Les Trente Glorieuses ! Quel journaliste en mal de copie, n’ayant sans doute pas vécu ces trente années qui ont suivi la seconde guerre mondiale, a pondu cette ineptie ? Glorieuses pour qui ? Pour quelques nantis, qui ont su habilement tirer leur épingle du jeu, mais certainement pas pour l’de la population, qui est restée ce quimmense majorité ’elle était : un vivier de main-d’œuvrecorvéable à merci. Mis à part les quelques années ayant immédiatement précédé le premier choc pétrolier, misère et gêne ont continué à régner sans partage au doux pays de France. C’est le portrait de cette époque, aujourd’hui trop mal connue, que nous brosse cette auteure, à travers le personnage de Mathilde, enfant vite devenue adulte, qui va devoir porter le fardeau d’une famille décimée par la maladie (la tuberculose) à une époque où seuls les salariés étaient couverts par une protection sociale encore balbutiante. Un portrait d’un naturalisme appuyé, digne des frères Goncourt (Edmond et Jules), où tout commence dans un café bruyant des sons de l’harmonica de Paul Blanc, le père, et des danses d’une population en liesse au sortir de la guerre et de ses privations. La chute de la famille Blanc sera terrible, et sans cette fille que Paul continuera à appeler "mon p’tit gars" jusqu’à l’article de la mort, les "Trente Glorieuses" auraient sans doute compté quelques clochards de plus. L’illusion est parfaite pour ceux et celles qui ont connu cette période, quelques incongruités mises à part, comme cette impardonnable confusion entre "Ben Bella" et "Ben Barka". Valentine Goby "a du style", mais elle a un peu trop forcé le trait en peignant ces délaissés du progrès social pour qu’on y croie vraiment. Dommage, car cette gamine montée un peu trop tôt en graine est attachante, et c’est très bien écrit.