Les Jeux populaires de l’enfance à Rennes
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Les Jeux populaires de l’enfance à RennesLouis Esquieu1890LESJEUX POPULAIRESDE L’ENFANCE[1]À RENNESI. — LES TEMPS.« Les traditions se perdent », a-t-on l’habitude de répéter. Plus que tout autre, celuiqui recherche les traditions populaires a l’occasion de le constater et de ledéplorer. Il y a quelques années seulement, vous eussiez demandé à un enfantjouant à la toupie pourquoi il prenait ce jeu chaque jour et non celui de la thèque oudes canettes, qu’il vous eût imperturbablement répondu : « Parce que ce n’est pasle temps des canettes ou de la thèque. » La réponse eût été la même si, l’annéeétant plus avancée, vous lui aviez adressé votre demande pendant qu’il jouait auxpalets ou à la thèque.En effet, ces jeux, que l’on croirait livrés au caprice de la gent turbulente qui animenos carrefours de sa bruyante agitation, sont ou plutôt étaient réglementés par laforce de l’habitude, qui voulait qu’à telle époque on jouât à ceci et pas à autrechose.Dès les premiers jours du printemps, les enfants se glissaient dehors, munis de latoupie suspendue au bout de sa corde, et faisant des moulinets redoutables pourles devantures des magasins, se rendaient dans quelque rue non pavée, où ilsétaient sûrs de rencontrer des camarades. Il a toujours existé entre les enfants unesorte de franc-maçonnerie, et sans rien se dire ils savent où se retrouver.Alors là s’engageaient de ces formidables parties également dangereuses pour lesjambes des promeneurs et les ...

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Les Jeux populaires de l’enfance à RennesLouis Esquieu0981SELJEUX POPULAIRESDE L’ENFANCEÀ RENNES[1]I. — LES TEMPS.« Les traditions se perdent », a-t-on l’habitude de répéter. Plus que tout autre, celuiqui recherche les traditions populaires a l’occasion de le constater et de ledéplorer. Il y a quelques années seulement, vous eussiez demandé à un enfantjouant à la toupie pourquoi il prenait ce jeu chaque jour et non celui de la thèque oudes canettes, qu’il vous eût imperturbablement répondu : « Parce que ce n’est pasle temps des canettes ou de la thèque. » La réponse eût été la même si, l’annéeétant plus avancée, vous lui aviez adressé votre demande pendant qu’il jouait auxpalets ou à la thèque.En effet, ces jeux, que l’on croirait livrés au caprice de la gent turbulente qui animenos carrefours de sa bruyante agitation, sont ou plutôt étaient réglementés par laforce de l’habitude, qui voulait qu’à telle époque on jouât à ceci et pas à autrechose.Dès les premiers jours du printemps, les enfants se glissaient dehors, munis de latoupie suspendue au bout de sa corde, et faisant des moulinets redoutables pourles devantures des magasins, se rendaient dans quelque rue non pavée, où ilsétaient sûrs de rencontrer des camarades. Il a toujours existé entre les enfants unesorte de franc-maçonnerie, et sans rien se dire ils savent où se retrouver.Alors là s’engageaient de ces formidables parties également dangereuses pour lesjambes des promeneurs et les vitres des habitants.Mais la toupie est un jeu qui nécessite beaucoup de mouvement ; aussil’abandonnait-on pendant l’été pour jouer aux canettes, récréation plus paisible etpour laquelle il n’est pas nécessaire de rechercher un emplacement spécial. L’automne ramenait avec sa température plus calme les palets, qui demandent unpeu plus de mouvement que les canettes, et enfin, pendant les beaux jours del’hiver, on jouait à la thèque, jeu excellent pour se réchauffer, car il faut constammentcourir et sauter.Voilà quels étaient les grands jeux que les enfants d’autrefois se transmettaientdans un ordre parfaitement rationnel.Comme il eut été fort monotone de se livrer pendant toute une saison au mêmeamusement, on avait des jeux secondaires dont la succession n’était soumise àaucune règle, ou du moins je n’en ai pas saisi au cours de mes observations.Mais aujourd’hui toutes les traditions subissent des transformations qui les font peuà peu disparaître, et les jeux populaires ont suivi la loi commune. Les temps ne sont
plus bien tranchés, et bravant les saisons, nos gamins jouent fort bien à la thèque età la toupie pendant l’été, ainsi qu’aux palets et aux canettes pendant l’hiver.Quoi qu’il en soit, ces jeux existent encore en ce moment, et avant qu’ils n’aient étécomplètement abandonnés pour des jeux plus modernes, je me propose de lesétudier dans leur technique.II. — LES QUATRE GRANDS JEUX.LA TOUPIE. — LES CANETTES. — LES PALETS. — LA THÈQUE.La Toupie ne paraît pas avoir été connue dans l’antiquité ; Li Romans de Bauduinde Sebourg y font allusion au xive siècle, ainsi que les Poésies de Froissart au xve.— On trouve dans Du Cange (xive siècle) le mot toupin, mais il désignespécialement la toupie sans fer appelée sabot, que l’on fait tourner avec un fouet ;les enfants rennais ne connaissent pas ce jeu.Il existe deux espèces de toupies : les pommés et les poirés, qui tirent leurs noms,cela va sans dire, du plus ou moins d’analogie qu’ils ont avec la forme de la pommeou de la poire. Les poirés semblent avoir la préférence ; si leur hauteur a étéexagérée par un tourneur maladroit, on les appelle grands déchommés.L’argot spécial des jeux a donné aux toupies les surnoms de p’tit vire, vispi,viraboin ; l’action de tourner est exprimée dans ces trois mots pittoresques.La toupie se compose de trois parties : le moine se place au sommet, au centre dela partie plate qui y existe, c’est un simple clou sans tête, dépassant d’uncentimètre ; la nonne (que les enfants appellent le nonne) se visse à la base, c’estun morceau de fer tourné en forme de bouton rond qui sert de pivot à la toupie ;enfin le ventre, morceau de bois tourné. Le plus souvent il est en buis, on en faitaussi en châtaignier, en charme et en hêtre. Mais les meilleures toupies sont enbuis ou en charme, tout autre bois s’en allant par parcelles par suite des chocs.Le moine sert à passer la boucle de la corde qui vient s’enrouler à partir de lanonne jusqu’au tiers inférieur de la toupie. Pour la lancer, on la tient de la maindroite, cordée de gauche à droite, la nonne en l’air ; on la projette violemment àterre, en retenant la corde par un nœud passé entre les doigts. Elle tend à arriversur le sol le moine en bas, mais la boucle de la corde fixée à celui-ci fait subir unbrusque mouvement de redressement qui ajoute encore au mouvement giratoire.Si par inexpérience ou maladresse la toupie ne tourne pas, on dit qu’elle fait proutou brout.Le jeu de toupie le plus important est celui du feu. Les joueurs se réunissent dansune rue sans pavés, autant que possible bordée de chaque côté par des murs sansfenêtres. « Sans fenêtres », on comprend aisément pourquoi ; les murs sont très-utiles pour arrêter l’élan des toupies et permettre de les éteindre plus facilement enles envoyant dinguer contre eux.Deux camps se forment ; on tire au sort à qui allumera, c’est-à-dire à qui lancera lepremier sa toupie, et voici de quelle manière : on crache à terre, et un délégué dechaque camp essaie d’écorner le crachat en projetant dessus sa toupie cordée ;celui qui n’a pas obtenu ce résultat ou qui a, frappé le plus loin de la salive est tenud’allumer. Aussitôt ceux du camp opposé se précipitent, et à coups de leurstoupies s’efforcent d’éteindre le feu allumé. Les coups perpendiculaires sontinterdits ; on ne doit frapper que de côté ; quand la toupie qui a subi un choc vafrapper le pied du mur, elle dingue ; si elle saute à la hauteur de la tête des joueurs,elle monte à dada. Lorsque le feu du premier allumeur a été éteint, ceux de sonparti doivent en fournir d’autre immédiatement à leurs adversaires, quirecommencent à frapper. Mais si le feu qu’on leur a fourni ne s’éteint pas aussitôtaprès avoir été frappé, ils ont perdu et doivent allumer à leur tour.Quand un joueur lance sa toupie et qu’elle fait prout, ses adversaires peuvent ladéclarer prise morte et la frapper. Au lieu de former deux camps, les enfants, quel que soit leur nombre, peuvent jouerchacun pour son compte, on dit alors que chacun est pour son pain. Le plus âgéallume le premier et ainsi de suite. Tous les autres se liguent contre le feu allumé.
Si par hasard un joueur se sert d’une ficelle usée pour corder sa toupie, lorsqu’il lalance la corde vouille, c’est-à-dire se déroule mal, et alors, gare les têtes, les vitreset les becs de gaz !Il règne dans ce jeu une animation presque frénétique et il est véritablementétonnant qu’il n’arrive pas plus d’accidents. Ce sont les passants qui ont le plus àse plaindre et maintes fois la police a dû faire évacuer des rues où la circulationétait rendue excessivement périlleuse par des bandes de joueurs.Un peu moins dangereux est le jeu dit : à la promenade. La toupie est préparée ettenue comme ci-dessus, mais au lieu de la projeter perpendiculairement, on lalance devant soi le plus loin possible par un détour de tout le corps et du bras ; ilfaut qu’elle ricoche sur le sol tout en continuant à tourner sur sa nonne.Bien vieux et bien peu usité actuellement est le jeu du chaudron ou de la toupie aurond : On trace à terre deux cercles concentriques dont l’un est sensiblement pluspetit que l’autre. On y place une toupie que le premier joueur doit chasser en dehorsen la frappant de côté avec la sienne, mais il doit prendre garde qu’aucune desdeux ne sorte du grand rond ou que celle dont il se sert ne reste dans le petit. S’il neréussit pas, non seulement il est forcé de remettre la première toupie, mais encoreil doit y joindre la sienne.On joue encore au chaudron en mettant dans le petit rond un certain nombre detoupies appuyées nonnes à nonnes ; les joueurs s’efforcent d’en faire sortir une ouplusieurs dans les mêmes conditions que ci-dessus.Lorsque les joueurs de toupies sont peu nombreux et très-jeunes, il arrive assezfréquemment que quelque voyou passe et mette sans façon dans sa poche un jouetqui lui plaît. Ces peu délicats personnages sont appelés par les enfants deschéréleurs. Le volé se lamente et ses camarades accompagnent le voleur de leurspiailleries et de leurs quolibets, mais c’est en vain, une toupie chérélée n’est jamaisrendue.Avant d’en finir avec ces jouets, quelques détails : Pendant les longs repos quesubissent forcément les toupies, la sécheresse les fait fendre, mais elles ne sontpas hors d’usage pour cela ; on les fait tremper dans l’eau, et les fentes seresserrent ; seulement, comme elles ont perdu beaucoup de leur solidité, ons’empresse de s’en débarrasser en les vendant à quelques camarades qui nes’apercevront de rien...Les nonnes des toupies peuvent s’échapper et se perdre, les joueurs trouvent très-facilement à les remplacer en s’emparant des boutons de cuivre ou de fer quiservent à retenir les capotes et les tabliers des voitures et des chars-à-bancs. Si leprocédé n’est pas d’une grande délicatesse, il est très-économique, et de plus cesnonnes sont excellentes.Si au milieu d’une troupe de joueurs il vient à passer quelque charrette lourdementchargée, chacun se précipite et va placer sa toupie sous les roues ; si elle résiste àl’écrasement, son possesseur la déclare assurée et s’en montre très-fier.Les Canettes. — Avec les provinces, les noms des jouets changent ; ceux-cis’appellent presque partout des billes ; en Bretagne, on les nomme généralementcanettes et en Normandie caniques[2].Les anciens ne semblent pas avoir fabriqué des canettes, cependant les enfantsjouaient avec des noix à des jeux, qui rappellent nos jeux de billes. Virgile y faitlusion en exhortant un jeune mari à laisser aux enfants les jeux de noix pours’occuper désormais de choses plus sérieuses. On trouve le mot bille désignant unjeu dans le Roman de Renart et le Roman de la Rose.Les canettes se font en marbre, en verre, en pierres dures, etc. Les enfants enfabriquent en asphalte quand on garnit les trottoirs avec cette matière.Autrefois on échangeait les canettes entre elles, un marbre vert valait trois canettesgrises, et une agate (ou canette en verre de couleur) ne s’échangeait que contredeux marbres ou cinq grises. Cet usage a disparu, ainsi que les valeurs descanettes ordinaires.Il y a de très-petites canettes qui sont appelées p’tites fouines et de très-grossesnommées boulets ou bouligots. Les boulets sont le plus souvent en fer, toute autrematière étant bien fragile pour l’usage spécial qu’on en fait, cependant on voit desboulets en marbre et en verre.
Le mot bouligot est évidemment un diminutif de boulet et cependant les enfantsrenversent toujours le sens de ces appellations en disant : un p’tit boulet et un grosbouligot.Le jeu de canettes le plus usité s’appelle « tic-toc ». Les joueurs s’établissent aupied d’un mur devant lequel le terrain est aussi plat que possible. L’un d’eux poseson feu, c’est-à-dire met une canette à environ 80 centimètres du mur, contre lequelles autres lancent leurs canettes, une à une, chacun à son tour, en s’efforçant de leurdonner une direction telle qu’à leur retour elles frappent soit le feu, soit les canettesrestées au jeu sur le sol. Celui qui a obtenu ce résultat ramasse tout et avec uneprécipitation qui n’indique pas une bien grande confiance en ses partenaires.Le gagnant doit laisser une canette qui sera le feu et le jeu continue jusqu’à ce qu’ily ait un joueur panné ou rousti ; ces mots se passent d’explications. Si ce joueur abeaucoup perdu, son heureux adversaire doit lui faire la bogue, c’est-à-dire luiredonner sur son gain trois ou quatre canettes qui lui permettront peut-être deprendre sa revanche en continuant à jouer. S’il est rousti de nouveau, le gagnant nelui doit plus rien.On joue beaucoup aussi à la canette au rond. — Là il faut que chacun des joueurspossède un boulet. On trace un rond d’environ 40 centimètres de diamètre sur lesol, et au milieu, chacun dépose le nombre convenu de canettes. Pour désignercelui qui doit jouer le premier, on se rend au but afin d’abuter. Dans presque tousles jeux qui nécessitent l’envoi d’un jouet à une certaine distance l’abutage estindispensable.Le but est déterminé par une ligne tracée à terre à quatre ou cinq mètres du rond.Chacun fait rouler son boulet dans la direction de ce rond, en ayant soin qu’il n’ypénètre pas et qu’il ne s’arrête pas sur la circonférence. Celui qui en est le plusprès en remplissant ces conditions joue le premier. Il retourne au but et essaie avecson boulet de faire sortir une ou plusieurs canettes du rond sans que son boulet yreste, sous peine de remettre les canettes. Il réussit : alors il les a gagnées s’il peuten reprenant son boulet en frapper celui que son adversaire a dû déposer près durond ; puis il recommence jusqu’à ce qu’il passe à travers le rond sans rien fairesortir ; c’est alors au tour de son camarade.Si le joueur fait sortir du même coup deux canettes du rond, il est forcé de criercoup de deux ! avant son adversaire ; sans cela il doit en restituer une.Les boulets en roulant vont souvent fort loin ; si l’un dépasse la ligne du but, sonpropriétaire doit crier : du but ! alors, lorsqu’il jouera, il se placera sur la ligne dubut ; s’il négligeait ce cri, il serait forcé de jouer de l’endroit où se trouve son boulet.— Si le hasard amène les boulets côte à côte, l’enfant à qui appartient celui qui aroulé le dernier doit dire : de la touche ! autrement il serait forcé de retourner jouerau but. — Si l’un des boulets est placé derrière un obstacle, le joueur qui doit lefrapper crie : de la rogne ! alors il lui est permis de faire un pas en avant ou en côté.— Quand un boulet qui roule est arrêté par le pied d’un joueur ou d’un spectateur,celui qui l’a lancé crie : beau pied ! ou bon pied ! ou encore pompier ! alors lapersonne qui l’a arrêté doit le pousser plus loin d’un coup de pied. — Un bouletlancé doucement rouline.Le jeu de canettes serait favorisé du sort s’il ne donnait lieu à aucune contestation.Les enfants, s’ils croient que leurs camarades sont de mauvaise foi, les accusentde cheniller et les traitent de chenillards.En se servant des boulets seuls, on joue à la poursuite. Un boulet étant lancé enavant, il s’agit pour le joueur de le pousser toujours plus loin en le frappant avec lesien, mais en s’y prenant de façon que ce dernier reste toujours derrière, car s’ildépassait le premier, ce serait au tour de son camarade de jouer. Celui des deuxqui a poursuivi le boulet de l’autre le plus longtemps sur une distance donnée enreste maître.Il fut un temps où le boulet n’était guère usité ; on jouait avec des canettes dedifférentes couleurs que l’on lançait ainsi : la main étant fermée, on plaçait le jouetsur la seconde phalange de l’index replié et au moyen d’une violente détente dupouce on le projetait au loin. On appelait cette façon de jouer la pionne.On se servait de la pionne pour jouer à la canette au triangle. Une canette étantplacée à chaque sommet d’un triangle, il fallait en faire sortir une ou plusieurs,comme à la canette au rond.La canette au pot est fort peu usitée maintenant. On creusait en terre un trou appelé
pot. Un des joueurs prenait un certain nombre de canettes dans sa main etdemandait à son adversaire combien il voulait en avoir dans son pot ; l’autre luidésignait un nombre, alors le joueur lançait le tout vers le trou, et si le nombreindiqué était exact, les canettes appartenaient à l’adversaire.On remplaçait parfois les canettes par des boutons en métal et souvent plus d’unjoueur rentrait à la maison avec des vêtements absolument dépourvus de ces utilesaccessoires de toilette.La grand’mère. — On trace sur le sol un parallélogramme rectangulaire. Sur une deses faces, on place une rangée de canettes.Les joueurs attentifs s’écrient successivement : coup du prome ! coup du ségue !coup du troisse ! etc., c’est-à-dire : coup du premier, du second, du troisième, etc.,et jouent dans cet ordre. Ils s’efforcent de faire sortir de la rangée une canette en se servant d’une autrecomme d’un boulet ; il ne faut pas que ces deux canettes ou l’une d’elles restentdans le carré, car alors le coup est nul et le joueur est remplacé par un autre.On ne joue plus guère à la pionne, non plus qu’à la canette au pot, à la canette autriangle ou à la grand’mère.Je ne m’étendrai pas sur pair ou impair, qui n’est guère usité comme jeu populaire.Les Palets. — En Grèce et à Rome, ce jeu était très en honneur, mais on se servaitde disques de métal très-pesants qui en faisaient un véritable exercicegymnastique. Peu à peu on fit des palets plus légers, qui finirent par devenir cequ’ils étaient au xive siècle et ce qu’ils sont restés jusqu’à ce jour, c’est-à-dire depetits disques en fonte légèrement concavo-convexes.Nos palets s’appellent aussi des pièces, cependant il y a entre les deux unecertaine différence : la pièce étant plate et ornée de cercles concentriques (elle sertplus spécialement au jeu de jardin dit Jeu de tonneau) et le palet étant bombé surune face et creux sur l’autre. Mais les enfants ne se soucient guère de cettedistinction et disent indifféremment pièce on palet.Les joueurs qui ne sont pas assez fortunés pour se procurer des palets en fonte, enconfectionnent économiquement avec des ardoises ou des pierres plates qu’ilsarrondissent plus ou moins.Le principal jeu est celui du maître (on prononce mette).Un palet appelé maître, presque plat et portant un signe particulier, généralementune étoile, est lancé en avant, chacun des joueurs muni d’un ou plusieurs paletsnumérotés s’efforce d’arriver aussi près que possible du maître. Le comble del’adresse est d’arriver à le recouvrir. Le gagnant jette le maître et selon que celui-ciretombe près ou loin, on dit qu’il y a un p’tit feu ou un grand feu.Il est à remarquer que le mot feu revient souvent dans les jeux populaires.Les palets servent également à jouer à la dru. (C’est le jeu qui est appelé ailleursbouchon, pibeau ou piteau).La dru est un morceau de bois tourné, dont la forme rappelle deux cônes engagéspar leurs sommets dans un anneau ; les bases des cônes sont légèrementcreusées.Sur la dru posée à terre dans une petite excavation les ouvriers et les paysansplacent des pièces de monnaie, les écoliers se contentent d’y placer modestementdes plumes à écrire.Puis ils se reculent jusqu’au but, exactement comme à la canette au rond, etessaient avec deux palets jetés l’un après l’autre de frapper la dru au pied pourabattre ce qu’il y a dessus. Le joueur adroit place son premier palet, c’est-à-direl’envoie le plus près possible de la dru sans l’abattre et quille avec le second, c’est-à-dire qu’il le lance vigoureusement et enlève la dru par le pied de façon à l’éloignerde ce qui en est tombé. Si les plumes tombent plus près du palet que de la dru, lejoueur les a gagnées et ses camarades doivent aller à la remouille, c’est-à-dire enremettre chacun le nombre convenu. Si elles tombent plus près de la dru que dupalet, elles sont en dru et le joueur mouille, ce qui veut dire qu’il en ajoute une.Admettons qu’il y en ait déjà trois, cette dernière en fait quatre et les joueurss’écrient : « En dru ! quat’e dessus ! ». C’est le gagnant qui fixe le nombre de
plumes qui devront être posées sur la dru à la partie suivante ; alors, comme il jouele premier, il annonce en posant sa mouille : « Coup d’un ! » ou « Coup d’deux ! ».cteCeci est le jeu intéressé ; il y en a un autre, plus économique pour les joueurs, c’estcelui où l’on joue à la dru en plaçant dessus une petite pierre plate ou un boutonappelé piteau, et au lieu de mouiller et remouiller, on énonce simplement lenombre de fois dans lesquelles le piteau a été en dru.Quand un coup est douteux, c’est-à-dire lorsque la distance qui sépare l’argent, lesplumes ou le piteau de la dru semble égale à celle qui les sépare d’un palet dujoueur, on la mesure avec une paille ou un petit morceau de bois, et cette opérations’appelle bûcher.Une autre sorte de jeu de palets est le jeu dit de la portée. C’est celui où les paletsen ardoise sont le plus employés et un certain nombre d’enfants peuvent y prendrepart à la fois.Un des joueurs a dans sa main toutes les plumes ou les boutons que sescamarades viennent de mouiller. Il les jette devant lui plus ou moins loin, selon qu’ilveut faire un grand ou un petit feu, puis chacun, tour à tour, lance son palet, etquand tout le monde a joué, on répartit aux gagnants (car il y en a plusieurs) ce quileur revient. Tout ce qui se trouve auprès de chaque palet appartient au possesseurde ce jouet. Si les objets sont à égale distance de deux ou plusieurs autres palets,on prend la paille et l’on bûche comme plus haut.Un jeu populaire que je ne citerai que pour mémoire, parce qu’il n’existe à Rennesque depuis une dizaine d’années, est le jeu de la thune. C’est la canette au rond etses règles appliquées au jeu de palet ; seulement, au lieu de rond, on trace uncarré, on change les lourds palets pour des pièces de dix centimes ou desrondelles de métal, et on remplace les canettes par de la menue monnaie, desplumes ou des boutons. Il s’agit de faire sortir ces objets du carré en les frappantobliquement avec force. Le jeu emprunte son nom à celui de la rondelle employéequi s’appelle thune. Ce mot sent son argot parisien d’une lieue et décèle l’originedu jeu.La Thèque. — Ce mot, dérivé du grec (Θηκη) et usité surtout en botanique,désigne toute enveloppe de forme arrondie susceptible de contenir quelque chose ;il s’applique donc bien à la balle, qui se compose d’une enveloppe de cuir oud’étoffe bourrée de foin, d’étoupe ou de crin.Homère, aux livres VI et VIII de l’Odyssée, nous montre le jeu de balle comme unamusement de ses héros. En effet, les Grecs connaissaient ces jeux, qu’ilsappelaient jeux sphéristiques. Plus tard les Romains eurent une grande variété deballes de différentes grosseurs dont chacune correspondait à un jeu. L’énumérationet l’analyse même sommaire de tous ces jeux formeraient un volumineux dossier,ce qui ne rentre pas dans le cadre de ma modeste étude.Les peintures des tombeaux antiques nous font voir au nombre des accessoires quiservaient à l’amusement des jeunes filles des balles de la grosseur de nos thèquesrennaises. Au xvie siècle, Rabelais nous désigne le jeu de balle parmi ceux auxquels se livraitPantagruel.Une thèque est formée de deux calotes hémisphériques réunies par une bandeplate sur laquelle elles sont cousues, ou bien de fuseaux semblables à ceux desballons cousus entre eux. Ces enveloppes sont en cuir, en basane ou en étoffe,mais cette dernière matière est assez rarement employée. L’intérieur est bourréd’étoupe, de laine, de crin et même de son, de sciure de bois, de foin, etc.Je ne parle pas des ballons en caoutchouc ou gomme élastique, dont les gaminsse servent peu, étant donné leur prix relativement élevé.Des trois jeux de thèque habituels, je ne sais trop lequel est préféré : on joue autantà la thèque au pot qu’à la thèque au rond, ou à la thèque au chasseur.Pour le premier de ces jeux, on creuse au pied d’un mur autant de trous qu’il y a dejoueurs. L’un de ces derniers se place à un ou deux mètres de ces pots et y lance lathèque ; tous les joueurs sont groupés et attentifs, car il faut que le possesseur dupot dans lequel tombe la thèque saisisse celle-ci immédiatement et en frappequelqu’un de ses camarades ; or, tous se sauvent et il ne lui est permis de ne
s’avancer que de trois pas : il lui faut donc une certaine adresse pour atteindrequelqu’un.La balle est partie, et personne n’a été touché, il faut que celui qui l’a lancée aille lachercher, et dès qu’elle est en sa possession, il a le droit d’en frapper tout joueurqui ne sera pas rendu dans un cercle tracé près des pots et qui constitue le but.Mais pendant qu’il s’éloignait, chacun s’est hâté de rejoindre ce but et en touchantle mur s’écrie : cul de pot !Si celui qui lance la balle atteint un de ses camarades, celui-ci reçoit un pilori, c’est-à-dire que l’on place dans son pot une petite pierre.Au bout d’un certain temps, on compte les piloris de chacun. Le joueur qui en a leplus a perdu et doit être pilorisé ; on le place la face contre le mur, les mainsétendues, les autres joueurs le frappent chacun trois fois à coups de thèque.Notre excellent Lafontaine a dit : « Cet âge est sans pitié ». En effet, les enfantslancent la thèque de toutes leurs forces, et le patient reçoit souvent de bons horions.Mais la règle du jeu a prévu cette cruauté, et l’infortuné pilorisé a le droit dedéfendre certaines parties de son corps, généralement la tête, les mains et lesjambes. Si un joueur frappe une partie défendue, il va prendre la place du patient. La thèque au rond, malgré cette désignation, se joue dans un carré. Le carré estlimité de deux côtés par les murs des maisons d’une rue, les deux autres par deslignes tracées sur le sol.Il se forme deux camps, dont l’un reçoit la thèque et va la cacher : c’est-à-dire quetous ceux du même camp se retirent un instant dans un coin ou une allée demaison. Un des joueurs prend réellement la thèque, mais tous ceux de sa bandesimulent l’avoir, de sorte que ceux de l’autre camp sont obligés de surveiller tousleurs adversaires à la fois pour pouvoir bondir de côté au moment où le vraipossesseur de la thèque la lancera. Il est fort curieux de voir les joueurs courir surles quatre faces de leur « rond » et sauter les jambes écartées, les mains en avant,le corps effacé. Si quelqu’un est frappé dans les mains, le coup ne compte pas, ilcrie : raté ! et il a le droit de lancer la thèque s’il peut l’attraper ; mais il est défendude la ramasser à terre avec les mains : il faut donc qu’il la saisisse avec le bout despieds, qu’il se redresse sur les talons, et qu’il se baisse pour la prendre ; touteschoses peu faciles à faire si l’on se représente que tous ses adversaires lepoussent et le pressent à l’envi.La thèque au chasseur subit les mêmes règles que la thèque au rond, mais on yjoue quand on a un large espace devant soi, qui permette de courir en avant au lieude tourner dans un endroit restreint.La thèque à cheval. — Chaque joueur est à cheval sur le dos d’un camaradeincliné, on s’envoie la thèque de l’un à l’autre, et bien que ceux qui sont dessouscourent et remuent continuellement, on doit prendre garde de la laisser tomber. Sicela arrive, chaque cavalier abandonne précipitamment sa monture et se sauve àtoutes jambes, car ceux qui sont courbés ont le droit de s’en emparer et de la lancercontre les fuyards qui forment un camp à part. Si l’un de ceux-ci est touché, lui etses camarades vont dessous, c’est-à-dire servent de montures à leur tour.La balle au bois. — Les joueurs sont divisés en deux camps, le premier envoie laballe que l’autre doit renvoyer en la saisissant au vol avec un bâton rond et lisse ;les règles sont à peu près les mêmes que celles de l’ancien jeu de Paume.Voilà les quatre grands jeux tels que je les ai vu jouer à une époque où les traditionsétaient encore respectées et où l’on écoutait moins la fantaisie. Tous ceux qui ontpris plaisir à observer les enfants dans leurs bruyants ébattements se rappellerontavoir entendu quelques-unes de ces expressions pittoresques que j’ai rapportées. Mais maintenant il y a moins d’ordre dans les jeux, on y a apporté des modificationstoutes modernes, et le vocabulaire spécial des joueurs est remplacé le plus souventpar un français plus ou moins correct et par des expressions ordurières empruntéesau plus hideux argot.III. — LES JEUX SECONDAIRES.Outre les quatre jeux que je viens de citer, il en existe d’autres qui leur servaientd’intermèdes et en variaient la monotonie quand on observait encore les temps. Jevais en faire une revue rapide, car ils sont toujours en usage pour la plupart et nemanquent pas d’un certain intérêt.
1. — Le Pirli, Pirlipipette ou Pirlipipet. — Ce jeu s’appelle tirli en Normandie ; jen’ai rien pu apprendre sur l’étymologie de ce nom, pas plus que sur les origines dujeu ; il en sera d’ailleurs de même pour quelques-uns de ceux qui vont suivre.N’ayant jamais été admis par la bonne société, ils n’ont pas d’histoire.On appelle pirli un morceau de bois arrondi, long d’environ 20 centimètres et taillé àses deux bouts comme un crayon ; un des bouts est taillé plus court que l’autre etest appelé gros bois ou gros bout, tandis que le bout opposé est tout naturellementappelé petit bois ou petit bout.Avec le pirli, on se sert d’un instrument désigné sous le nom de tapette, qui rappellele battoir des lavandières, bien qu’il soit moins massif et moins large ; la définitionla plus exacte est celle-ci : une planchette pourvue d’un manche.Lorsque l’on possède ces deux instruments et que l’on a creusé en terre un trou oupot large de cinq centimètres et profond de trois ou quatre, on est prêt à jouer aupirli.À Rennes on n’y joue que deux à la fois ; il s’agit tout d’abord de savoir qui lancerale pirli le premier. La manœuvre qui sert à déterminer ce point intéressant est desplus singulières. La tapette est tenue perpendiculairement à pleine main, de la maindroite, par un des joueurs (généralement celui à qui elle appartient), et de tellefaçon que sa partie inférieure (la plus large) ressorte à peine d’un millimètre au-dessous de la main. Le second joueur ferme les doigts de la main gauche autourde la tapette, au-dessus de la main du premier, qui à son tour ajoute sa maingauche. Les mains continuent à abandonner le bas de la tapette pour la saisir plushaut, en se superposant toujours dans lu même ordre, selon la longueur du jouet quia en général, y compris le manche, cinq largeurs de main moyenne.Il arrive un moment où le sommet du manche est complètement emprisonné par lamain d’un de ceux qui tiennent la tapette. Celui qui a la main droite libre prie alorsson camarade d’écarter un, deux, trois ou quatre doigts ; s’il peut saisir avec le boutdes siens l’extrémité du manche sans faire enlever le cinquième doigt de l’autre, cedernier lâche tout et le premier enlève la tapette ; alors, pour faire voir qu’il la tientbien, il décrit, sans la lâcher, trois cercles autour de sa tête. Après quoi le jeucommence.Le pirli est posé à terre, le petit bois au-dessus du pot. Le joueur se baisse etfrappe l’extrémité ainsi en surplomb, le jouet s’élève en tournoyant, et quand ilretombe, un vigoureux coup de la tapette le projette au loin. Le joueur voit aussitôtdans quelle position il est tombé, et selon que l’une des extrémités est dirigée verslui, il s’écrie : « Du p’tit bois ! » ou « du gros bois ! » Alors il se rend près du pirli et,à partir du bout énoncé, mesure la distance qui le sépare du pot en reportant à terreautant de fois qu’il est nécessaire la longueur de la tapette. Mais en désignant dequel bout il part, il crie un chiffre qui représente ce qu’il croit être la longueur qu’il vamesurer avec la tapette dont chaque report par terre vaut cinq. Je suppose qu’il aitcrié 150 ; s’il trouve 155 ou 145, il a perdu et passe le jouet à son camarade.Autrefois on jouait au pirli en creusant une rigole dans la terre, le possesseur de latapette la lançait à son adversaire, qui la saisissait comme il pouvait, et lamanœuvre des mains avait lieu comme ci-dessus. Puis le premier joueur plaçait lepirli sur la rigole, de façon que les bouts en touchassent chaque bord. Il passaitalors dessous sa tapette et le lançait assez haut ; s’il pouvait le saisir au vol, ill’envoyait à une certaine distance qu’il mesurait avec la tapette, puis il faisaitsurplomber un des bouts du pirli sur la rigole et le lançait en le faisant tournoyer, etc.2. — Les Cerfs. — Ce jeu ne nécessite aucun accessoire ; les rues tortueuses luisont très-favorables, car il faut courir et se dissimuler comme le gibier qui fuitdevant le chasseur.Les joueurs se divisent en deux camps ; plus ils sont nombreux, plus le jeu estintéressant. Un camp est composé par les cerfs et l’autre par les bergers. Cedernier reste un moment au but pendant que le premier se sauve. De temps entemps les fuyards se retournent pour répondre avec des modulations spéciales auxinterrogations que leur lancent les bergers sur un certain ton :Les bergers : — Où sont les cerfs ?Les cerfs : — Dans la forêt !B. : — Que y font-ils ?
C. : — Y-z-y travaillent !B. : — À quel métier ?C. : — De charpentier !Puis après un temps :G. : — Sucre[3] pour les bergers !Quand ils lancent cette suprême apostrophe, les cerfs sont déjà loin, et c’est lesignal du départ pour les bergers, qui se précipitent sur leurs traces en laissant undes leurs pour garder le but. Quand le temps est beau, tous les joueurs prennentsouliers et sabots dans leurs mains pour courir avec plus d’agilité.Après un certain nombre de tours et de détours, les cerfs sont rabattus vers le butoù ils doivent parvenir, en évitant d’être atteints par les bergers ; car chaque bergerqui rejoint un cerf lui donne trois coups, et le malheureux cerf sera berger à la partiesuivante. Les premiers arrivés préviennent leurs camarades qu’il y a danger àapprocher, en criant : « Casse-cou ! »3 — Saute-Mouton. — On joue à ce jeu de différentes manières, dont voici lesplus usitées :La semelle. — Le mouton, c’est-à-dire celui par dessus lequel on saute, se met enposition : le corps incliné, la tête effacée, les coudes appuyés sur les cuisses. On leplace autant que possible au bord d’un trottoir ; chaque fois que quelqu’un lui apassé sur le dos, il s’avance de la longueur de son soulier qu’il place en travers, delà le nom de semelle, donné au jeu. Comme on prend l’élan du bord du trottoir, ilarrive un moment où le mouton est assez loin pour que le choc du sauteur lerenverse, alors celui-ci va dessous à son tour.Cul-de-bœuf. — Même jeu que la semelle ; seulement, en sautant, on donne uncoup de talon dans la partie charnue du mouton en criant « cul-de-bœuf ! » ouencore « fion ! » Celui qui néglige de crier ou qui frappe trop fort va dessous.La promenade. — C’est un jeu où chacun est à son tour sauteur et mouton. Dès lesaut accompli, le joueur va se placer à quelques mètres en avant, le mouton passeet va plus loin, ainsi de suite. C’est le vrai jeu de saute-mouton.Fion. — Pour décider qui ira dessous, on fait la pierre : un joueur présente sespoings fermés à ses camarades jusqu’à ce que l’un d’eux ait frappé sur celui quirenferme une petite pierre.Alors la longue série des figures commence. Celui qui connaît le mieux ce jeucompliqué le conduit. Je l’appellerai donc le premier.Le premier saute par dessus le mouton, en annonçant le nom de la figure ; tous lesjoueurs le suivent, et en sautant crient : fion ! Ceci est le premier tour.Ensuite, le premier exécute en sautant les mouvements nécessaires à l’intelligencede la figure indiquée, et tous les autres l’imitent et de plus crient toujours fion ! ensautant. Si l’un d’eux oubliait ce cri, il prendrait immédiatement la place du mouton.Quand tous ont sauté, le premier commence une seconde figure, etc.Voici la série des vingt-quatre figures les plus usitées, dans l’ordre qui estgénéralement suivi :a. — Cul-de-bœuf. — Le mouton a la tête tournée vers le premier qui saute et doitrester à la place où il est retombé. Le sauteur allonge ensuite la partie inférieure ducorps et en frappe la partie correspondante du mouton.b. — La croix simple. — Ayant sauté comme ci-dessus, le premier se retourne d’unseul bond et sur place, et franchit de nouveau le mouton. c. — La croix double. — Le premier saute d’abord comme à la croix simple, puis ilse transporte d’un bond du côté droit du mouton qu’il franchit, se retourne d’un sautsur place et saute de nouveau par la gauche.d. — La croix triple. — Il faut à cette figure exécuter deux fois la croix double.e. — La tapette. — Le mouton est placé désormais de façon que sa tête
corresponde au côté gauche du sauteur. Le premier saute en se frappant la cuisseavec la main.f. — La savonnette. — En sautant, le premier frotte avec sa main droite le derrièredu mouton.g. — L’assiette. — En sautant, le premier frôle le dos du mouton.h. — Le plat. — Il lui frappe le dos.i. — Les côtelettes à plat. — Il lui frappe avec la paume des mains le côté droit.j. — Les côtelettes coupantes. — Il lui frappe avec les mains jointes le côté droit, cequi est assez douloureux.k. — L’échalotte. — Il lui frappe le derrière d’un coup de talon.l. — L’échalotte volante. — Même passe sans mettre les mains.m. — Les couronnes non touchantes. — Les joueurs roulent leurs mouchoirs et lesattachant en forme de couronnes, se les posent sur la tête. Le premier, en sautant,lance devant lui sa couronne par un brusque mouvement de tête en avant. Lesautres doivent l’imiter, mais il faut qu’aucune couronne ne touche celles qui sontdéjà à terre. Si cet accident se produit, le joueur à qui cela arrive est à son tourobligé d’aller dessous.n. — Pour les reprendre. — Les joueurs sautent et retombent à cloche-pied, ilsdoivent ainsi faire le tour du mouton, se pencher en avant, et, les mains appuyéessur le sol, prendre leur couronne avec les dents, sans plier le genou et sans poser lesecond pied à terre.o. — Les couronnes touchantes. — Comme en m ci-dessus, seulement lescouronnes doivent se toucher en tombant.p. — Pour les reprendre. — Comme en n ci-dessus.q. — Saut du lion ou la bouteille. — Il ne faut pas que le mouton puisse voir lespieds de ceux qui passent par dessus lui, ce qui oblige les joueurs à sauter assez.tuahr. — Saut de l’âne. — Le premier saute d’abord en travers, puis d’un bond setransporte derrière le mouton qui relève à moitié le corps ; le sauteur doit alorsfranchir le mouton quand il s’est relevé tout-à-fait en penchant légèrement la tête enavant.s. — Les animaux dans la lune. — Cette figure se subdivise en beaucoup d’autressuivant le caprice du premier, qui peut les varier à l’infini. J’en mentionneraibrièvement quelques-unes.Le premier ayant sauté, s’asseoit sur le mouton et faisant le geste de tenir unelunette astronomique s’écrie qu’il aperçoit dans la lune « un animal qui n’a pas depattes » dont il prononce à haute voix le nom, par exemple un serpent, un limaçon,un poisson, etc. Chacun des autres joueurs doit désigner à son tour, en sautant, unanimal sans pattes, mais en ayant soin de ne pas nommer celui dont le nom a déjàété prononcé. Si cette distraction lui arrive, il va dessous.Le premier peut également désigner n’importe quelle espèce d’animal qui lui vientà l’esprit, comme : un animal qui grogne, qui pique, qui vole, etc., et le jeu continuede la même façon.t. — Les bonnes-sœurs. — Les joueurs sautent, puis joignant les mains avec un airde recueillement font le tour du mouton qui les raille et les agace de mille manières.Celui qui rit de ces lazzis prend la place du tentateur.u. — Les grenouilles. — Les joueurs sautent, et à mesure qu’ils retombent à terre,ils s’accroupissent et sautillent ainsi en croassant jusqu’à ce que le dernier aitsauté.r. — L’âne au moulin. — Le premier saute, alors le mouton se redresse, le saisitpar l’oreille en lui demandant : « de bon gré ou de force ? » Puis il le contraint à lesuivre à cloche-pied. Si le sauteur a répondu « de force ! » il doit se dégager lui-même, mais sans poser le second pied à terre ; s’il a répondu « de bon gré ! » lemouton le laisse aller aussitôt.
x. — La boîte à sept coups. — Le premier saute et se laisse glisser sur les mainsjusqu’à ce qu’il ait tout le corps suspendu, ses pieds seuls étant sur le dos dumouton ; alors il écarte sa jambe droite et, du talon, frappe sept fois le derrière dumouton.On augmente à volonté le nombre des coups de façon à avoir la boîte à dix, quinze,vingt coups, etc.y. — Le fusil. — Le premier saute et se retourne complètement d’un bond surplace, puis il donne un coup de poing sur le derrière du mouton.Le jeu est alors terminé.Il est bien rare que toutes ces figures soient exécutées entièrement ; il est plus rareencore de voir le même mouton servir du commencement à la fin. Au milieu de tantde complications, il est si facile de se tromper !Ce jeu est un des plus curieux à observer, il donne lieu à tant de scènes bizarresqu’on ne s’ennuie guère en faisant galerie. Le cheval fondu. — Un enfant se place devant un mur auquel il s’appuie en inclinantla tête, derrière lui cinq ou six de ses camarades se mettent en file dans la positiondu mouton. Ceux qui restent prennent leur élan et doivent franchir le plus demoutons qu’ils peuvent. Ceux-ci sont tenus de rester fermes malgré le poids qu’ilssupportent, jusqu’à ce que le dernier qui a sauté ait frappé trois coups dans sesmains. Alors, le cheval fond, et c’est un pèle-mêle indescriptible qui donnenaissance aux incidents les plus grotesques. Si le dernier n’a pas le temps defrapper les trois coups avant que le cheval ne fonde, c’est lui qui va ensuite seplacer au mur. C’est le poste le plus pénible, celui qui l’occupe ayant à supportertout le poids des moutons et des sauteurs. — Ouand les moutons faiblissent, avantle signal, leurs camarades les blâment et leur reprochent « d’avoir avaché ».4. — Cache-Cuté. — Tout le monde connaît ce jeu où un chat doit chercher lesjoueurs qui se sont cachés (cutés), pour tâcher d’en frapper un qui prendra saplace. Il n’est pas essentiellement populaire, mais les enfants possèdent dans leur« Académie des jeux » des dérivés du jeu de cache-cuté qui leur sont particuliers.Outre le vrai jeu de cache-cuté où quelques joueurs se cachent comme je l’ai dit ci-dessus, les enfants ont désigné sous le nom général de cache-cuté découvert uncertain nombre de jeux où le chat court après les autres joueurs, qui se dérobent àsa poursuite de diverses manières, mais en restant toujours à découvert.Vis. — Les joueurs se divisent en deux camps, le premier reste au but la facetournée vers un mur, de façon à ne pas voir où le second va se cacher. Si parhasard un indiscret tourne un peu la tête, l’apostrophe : « tu louches, bibi ! » leramène au respect des règles du jeu. Lorsque tous les joueurs du second campsont prêts, un d’eux crie : « Vis ! » ; alors ceux du premier se retournent et cherchentà découvrir leurs retraites ; dès que l’une d’elles est brûlée, c’est-à-dire trouvée, ilscrient : « Vis sur un tel ! » en précisant l’endroit où se cache leur camarade. Jeciterai comme exemple un cri complet que je supposerai être celui-ci : « Vis surPaul derrière le tas de fagots qu’est dans la cour du Bâton-Royal ! »[4]. Celui quiest ainsi désigné doit sortir et poursuivre le crieur qui se replie à toutes jambes versle but, afin de ne pas être chatté, c’est-à-dire de ne pas recevoir les trois coups quile feraient déclarer pris. Celui qui est pris reste encore au but au tour suivant.Un enfant se vante d’être un bon joueur quand il connaît toutes les cachettes d’unquartier, de façon à pouvoir toujours rester parmi ceux qui vont se cacher, ou, encas d’accident, trouver facilement la retraite des adversaires.Vis-Bonhomme. — Les joueurs sont encore divisés en deux camps. Le premier vase grouper dans l’allée d’une maison en laissant au second les vestes, blouses oupaletots de sa bande. Il est entendu qu’il ne cherchera pas à voir ce que fait lesecond. Les joueurs de celui-ci prennent deux ou trois de leurs camarades, lesaccroupissent sur le sol et les dérobent à la vue en entassant sur eux les vêtementsde l’autre camp. Lorsque tout est prêt, ceux qui n’ont pu être couverts vont secacher ensemble ou séparément et le premier camp s’approche. Il doit reconnaîtreet nommer, sans rien toucher, qui est caché, et crie : « vis sur un tel ! » ; s’il adeviné juste, c’est lui qui cache à son tour, sinon il retourne attendre qu’on aitpréparé une nouvelle cachette.La crotte. — Les enfants désignent un camarade qui est le chat, puis ils s’éloignent
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