La chanson qui dérange… Textes tirés de l’exposition présentée par la Bibliothèque musicale de la Ville de Genève à la Maison des arts du Grütli du 15 avril au 11 juillet 2008
IntroductionUne chanson, c’est du théâtre, un film, un roman, une idée, un slogan, un acte de foi, « une danse, une fête, un deuil, un chant d’ amour, une arme de combat, une denrée périssable, une compagnie, un moment de vie. La vie. » Cette citation de Georges Moustaki résume à elle seule la vaste portée de la chanson. Toutes les rengaines racontent la même histoire, celle de la vie et de ses embûches, de l’amour et de la mort. Dans ce triptyque, qui fut et qui sera toujour s,il y a forcément des thèmes plus délicats à aborder, que ce soit par la manière de le faire ou le propos lui-même. L’époque n’est pas un gage de retenue pour évoquer certains sujets. Les chansons grivoises de la Renaissance sont un reflet fidèle, quoique partiel, de l’atmosphère du moment. La « chanson villaine » est représentative d’une liberté des mœurs assez singulière du 16es. Aujourd’hui encore, la chanson réfléchie ou d’ intention, se focalisant sur le rôle et la place de l’individu dans la société, sur la relig ion, la justice, la politique, parle aux gens dans les yeux parce qu’elle parle d’eux. Elle s’enivre entre autres de détails, de croustillances, d’esclandres, d’anecdotes, d’inconvenances que l’auditeur distrait pe ut ne pas remarquer. Si cette chanson nous touche de près, c’est parce qu’elle dépeint nos vices et se permet de transgresser les tabous, de forcer plus ou moins en douceur les blocages culturels, religieux et sociaux. Mais la censure n’est pas loin… La frontière entre poésie et chanson n’est pas très distante, bien que dans l’échelle de l’art, certains nichent la chanson en deça de la poésie qui n’a pas besoin de musique pour embellir ses mots. Les textes retenus parlent d’eux-mêmes, mettant en avant le talent de la plume des auteurs qui en sont souvent les interprètes. Le choix de la plupart des chansons présent ées s’inspire du livre de Baptiste Vignol :Des chanson pour le dire : une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange(éd. Tournon, 2005). Les partiti ons peuvent être empruntées à la Bibliothèque musicale. Un regret tout de même est à noter : tout comme télévision et radio mettent à l’écart les esprits affranchis qui pourraient troubler un climat doucereux, bon nombre de chansons ne sont pas éditées en partitions de musique, les plus grands tubes,bien-comme-il-faut, étant préférés à ceux peu recommandés… Il est donc temps de revoir nos classiques, da ns une exploration ludique et poétique des chansons qui dérangent. A vous de les fredonner, sans retenue !
CANCREExcusez-moi monsieur le professeur Christophe 1965 Le détachement du cancre ou son impertinence lui valut trop souvent la cruauté sadique de certains professeurs. Christophe, l’une de s dernières idoles yé-yé, fit de cette thématique son troisième succès aprèsAlineetLes marionnettes.
Si mes oreilles sont longues C'est parce qu'un imbécile, Un jour s'est amusé à leur tirer dessus Si mes doigts n'ont plus d'ongles C'est parce qu'un imbécile, Un jour c'est amusé à leur taper dessus Excusez-moi monsieur le professeur Si je ne connais pas mes leçons par cœur Si je me tiens debout Tout au fond de la classe C'est parce que j' n'aime pas Faire les choses à moitié Si je me tiens debout Tout au fond de la classe C'est qu'un autre à ma place Est toujours le premier Excusez-moi monsieur le professeur Si j'ai toujours les idées ailleurs Si les pages sont blanches De mes pauvres cahiers C'est qu'il y a trop de branches Aux arbres des forêts Et si j'aime les branches Si j'aime la forêt C'est parc' que vous m'avez Défendu d'y grimper
Excusez-moi monsieur le professeur Si je connais les oiseaux par cœur Si quand vous faites l'appel Je vous réponds absent C'est parc' que j'ai perdu Votre école et pourtant Je la cherche partout A travers mille champs J'ai perdu mon chemin Je reviendrais demain Excusez-moi monsieur le professeur Si je ne sais jamais rien par cœur Si mes oreilles sont longues C'est parce qu'un imbécile, Un jour c'est amusé à leur tirer dessus Si mes doigts n'ont plus d'ongles C'est parce qu'un ....
SEXE Le zizi Pierre Perret 1974 Pierre Perret s’applique comme un artisa n et met trois ans à peaufiner son…Zizi! Son plus grand succès commercial fut un phénom ène de société. Ce titre pétri de métaphores montre que la France trouve à rire et à chanter dans la libération sexuelle. Afin de nous ôter nos complexes, Y a le zizi tout propre du blanchisseur Ô gué, ô gué Ô gué, ô gué On nous donne des cours sur le sexe Celui qui amidonne la main de ma sœur Ô gué, ô gué Ô gué, ô gué On apprend la vie secrète J'ai vu le zizi d'un curé Des angoissés d' la bébête Avec son p'tit chapeau violet Ou de ceux qui trouvent dégourdi Qui juste en pleine ascension De montrer leur bigoudi Fait la génuflexion Une institutrice très sympathique Un lever de zizi au crépuscule Nous en explique toute la mécanique Etcelui du pape qui fait des bulles Elle dit nous allons planter le décor Ô gué, ô gué Le zizi musclé chez le routier De l'appareil masculin d'abord Ô gué, ô gué Ô gué, ô gué Se reconnaît à son gros col roulé Elle s'approche du tableau noir Ô gué, ô gué On va p têt' enfin savoir J'ai vu le zizi affolant ' Quel est ce monstre sacré qui a donc tant de D'un trapéziste ambulant pouvoir Qui apprenait la barre fixe à ses petits-enfants Et sans hésiter elle nous dessine L'alpiniste et son beau pic à glace Le p'tit chose et les deux orphelines Magnifique au-dessus des Grandes Jorasses ' J ai vu le grand zizi d'un p'tit bedeau Tout tout tout Ô gué, ô gué Vous saurez tout sur le zizi Quisonne l'angélus les mains dans le dos Le vrai, le faux Ô gué, ô gué Le laid, le beau Celui d'un marin breton Le dur, le mou Qui avait perdu ses pompons Qui a un grand cou Et celui d'un juif cossu Le gros touffu Qui mesurait le tissu Le p'tit joufflu Celui d'un infirmier d'ambulance Le grand ridé Qui clignotait dans les cas d'urgence Le mont pelé Tout tout tout tout J'ai vu le p'tit zizi des aristos Je vous dirai tout sur le zizi Ô gué, ô gué Qui est toujours au bord de l'embargo Des zizis y'en a d'toutes les couleurs Ô gué, ô gué Ô gué, ô gué J'ai roulé de la pâtisserie Des boulangers jusqu'aux ramoneurs Avec celui de mon mari Ô gué, ô gué Avec celui d'un Chinois J'en ai vu des impulsifs J'ai même cassé des noix Qui grimpaient dans les calcifs Avec un zizi aux mœurs incertaines J'en ai vu de moins voraces J'ai même fait des ris de veau à l'ancienne Tomber dans les godasses Çui d'un mécanicien en détresse Qui a jamais pu réunir ses pièces
DENTELLELes dessous chics Jane Birkin 1983 Le dessous adhère aux régions du corps fémi nin qui sont les plus secrètes, les plus fiévreuses et pour l’homme les plus dramat iques. L’imagination le gouverne et les femmes n’oublient pas que cette dentelle est une arme incomparable. Les dessous chics c'est ne rien dévoiler du tout se dire que lorsqu'on est à bout c'est tabou les dessous chics c'est une jarretelle qui claque dans la tête comme une paire de claques les dessous chics ce sont des contrats résiliés qui comme des bas résillés ont filé les dessous chics c'est la pudeur des sentiments maquillés outrageusement rouge sang les dessous chics c'est se garder au fond de soi fragile comme un bas de soie les dessous chics c'est des dentelles et des rubans d'amertume sur un paravent désolant les dessous chics ce serait comme un talon aiguille qui transpercerait le cœur des filles...