Le Carquois satyrique
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Variétés historiques et littéraires, Tome VILe Carquois satyrique.Antoine Gaigneuvers 16201Le Carquois satyrique, par Antoine Gaigneu, Foresien . Ridendo dicere verum quis vetat ?À Monsieur Jean-Baptiste Palleron, Lyonnois.Monsieur,L’asseurance que j’ay en vostre amitié et courtoisie me faict esperer que vousagreerez ces gaillardes poesies. Je les vous offre, comme à celuy qui a toujoursfavorablement œilladé tout ce qui est provenu de ma muse. Outre que vous estestellement ennemy de la melancolie que ce Carquois ne vous peut estre desplaisantet ennuyeux, vous pourrez voir et visiter toutes les flesches et traicts qui sont dansiceluy en peu de temps. Ce peu de temps me fera beaucoup d’honneur et de2faveur, principalement si, le bien-heurant d’une benigne reception, vous mepermettez de me publier à jamais,Monsieur,Vostre très humble et très affectionné serviteur.Gaigneu.Le Carquois satyrique, contre les alchimisteset rechercheurs de pierre philosophale.Stances.Enfans de la vaine science,Qui distillez vostre substanceEt faictes fumer vostre bien,Cherchez autre philosophie,Car qui en cette-cy se fieMultiplie le tout en rien.Enfans de la folle esperance3Qui dissipez vostre chevancePièce à pièce, comme en destal,Cherchez autre metaphysyque,Car qui à cette-cy s’appliquePrend le chemin de l’hospital.4Enfans de l’incertain Mercure ,Qui, dans un jour, avez la cure5De souffler cinq cent mille fois ,Cherchez autre mathematique,Car qui en ...

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Variétés historiques et littéraires, Tome VI Le Carquois satyrique. Antoine Gaigneu vers 1620
1 Le Carquois satyrique, par Antoine Gaigneu, Foresien. Ridendo dicere verum quis vetat ?
À Monsieur Jean-Baptiste Palleron, Lyonnois. Monsieur, L’asseurance que j’ay en vostre amitié et courtoisie me faict esperer que vous agreerez ces gaillardes poesies. Je les vous offre, comme à celuy qui a toujours favorablement œilladé tout ce qui est provenu de ma muse. Outre que vous estes tellement ennemy de la melancolie que ce Carquois ne vous peut estre desplaisant et ennuyeux, vous pourrez voir et visiter toutes les flesches et traicts qui sont dans iceluy en peu de temps. Ce peu de temps me fera beaucoup d’honneur et de 2 faveur, principalement si, le bien-heurantd’une benigne reception, vous me permettez de me publier à jamais, Monsieur, Vostre très humble et très affectionné serviteur. Gaigneu.
Le Carquois satyrique, contre les alchimistes et rechercheurs de pierre philosophale. Stances.
Enfans de la vaine science, Qui distillez vostre substance Et faictes fumer vostre bien, Cherchez autre philosophie, Car qui en cette-cy se fie Multiplie le tout en rien. Enfans de la folle esperance 3 Qui dissipez vostre chevance Pièce à pièce, comme en destal, Cherchez autre metaphysyque, Car qui à cette-cy s’applique Prend le chemin de l’hospital. 4 Enfans de l’incertain Mercure, Qui, dans un jour, avez la cure 5 De souffler cinq cent mille fois, Cherchez autre mathematique, Car qui en cette-cy pratique Boit dans une escuelle de bois. Enfans adorants l’alchimie, Qui dedans vostre academie Falsifiez l’or à tous coups, Cherchez autre metempsicose, Car qui en cette se repose Un jour sera mangé des pouds. Enfans de doctrine volage Qui consommez vostre heritage,
Le plus beau bien tout le premier, Cherchez un autre art ou science, Car qui en cette a confiance Mourra tout nud sur un fumier. Enfans de la pure follie, Qu’ores la raison vous deslie De ce cordage trop pippeur ; Rompez allambicqz et cornues ; Que vos plaintes persent les nues, Disans : Mercure est un trompeur.
Contre les astrologues qui se mêlent de predire les choses futures. Stances.
Comme peux-tu, fol astrologue, Trop orgueilleux, superbe et rogue, Cognoistre la force des deux, Leurs mouvemens et influance, Puisque ta belle suffisance N’est que d’avoir du sable aux yeux ? Tu ne cognois pas, grosse beste, Alors que tu lèves la teste Pour voir les astres si souvent, 6 Que tu tombes dans une fosse. Dieu ! que ta science est bien fausse, Puis qu’elle te va decevant ! Il convient que je t’accompare Au trop audacieux Icare, Qui tresbucha dedans la mer ; Tu verras bien tost que tes aisles Fondront aux cœlestes chandelles, Et que tu ne peux qu’abysmer. Tu trompes par ephemerides Les esprits de sçavoir cupides ; Si le sort est bon ou mauvais, Tu crois de le pouvoir predire ; Et comme au ciel pourrois-tu lire, Puisque tu ne le vis jamais ? Tu ne vois ta follie extresme : Tu ne te cognois pas toy-mesme, Et tu veux sçavoir le futeur ; C’est une chose imaginée, Ce qu’on appelle destinée, Car Dieu de nos maux n’est l’autheur. Insensé, ne crains-tu la chaisne, Le tourment, le mal et la peine De celuy à qui le vautour Le cœur mange, arrache et desvore ? Puny plus griefvement encore On te pourra voir quelque jour.
7 Contre un certain bragamasquesubject au mal 8 caduc et à la pince. Stances.
Prestres qui vivez sainctement, Apportez le sainct sacrement, Auquel nous avons tous refuge, Et venez chasser Lucifer, Qui se veut bastir un enfer Dedans le corps d’un pauvre juge. Ce demon ennemy des cieux Luy rend si farouche les yeux Que de frayeur mon poil s’herisse ; S’il ne plaict à Dieu l’en guerir, On ne verra jamais tarir Les gros ruisseaux de l’injustice.
Voyez comme il grince les dents, Par le demon qui, au dedans Le bourrellant, faict qu’il se pame ! Il s’allonge et roidit si fort Que je ne donne point de tort À ceux qui le jugent sans ame. Hé ! prestres, venez, accourez, Ce pauvre juge secourez ; Que vostre eau salubre le lave, 9 Et n’oblyez le pain benit, 10 À celle fin que l’aconit Ne vienne à naistre de sa bave. Comme peut-il en ce bas lieu Estre l’image du grand Dieu, Ayant en soy le roy des vices ? Il devient demon peu à peu ; On n’esteindra jamais ce feu, 11 Car il ayme trop les espices. Non, non, prestres, ne venez pas : En vain vous feriez tant de pas, Puisque ce demon le possède ; Celuy-là qui s’est destiné Pour vivre et mourir obstiné N’a besoing de vostre remède.
Contre le fils d’un apothicaire qui vouloit estre coucu mal-gré la volonté de tous ses parens et amys. Stances.
Jour et nuict à sa dame Discourir de sa flame, Se dire son vaincu, L’appeller son idole, Bon Dieu ! que de parole Pour devenir coucu ! Inconstant en pareure, Couvert de biguarreure Comme un cameleon, S’habiller sans prudence, Bon Dieu ! quelle despence Pour estre un Acteon ! Emmieller sa maîtresse, D’une voix de liesse Chantant quelque chanson, Luy donner des ballades, Bon Dieu ! que de gambades Pour estre un lymaçon ! User de mille ruses, Espoinçonner les muses Contre un amant nouveau, Luy reprendre son vice, Bon Dieu ! que de supplice Pour devenir toureau ! Bref, s’aveugler soy-mesme D’une superbe estresme, Issu d’un souffle-cul, Ne voir point sa sottise, Bon Dieu ! que de bestise Pour devenir coucu !
Stances. À certain goulu du tout ennemy des Muses et de Mars. Grand guerrier de cuisine, Très exert à la mine
Et au faict du canon, Non contre quelque place, Mais contre une beccasse, Je chante ton renom. Grand guerrier, ton espée Est la broche trempée Au sang d’un lappereau, Ton bouclier est la poelle Où l’on a frit la moelle De quelque goudiveau. De tes armes le casque 12 Est un bon double flasque Plein de douce liqueur. Il faut qu’on t’y attache Du pampre pour panache En signe de vainqueur. La lardoire est la lance Qui faict voir ta vaillance Aux peaux des animaux ; Ton eschelle guerrière Est une cremallière, Et les bancs tes chevaux. Tes petards sont marmites, 13 Tes targueslesche-frites, Tes balles œufs moulets, Ton enseigne est la nappe ; Tu sçais donner la sappe Aux perdrix et polets. Le mortier plein d’espice Est le tambour propice À trouver le vin bon ; L’antonnoir de bouteille Le fiiïre qui l’esveille À l’assaut du jambon. Ainsi, brave courage, Qui, vaillant au potage, Merites le laurier Que l’on met aux viandes Pour les rendre friandes, Tu es ce grand guerrier ; Ce guerrier admirable Qui fait voir, redoutable, Estant dedans Paris, Vuides les boucheries, Caves, rostisseries ; Et les flascons tariz. Guerrier au nom de beste, Ta plus grande conqueste, Mais tes plus grands esbats, Ce sont cave et cuisine, Et non pas Mnemosyne, Ou le dieu des combats. Apollon et Bellonne Estiment ta personne Autant qu’un vieux cheval. Ha ! que ma pauvre muse Esprouvast une buse, Te donnant son travail !
Sonnet lyrique.
À sa cruelle et rigoureuse.
Belle et fière maîtresse, Source de ma douleur, Cause de mon malheur, Trop cruelle tygresse, Trop pleine de rudesse, Trop pleine de rigueur, Flesche de ma langueur,
Poincte de mon angoisse ; La seule vanité, La mesme cruauté. De tous mes maux l’escorte ; La tombe de mes jours, Comète à mes amours, Que le diable t’emporte !
Epigramme équivocante Sur le nom et misère des poètes. Les muses qui m’ont amusé, Ou plustost qui m’ont abusé, À la fin trompent les poètes ; Poètes amys de renom, On ne vous a donné ce nom, Que pour ce que pleins de pouds estes.
De quelques gentilhommeaux qui pour aller braves faisoient maigre chère, et mouroient presque de faim.
Tous ces petits gentilhommeaux Me font souvenir des tombeaux Qui ne sont beaux qu’en apparence : Car, pour avoir des beaux habits, Ils ne boivent à suffisance 14 Et ne mangent que du pain bis.
L’autheur prend congé des Muses, avec resolution de ne plus les courtiser, puisqu’elles ne recompensent les poètes que de pauvreté.
Non, non, je ne suis esbahy, Si je me vois ores trahy De vous, pucelles de Parnasse ; Vous promettez beaucoup de bien, Mais vous ne donnez jamais rien Que sur la fin une besace. Je croyois que vos doux fredons M’enrichiroient de mille dons, Et des pouds seulement j’amasse ; Par vous je pensois prosperer, Mais, las ! je ne puis esperer Que sur la fin une besace. Vos chansons et vos instruments Ne sont que peines et tourments, Vostre malheur du tout m’embrasse. Vous donnez quelque passe-temps ; Mais pour sallaire je n’attends Que sur la fin une besace. Je devrois me voir assouvy De biens, pour vous avoir servy, Et malheur sur malheur j’entasse. Ô ! que maigre est vostre pouvoir ! De vous on ne sçauroit avoir Que sur la fin une besace. Ovide pour vous fust banny, Et se vist rudement puny Pour avoir suivy vostre audace ; Vous luy causates son mal-heur, Il n’eust de vous autre faveur Que sur la fin une besace. Homère, mignon d’Apollon, Avec son grave violon, Ne receut de vous autre grace
Que de mandier en tous lieux. Que puis-je donc pretendre mieux, Que sur la fin une besace ? Ainsi, belles et doctes sœurs, Pour avoir gousté vos douceurs, Je suis une horrible carcasse, Je suis la mesme pauvreté : Vous n’avez autre charité Que sur la fin une besace. Adieu doncques, Muses, adieu, Je n’iray plus en ce beau lieu Où je contemplois vostre face, Où vos lauriers je cherissois, Puisque de vous je ne reçois Que sur la fin une besace.
1. Il n’est fait mention de ce poète que dans le curieux ouvrage de M. Aug. Bernard,Les d’Urfé, 1839, in-8, p. 113. Il y est nommé Gagnieu. M. Bernard le cite comme figurant au nombre des Forésiens qui ont fait précéder de quelques petites pièces louangeuses le volume manuscrit d’Anne d’Urfé que possède la Bibliothèque Impériale (Suppl. franç., nº 183). Gagnieu, selon M. Bernard, étoit sans doute l’avocat du Roi « qui figura dans le conseilanti-nemouristetenu à Montbrison en décembre 1592, chez Louis Berthaud. Son sonnet autographe se trouve aussi dans le gros volume manuscrit d’Anne. »
2. Le favorisant. C’est le participe du verbebien-heurer, qui se prenoit souvent dans le sens de favoriser, témoin ce passage d’Estienne Pasquier (Recherches, liv. 4, lettre 5) : « Cette dame Raison, dont Dieu a voulubien heurerles hommes. »
3.Fortune. C’est le même mot quefinance, qui est seul resté. V. plus haut, p. 86,note.
4. La planète deMercureétoit celle de l’inconstance. D’après Albert le Grand, dans ses Secrets admirables, c’est de là que venoient les maladies, les pertes, les dettes, enfin toutes sortes de maux. Aussi Molière fait-il dire par Mercure, dans le prologue d’Amphitryon:
… Je me sens par ma planète À la malice un peu porté.
Joignez à cela que levif-argentla substance sur laquelle opéroient surtout les étoit alchimistes, et vous comprendrez qu’on les mette ici sous l’invocation de Mercure. Dans l eTraicté faict par le roi Charles IX avec Jean des Gallans, sieur de Pezerolles, promettant au dict seigneur roi de transmuer tous metaux imparfaicts en fin or et argent (5 nov. 1567), il est dit : « Promet le dict sieur de Pezerolles que dedans six mois après la datte de ces presentes que la matière par lui declarée aura esté mise en sa decoction et dans les vases à ce requis et en tel nombre qu’il plaît à sa majesté, qu’il monstrera la première preuve de transmutation de la dicte matière enmercure mortifié ou vivifié, et dans quatre mois après qu’il montrera aussi une seconde preuve de la dicte matière qui fera transmutation de metal imparfaict en or et argent, etc. » (Biblioth. imp., mss. du Puy, vol. 86, fol. 172.)
5. C’étoit le plus fort de la besogne des alchimistes, que pour cela l’on appeloitsouffleurs e encore à la fin du XVIIsiècle. Écoutez le Crispin desFolies amoureuses(act. 1, sc. 5) :
Il ne s’en est fallu qu’un degré de chaleur Pour être de mon temps le plus heureuxsouffleur.
6. C’est la fable d’Ésope,l’Astrologue, reprise, comme on sait, par La Fontaine, liv. 2, fable 13. « Je sçais bon gré, dit Montaigne (Essais, liv. 2, chap. 12) à la garse milésienne qui, voyant le philosophe Thalès s’amuser continuellement à la contemplation de la voulte celeste et tenir toujours les yeux eslevez contremont, lui mit en son passage quelque chose à le faire bruncher, pour l’advertir qu’il seroit temps d’amuser son pensement aux choses qui estoient dans les nues quand il auroit pourveu à celles qui estoyent à ses pieds. » Montaigne cite ensuite ce vers que Cicéron,De divinat., liv. 2, chap. 13, dirige contre Démocrite :
Quod est ante pedes nemo spectat, cœli scrutantur plagas.
D’après une anecdocte que raconte leMenagiana (Collect.des Ana, t. 1, p. 78), il paroîtroit que ce qui fait le sujet de ces fables arriva un jour réellement.
7. Sans doute faut-il lirebraquamasque, ce qui seroit alors un dérivé debraque, mot qui, surtout dans le Midi, s’emploie pourfou,insensé.
8. C’est-à-dire au vol. C’étoit le mot en usage, comme on le sait par ce passage de Marot, dans sonEpitre au Roy pour avoir esté desrobé:
Car votre argent, trop debonnaire prince, Sans point de faute est subject à lapince.
9. On est encore persuadé dans quelques villes de province qu’en gardant les morceaux de pain bénit qui se distribuent le dimanche à l’église, on se donne un préservatif contre les maléfices. Aussi a-t-on bien soin de les laisser religieusement moisir dans le fond de quelque tiroir.
10. Cette herbe étoit née, disent les poètes, de la bave tombée de la triple gueule de Cerbère, quand Hercule lui étreignit fortement le gosier et l’arracha des enfers. (Ovide, Metamorph., liv. 7 ; Pline, liv. 27, ch. 3.)
11. Sur les épices donnés aux juges pour honoraires, voir t. 2, p. 179.
e 12. C’est le mot allemandflasche, bouteille ; flacon en est le dérivé. Au XIIsiècle, le peuple disoit déjàflaische, d’après un manuscrit cité par Noël et Carpentier dans leur Dictionn. étymolog., t. 1, p. 598 : « Dous vesselez pleins de vin ki del pople sont appeleit flaisches. »
13.Targe, bouclier.
14. Comme ces pauvres gentilhommes de Beauce qui, dit Rabelais, « desjeunent de baisler et s’en trouvent fort bien, et n’en crachent que mieux ». (Liv. 1, ch. 17.) Oudin dit aussi : « Gentilhomme de Beauce, qui vend ses chiens pour avoir du pain. » (Curiosités françoises, p. 249.)
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