Le Musicien de Saint-Merry - article ; n°1 ; vol.23, pg 197-209
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1971 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 197-209
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 47
Langue Français

Extrait

Monsieur S. I. Lockerbie
Le Musicien de Saint-Merry
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1971, N°23. pp. 197-209.
Citer ce document / Cite this document :
Lockerbie S. I. Le Musicien de Saint-Merry. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1971, N°23. pp.
197-209.
doi : 10.3406/caief.1971.982
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1971_num_23_1_982LE MUSICIEN DE SAINT-MERRY
Communication de M. S. I. LOCKERBIE
{Stirling)
au XXIIe Congrès de У Association, le 23 juillet 1970.
Je voudrais aborder Le Musicien de Saint-Merry par la voie
d'une étude de thèmes, examinant d'abord la place qu'occu
pent certains thèmes dans l'œuvre d'Apollinaire en général,
pour voir ensuite le rôle qu'ils jouent dans le cas particulier
que constitue ce poème. Précisons que par le mot thèmes il
faudra comprendre tout simplement des schemes caractéris
tiques de l'imagination de l'écrivain. Il ne s'agira pas de sonder
la rêverie d'Apollinaire sur les éléments, ni de découvrir des
secrets de l'homme Apollinaire, mais plutôt d'étudier l'em
ploi qu'il a fait de certaines figures pour organiser l'expé
rience imaginaire dont il compose ses œuvres.
Un des intérêts d'une telle méthode — qui n'a rien de nou
veau dans la critique littéraire et qui n'a guère besoin d'être
justifiée ici — est qu'elle peut contribuer à éclairer des pro
blèmes de lecture du poème individuel grâce à l'expérience
acquise de l'œuvre en général. Or le Musicien est un poème
énigmatique à plus d'un titre. La fascination qu'il éveille est
due d'abord à la nature quasi légendaire du récit qu'il met
en scène, et dont le sens et la portée exacte dans un poème
situé en plein vingtième siècle sont difficiles à déterminer. Non
moins surprenante est l'irruption, au milieu de ce récit, d'un 198 S. I. LOCKERBIE
passage de notations décousues, abruptes et quelquefois
prosaïques. Bouleversant l'organisation apparente du poème,
ces notations semblent empreintes d'une tonalité diffé
rente de celle du récit principal. Même sans rien connaître
du programme poétique d'Apollinaire en 191 3-14, on devine
qu'elles témoignent d'un goût vif chez le poète pour la
réalité multiple de la vie moderne, qui fait contraste avec
l'atmosphère irréelle de la légende. Enfin dans les tout
derniers vers du poème le ton s'infléchit de nouveau, se
laissant envahir par une note de mélancolie langoureuse et
gracieuse.
Devant tant d'éléments disparates on pourrait être tenté
de conclure à un manque d'unité dans le poème, tant sur le
plan de la structure que sur celui du ton. Peut-être une étude
de ses thèmes principaux permettra-t-elle d'infirmer cette con
clusion trop rapide et d'y retrouver une cohésion qui était ce
rtainement voulue par l'auteur.
# #
Trois thèmes principaux me semblent avoir guidé l'inspi
ration du poète dans le Musicien : le thème du vagabondage,
le theme du cortege, et le theme de V attroupement, ce dernier
étant en quelque sorte une variante du second. La présence
du premier, qui joue un rôle mineur mais essentiel, est s
ignalée par le beau vers de la deuxième strophe :
Je chante la joie d'errer et le plaisir d'en mourir
Quant aux deuxième et troisième, ils s'esquissent dès la
première strophe où le poète salue des êtres qui passent de
vant lui et s'accumulent au loin. Ils s'affirment tout à fait
avec l'évocation d'autres passages de foules dans l'histoire :
le mot même de cortège devenant comme un leitmotiv du
poème.
Ces thèmes ont tous trois en commun d'être des expressions
de mouvement. Il suffit de lire avec une certaine attention
l'œuvre d'Apollinaire pour voir que son imagination s'ex- LE MUSICIEN DE SAINT-MERRY 199
prime naturellement à travers le mouvement. On pourrait
citer mille détails spontanés qui montreraient à quel point la
mobilité de son esprit cherche à s'extérioriser dans des images
de fuite, de glissement, de randonnée, de va-et-vient, d'er
rance.
Ce serait une erreur de croire pourtant que ces images ont
toujours chez lui la même valeur. Représentant en quelque
sorte la manière fondamentale dont il se projette dans le
monde, elles peuvent prendre des couleurs affectives très
différentes suivant le contexte. Elles peuvent exprimer notam
ment — et avec la même force — aussi bien le versant « automn
al » de sa sensibilité que le versant « ensoleillé ». Ainsi le
thème du vagabondage traduit souvent des sentiments de
solitude et de tristesse, et cela dans quelques-uns de ses
poèmes les plus célèbres :
Juin ton soleil ardente lyre
Brûle mes doigts endoloris
Triste et mélodieux délire
J'erre à travers mon beau Paris
Sans avoir le cœur d'y mourir
(La Chanson du Mal- Aimé).
Mais ailleurs le même thème peut exprimer la confiance
d'Apollinaire dans la vie et sa soif de posséder le monde. Le
vagabondage s'allie alors à une sorte de monologue exalté
où le poète chante fièrement, avec des images de marche et
de départ, ses aspirations lyriques :
Les verres tombèrent se brisèrent
Et nous apprîmes à rire
Nous partîmes alors pèlerins de la perdition
A travers les rues à travers les contrées à travers la raison
(Poème lu au mariage d'André Salmon).
Dans les deux autres thèmes, le mouvement, étant projeté
dans les autres, est vécu sous une forme plus indirecte. Mais
la force des images n'en est pas diminuée. A la note plaintive
qui se dégage de l'errance d'une figure solitaire correspondent
les associations de tristesse que semble comporter pour le
poète l'évocation de foules en mouvement. Dans ces cas 2OO S. I. LOCKERBIE
l'image de la foule se confond sans doute avec la sensation
de la fuite du temps, sensation fondamentale chez Apolli
naire. On notera combien de fois des processions — celles
des poèmes rhénans, les ombres du Voyageur, les brebis et
les soldats de Marte — sont associées à l'image essentielle
qui représente chez lui l'écoulement du temps : celle du fleuve.
Là encore, cependant, on trouve l'opération inverse, grâce
à laquelle des mouvements de foule acquièrent une tonalité
plus vigoureuse. Par un autre penchant de sa sensibilité
Apollinaire adorait tout ce qui était rassemblement, défilé,
fête, et dans bien des contextes le fait de s'imaginer plongé
dans un remous d'êtres et de personnages produit chez lui
un sentiment non d'angoisse mais de plénitude.
C'est le thème de l'attroupement qui en témoigne de la
façon la plus évidente. Dans ce cas, s'il y a un mouvement de
foule, il s'agit d'un mouvement convergent centré sur la per
sonne du poète ou son représentant. C'est un thème qui a
presque toujours chez Apollinaire une couleur fabuleuse,
et qui tend à élever l'objet de son chant à un niveau hors
de l'ordinaire. Le premier grand exemple en est sans doute
L'Enchanteur Pourrissant, où la grandeur héroïque de Merlin
est puissamment mise en relief par la troupe bigarrée de
personnages légendaires et de créatures irréelles qui vient
s'assembler autour de sa tombe. On trouvera la même ten
dance dans des épisodes aussi différents que la mort de Cronia-
mental dans le Poète Assassiné, la célébration de l'avion repré
sentant le vingtième siècle dans Zone, et l'hommage rendu à
Paris — et indirectement au poète lui-même — par toutes les
villes d'Europe dans Vendémiaire.
Dans le thème du cortège nous avons affaire à un phéno
mène analogue. Les deux poèmes d'Alcools qui relèvent le
plus directement de ce thème sont caractérisés par le rôle im
portant qu'y joue le merveilleux, non moins que par l'impor
tance exceptionnelle accordée à la personne du poète. C'est
ainsi que dans Cortège l'humanité tout entière est présentée
sous la forme d'une procession fantasque aboutissant dans la

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