The Project Gutenberg EBook of Emile Zola, by Edmond Lepelletier
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Title: Emile Zola Sa Vie—Son Oeuvre
Author: Edmond Lepelletier
Release Date: December 20, 2005 [EBook #17360]
Language: French
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ÉMILE ZOLA,
Sa Vie—Son Œuvre
par
EDMOND LEPELLETIER
[Illustration: ÉMILE ZOLA, PORTRAIT EN HÉLIOGRAVURE D'APRÈS LIEURÉ]
PARIS, MERCURE DE FRANCE, XXVI, RUE DE CONDÉ.
1908
Paris 27 nov. 87
Mon cher Lepelletier,
Merci mille fois de votre article, qui me fait grand plaisir, car il comprend et il explique au moins. Mais que de choses j'aurais à vous
répondre, à vous qui êtes un ami! Il y a de la vigne à la lisière de la Beauce, les vignobles de Montigny, près desquels j'ai placé
Rogues, sont superbes. Tous les noms que j'ai employés sauf celui de Rogues, sont beaucerons. Il n'est pas vrai que la fatigue soit
contraire à Vénus: demander aux physiologistes. Si vous croyez que les paysans ne reproduisent que le dimanche et le lundi, je vous
dirai d'y aller voir. La lutte politique dans les villages n'est point aussi âpre, ouvertement, que vous le pensez: tout s'y passe en
manœuvres sourdes. Mes Charles sont copiés sur nature; et puis, c'est vrai, eux et Jésus-Christ sont la fantaisie du livre. Est-ce qu'à
l'ironie de la phrase vous n'avez pas compris que je me moquais?
La vérité est que l'œuvre est déjà trop touffue, et qu'il y manque pourtant beaucoup de choses. C'est un danger de vouloir tout
mettre, d'autant plus qu'on ne met jamais tout. Du reste, c'est là l'arrière-plan, car mon premier plan n'est fait que des Fouan, de
Françoise et de Lise: la terre, l'amour, l'argent.
Merci encore, et bien cordialement à vous.
Émile Zola
* * * * *
Entre Émile Zola et l'auteur de cette étude, durant de longues années, existèrent des liens d'amitié. Les circonstances firent de l'un et
de l'autre, non des ennemis, mais des antagonistes. Ils combattirent, chacun pour ce qu'il estimait juste, en des camps opposés.
Dans la bataille littéraire, ils demeurèrent d'accord.
Les Lettres sont à côté des besognes politiques, et l'Art est au-dessus de l'esprit de parti. On peut, on doit rendre hommage à un
grand écrivain, même lorsque, à un moment de sa vie, contre vous, contre vos convictions, il tourna sa plume.Les partisans de l'empire, Napoléon III étant encore sur le trône, s'inclinaient devant le génie de Victor Hugo. Ils n'acceptaient
assurément pas tout de son œuvre, et tout dans sa vie ne leur plaisait pas. Ils négligeaient Napoléon le Petit pour relire les Feuilles
d'Automne, et leur légitime admiration pour la Légende des Siècles ne leur imposait pas l'approbation pour les violences des
Châtiments envers le souverain qu'ils aimaient et le régime qu'ils défendaient.
Sous le prétexte qu'il fut aussi l'auteur du pamphlet J'accuse, il est absurde, et plus d'un, par la suite, en rougira, de nier la maîtrise
de l'historien des Rougon-Macquart.
Il est, sans doute, regrettable que les enthousiasmes officiels et les acclamations populaires, celles-ci ignorantes, ceux-là factices, se
soient surtout adressés au défenseur inattendu d'un accusé exceptionnel. C'est le peintre, au coloris vigoureux, des êtres et des
choses de notre société, l'annaliste de nos mœurs et le clinicien de nos passions, de nos tares, qui avait seul droit à la gloire. Zola
méritait de partager, avec Victor Hugo et d'autres illustres défunts, le lit funèbre imposant du Panthéon, mais il est fâcheux qu'il y ait
été porté par des mains vibrantes encore de la fièvre d'une guerre civile, au milieu d'un concours de gens qui n'avaient pas lu ses
livres. C'est l'homme de parti qu'on a voulu honorer, c'est à l'homme de lettres seul que devait être décernée l'apothéose nationale.
La postérité ne voudra saluer dans Émile Zola qu'un philosophe et un moraliste, un lyrique merveilleux aussi, le poète en prose de la
vie moderne. Ce livre a pour but de devancer son jugement.
En faisant mieux connaître l'homme, en dégageant l'œuvre de préoccupations étrangères à la littérature, l'auteur estime répondre à
un désir des libres esprits, affranchis de la pire des servitudes, celle du préjugé et du parti pris. Le retentissement du nom d'Émile
Zola et l'attention mondiale dont il a été, dont il est encore l'objet, motivent la présentation d'un travail, impartial et documenté,
permettant d'apprécier, avec plus de certitude, le grand romancier, le robuste artiste aussi, qui, avec Victor Hugo et Balzac, domine le
XIXe siècle.
EDMOND LEPELLETIER
Paris, Octobre 1908.
* * * * *
ÉMILE ZOLA, Sa Vie—Son œuvre
par
EDMOND LEPELLETIER
I
ORIGINES.—ENFANCE.—VIE DE FAMILLE.—DÉBUTS À PARIS.—ZOLA POÈTE.
(1840-1861)
Émile Zola est né à Paris. Doit-il être classé parmi les Parisiens véritables, les autochtones, les Parisiens qui sont de Paris, comme les
natifs de Marseille sont des Marseillais? Oui et non. Réponse ambiguë, mais exacte.
Il convient d'abord de constater que la localité où s'est produit le fait de la naissance, lorsqu'il est accidentel, dû aux hasards d'un
voyage ou d'un séjour professionnel et temporaire, n'a, pour la biographie d'un homme célèbre, qu'un intérêt secondaire. Victor Hugo
est né Bisontin, Paul Verlaine Messin, par suite des garnisons paternelles. Leur existence et leur œuvre furent complètement
indépendantes de ces berceaux fortuits. Toute fois, la gloriole locale se mêle à l'investigation biographique, pour préciser le coin du
sol, où apparut à la vie le petit être destiné à recevoir la qualification de grand homme. Cette rivalité municipale n'est pas nouvelle.
Sept villes de l'Hellade se disputèrent l'honneur d'avoir abrité Homère enfant. Ces bourgades avaient d'ailleurs laissé l'immortel aède,
sans toit et sans pain, errer dans les ténèbres de la cécité, tant qu'il vécut. De nos jours, la chose se passe souvent ainsi, et ce n'est
qu'après la mort du poète, de l'artiste, de l'inventeur, dédaignés, parfois molestés, que les concitoyens de l'illustre enfant se
préoccupent de rechercher, sur les registres de la paroisse ou de la mairie, la preuve de la maternité communale, longtemps
négligée. Un reflet de la gloire du compatriote auréolé se répand sur les fronts les plus obscurs de la petite ville. Cette parenté locale
fournit le prétexte à des cérémonies, accompagnées de harangues et de banquets inauguratifs, que préside un ministre, remplacé
souvent par un juvénile attaché, ayant le devoir d'apporter, dans la poche de son habit, rubans et médailles, ce qui est le motif vrai du
zèle des organisateurs de l'apothéose.
L'endroit où l'on naît prend de l'importance, seulement quand l'enfant a grandi et s'est développé, là où il a débuté dans la vie
organique. Le terroir n'a pas, sur la plante humaine, l'influence reconnue pour les végétaux. On ne doit tenir compte de la terre natale
que lorsque l'enfant a