er Revue des Deux Mondes, 1juin 1855 Charles Baudelaire
LES FLEURS DU MAL IX. L’INVITATION AU VOYAGE. L’Invitation au voyage (Les Fleurs du mal) (Revue des Deux Mondes)
IX. L’INVITATION AU VOYAGE.
Monenfant, ma sœur, Songeà la douceur D’aller là-bas vivre ensemble ; —Aimer à loisir, Aimeret mourir Au pays qui te ressemble ! Lessoleils mouillés Deces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Simystérieux Detes traîtres yeux Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.
Desmeubles luisans Polispar les ans Décoreraient notre chambre ; Lesplus rares fleurs Mêlantleurs odeurs Aux vagues senteurs de l’ambre, Lesriches plafonds, Lesmiroirs profonds, La splendeur orientale, Touty parlerait Àl’âme en secret Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.
Voissur ces canaux Dormirces vaisseaux Dont l’humeur est vagabonde ; C’estpour assouvir Tonmoindre désir Qu’ils viennent du bout du monde. —Les soleils couchans Revêtentles champs, Les canaux, la ville entière, D’hyacintheet d’or ; —Le monde s’endort Dans une chaude lumière.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.