Chanson bachique (Le Vavasseur)
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Gustave Le Vavasseur — Poésies fugitivesChanson bachiqueCHANSON BACHIQUESous l’ombrage d’une treille,Au coin d’un verger normand,À la troisième bouteilleJe ...

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Gustave Le VavasseurPoésies fugitives
Chanson bachique
CHANSON BACHIQUE
Sous l’ombrage d’une treille, Au coin d’un verger normand, À la troisième bouteille Je m’endormis doucement. Dans mon sommeil m’apparurent Tous les ivrognes qui burent Le jus qu’inventa Noé. Bacchus, une coupe pleine Soutenait le vieux Silène Qui murmurait : Evohé !
Glorieux d’être en famille, Maître Adam se trémoussait À doler une cheville Qui se changeait en fausset. À cheval sur sa futaille, De ce coursier de bataille, Basselin, le bon Normand, Souriait à Henri quatre, Qui semblait las de se battre Et buvait royalement.
Philippe de Macédoine, Près de son fils demi-nu, Querellait un pauvre moine D’Aristote soutenu. Diogène le cynique Montrait d’un doigt ironique Chapelle tout décoiffé. Despréaux raillait Voltaire Qui sucrait avec mystère Une tasse de café.
Caton, la face rougie, Pleurait d’attendrissement Au gras récit d’une orgie Que lui faisait Saint-Amant. L’ami Faret, le vieux drôle, S’appuyait sur son épaule Avec un souris cruel, Tandis qu’au gai bruit du verre, Alcofribas, l’œil sévère, Achevait Pantagruel.
Puis en s’éloignant, mon rêve S’acheva dans un jaidln ; J’aperçus notre mère Ève À la porte de l’Éden. Rouges du jus de la pomme, Les lèvres du premier homme Tremblaient de honte et d’orgueil ; Le serpent, d’un œil étrange, Guettait le glaive de l’ange, Qui flamboyait sur le seuil.
De l’arbre à sève traîtresse, Quel que soit le fruit mordu, Son jus renferme l’ivresse Et c’est un fruit défendu. Gens à soif inassouvie
Qui, croyant boire la vie, Versez, versez jusqu’au bord, Plus naïfs qu’Adam sans doute, Vous vous tuez goutte à goutte Et vous savourez la Mort.
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