Sans monter au char de victoire, Meurt le poëte créateur : Son siècle est trop près de sa gloire Pour en mesurer la hauteur. C'est Bélisaire au Capitole : La foule court à quelque idole, Et jette en passant une obole Au mendiant triomphateur.
Amis, dans ma douce retraite A tous vos maux je dis adieu. Là, ma vie est molle et secrète. J'ai des autels pour chaque dieu. Le myrte, qu'au laurier j'enchaîne, Y croît sous l'ombragedu chêne ; J'y mets Horace avec Mécène, Et Corneille sans Richelieu.
Là, dans l'ombre descend ma muse A l'œil fier, aux traits ingénus, Image éclatante et confuse Des anges à l'homme inconnus Ses rayons cherchent le mystère ; Son aile, chaste et solitaire, Jamais ne permet à la terre D'effleurer ses pieds blancs et nus.
Là, je cache un hymen prospère ; Et sur mon seuil hospitalier Parfois tu t'assieds, ô mon père ! Comme un antique chevalier ; Ma famille est ton humble empire ; Et mon fils, avec un sourire, Dort aux sons de ma jeune lyre, Bercé dans ton vieux bouclier.