Moteurs animés, expériences de physiologie graphique
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Les Moteurs Animés[1]Expériences de Physiologie GraphiqueÉtienne-Jules Marey1878Moteurs animés, expériences de physiologie graphique[2]Première partieSi l’intérêt d’une exposition scientifique devait se mesurer à l’importance du sujet, jem’applaudirai de mon choix. En effet, il est peu de questions qui touchent de plusprès à l’existence même de l’homme que celle des moteurs animés, de cesauxiliaires dociles dont il utilise à son gré la force ou la vitesse, qui vivent enquelque sorte dans son intimité et l’accompagnent dans ses travaux et dans sesplaisirs.Ces espèces animales dont nous empruntons le concours, sont nombreux et varientsuivant les latitudes et les climats. Mais, qu’on emploie le cheval ou l’âne, lechameau ou le renne, toujours le même problème se pose : tirer de l’animal le plusgrand parti possible, en lui épargnant le plus qu’on peut la fatigue et la souffrance.Cette identité de point de vue simplifiera beaucoup ma tâche, car elle permettra derestreindre l’étude des moteurs animés à une seule espèce ; j’ai choisi le chevalcomme type le plus intéressant.Toutefois, malgré cette restriction, le sujet est encore bien vaste, comme le saventtous ceux qui se sont occupé des différentes questions qui s’y rattachent. Enétudiant la force de traction du cheval et les meilleurs moyens de l’utiliser, nousrencontrerons tous les problèmes relatifs à l’attelage, et à la construction desvéhicules. Or, sur un sujet qui préoccupe l’humanité depuis tant ...

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Les Moteurs AnimésExpériences de Physiologie Graphique[1]Étienne-Jules Marey8781Moteurs animés, expériences de physiologie graphique]2[Première partieSi l’intérêt d’une exposition scientifique devait se mesurer à l’importance du sujet, jem’applaudirai de mon choix. En effet, il est peu de questions qui touchent de plusprès à l’existence même de l’homme que celle des moteurs animés, de cesauxiliaires dociles dont il utilise à son gré la force ou la vitesse, qui vivent enquelque sorte dans son intimité et l’accompagnent dans ses travaux et dans sesplaisirs.Ces espèces animales dont nous empruntons le concours, sont nombreux et varientsuivant les latitudes et les climats. Mais, qu’on emploie le cheval ou l’âne, lechameau ou le renne, toujours le même problème se pose : tirer de l’animal le plusgrand parti possible, en lui épargnant le plus qu’on peut la fatigue et la souffrance.Cette identité de point de vue simplifiera beaucoup ma tâche, car elle permettra derestreindre l’étude des moteurs animés à une seule espèce ; j’ai choisi le chevalcomme type le plus intéressant.Toutefois, malgré cette restriction, le sujet est encore bien vaste, comme le saventtous ceux qui se sont occupé des différentes questions qui s’y rattachent. Enétudiant la force de traction du cheval et les meilleurs moyens de l’utiliser, nousrencontrerons tous les problèmes relatifs à l’attelage, et à la construction desvéhicules. Or, sur un sujet qui préoccupe l’humanité depuis tant de milliersd’années, il semble bien difficile de trouver quelque chose de nouveau.Si dans l’emploi du cheval nous considérons sa vitesse et les moyens del’accroître, le sujet ne semble pas moins épuisé. Depuis les courses en char quipassionnaient l’antiquité grecque et romaine, jusqu’à nos modernes courses dejockeys, on n’a jamais cessé de poursuivre avec un vif intérêt le problème de lalocomotion rapide. Que d’épreuves et de comparaisons n’a-t-on pas faites poursavoir quelle race a le plus de vitesse, quelle autre a plus de fond, quelscroisements, quel élevage permettent d’espérer encore plus de vitesse ?Enfin, s’agit-il de ce qu’on appelle l’extérieur du cheval et ses allures si variées,des hommes spéciaux se sont depuis longtemps attachés à ces études. Lecavalier s’exerce à distinguer entre elles ces différentes allures, à corriger parl’éducation du cheval celles qui lui semblent défectueuses, à fixer par l’habitudecelles qui donnent à sa monture des réactions plus douces ou une plus grandestabilité. L’artiste, en s’essayant à la représentation du cheval, cherche à entraduire de plus en plus fidèlement les attitudes ; à exprimer de mieux en mieux laforce, la souplesse et la grâce de ses mouvements.Ces questions si compliquées, je veux les aborder devant vous avec une méthodenouvelle et j’espère vous montrer que la méthode graphique se joue de certainesdifficultés qui semblaient insurmontables, discerne ce qui échapperait àl’observation la plus attentive ; enfin qu’elle exprime clairement aux yeux et gravedans la mémoire les notions les plus compliquées. La méthode graphique était, il ya vingt-cinq ans, presque inconnue ; elle se répand rapidement aujourd’hui. Ainsi,presque en tous pays, on recourt à l’emploi de courbes graphiques comme aumeilleur mode d’expression pour représenter clairement le mouvement desstatistiques administratives, industrielles ou commerciales. Dans tous lesobservatoires, des appareils qu’on nomme enregistreurs ou inscripteurs tracent surdu papier la courbe des variations du thermomètre, du baromètre, de la pluie, duvent et même de l’électricité atmosphérique. La physiologie utilise plus largementencore les appareils inscripteurs ; mais je n’aurais besoin de vous montrer qu’untrès-petit nombre de ces instruments, ceux qui servent à inscrire des forces, desvitesses ou à noter les rythmes et les rapports de successions des mouvementstrès-compliqués.I. De la force de traction du cheval et des meilleurs moyens de l’utiliser. –Lorsqu’une voiture est mal conduite et mal attelée, le voyageur est cahoté ; la routeest détériorée ; le cheval se fatigue plus qu’il ne faudrait et souvent est blessé par
les pièces du harnais. Constater ces différents inconvénients, en chercher lescauses pour les supprimer, c’est à cela que la science et l’industrie ont dûs’attacher depuis longtemps. Mais c’est à notre époque seulement que de grandsprogrès ont été réalisés à cet égard. Quand nous nous plaignons d’être cahotésdans une modeste voiture de place, nous devrions nous reporter par la pensée àl’époque où l’on ne connaissait pas la suspension des voitures. Aucune aspérité dela route n’échappait alors au voyageur. Un empereur romain monté sur son char detriomphe était, au milieu de sa gloire, aussi mal à son aise qu’un paysan sur sacharrette. Sauf quelques améliorations telles que l’emploi de coussins plusmoelleux, les choses allèrent ainsi jusqu’à l’invention des ressorts d’acier que l’onemploie de nos jours, car les soupentes de cuir des carrosses d’autrefois laissaientencore beaucoup à désirer.Est-ce à dire que le mode de suspension actuel des voitures à quatre et même huitressorts soit le dernier mot du progrès ? Non, sans doute. Nos ressorts actuelsdiminuent la force des cahots, transforment une secousse brusque en un longbalancement, mais le ressort parfait devrait garder toujours une force élastiqueconstante, permettre aux roues et aux essieux toutes les vibrations que le sol leurcommande, sans laisser rien arriver de ces ébranlements à la voiture elle-même.La recherche de ce ressort idéal a tenté une de nos ingénieurs les plus éminent. M.Marcel Deprez a trouvé d’heureuses solutions du problème de la suspensionparfaite ; bientôt sans doute il en réalisera les applications pratiques[3].Une bonne suspension ménage aussi le véhicule en supprimant les trépidations quile disjoindraient et le détruiraient en peu de temps.Enfin, la suspension ménage la route elle-même. A ce sujet permettez-nous derappeler une remarquable expérience du général Morin.Sur une grande route en bon état on fait rouler, au trot de quatre chevaux, unediligence chargée d’un lest quelconque au lieu de voyageurs. Les ressorts de lavoiture ont été enlevés de façon que la caisse pose sur les essieux. Après que ladiligence a passé et repassé un certain nombre de fois, on constate que la routesur laquelle s’est fait ce mouvement est notablement détériorée.On replace les ressorts de la voiture et on répète sur un autre endroit de la route lesmêmes va-et-vient ; il ne s’y produit plus, cette fois, de détérioration notable. Il estdonc bien prouvé qu’une bonne suspension des voitures est favorable au bon étatdes chemins.Mais avec les voitures non-suspendues, pour secouer ainsi les voyageurs,disjoindre le véhicule et défoncer la route, il fallait de la force. C’est le cheval quidevait la fournir ; de sorte qu’indépendamment du travail utile qu’on lui demandait,l’animal en fournissait encore d’autre qui donnait lieu à une multitude de chocs etn’avait que des effets nuisibles. L’emploi des ressorts de suspension a rendu cedouble service de supprimer les vibrations nuisibles et de ramener à une forme utiletout le travail qu’elles représentaient.Est-ce tout ? Ne reste-t-il pas encore, même avec les meilleurs voitures, d’autresvibrations et d’autres chocs qu’il faille poursuivre et détruire pour rendre plusparfaites les conditions de la traction ?Vous avez tous éprouvé, au moment du brusque départ d’une voiture et même àchaque coup de fouet reçu par un cheval un peu vif, des secousses horizontales quiparfois vous renversent au fond de la voiture. A un moindre degré, des secoussesdu même genre se produisent à chaque instant de la traction, car la vitesse ducheval est loin d’être uniforme et les traits sont soumis à des alternatives detensions et de détente. Ce sont là de véritables chocs qui dépensent une partie dutravail du cheval pour ne donner que des effets nuisibles, qui froissent etcontusionnent le poitrail de la bête, meurtrissent ses muscles et malgré lerembourage du collier le blessent quelquefois.Pour démontrer l’inconvénient de ce genre de chocs, quelques expériences vontêtre nécessaires.En voici une que j’emprunte à Poncelet, elle est d’une réalisation facile et chacunpeut la répéter. J’attache un poids de 5 kilogrammes à l’extrémité d’une petiteficelle ; si, prenant en main l’extrémité libre de celle-ci, je soulève lentement le poidsde 5 kilogr et le tient suspendu. Mais si j’essaye d’imprimer au même poids unsoulèvement plus rapide, je me meurtris les doigts, la ficelle se rompt et le poids n’apas bougé. L’effort que j’ai développé a été plus grand que tout à l’heure, puisqu’il adépassé la résistance de la corde, mais la durée de cet effort a été trop brève etl’inertie du poids ne pouvant être vaincue, tout l’effort que j’ai fait a été dépensé en
travail nuisible. Si, au lieu d’une corde inextensible, j’eusse attaché au poids un lienun peu extensible, le brusque effort de soulèvement que je viens de déployer eut-ététransformé en une action plus prolongée et le poids eut été soulevé sans rupture dela corde et sans contusion de mes doigts.Pour rendre le phénomène plus facile à saisir, je vais faire une nouvelle expériencedans des conditions un peu différentes.Fig. 1Vous voyez sur un support vertical (fig. 1) une sorte de fléau de balance qui porte àl’un de ces bras un poids de 100 grammes, à l’autre un poids de 10 grammessuspendu au bout d’une ficelle d’une mètre de long. Entre ces deux poids inégaux,le fléau est maintenu par un encliquetage qui l’empêche de tomber du côté du poidsle plus lourd, mais qui permet au contraire au fléau de s’incliner en sens inverse, sil’on développait à l’extrémité de la corde un effort supérieur au poids de 100grammes.Or en laissant tomber d’une hauteur suffisante le poids le plus petit, au moment oùcelui-ci arrive à fin de course, il tendra la corde qui le retient et développera cequ’on appelle une force vive capable de soulever le poids de 100 grammes à unecertaine hauteur, mais ce soulèvement n’aura lieu qu’à une condition, c’est quel’application de cette force ne donne pas lieu à un choc.Si la corde qui soutient le poids de 100 grammes est inextensible, et si celle quiporte le poids de 10 grammes l’est également, au moment de la chute de celui-ci,vous entendrez un bruit sec ; un choc ébranle tout l’appareil, mais le poids de 100grammes n’est pas soulevé.Suspendons maintenant ce poids de 100 grammes à un fil de caoutchouc ou à unressort élastique, puis recommençons l’expérience. Vous voyez à chaque fois quele poids tombe, que le poids de 100 grammes s’élève d’une certaine quantité. Maiscette élévation se fait dans des conditions particulières. Au moment où le poidstombe et où la corde se tend, le fléau s’incline en tendant le ressort élastique maisla masse de 100 grammes ne bouge pas encore ; c’est seulement quand ceressort est tendu que la masse, obéissant à l’action prolongée de ce ressortélastique, entre en mouvement et s’élève, ce qui représente un certain travailaccompli.Un des moyens les plus simples consiste à interposer entre le trait et la voiture unepièce élastique intermédiaire. Voici quelques-unes de ces pièces que j’appelletracteurs, l’un des types a été réalisé par M. Tatin : il se compose d’un ressortboudin qui se comprime par la traction et amortit ainsi le choc. L’autre, conduit parun sellier dont le nom m’échappe, est formé d’un ressort semblable logé dansl’intérieur même d’un trait de voiture.Si l’on veut se convaincre de l’avantage de ce mode de traction, il faut s’atteler soi-même à une voiture à bras au moyen d’une bricole de cuir rigide comme on en voitemployer dans les rues de Paris où trop souvent l’homme est employé à traîner desfardeaux. Quand on s’est bien rendu compte des ébranlements pénibles quetransmet aux épaules ce mode de traction, on place entre la bricole et la voiture letracteur élastique et l’on répète l’expérience. Après cela aucun doute n’estpossible ; les épaules ne sont plus meurtries par l’ébranlement du pavé et l’onéprouve un bien-être qu’éprouvera évidemment au même degré un cheval placé
dans les conditions de traction élastique.Ménager la douleur à l’homme et aux animaux n’est malheureusement pas unmobile suffisant pour engager tout le monde à modifier l’ancien système d’attelage.A certains esprits qui se nomment positifs, il faut démontrer que la traction élastiquea des avantages économiques et qu’un cheval ainsi attelé peut traîner de pluslourds fardeaux.Ce fait qui résulte des expériences que vous venez de voir a besoin, pour êtrerigoureusement démontré, du secours de la méthode graphique. C’est au génie dePoncelet que l’on doit l’inscription du travail dépensé par les différents moteurs.Fig. 2Tout le monde connaît ce qu’on nomme un dynamomètre, c’est-à-dire un ressortqui, cédant aux tractions qu’on exerce sur lui, se déforme de quantitésproportionnelles aux efforts développés. Adaptons à un ressort de ce genre uncrayon qui flotte sur une bande de papier et disposons les choses de telle sorte queles mouvements de la roue d’une voiture impriment au papier un mouvement detranslation. Pendant que l’effort de traction du cheval imprimera au ressort et aucrayon des mouvements plus ou moins étendus, la marche de la voiture entraînerale papier et de ces mouvements combinés résultera une courbe (fig.2) qui pourrase décomposer en une série d’ordonnées ou lignes verticales juxtaposéesexprimant par leur hauteur inégales la série des efforts déployés à chaque élémentdu chemin parcouru.La somme de ces efforts élémentaires, autrement dit la surface de papier limitéeen haut par les flexuosités de la courbe, sera la mesure du travail dépensé.Fig. 3Si nous inscrivons d’une manière comparative le travail fait par la même voitureattelée de traits rigides ou munie de tracteurs élastiques, nous voyons (fig. 3 et 4)que l’aire de la courbe est plus grande, c’est-à-dire qu’il y a eu plus de travaildépensé quand on s’est servi de traits rigides.Fig. 4Dans les cas les plus favorables que j’aie rencontrés, l’économie de travail par latraction élastique a été de 26 p.100.Mais, va-t-on objecter, le dynamomètre inscripteur constitue à lui seul unintermédiaire élastique qui supprime les chocs. Aussi n’est-ce pas le dynamomètreordinaire qui m’a servi dans mes expériences, mais un dynamomètre spécial qui nesubit sous les plus fortes tractions qu’un allongement, amplifié par certains organeset transmis à distance à une levier muni d’une plume, s’inscrit sous forme de courbeonduleuse dans les conditions dont il a été question ci-dessus.En somme, dans l’emploi des moteurs animés pour la traction des fardeaux,poursuivre partout où ils se produisent les chocs et les vibrations, et les absorberdans des ressorts élastiques qui rendent au travail utile une force qui ne servait qu’àdétruire les voitures, à défoncer les chemins, à faire souffrir les animaux, telle est la
voie dans laquelle beaucoup de progrès ont été réalisés, beaucoup pourraient êtreréalisés encore.II. De la vitesse des moteurs animés. – J’étonnerais peut-être plusieurs d’entre-vous en disant que la vitesse d’une voiture est une des choses les plus malconnues. On croît en général l’avoir suffisamment exprimée en disant quel cheminon a fait et combien de temps on a employé pour cela. Je suis venu, dira-t-on, dupont de Sèvres à la Madeleine en 41 minutes et quart ; la route est bien kilométrée,je me suis servi d’une bonne montre, quelle plus haute précision peut-ondemander ?Assurément on a mesuré avec exactitude l’espace parcouru et le temps employé,mais cela ne constitue que l’expression d’une vitesse moyenne résultant d’une sériede vitesses variables, d’accélérations, de ralentissements et parfois de tempsd’arrêt qui restent parfaitement inconnus. Une mesure rigoureuse des vitessessuppose connu à chaque instant le chemin parcouru par le véhicule, autrement dit,la position qu’il occupe sur la route. C’est ainsi que les physiciens ont déterminé lemouvement accéléré de la chute des corps, Galilée et Atwood au moyen demesures successives, Poncelet et Morin au moyen de cet admirable appareil quitrace d’une seul coup la courbe d’un mouvement.Cette machine est trop connue aujourd’hui pour que j’ai besoin de la décrire ;toutefois, je vais la faire fonctionner devant vous afin d’interpréter son langage et demontrer comment une courbe graphique traduit toutes les phases d’un mouvement.La courbe parabolique tracée exprime pour chacun de ses points la position où lecorps s’est trouvé à chacun des instants de sa chute, elle fournit donc, sur la naturedu mouvement, les renseignements les plus complets. Mais si, ne connaissant quel’espace parcouru et le temps employé, nous joignons les deux points extrêmes dedépart et d’arrivée par une droite, cette ligne qui exprimerait la vitesse moyenne dela chute ne correspondrait à aucune des vitesses que le corps a successivementpossédées.L’expression du mouvement par une courbe est entrée dans la pratique. Uningénieur, nommé Ibry, a imaginé de représenter graphiquement la marche destrains sur une ligne ferrée. Ce mode de représentation, incomparablement plusexplicite que les tableaux de chiffres de nos indicateurs de chemins de fer, n’estpas encore entre les mains du public et cela est regrettable, car il donne unvéritable intérêt au voyage ainsi que vous pourrez en juger par l’examen d’un de cesgraphiques.Fig. 5Le tableau que vous voyez (fig. 5) est dressé par des ingénieurs d’après la marcheréglementaire des trains, marche supposée uniforme ; on voit, en effet, que leslignes de marche sont toutes des droites joignant l’un à l’autre les deux points quiexpriment le lieu et l’heure du départ, le lieu et l’heure d’arrivée. Il n’est donc pastenu compte du mouvement réel des trains qui s’accélère ou se ralentit sous ungrand nombre d’influences. Le problème que nous cherchons à résoudre, celuid’une expressions graphique de la vitesse réelle d’un véhicule, suppose que lavoiture trace elle-même la courbe des chemins parcourus, en fonction du temps.
Fig. 6Au moyen de l’appareil que j’ai l’honneur de vous présenter et que je nommeodographe (fig. 6) un wagon ou une voiture quelconque trace la courbe de sonmouvement avec toutes ses variations.Cet appareil est basé sur le même principe que la machine de Poncelet et Morin,se compose d’un style traceur qui marche parallèlement à la génératrice d’uncylindre tournant couvert de papier. Le mouvement du style suit toutes les phasesde celui de la voiture, mais à une échelle très-réduite, afin que le tracé d’unparcours de plusieurs myriamètres puisse tenir dans les dimensions d’une feuillede papier. Quant au mouvement du cylindre, il est uniforme et commandé par unrouage d’horlogerie placé à l’intérieur.Pour que le mouvement du style soit proportionnel à celui de la voiture, les chosesont été disposées de telle sorte que chaque tour de roue fit avancer le style d’unepetite quantité toujours la même. Or, comme un tour de roue correspond toujours àun même chemin effectué, plus la voiture marchera vite, plus la roue aura fait detours en un temps donné et plus le style aura subi de petits mouvements deprogression.Cette solidarité entre les mouvements de la roue et ceux du style est obtenue aumoyen d’un petit excentrique placé sur le moyeu. A chaque tour il se produit unesoufflerie qui, par un tube de transmission fait échapper une dent d’un rouage del’appareil et progresser le style d’une petite quantité. On peut obtenir des effetssemblables au moyen d’appareils électro-magnétiques.Fig. 7Ainsi, plus la voiture ira vite, plus la ligne tracée montera rapidement ; la pentecomparée de divers éléments du tracé exprimera les variations de la vitessecomme on le voit sur la figure 7.Si l’on veut connaître la valeur absolue du temps et du chemin, il suffit de savoir quechaque minute correspond à un millimètre compté horizontalement sur le papier, etchaque kilomètre correspond à un certain nombre de millimètres parcourus par lestyle dans le sens vertical.
La course du style qui correspond à un kilomètre doit-être expérimentalementdéterminée pour chaque voiture, car le périmètre des roues n’est pas toujours lemême; Mais il est clair que si, d’une borne kilométrique à une autre, on obtient cinqmillimètres, par exemple, pour la course du style, cette longueur se retrouveratoujours à chaque kilomètre parcouru par la même voiture.Notre appareil est donc mesureur des chemins et dispense de se préoccuper del’existence ou de l’absence de bornes kilométriques ; il permet d’estimer ladistance parcourue sur un chemin quelconque et même en l’absence de toute routefrayée. Ainsi, dans un voyage de découverte on pourrait mesurer avec précision lechemin parcouru par un char.Pour rester dans les conditions de la vie ordinaire, que de fois, à la campagne,n’avons-nous pas deux ou trois chemin pour aller d’un lieu à un autre. Pour savoirlequel est le plus court, c’est à la montre que nous nous en rapportons, comme si lamoindre durée d’un trajet correspondait toujours à la moindre distance.L’odographe donnerait à cet égard des renseignements très-précis.Il est encore un grand nombre de questions que nous nous posons chaque joursans pouvoir les résoudre. Tel cheval attelé marche-t-il plus vite que tel autre ?Celui-ci trotte-t-il mieux aujourd’hui qu’hier ? En augmentant la ration d’avoineaccroîtrait-on la vitesse ?Comparer la pente de deux courbes de vitesses et vous aurez la réponse à toutesces questions sans être obligé de faire des expériences spéciales, sur une routekilométrée et la montre à la main.Ce n’est pas seulement à la vitesse des voitures que j’applique l’appareilinscripteur ; il trace, bien qu’avec une précision moindre, la vitesse de marche del’homme et des animaux.On glisse dans une chaussure une semelle à soufflet qui est reliée par un tube avecun odographe portatif. Chaque pas du marcheur imprime au style un petitmouvement comme le fait chaque tour d’une roue de voiture et si les pas étaientabsolument égaux entre eux, on pourrait mesurer avec sûreté les cheminsparcourus. En marchant sur un terrain plat,nous faisons des pas d’une régularitéétonnante ; mais si le terrain monte, le pas gagne en longueur ; dans les descentes,au contraire, le pas se raccourcit. Il en peut résulter de légères erreurs sur le cheminparcouru. Malgré cela, l’emploi de cet instrument réaliserait un grand progrès, il sesubstituerait avec beaucoup d’avantage au podomètre qui ne fournit, au bout d’uncertain temps, que le total des pas effectués sans tenir compte des arrêts ni deschangements de vitesse.Enfin, lorsqu’on fait une expérience sur une route kilométrée, s’il se produit desvariations dans la longueur du tracé qui représente un kilomètre, on en conclut àdes variations, de la longueur du pas. De telle variations s’observent sousl’influence de la pente du terrain, de la nature du sol, de la chaussure qu’on porte,de la vitesse de la marche, ou du poids dont on est chargé.Ces études de physiologie appliquée auront, je crois, une grande importancepratique et de nombreuses applications à la marche des troupes en campagne.]4[Suite et finIII. Des allures du cheval. – Tout le monde sait reconnaître si un cheval marche,trotte ou galope ; mais peu de personnes seraient en mesure d’indiquer le rythme etl’ordre de succession des mouvements des membres aux différentes allures. Cesmouvements, en effet, se succèdent avec trop de rapidité pour que nos yeuxpuissent les suivre. L’oreille est plus apte que l’œil à percevoir ces rythmes et c’estelle qui nous renseigne d’ordinaire sur l’allure d’un cheval. Lorsqu’à chaquerévolution du pas on entend deux battues, il s’agit de l’amble ou du trot ; troisbattues inégalement espacées correspondent au galop ; enfin, quatre battuessignalent l’allure du pas.Mais ces allures peuvent être plus ou moins irrégulières, altérées, boiteuses ; deplus l’animal, passant d’une allure à l’autre en un temps très-court, Commentpourra-t-on saisir la manière dont se fait la passage ? Ces questions sont d’unegrande importance pour l’écuyer ou le vétérinaire qui ont fait de grands efforts pourles résoudre.Ainsi que je le disais tout à l’heure, l’oreille juge mieux que la vue les rythmes de
mouvements successifs ; mais pour saisir la production de ces battues rythmées àdeux, à trois ou à quatre temps, il faut savoir à quel pied attribuer chacun de cesbruits. D’ingénieux expérimentateurs ont appliqué aux quatre pieds du cheval dessonnettes de timbres différents formant entre elles l’accord parfait. Il se produit,suivant la succession ou le synchronisme, des battues, des mélodies ou desaccords variés. Mais cela ne donnait pas sans doute la durée des appuis ; aussi, laquestion des allures du cheval n’a pas été entièrement résolue, même par cetteméthode. Ouvrez les traités spéciaux et vous verrez qu’en dehors de l’amble, du trotfranc et du galop à trois temps, il n’est peut-être pas une allure dont le mécanismene soit discuté et sur lequel il ne règne des théories contradictoires.En présence des difficultés de ce problème, vous prévoyez sans doute quelle serama conclusion : il faut recourir à la méthode graphique ; elle le résoudra le plussimplement du monde.Prenons la question au point où l’on amenée les expérimentateurs que je viens deciter : la succession des mouvements des membres d’un cheval est une sorte demusique puisqu’elle a un rythme et que nous attribuons à chacun des pieds unetonalité différente. Or cette musique est très-simple puisqu’elle ne se compose quede quatre tons. La disposition suivante permettra de recueillir la notation de cettemusique inscrite par le cheval lui-même.Sous chacun des sabots du cheval, nous plaçons une ampoule pleine d’air qui, aumoyen d’un tube, est reliée à une autre petite ampoule analogue dont leschangements de volumes agissent sur un style inscripteur.Quand le cheval appuie un pied sur le sol, il soulève un style inscripteur et celui-cireste soulevé tant que dure l’appui. Quatre styles sont disposés répondant à quatreampoules dont chacune est placée sous un des pieds du cheval et ces styles,placés sur une ligne droite parallèle à l’axe du cylindre, tracent d’eux-même lasuccession et la durée de leurs appuis.Fig. 1La figure 1 montre la disposition de l’expérience. Des quatre membres du chevalpartent quatre tubes de caoutchouc qui convergent dans la main du jockey et serendent à l’appareil inscripteur à cylindre qu’il tient à la main. Les tracés obtenusaux diverses allures sont réunis au nombre de 10 dans la fig. 2. Chaque pied a,comme dans la notation musicale, sa caractéristique par la hauteur à laquelle setrace le signal de ses appuis. Nous convenons que les pieds de devant tracent surles lignes du haut, ceux d’arrière sur les lignes du bas.
Fig. 2Maintenant, le cheval peut, de ses quatre pieds, exécuter les mouvements les plusrapides, rien n’échappera à l’inscription.Et d’abord, pour vous donner confiance dans l’emploi de cette méthode, laissez-nous vous montrer comment elle résout un problème bien plus difficile. Lorsqu’unpianiste habile promène ses doigts sur un clavier, qui pourrait décrire lesmouvements qu’il exécute, dire quelle note a été touchée la première et pendantcombien de temps, puis quelles autres se sont suivies, ensemble ou séparément,avec leurs rythmes et leurs tonalités variables ? Inscrivons ces mouvements etquand ils seront fixés sur le papier, nous pourrons les analyser tout à l’aise.Fig. 3Dans l’appareil que j’emploie, les touches d’un clavier agissent par leur pressionsur des ampoules à air réunies par des tubes à d’autres ampoules qui actionnentdes styles traceurs. Voyez avec quelle agilité se meuvent ces petits stylesreproduisant tous les mouvements des doigts promenés sur le clavier muet : tout àl’heure vous verrez fonctionner l’instrument ; je vous présente d’abord ce qu’ilsviennent d’écrire (fig. 3).Voyez ces notes qui s’échelonnent en games ou en arpéges, ces accords variés,ces changements de tons où les dièzes et bémols s’accusent par des traits striéslongitudinalement. Cet instrument qui fonctionne pour la première fois a étéconstruit par M. Tatin, notre collègue, dont ceux qui le connaissent ont déjà admirél’habileté.Et maintenant que vous ne doutez plus, j’espère, de la fidélité de la méthode,analysons les tracés du tableau que je vous ai montré tout à l’heure (fig. 2). Pour lebien comprendre, empruntons à Dugès son ingénieuse idée de comparer le chevalou un quadrupède quelconque à deux être bipèdes marchant l’un derrière l’autre.Si les deux marcheurs exécutent les mêmes actes en même temps, c’est-à-dire sitous deux lèvent et appuient simultanément la jambe droite, puis la gauche, c’est
l’allure de l’amble (n°1) qui se produit. L’oreille n’entend que deux bruits à chaquedouble pas, parce que deux membres à la fois rencontrent le sol : se sont lesmembres associés en bipède latéral.Si le marcheur d’arrière est déjà à moitié de l’appui d’un de ses pieds quand lemarcheur d’avant pose le même pied sur le sol, c’est le pas. Ici les quatre battuessont séparées et l’oreille entend quatre bruits équidistants ; l’ordre de successionserait, si l’on comptait en commençant par le pied droit : antérieur droit, –postérieur gauche, – antérieur gauche, – postérieur droit.Imaginons que le marcheur d’arrière fasse des mouvements absolument inversesde ceux du marcheur d’avant, c’est-à-dire que l’un des pieds droits frappe le solquand l’autre pied droit se lève, nous aurons l’allure du trot. Deux pieds seronttoujours associés et ne donneront qu’une battue, et ces pieds seront placés enbipède diagonal.Voilà ce que l’on sait du rythme des allures ou du moins tels sont les points surlesquels tout le monde est d’accord ; mais si l’on voulait chercher dans les diversauteurs la définition des allures plus compliquées, intermédiaires à celles quiviennent d’être indiquées, on ne trouverait, comme je l’ai dit, que contradictionsentre les opinions diverses.Fig. 4Dans l’allure plus rapide du galop, celui à trois temps par exemple (fig. 4), lepremier temps est donné par le choc d’un pied d’arrière sur lequel retombe lecheval après qu’il s’est enlevé de terre ; puis, tombent ensemble l’autre piedd’arrière et le pied antérieur qui lui est associé en diagonale : c’est le secondtemps. Enfin, on entend battre un pied antérieur, c’est le troisième temps.Le galop à trois temps peut se distinguer en deux formes : le galop à droite danslequel le pied droit de devant arrive le dernier sur le sol ; le galop à gauche danslequel c’est le pied antérieur gauche qui arrive le dernier.Veut-on savoir sur combien de pieds repose le cheval aux différents instants dugalop ? La figure 4 répond encore à la question. De même que la notation d’unmorceau de musique montre combien de doigts appuyaient en même temps sur lestouches d’un clavier, de même la figure 4 montre que le cheval, au moment où il estretombé sur le sol, n’appuyait d’abord qu’un seul pied ; puis, que le bipède diagonalfrappant le sol à son tour, le cheval avait à ce moment un triple appui.Sans la rotation des allures, on n’eut certainement pas songé à distinguer cettesérie d’appuis.Le galop de course était considéré généralement comme une allure à deux tempsdans laquelle le cheval frappait tour à tour le sol avec les membres antérieurs et lesmembres postérieurs associés. Ce galop se montre, dans la notation, comme uneallure à quatre temps ; le tracé dissocie les deux battues d’avant et les deux battuesd’arrière, bien qu’elles se suivent à très-court intervalle.
Fig. 5La transition d’une allure à une autre, impossible à déterminer par l’observationdirecte, s’inscrit clairement dans la figure 5.IV. Représentation artistique du cheval et des animaux. – La représentationartistique des animaux exige des connaissances spéciales et variées. Rien ne peutremplacer les patientes études que fait acquérir au peintre ou au sculpteur lascience anatomique des formes et des aspects que prennent les membres dansleur différentes positions. Mais si le peintre ou le sculpteur veut animer son œuvre,s’il veut montrer un cheval développant l’effort d’une traction puissante, ou s’il veut lereprésenter emporté dans une course rapide, il doit avoir une exacte connaissancedes diverses allures.Ce qui est vrai du cheval l’est également des autres animaux ; mais tous présentententre eux des analogies tellement grandes que si l’on connaît bien les allures ducheval, on peut représenter celles de tous les quadrupèdes.L’analyse sommaire qui vient d’être faite des rythmes des battues, à chaque allure,ne suffit pas encore pour représenter les attitudes qui les expriment ; nous n’avonsencore, relativement à ces mouvements, qu’une des deux notions nécessaires.Nous connaissons les relations de temps, il faut connaître aussi les relationsd’espace, c’est-à-dire savoir en quel lieu se trouve à chaque instant chacun desmembres levés ou appuyés sur le sol.Obligé d’abréger cette exposition déjà longue, je ne vous dirai pas comment ondétermine graphiquement les phases du mouvement d’un pied qui se déplace,mais je puis vous montrer sommairement comment se détermine le lieu où chaquepied vient prendre son appui. Cette indication est fournie par l’empreinte que lecheval laisse sur le terrain. M. de Curnieu, le capitaine Raabe et M. Lenoble du Teilont étudié avec un soin particulier ces empreintes ou pistes du cheval auxdifférentes allures. Le sable uni d’une plage est un terrain admirablement préparépour cette étude ; les personnes qui en ont acquis l’habitude déchiffrent aisémentde pareilles empreintes, mais pour en rendre la lecture facile à tout le monde, on aimaginé de donner une forme différente aux fers des pieds de devant et à ceux dederrière, ces derniers étant munis de crampons. Les principales alluresreprésentées par leurs pistes ont été réunies dans le tableau (fig. 6 que j’emprunteà M. Lenoble du Teil.
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