume, germeront des pistes ou des réflexions sur ce que devrait être au moment où j’écris ces lignes, le vrai sens de l’existence. Celui de l'authentique face au "virtuel" tellement en vogue. Même si je suisconscient qu’actuellementl’omniprésence des contraintes génératrices d’angoisse: récession économique, sida, crainte du chômage, ghettoïsation, encadrements administratifs souvent excessifs, brident les espérances de nos cadets en exacerbant leurs revendications. J’espère que chacun y trouvera peutêtre une réponse à ses propres interrogations. Si ce n'était pas le cas, et bien cette histoire aura eue au moins le mérite d'exister. Comme la trace serpentine des escargots que l'on découvre brillante et sinueuse, lorsque les premiers rayons du soleil ont séché la rosée du matin…Suivezmoi à travers l’aventure d’une vie que j’espère encore suffisamment longue et exaltante. Je vais vous conter une histoire que les moins de vingt ans (ou plus) n'ont pas pu connaître... (Paroles adaptées de Charles Aznavour). PREMIERS PAS….
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Heureusement, on ne choisit ni la date ni son lieu de naissance. Dans mon cas, c'eut été une très mauvaise pioche! Je suis né le neuf août 1940 à Saint Nazaire en LoireAtlantique, le jour de la saint Amour… Tout un programme! Troisième enfant et premier garçon d'une fratrie comportant déjà deux sœurs aînées âgées de six et trois ans. Mon père, ingénieur civil du génie maritime travaillait au chantier de Penhoët. Ma mère prénommée Frances, sans profession, se chargeait de diriger l'intendance du foyer. Le moins que l'on puisse dire est que cette époque était particulièrement sombre.
Les activités du chantier naval avaient cessé depuis le 15 juin 1940. Le 18 juin, au moment de l'Appel du général De Gaulle, la ville était en état d'alerte permanente en raison des bombardiers de la Luftwaffe et des alliés qui survolaient et pilonnaient alternativement mais très régulièrement ce port stratégique. Le 21 juin, les troupes allemandes d'occupation de la zone nord arrivèrent à SaintNazaire.
Ce climat de totale insécurité avait conduit mon père à prévoir et organiser un retrait stratégique de toute la famille. Officier de marine, démobilisé, il avait pensé toute la logistique pour que ma mère et sa progéniture puisse se replier vers Paris dans les meilleures conditions de sécurité. Il avait pu trouver un appartement au cinquième étage du 161 rue SaintHonoré (place du théâtre français). L'ensemble du mobilier avait été transféré lorsque cela était encore possible. Aussi, dès qu'elle fut remise sur pied et qu'elle put entreprendre ce grand chambardement avec sa nichée sous les bras, notre départ fut décidé sans tarder davantage. Évidemment, compte tenu de mon très jeune âge, je n'ai aucun souvenir de ces premiers mois agités de mon existence. Je sais seulement, grâce au récit que ma mère m'en a fait, qu'un soir de l'automne naissant nous voilà tous embarqués sur le bac de Mindin pour franchir la Loire. De l'autre côté une voiture et un chauffeur nous attendaient. Direction la capitale. Une fois sur place, nous nous sommes installés dans un assez grand appartement de cinq pièces avec une vue magnifique sur la place plantée de platanes entourant deux superbes fontaines, face au Théâtre Français.
La guerre n'ayant évidemment pas épargné Paris, l'armée allemande était omniprésente. En particulier dans ce premier arrondissement. Le général Von Choltitz commandant le « Gross Paris » avait établi son QG à l'hôtel Meurice tout proche de l'endroit où nous habitions. La «Kommandantur »se trouvait elle, située place de l’Opéra, à un jet de pierre de notre domicile…  7
Je me souviens parfaitement que lorsque je fus en âge de marcher, ma grand mère maternelle m'emmenait régulièrement me promener au jardin des Tuileries. Sur le trottoir du côté des arcades de la rue de Rivoli étaient stationnés, tous les dix mètres environ, des soldats allemands en armes. Plusieurs fois, j'ai pu échapper à la main de ma grandmère pour aller en courant serrer la main des « Feldgendarmes » qui riaient aux éclats à mon exploit. Doisje préciser que ma grandmère furieuse, avait tôt fait de me rejoindre pour me remettre dans le droit chemin avec une grande tape sur les fesses! Les hivers en 194344 étaient particulièrement rigoureux. Je revois encore, passé les guichets du Louvre, l'étendue blanche et silencieuse des jardins du Carrousel entièrement déserts, lugubrement silencieux etrecouverts de neige. Insensible à la beauté des lieux, j'en conserve une image sinistre.
Un soir du printemps de 1944, alors que la libération de Paris se préparait, mon père me prit, enveloppé dans une couverture pour admirer dans ses bras depuis le balcon, les bombardements de la gare de la Chapelle par les alliés. Le bruit malgré notre éloignement était terrifiant, le ciel était zébré par la lumière des projecteurs de la DCA allemande et les explosions allumaient des lueurs rougeoyantes dans le ciel sombre de la nuit. De la libération proprement dite je n'ai aucun autre souvenir. Seule une citation à l'honneur de mon père, lue bien des années plus tard par ma mère, me rappela sa participationactive avec les FFI à la libération de la capitale.
Lorsque les armées alliées libérèrent Paris, la population opprimée depuis quatre années envahit les rues pour fêter avec elles la liberté retrouvée. La liesse était à son comble: on chantait, on riait, on s'embrassait, on dansait, chacun laissait éclater sa joie dans une exubérance bien légitime après ces années d'oppression et de privations. Pas question de m'emmener me balader au milieu de cette foule en délire qui avait envahie les rues. Trop petit…..
Par contre, j'en conserve un merveilleux souvenir encore très vivace, même s'il peut paraître anodin visàvis de l'évènement. Dans l'entrée de notre appartement se trouvait un bahut que je croisais plusieurs fois par jour sans jamais y prêter une attention particulière. Dans les quelques jours qui suivirent les manifestations que je viens d'évoquer, passant un matin devant ce buffet, une vision inhabituelleattira mon attention. Un compotier trônait au milieu du marbre noir qui le recouvrait, il était chargé de fruits orangés et brillants qui répandaient un parfum inconnu et merveilleux. Ma mère m'apprit que c'était des  8
oranges et m'en fit goûter une. Je la gardais dans mes mains un instant pour m'étourdir de cette senteurenivrante, encore plus intense lorsqu'elle m'aida à l'éplucher. Après cette découverte à la fois inattendue et paradisiaque, elle ajouta un carré de chocolat au lait offert par un de nos libérateurs. Décidément, la libération de Paris était vraiment pour un gamin de mon âge un moment magique! 8 mai 1945, cette fois la guerre est bien finie! Pour moi, les choses sérieuses vont pouvoir commencer…. A L'ECOLE! Avant de pouvoir prendrele chemin de l’école, il me fallut attendre la prochaine rentrée du mois de septembre. On m’avait inscrit à l’Ecole Saint Roch. Ecole libre proche de notre domicile, où officiaient des laïques. J’effectuais ma rentrée scolaire en classe de CP. Je n’éprouvais aucune appréhension dés le premier jour pour ces débuts dans la vie scolaire. Bien heureux au contraire de pouvoir enfin rencontrer d’autres garnements de mon âge. Je me revois gravir allégrement les marches en pierre du somptueux escalier menant à la cour on nous devions nous rassembler. L’uniforme de rigueur se résumait à un béret (qui avait l’avantage de faire double emploi avec celui des « Louveteaux »(il suffisait de le retourner). Le directeur, Monsieur Valour, attendit que toutes les classes alignées en rang par deux, fussent rassemblées, pour nous faire un discours d’accueil. Appuyé sur le gardecorps de la fenêtre ouverte de son bureau du premier étage, il avait une vue d’ensemble sur ses nouvelles recrues. Pourfaire bref : il énuméra les consignes d’organisation et de discipline de l’école, que nous écoutions d’une oreille plus que distraite, le béret roulé tenu dans la main droite. Lorsqu’il eut enfin terminé, nous pûmes faire connaissance avec nos classes. Chaque section (saufle CP), CE et CM comportait deux niveaux : 1 et 2 réunis dans la même salle avec des programmes adaptés à chacun d’eux et un seul maître ou maîtresse (en CP) pour les enseigner.  9
La mienne, ni belle, ni moche était plutôt sympa. Environ 3540 ans, le visage avenant barré de grands yeux grisbleu, entouré de cheveux blonds qui se terminaient en boucles soigneusement lovées autour de ses épaules. Plutôt gironde, pour une première maîtresse… Sauf, un sourire chevalin qui dénudait ses gencives lorsqu’elle souriait. Je ne pouvais faire autrement que de m’appliquer le mieux possible à bien reproduire les lignes de a, b c, d etc. qu’elle avait soigneusement tracées à l’encre rouge dans la marge des feuilles quadrillées de nos cahiers. Tout en veillant bien sûr à reproduire consciencieusement les «pleins »et les «déliés »avec nos plumes «sergent major »montées sur des porteplumes de section triangulaire (pour une facilité de préhension). J’apprenais aussi la lecture en suivant avec l’index sur mon livre chaque mot que j’ânonnais, aidé par les jolis dessins qui décoraient assez naïvement les textes d’apprentissage de la plus belle langue du monde. Tant et si bien que la fin de l’année venue, pour mon application,je me vis attribuer un prix d’écriture au grand désespoir de ma mère qui considérait l’écriture comme la science des ânes !
L’année suivante, changement de décor et d’ambiance. Cette fois plus question d’aimable maternage. Le maître qui dirigeait la classe de CE 1 et 2 était une espèce de nabot genre diable boiteux avec un visage longiligne, coiffé comme Fernandel et des mains énormes. Il ne se séparait jamais de sa canne. Toujours vêtu d’une chemise blanche et cravate noire et d’une blouse de toile grise, serrée à la taille par une ceinture à boucle de métal coulissante. Les punitions corporelles étaient encore à cette époque monnaie courante. Chaque matin à tour de rôle, l’un d’entre nous devait mettre le calendrier à jour. Tâche hautement périlleuse qui consistait à détacher soigneusement une très mince feuille de papier d’un bloc genre «postit »accrochéau mur prés du tableau, pour faire apparaître le jour suivant avec la date bien visible. Inscrite en rouge pour les jours pairs et en noire pour les jours impairs. Egalement, remplir les encriers en porcelaine blanche avec de l’encre noire versée depuis une bouteille en verre munie d’un bec verseur. Pas question d’en renverser à côté, sinon notre instituteur pèrefouettard nous corrigeait en nous pinçant l’oreille, où mieux encore, nous attrapait par lescheveux courts de nos tempes en nous soulevant suffisamment jusqu’à entendre le «Aïe ! »salvateur du fautif. Pour une indiscipline plus grave, cet enseignant zélé nous conduisait en nous tenant par le cou avecle côté recourbé de sa canne jusqu’à un coin de la classe où nous devions nous mettre à genou les mains croisées sur la tête. Jusque là pas trop de 10
problème. Les choses se compliquaient lorsque sous nos genoux il glissait sa règle en ébène. Les quelques minutes de cette punition se transformaient rapidement en supplice barbare.Néanmoins, grâce à ses multiples attentions, la fin de l’année venue, les dictées, opérations de calcul, rédactions, rudiments d’histoire et de géographie n’avaient plus de secret pour moi. Je fus donc admis chez les grands, en classe de CM 1 et 2. Manque de chance,j’échangeais un cheval borgne pour un aveugle. Notre nouveau maître avait un piedbot et ne pouvait se déplacer qu’à l’aide de béquilles. En cas d’urgence, il était parfaitement capable d’utiliser une seule de ses béquilles pour foncer sur l’élève aperçu au fond de la classe en train de copier sur son voisin. La cinquantaine, le visage rond et rougeaud légèrement couperosé, orné d’une paire de lunettes à grosse monture de bakélite noire. Avec lui, pas de sévices corporels. Nous avions droit deux ou trois fois par semaine à une séance de dictée. Mais attention, notée sur dix et cinq fautes égales zéro! Les récréations avaient lieu à dix heures le matin et une fois dans l’aprèsmidi. Pour ces moments de détente, direction le jardin des Tuileries en rang par deux, escortés par notre instituteur champion de marathon sur ses deux béquilles. Ces exercices biquotidiens devaient sans doute être le secret de son étonnante vigueur. Ce n’était pas un mauvais bougre malgré son apparence. Je me souviens encore avec attendrissement des «jolis »dessins qu’il nous faisait réaliser au moment de la fête des mères. Quasiment toujours un bouquet de fleurs agrémenté d'une maxime affectueuse encadrée du genre:" Bonne fête à ma Maman chérie"! Il allait et venait d’un élève à l’autre, conseillant celuici ou celuilà sur le choix de la composition ou des couleurs. Les derniers jours de l’année, nous avions droit à la projection d’un film en noir et blanc. Cette séance toujours très pédagogique et réservée aux plus grands, donnait lieu à tout un cérémonial d’installation du projecteur, de l’occultation des fenêtres par des tentures noires auquel nous participions activement. Finalement, l’auditoire était plutôt docile et réellement intéressé, aucun chahut ou bavardage intempestif ne venait troubler cette séance à la fois récréative et instructive. Ces années d’école primaire furent agrémentées d’épisodes de réels plaisirs. Inscrit d'office au catéchisme, l’enseignement avait lieu dans l’enceinte de l’église SaintRoch. C’est à cette occasion que je fus remarqué par le directeur de la manécanterie des « Petits Chanteurs à la Croix de Bois » dirigée par l’abbé Poussereau également aumônier de mon école. Abbé plutôt viril, il portait sur sa 11
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