Nuit d’hiver
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Henry Winter — Le Parnasse contemporainNuit d'hiverL'air était âpre et froid ; par les champs la geléeÉtreignait fortement contre ses reins roidisLa terre par les ...

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Langue Français

Extrait

Henry WinterLe Parnasse contemporain
Nuit d'hiver
L'air était âpre et froid ; par les champs la gelée Étreignait fortement contre ses reins roidis La terre par les vents du Nord toute pelée. La lune blêmissait dans les cieux engourdis.
Au loin, la grande mer se brisant sur ses grèves Roulait en gémissant de lugubres sanglots ; Un funèbre concert de pleurs, de plaintes brèves S'élevaient de la terre et répondaient aux flots.
Un vent rauque et glacé courait sur les bruyères, Pareil au chant des morts dans les temples chrétiens ; Comme des moines noirs marmottant leurs prières Les corbeaux échangeaient de mornes entretiens.
Point de nuage au ciel ; et pourtant des tons sombres Sur la terre : un air peu diaphane et laiteux Que les dolmens noircis traversaient de leurs ombres Lourdes, où grelottaient les arbres souffreteux.
Triste, silencieux sous son linceul de givre, L'Univers, immobile en son manteau de deuil, Gisait comme un géant près de cesser de vivre, Et qu'attendent les ais lugubres du cercueil.
Ah ! comme toi, Nature ! en ces heures funèbres, J'ai senti se roidir tout mon être épuisé, Les frissons de l'horreur parcourir mes vertèbres, Et la morne douleur tordre mon cœur brisé.
Toi, tu reverdiras, ô Terre ! et ton écorce Craquera, fécondant les germes recelés, Et tu reproduiras, éternelle en ta force, Les saints embrassements des êtres accouplés.
Pour nous, jeunes encor, mais que nos pâles mères Engendrèrent un soir de ces temps ténébreux, Quand l'amour décevant, de ses lèvres amères, A tari l'idéal de nos rêves fiévreux,
Nous ne renaissons pas, et, roulant par la vie Comme un soleil éteint dans le désert des cieux, Notre cœur sans pitié, sans espoir, sans envie, S'avance vers la mort, froid et silencieux.
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