Le retour du petit homme
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Le petit gouverneur déchu annonce son retour. Il rêve de remonter sur le trône dans un grand élan de ferveur populaire. La Comté en est toute perplexe...

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Publié le 24 septembre 2014
Nombre de lectures 233
Langue Français

Extrait

CC.RIDER
LA SAGA CONTINUE
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CHAPITRE 1
Le retour du petit homme
Pendant deux années et demi, la Comté ravagée par ses sinistres roses n'avait presque plus entendu parler de son ancien petit gouverneur révoqué, j'ai nommé Nulco, Comte de Magypolka, si ce n'était par le biais d'affaires aussi calamiteuses que le scandale du « BigBadLion », l'abus de faiblesse sur la personne de Mamy Zinzin sans parler de la sombre histoire des rétro-commissions du Kakistan qui auraient pu donner lieu à un thriller sanglant intitulé « Gros gâchis à Rakatchi » si le prolifique Gérard du Pilier avait pu officier depuis l'au-delà. Le pauvre pays souffrait sous le joug de son piteux successeur, Franck Nullande, petit bonhomme rondouillard et binoclard, arrivé sur le trône sur un malentendu suite au scandale de DTP (Denis Trousse-Poulettes) sur lequel on ne s'étendra pas plus. Les amnésiques et autres curieux oublieux n'auront qu'à se reporter à la désormais célèbre « Saga d'un petit homme » généreusement mise à disposition sur la grande toile d'araignée...
Le Hobbitt moyen avait de plus en plus de vague à l'âme. L'ambiance comtoise puait la sinistre rose, avec ou sans le rigide Daniel Valseur ou le coulant Jean Marc Zéro. Les feuilles d'impôts alourdies au plomb durci tombaient dru en ce triste automne et aggravaient encore son blues. Nullande surnommé « Flanby », « le Pingouin », « l'ami Mollette » et autres sobriquets méprisants, accumulait bourdes, échecs et provocations. Chômage, insécurité et délinquance en hausse, explosion de la dette, croissance zéro, personne n'était épargné,
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tout le monde avait le moral dans les chaussettes. En trente six mois de pouvoir, l'homme qui faisait fuir les riches et qui traitait les pauvres de « sans dents » si l'on en croyait ce que relatait le best-seller « Merci pour le bon coup » de Miss Rottweiller, la maîtresse abandonnée fort inélégamment, avait vu sa cote dégringoler toujours plus bas au fil des semaines. Il était tombé à 12% d'opinions favorables, un record absolu de désamour jamais atteint par aucun de ses prédécesseurs lesquels n'avaient pourtant pas toujours été à la hauteur eux non plus ! Une telle accumulation d'erreurs, de boulettes, de mauvaises décisions, de volte-faces ridicules, de valses hésitations relevait carrément du génie. Une telle nullité frisait l'improbable voire l'incapacité absolue. Le petit locataire du Palais Balisé était devenu si impopulaire que la plupart des observateurs autorisés en étaient à se demander s'il allait pouvoir arriver au bout de son calamiteux quinquennat...
Alors, en se rasant le matin, Nulco, qui se désolait en s'examinant et qui se consolait en se comparant, ne pouvait que se répéter intérieurement : « Comment ces idiots de petits Hobbitts de mes deux ont-ils pu préférer ce gros benêt bon à rien et me rejeter, moi, génial, dynamique, sympathique et intelligent comme je suis ?... »
Il lui semblait évident que son heure était venue. Et si elle ne l'était pas vraiment, il pouvait toujours anticiper et faire comme si avec la belle vergogne qui ne le quittait jamais. Nulco était un grand adepte de la méthode Couette. « Bianca, lança-t-il un matin à sa belle chanteuse d'épouse, y en a marre des conférences à 100 000 balles pour les satrapes des sables, les potentats du désert et les patrons puants du Couac 40... »
– Allons, chéri, c'est quand même un boulot super sympa, rétorqua l'ex-mannequin au filet de voix inaudible, tu n'as qu'à
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te pointer, sortir trois ou quatre banalités bien envoyées, te faire applaudir, signer des autographes et embourber le pactole... Te voilà une véritable rock star, Nulco. Reste-le !
– Non, Bianca, je sens que je suis bien plus que cela. Je vaux beaucoup plus. J'ai l'impression de brader mon talent, de prostituer mon génie... Je sens que l'opinion est mûre. Plein de gens me regrettent déjà. Ils n'attendent plus qu'une chose : que je revienne !
– Que tu crois, lui répondit la belle ladina. Les sondages racontent que 70% des Comtois ne souhaitent pas ton retour. – Ces saletés de baromètres d'opinion ont tous été trafiqués par mes ennemis. – Tu dis ça quand les chiffres te sont défavorables. S'ils étaient bons pour toi, tu dirais qu'ils sont crédibles... – Non, je ne suis pas du tout comme ça, Bianca. J'ai toujours eu beaucoup de flair, de pif, de vista. Je sens l'opinion. Je flaire la tendance avant qu'elle se retourne. Le pingouin et son Valseur, la Taupekiral et tous ces abrutis de sinistres roses bossent déjà pour moi sans s'en rendre compte. Jupperaide, le comte de Bordeaux, Franck Fion, le duc de Rillettes qui se voient déjà gouverneurs, sans oublier Bertrand, Doppé, Kukusko et les autres, tous, je te dis, tous sans exception, vont se rallier comme un seul homme et se mettre à travailler pour moi. – J'en crois pas un mot. Ils cherchent tous à se placer sur la ligne de départ et ne se soucient pas du tout de toi. – C'est cela. Dis aussi qu'ils m'ont déjà enterré vivant... En réalité, ils ne le savent pas encore eux-mêmes, mais ils vont se rallier très bientôt à mon beau panache tricolore...
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– Ecoute-moi bien, mon petit Nulcounet, avant de te lancer dans l'arène, demande donc conseil aux augures, elles seules voient vraiment l'avenir... En toutes choses, il vaut toujours mieux faire appel à une professionnelle.
– J'ai déjà consulté Mamy Zinzin. Elle m'a appelé « Mon gros Georges » et m'a souhaité de faire honneur au Général.
– Je pensai plutôt à Bernie Ben Sirak. Pour ce qui est de l'avenir, c'est une pointure dans le milieu. Elle est toujours très respectée et elle a l'oreille interne du parti bleu.
Toujours très influencé par son épouse, Nulco se fendit d'un coup de bigophone à la vieille duchesse toujours aussi psycho-rigide mais de plus en plus dure de la feuille et ramollie du bulbe. « Toujours aussi jeune et aussi fringant, mon petit Nulco, lui fit l'ex-première madame... J'espère que votre nouvelle carrière de conférencier international vous apporte plus de satisfactions que votre ancien boulot de gouverneur... »
– Bernie, l'interrompit Nulco, entre nous, foin de politesses et de simagrées. Ce job est juste alimentaire. Il me permet de voyager dans le monde entier, de rester en contact avec les puissants et accessoirement de ramasser un peu d'oseille au passage. Rien de plus.
– Quelle vulgarité, mon cher Nulco, déplora son aristocratique marraine politique, combien de fois ne vous ai-je pas répété qu'on ne parle jamais d'argent dans nos milieux. C'est d'un vulgaire !
– Je sais, Bernie chérie, je sais... Mais mon retour me tourne la tête... Il m'obsède littéralement.
– Je comprends, jeune homme, que vous soyez impatient d'en découdre et de retrouver au plus vite l'excitation de la
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conduite des affaires du pays, mais l'échéance est encore lointaine. Il ne faudrait pas brûler trop tôt vos vaisseaux...
– Je sais que le chemin sera long et difficile surtout s'il me faut passer par la candidature à la présidence du parti bleu, cette fichue UMP, cette pitoyable « Union des Mollassons et des Paresseux ».
– Mais vous êtes tombé sur la tête, mon petit bonhomme ! Quelle idée saugrenue de vouloir postuler à la direction de ce panier de crabes des cocotiers. Laissez-les donc se dévorer entre eux ! Vous tirerez les marrons du feu le moment venu. Sinon, vous allez vous carboniser à vouloir croiser le fer avec tous les vieux lions de la réaction et avec tous les jeunes loups du libéralisme décomplexé. Cette place de secrétaire n'est pas digne de votre grandeur. Suivez mon conseil : maintenez-vous dans les hauteurs, restez au-dessus de la mêlée. Laissez le Baryton barytonner, le Bertrand fanfaronner et la Jupperaide virevolter. Quand ils se seront bien étrillés, vous apparaîtrez comme le sauveur, le recours suprême. Ils viendront tous vous manger dans la main.
– Non, Bertie, je ne suis pas du tout d'accord avec vous. La situation de la Comté est bien trop catastrophique. Les Comtois sont désespérés, ruinés, pressurés par les impôts, les taxes, les contributions. Ils ne croient plus en rien. Ils deviennent imperméables à ce que les zompolitics racontent. Ils se glissent des cartons sous les fesses et deviennent SDF, enfilent des cagoules et brûlent des charrettes à huile noire, se mettent des bonnets rouges sur la tête et démolissent de pauvres portiques de péage qui ne leur ont rien fait quand ils ne ravagent pas les préfectures en les bombardant à coup d'artichauts ou de choux fleurs. La situation est pré-révolutionnaire, très chère Bernie. Nous sommes à deux doigts du grand chaos final !
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– Et vous croyez que vous déclarer quasiment candidat au trône de céramique va y changer quelque chose ? – Pas encore candidat au titre de gouverneur, juste président des Bleus. Comprenez ma stratégie, Bernie. C'est comme une fusée Mariam à trois étages. Premier étage, je deviens secrétaire général du parti. Deuxième étage, je gagne les primaires ou mieux je les abroge. Troisième étage, je deviens le candidat naturel, l'opposant incontournable de Nullande le calamiteux. Résultat je me retrouve en orbite haute pour le pouvoir suprême. – C'est de la science-fiction, votre histoire ! Je n'y crois pas une seule seconde. Moi, Bernie faiseuse de gouverneurs, je vous déconseille formellement de vous y prendre de cette manière ridicule. Un candidat crédible doit toujours se placer au-dessus des partis... « Partis ou parties ? » pensa un Nulco très fâché avant de raccrocher brutalement sans même sacrifier aux formules d'allégeance et de politesse dont il gratifiait habituellement la grande prêtresse bleue. « Cette vieille sorcière est presque aussi liquide que son vieux débris de mari ! » pensa-t-il en grommelant de rage dépitée. Son esprit de contradiction le renforça quand même dans sa détermination de mini bouledogue. Il appela son copain Bygues, propriétaire de Channel One, lequel refusa de le laisser accéder au vingt heures. Il dut se rabattre sur une larmoyante lettre ouverte aux médias qu'il fit paraître dans « l'Univers Comtois », le quotidien du soir le plus lu par les Hobbitts de souche. De tous côtés, il laissa fuir l'incroyable et dérisoire scoupe de son imminent retour en politique. Toutes
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les salles de rédaction en bruirent comme autant d'essaims de guêpes amoureuses. Aboyeurs et journaleux mordirent à l'hameçon du petit pêcheur comme un seul et unique requin d'eaux troubles. Toutes les feuilles de chou firent leur une de l'improbable évènement : « NULCO, LE RETOUR ! Règlements de compte à UMP Corral en perspective... » « MAGYPOLKA l'increvable ! Il brigue la présidence du Parti bleu en attendant celle du Gouvernorat général ! « AU SECOURS ! Voilà Nulco qui revient ! Faudrait pas k'ça r'commence ! » « IL NE DOUTE DE RIEN LE PETIT HOMME ! 70% des Comtois ne veulent pas de lui et il s'impose quand même... » « VIRE par la grande porte, l'abominable Comte revient par la fenêtre ! » « Pas bien formidables ces unes, commenta Nulco. Il faudrait maintenant que je frappe un grand coup dans les lucarnes... » L'ennui c'est que les tauliers des chaînes doutaient qu'une intervention télévisée de l'ex-gouverneur intéressât vraiment les Hobbitts. Obsédés par le Mondimat, ils se faisaient tous prier et renâclaient dur à l'idée de replacer Nulco face caméras. Jusqu'au jour où un certain Florent de la Gousse, présentateur peroxydé, beau gosse patenté et gendre idéal spécialisé du service public, cèda enfin aux avances pressantes d'une jeune et accorte secrétaire particulière du Comte de Magypolka. Et c'est ainsi, braves petits Hobbitts, que Nulco, profitant du dévouement désintéressé d'une brave et vertueuse fille du parti bleu, put enfin accéder à vos pauvres cerveaux épuisés. Comme moi, vous avez été étonnés de découvrir votre ancien tyran amaigri, ridé, les traits tirés, le cheveux terne et
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grisonnant. Devant vos yeux incrédules, le nouveau Nulco apparaissait. Plus posé, plus majestueux, encore plus au-dessus de la mêlée que jamais mais toujours aussi punchy, accrocheur et retors qu'autrefois. Le nouveau Nulco ressemblait comme une goutte d'eau à l'ancien.
– Oui, Monsieur de la Gousse, disait-il, cette décision s'est imposée à moi-même comme une évidence, comme un devoir, comme une obligation. La situation est trop dramatique pour que je reste tranquillement chez moi, bien calé dans mon fauteuil à me tourner les pouces. Je veux apporter ma pierre à l'édifice, apporter mon aide, mon expérience, mon dynamisme à mon parti et participer à la reconstruction de la Comté si mise à mal par les Roses.
– Mais vous pouviez attendre les érections pestilentielles et rester au-dessus du niveau des partis, niveau que certains comme Bernie Ben Sirak le pas sage jugent indigne de vous.
– Et pourquoi je ne postulerai pas à la présidence de l'UMP ? L'UMP, c'est comme ma famille. Je l'aime. Mon coeur saigne quand je le vois tel qu'il est, en lambeaux. Je veux le reconstruire, lui apporter de nouvelles idées, de nouveaux concepts, l'aider à faire sa mue et à entrer dans le nouveau siècle. Je pense être le mieux placé pour le réformer en profondeur.
– Reconnaissez quand même, Messire Nulco que votre ambition à terme est quand même la magistrature suprême. – Nous n'en sommes pas là. Chaque chose en son temps. – La plupart des commentateurs politiques craignent que Messire Nullande ne parvienne pas au terme de son quinquennat. Qu'en pensez-vous ?
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– Je souhaite de tout mon coeur qu'il aille jusqu'au bout mais quand je vois dans quel désespoir se trouvent mes compatriotes, j'ai les plus grandes craintes pour l'avenir. Je suis même effrayé de constater que des pans entiers de la population ne sont plus capables d'entendre un raisonnement cohérent et modéré. Je déplore que tant de gens se détournent des partis traditionnels, se réfugient dans des théories d'enfermement et de rejet de l'autre, écoutent avec délectation tous ces discours de haine et d'intolérance et sont prêts à suivre les mauvais bergers qui les poussent vers des rivages nauséabonds que je ne saurais connaître.
« Ouf, pensa-t-il, ça y est ! J'ai réussi à balancer la caution anti-extrême. Je suis sûr d'obtenir mon visa de pensée conforme... » Qui connaît un peu les arcanes de la politique comtoise sait que ce genre de déclaration est une figure imposée. De plus, Nulco devait montrer un visage nouveau, plus social-démocrate, plus libéral, plus rassembleur, plus consensuel, plus mondialo-compatible. Et surtout nettement moins « bleu marine ». Autant dire de la haute voltige qui ne gênait en rien l'acrobate qu'il était resté...
L'interview se poursuivit de façon assez morne. Nulco était dur à coincer. Il évitait les questions, se plaignait qu'on lui en glissait cinq en une seule. De la Gousse tenta bien de lui lancer quelques piques, de lui faire quelques crocs en jambe, de piéger chacun de ses pas en évoquant par exemple toutes les affaires qu'il traînait comme autant de casseroles à ses basques. « Quelles affaires ? Malgré une journée entière de garde à vue, j'ai été blanchi de tout ! J'ai été injustement sali, Monsieur de la Gousse. Qui me rendra mon honneur ? » – Et celles à venir ? – Croyez-vous que s'il y avait le moindre risque de
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condamnation je me présenterais devant vous ce soir ?
Dur à coincer l'animal. Nulco, en rusé politicard depuis longtemps rompu à l'exercice, esquiva tous les scuds, évita tous les pièges et retourna en sa faveur tous les arguments. Il ne croyait pas à l'homme providentiel, ce qui sous-entendait qu'il n'en était pas un auquel cas on se demandait par quel incroyable tour de passe passe il ferait, une fois revenu aux affaires, l'exact contraire de ce qu'il avait fait quand il s'y trouvait. Mais Nulco savait que la politique comporte un fort pourcentage d'irrationnel et même de magie noire ou blanche. Ainsi se voulait-il plus magicien et prestidigitateur qu'arracheur de dents ou vendeur de bagnoles d'occasion. Devant leurs lucarnes à bobards, les Hobbitts les moins idiots sentaient bien que Florent de la Gousse lui-même n'y croyait pas. Si le comte revenait c'est qu'il se disait qu'entre un Nullande ultra carbonisé que n'importe quel âne en culotte aurait pu renvoyer dans les ténèbres extérieures avec un bon coup de sabot dans le derrière et une Océane Le Grogneux au top du top dans les sondages de fond de cuve, il y avait une jolie carte à jouer, celle de l'outsider, celle du p'tit gars courageux qu'allait tout remettre d'aplomb, rouvrir les aciéries fermées depuis vingt ans, les filatures et autres usines en déshérence, redonner du boulot aux chômeurs, un toit aux SDF, du pognon aux pauvres, du dynamisme aux fonctionnaires et de l'espoir aux petits paysans ruinés. L'ennui, c'est qu'en si peu de temps, les gens n'avaient pas eu le temps d'oublier que Nulco n'était pas n'importe qui mais juste un homme politique qui n'avait pas de quoi être fier de son bilan.
« C'est cela, se disaient les Hobbitts les plus taquins, notre ex-mini gouverneur se verrait bien rejouer en 12017 le coup du « Menhir », le truc du choix orwellien entre l'escroc et le facho qui en son temps avait si bien réussi au grand dépendeur
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