La datation dans les chroniques universelles françaises, du XIIe au XIVe siècle - article ; n°4 ; vol.126, pg 778-819
43 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La datation dans les chroniques universelles françaises, du XIIe au XIVe siècle - article ; n°4 ; vol.126, pg 778-819

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
43 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1982 - Volume 126 - Numéro 4 - Pages 778-819
42 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Madame Monique Paulmier-
Foucart
Madame Mireille Schmidt-
Chazan
La datation dans les chroniques universelles françaises, du XIIe
au XIVe siècle
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 126e année, N. 4, 1982. pp. 778-
819.
Citer ce document / Cite this document :
Paulmier-Foucart Monique, Schmidt-Chazan Mireille. La datation dans les chroniques universelles françaises, du XIIe au XIVe
siècle. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 126e année, N. 4, 1982. pp. 778-819.
doi : 10.3406/crai.1982.14002
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1982_num_126_4_14002COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 778
COMMUNICATION
LA DATATION DANS LES CHRONIQUES UNIVERSELLES
FRANÇAISES DU XIIe AU XIVe SIÈCLE,
PAR Mmes MONIQUE PAULMIER-FOUCART
ET MIREILLE SCHMIDT-CHAZAN*
— What year is it ?
— 2001.
— What does that mea men to ?
— Nothing. »
Ray Bradbury, The Martian Chronicles
Dire la date, fixer l'année d'un événement. On sait que c'est là
un des premiers soucis de l'historien et, au Moyen Âge, un des
aspects les plus difficiles de son travail1. « Les événements », dit
Hugues de Fleury au début du xne siècle, « qui ne peuvent être
datés avec certitude du règne d'un roi ou du temps (d'un empereur),
ne sont pas reçus comme histoire, mais sont tenus pour contes de
vieilles femmes »2. Venus de l'antiquité classique ou tardive, bien
des modes de calcul des années ont servi au Moyen Âge et ont
côtoyé, dans les actes diplomatiques et les textes historiques, de
* Cette recherche a eu pour point de départ un exposé fait au Séminaire
d'Historiographie médiévale de M. le Professeur B. Guenée à l'École pratique
des Hautes Études en 1981.
1. Sur « l'obsession de la date » chez les historiens médiévaux, voir B. Guenée,
Histoire et culture historique dans l'Occident médiéval, Paris, 1980, chap. iv. Le
travail de l'historien, IL La maîtrise du temps, p. 147-165.
2. « Illae quippe res gestae quae nulla regum ac temporum certitudine commen-
dantur, non per historiam recipiuntur, sed inter aniles fabulas deputantur », Histo-
ria ecclesiastica, editio Ha, prologus tercii libri, éd. G. Waitz, MGH, SS, IX, p. 354.
h' Histoire ecclésiastique d'Hugues de Fleury (t après 1114) est, par plusieurs
traits, une chronique universelle. Nous ne la retenons pas ici car Hugues, qui
commence son récit à Ninus, c'est-à-dire à l'ancêtre des rois francs, le mène
seulement jusqu'au règne de Louis le Pieux. Il le continuera, avec son Liber qui
modernorum regum Francorum continet actus dans une perspective qui n'est donc
plus celle de l'histoire universelle, mais celle d'une histoire nationale. L'Histoire
ecclésiastique, dans sa première, mais surtout dans sa deuxième édition en six
livres, qui inclut des extraits de VHistoria tripartita d'Anastase, importante
pour la connaissance de l'empire d'Orient, a été une source souvent utilisée
par les auteurs de chroniques universelles. Vincent de Beauvais reprend, au
chapitre v de son prologue ou Libellus apologeticus la citation que nous donnons
ici. Le contexte nous permet de traduire tempus par le temps d'un empereur ;
on lit, quelques lignes plus haut : « ... omnium imperatorum nomina... seriatim
denotabo usque ad Karolum magnum et eius filium imperatorem Ludovicum, et
tempora quibus floruerunt lucide designabo... ». DANS LES CHRONIQUES UNIVERSELLES 779 DATATION
nouvelles façons de dater. Chaque historien établit en fait un réseau
de concordances chronologiques qui lui permet de situer au mieux
dans le temps les événements qu'il raconte. Il le fait bien évidem
ment en fonction des sources dont il dispose mais, prenant ici et là
dans ces sources certains éléments de datation, en négligeant
d'autres, s'efforçant parfois d'introduire un nouveau mode de calcul
qui lui paraît plus juste, il fait œuvre originale dans la construction
de son système de datation.
Année depuis la création du monde, année depuis la fondation de
Rome, année consulaire romaine, année olympique, année de l'in-
diction, d'un pontificat, année du règne d'un empereur ou
d'un roi, année depuis l'Incarnation ou la Passion du Christ... sont
exprimées de façon plus ou moins dense, plus ou moins précise,
selon la culture, le goût, le savoir-faire, la volonté de chaque histo
rien. Plus encore quand celui-ci élargit son champ de vision
rique au-delà de son pays et vise à l'universel : écrire l'histoire du
monde oblige à se référer à un temps qui n'est pas celui de la geste
d'un évêque ou celui de la chronique d'un monastère, puisqu'il
commence avec la création du monde et doit se terminer au jour du
Jugement.
Ce temps de l'histoire universelle se déroule de manière linéaire,
mais non uniforme. A la suite de saint Augustin, l'historien y dis
tingue des événements-repères qui déterminent six âges terrestres3 ;
s'appuyant sur les prophéties de Daniel (Dan., II, 31-45 et VII),
il voit apparaître successivement quatre empires. Quand il aborde
le récit du sixième âge, qui débute à la naissance du Christ et coïn
cide ainsi, à quelques années près, avec la naissance du quatrième
empire, c'est-à-dire l'empire romain, il est confronté à un choix :
faire référence ou non à ces événements majeurs dans le déroule
ment du temps. Aussi la façon de dater à partir de l'Empire romain
et à partir de l'Incarnation, mérite-t-elle une attention particulière.
Ce sera l'objet de notre étude.
Sicard de Crémone (f 1215) définit ainsi la chronique universelle
qu'il entreprend d'écrire : (Cronica), « id est temporalem narracionem
ab exordio mundi de temporibus et personis et gestis earum, non
omnibus sed que nobis et nunc ad exempli et cautele memoriam scriptu-
rarumque noticiam expedire »4. Sans tenir compte ici des buts assi-
3. B. Guenée, op. cit., n. 1, p. 149-152 et K. H. Kruger, Die Universalchro-
niken (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, fasc. 16), Turnhout,
1976, p. 26-27, Die Weltalter faetates), et le tableau V, Ubersicht ûber die
Verwendung von Einteilungsschema, p. 41, repris de A. D. von den Brincken,
Studien zur lateinischen Weltchronistik bis in das Zeitalter Ottos von Freising,
Dûsseldorf, 1957, p. 254. Les textes de saint Augustin sont De genesi contra
Manichaeos, I, 35-41 et De civitate Dei, XXII, 30, 5.
4. Cronica, Prologue, éd. O. Holder-Egger, MGH, SS, XXXI, p. 79.
1982 50 COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 780
gnés par Sicard à l'histoire, nous dirons que la chronique universelle
est celle qui, par la volonté de son auteur, s'étend dans l'espace
au monde connu et qui dans le temps, a pour point de départ un fait
concernant l'humanité tout entière, le plus souvent la création du
monde ou l'Incarnation du Christ.
L'effort du premier des chroniqueurs universels chrétiens, Eusèbe
de Césarée, avait été essentiellement celui d'un chronographe5 :
il avait mis en concordance les faits historiques du monde païen
et ceux de l'histoire sainte ; son travail d'harmonisation avait
abouti à un système complexe de datation, indiquant les durées
de règne des souverains dans les différents royaumes connus. Au
fur et à mesure que ces royaumes se fondent dans l'obédience
romaine, il ne reste à la fin de la chronique, que les années depuis la
création du monde, l'année impériale romaine et l'année olympique.
La Chronique d'Eusèbe, que Jérôme met à la disposition du monde
latin en la traduisant, sert de point de départ incontesté et de modèle
à toutes les chroniques universelles du Moyen Âge. Jérôme lui-
même la continue jusqu'en 379. Après lui, Prosper d'Aquitaine
(ad a. 455), Hydace (ad a. 468), le comte Marcellin (ad a. 518 et
534), Cassiodore (ad a. 519), Victor de Tonnona (ad a. 567), Jean
de Biclair (ad a. 590), Marius d'Avenches (ad a. 581), Isidore de
Séville (ad a. 627), Bède le Vénérable (ad a. 725)... reprennent et
poursuivent le récit dans un cadre équivalent6.
C'est l'Africain Victor de Tonnona qui donne pour la première

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents