Le vers libre dans l Agésilas de Corneille et l Amphitryon de Molière - article ; n°1 ; vol.52, pg 279-293
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Le vers libre dans l'Agésilas de Corneille et l'Amphitryon de Molière - article ; n°1 ; vol.52, pg 279-293

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 2000 - Volume 52 - Numéro 1 - Pages 279-293
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 29
Langue Français

Extrait

Madame Simone Dosmond
Le vers libre dans l'Agésilas de Corneille et l'Amphitryon de
Molière
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2000, N°52. pp. 279-293.
Citer ce document / Cite this document :
Dosmond Simone. Le vers libre dans l'Agésilas de Corneille et l'Amphitryon de Molière. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 2000, N°52. pp. 279-293.
doi : 10.3406/caief.2000.1394
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_2000_num_52_1_1394VERS LIBRE DANS L'AGESILAS DE LE
CORNEILLE ET L'AMPHITRYON DE
MOLIÈRE
Communication de Mme Simone DOSMOND
(Université Michel de Montaigne - Bordeaux III)
au LIe Congrès de l'Association, le 8 juillet 1999
En 1666, Corneille tout juste sexagénaire — c'est-à-dire
largement barbon pour l'époque — fait jouer une pièce
qui, de son propre aveu, « s'écarte du chemin battu » (1).
Il s'agit, en effet, d'une tragédie où non seulement nul ne
meurt et dont le dénouement — trois mariages et une
réconciliation — est quadruplement heureux, mais encore
d'une tragédie gaie, enjouée, mutine parfois, où Georges
Couton va jusqu'à voir « une manière de Belle Hélène » (2).
Et le dépaysement dut être d'autant plus grand pour un
public dont l'oreille était accoutumée aux cadences régul
ières du vers alexandrin que cette tragédie totalement
atypique était composée en vers libres ! Or, cette volonté
de renouvellement ne semble pas avoir été perçue à sa
juste valeur par les contemporains et seul le gazetier
Mayolas signale, avec beaucoup de discrétion, « cette poés
ie irrégulière/ Et d'une nouvelle manière » (3). Et l'on sait
(1) Au lecteur d'Agésilas.
(2) Georges Couton, Corneille et la tragédie politique, Paris, P.U.F., collection
« Que sais-je ? », 1984, p. 84.
(3) Jean La Gravette de Mayolas, Lettres en vers à Mme la duchesse de
Nemours, 28 février 1666. 280 SIMONE DOSMOND
que Boileau, dont l'hyper-classicisme ne pouvait qu'être
perturbé, allait exécuter la pièce d'une épigramme fron
deuse qui, de nos jours encore, est certainement plus
connue que le texte de Corneille !
Deux ans plus tard, donc en 1668, Molière porte à la
scène une nouvelle version de l'Amphitryon de Plaute,
déjà traité, entre autres, par Rotrou dans ses Sosies,
quelque trente ans auparavant. Or, lui aussi choisit de
substituer aux traditionnels alexandrins à rimes plates des
vers mêlés dont les mètres et les rimes sont irrégulièr
ement disposés. Et cette fois — peut-être parce qu'il s'agit
d'une comédie ? — le succès est au rendez-vous, ainsi que
l'attestent, en particulier, le montant des recettes et le
nombre des représentations. Mais au fait, cette utilisation
du vers libre, applaudie chez Molière, moins prisée chez
Corneille, était-elle absolument révolutionnaire ou, à tout
le moins, inédite au théâtre ? C'est à répondre à cette
question que je voudrais consacrer la première partie de
ma communication, et ce afin de tenter de mesurer plus
précisément l'audace et l'originalité des deux grands dra
maturges. Cependant, cette originalité ne saurait être
appréciée seulement par rapport à leurs devanciers et l'on
ne peut pas négliger la part d'innovation qui caractérise
Amphitryon relativement à Agésilas. Ansi serons-nous
peut-être amenée à différencier l'écriture de Molière de
celle de Corneille, précisément en ce qui concerne l'usage
que l'un et l'autre font du vers libre et les effets qu'ils en
tirent.
LE VERS LIBRE AU THÉÂTRE AVANT AGÉSILAS
II va de soi que, s'agissant d'écrivains du XVIIe siècle,
l'expression de vers libres, encore que couramment usitée,
ne saurait s'entendre dans le sens qu'elle revêtira chez les
symbolistes et ultérieurement. Selon le Grand Robert, elle
désigne une « suite de vers réguliers mais de longueur
inégale et dont les rimes sont combinées de façon variée ». VERS LIBRE CHEZ CORNEILLË~ET MOLIÈRE 281 LE
Certains, au demeurant, préfèrent parler de « vers
mêlés », telle Michèle Aquien, qui précise :
II n'y a dans leur organisation aucun principe de récurrence
décelable, aucune régularité, et l'utilisation de chaque type
de vers semble plutôt servir la variété du rythme de la narra
tion que l'inscrire dans un cadre pré-établi (4).
En tout état de cause, le vers libre classique se définit
essentiellement par rapport aux alexandrins à rimes
plates qui constituent la norme de la tragédie et de la
grande comédie, mais dont l'hégémonie n'est pas telle
que d'autres mètres ne se soient jamais fait entendre sur la
scène de l'Hôtel de Bourgogne ou du Marais. En effet, le
théâtre classique n'ignore pas les vers hétérométriques, à
commencer par ceux des stances, dont Marie-France Hil-
gar a souligné qu'on en trouve « plusieurs centaines
d'exemples [...] entre 1610 et 1687 » (5).
Les plus célèbres sont évidemment celles du Cid et de
Polyeucte et correspondent à un moment de forte émotion,
alors que l'âme bouleversée s'épanche en une méditation
lyrique ou se trouve confrontée à la nécessité du choix :
Faut-il laisser un affront impuni ? punir le père de Chimène ? (6)
L'utilisation des stances au théâtre a été, parmi les doctes,
l'objet de maintes controverses. En 1640, La Mesnardière
y perçoit une plaisante variété :
Les approbateurs des stances disent que ce changement est
agréable à l'oreille. Qu'après avoir entendu une infinité de
vers composés d'une même sorte, l'auditeur prend plaisir à
l'aimable diversité qui règne dans cette espèce (7).
(4) Michèle Aquien, La Versification appliquée aux textes, Paris, Nathan, 1993,
p. 28.
(5) Marie-France Hilgar, La Mode des stances dans le théâtre tragique français
1610-1687, Paris, Nizet, 1974, p. 7.
(6) Le Cid, acte I, scène 6.
(7) La Mesnardière, La Poétique, Paris, Sommaville, 1640, p. 399-400. 282 SIMONE DOSMOND
L'abbé d'Aubignac, en revanche, critique cet usage au
nom de la vraisemblance :
II est bien peu raisonnable qu'un Prince ou une grande
Dame au milieu d'un discours ordinaire s'avise de chanter,
ou du moins de réciter une chanson ; ce qui est d'autant plus
insupportable que souvent nos poètes ont mis des stances
dans la bouche d'un acteur parmi la plus grande agitation
de son esprit, comme s'il était vraisemblable qu'un homme
en cet état eût la liberté de faire des chansons (8).
Mais ces querelles d'érudits n'intéressaient que peu le
public qui, au moins jusqu'au milieu du siècle, prisa fort
l'usage de ces couplets.
Il existe toutefois, en dehors des stances, d'autres
formes d'écriture théâtrale qui rompent avec le modèle de
l'alexandrin. Jacques Scherer les a répertoriées. « Ce sont,
écrit-il, les lettres, les oracles et les prophéties » (9). Il exist
e, en effet, une règle tacite qui veut qu'une lettre, un
billet, un quelconque message lu à haute voix par l'un des
protagonistes soit écrit différemment du dialogue dramat
ique. La prose est généralement utilisée dans les comé
dies en vers (que l'on songe seulement, à la fin des
Femmes Savantes, aux deux fausses lettres qu'Ariste fait
porter à son frère et à sa belle-sœur pour déjouer les
manœuvres de Trissotin et désabuser Philaminte de son
héros d'esprit (10)). Dans les tragédies, l'effet de rupture
(8) Abbé d'Aubignac, La Pratique du théâtre, Paris, Sommaville, 1657, p.
263 ; réédition Pierre Martino, Paris, Champion, 1927.
(9) Jacques Scherer, La Dramaturgie classique en France, Paris, Nizet, 1950,
p. 360.
(10) « Madame, j'ai prié Monsieur votre frère de vous rendre cette lettre,
qui vous dira ce que je n'ai osé vous aller dire. La grande négligence que
vous avez pour vos affaires a été cause que le clerc de votre rapporteur ne
m'a point averti, e

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