Un grand homme de province à Paris
287 pages
Français

Un grand homme de province à Paris

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Description

La Comédie humaine - Études de moeurs. Deuxième livre, Scènes de la vie de province - Tome IV. Huitième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Lucien revint heureux et léger, il rêvait la gloire. Sans plus songer aux sinistres paroles qui venaient de frapper son oreille dans le comptoir de Vidal et Porchon, il se voyait riche d’au moins douze cents francs. Douze cents francs représentaient une année de séjour à Paris, une année pendant laquelle il préparerait de nouveaux ouvrages. Combien de projets bâtis sur cette espérance ? Combien de douces rêveries en voyant sa vie assise sur le travail ? Il se casa, s’arrangea, peu s’en fallut qu’il ne fit quelques acquisitions. Il ne trompa son impatience que par des lectures constantes au cabinet de Blosse. Deux jours après, le vieux Doguereau, surpris du style que Lucien avait dépensé dans sa première œuvre, enchanté de l’exagération des caractères qu’admettait l’époque où se développait le drame, frappé de la fougue d’imagination avec laquelle un jeune auteur dessine toujours son premier plan, il n’était pas gâté, le père Doguereau ! vint à l’hôtel où demeurait son Walter Scott en herbe.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 32
EAN13 9782824710440
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
U N GRAN D HOMME
DE P RO V I NCE À
P ARIS
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
U N GRAN D HOMME
DE P RO V I NCE À
P ARIS
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1044-0
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.U N GRAN D HOMME DE
P RO V I NCE À P ARIS
 L,  madame de Bar g eton, ni Gentil, ni Alb ertine , la
femme de chambr e , ne p arlèr ent jamais des é vénements de ceN v o yag e  ; mais il est à cr oir e que la présence continuelle des
g ens le r endit fort maussade p our un amour eux qui s’aendait à tous les
plaisir s d’un enlè v ement. Lucien, qui allait en p oste p our la pr emièr e fois
de sa vie , fut très-ébahi de v oir semer sur la r oute d’ Ang oulême à Paris
pr esque toute la somme qu’il destinait à sa vie d’une anné e . Comme les
hommes qui unissent les grâces de l’ enfance à la for ce du talent, il eut
le tort d’ e xprimer ses naïfs étonnements à l’asp e ct des choses nouv elles
p our lui. Un homme doit bien étudier une femme avant de lui laisser v oir
ses émotions et ses p ensé es comme elles se pr o duisent. Une maîtr esse
aussi tendr e que grande sourit aux enfantillag es et les compr end  ; mais
p our p eu qu’ elle ait de la vanité , elle ne p ardonne p as à son amant de
s’êtr e montré enfant, vain ou p etit. Be aucoup de femmes p ortent une si
grande e x ag ération dans leur culte , qu’ elles v eulent toujour s tr ouv er un
dieu dans leur idole  ; tandis que celles qui aiment un homme p our
luimême avant de l’aimer p our elles, ador ent ses p etitesses autant que ses
1Un grand homme de pr o vince à Paris Chapitr e
grandeur s. Lucien n’avait p as encor e de viné que chez madame de Bar g
eton l’amour était gr effé sur l’ or gueil. Il eut le tort de ne p as s’ e xpliquer
certains sourir es qui é chappèr ent à Louise durant ce v o yag e , quand, au
lieu de les contenir , il se laissait aller à ses g entillesses de jeune rat sorti
de son tr ou.
Les v o yag eur s débar quèr ent à l’hôtel du Gaillard-Bois, r ue de
l’Échelle , avant le jour . Les deux amants étaient si fatigués l’un et l’autr e ,
qu’avant tout Louise v oulut se coucher et se coucha, non sans av oir
ordonné à Lucien de demander une chambr e au-dessus de l’app artement
qu’ elle prit. Lucien dor mit jusqu’à quatr e heur es du soir . Madame de
Barg eton le fit é v eiller p our dîner , il s’habilla pré cipitamment en appr enant
l’heur e , et tr ouva Louise dans une de ces ignobles chambr es qui sont la
honte de Paris, où, malgré tant de prétentions à l’élég ance , il n’ e xiste p as
encor e un seul hôtel où tout v o yag eur riche puisse r etr ouv er son chez soi.
oiqu’il eût sur les y eux ces nuag es que laisse un br usque ré v eil, Lucien
ne r e connut p as sa Louise dans cee chambr e fr oide , sans soleil, à ride aux
p assés, dont le car r e au fr oé semblait misérable , où le meuble était usé ,
de mauvais g oût, vieux ou d’ o ccasion. Il est en effet certaines p er sonnes
qui n’ ont plus ni le même asp e ct ni la même valeur , une fois sép aré es des
figur es, des choses, des lieux qui leur ser v ent de cadr e . Les phy sionomies
vivantes ont une sorte d’atmosphèr e qui leur est pr opr e , comme le
clairobscur des table aux flamands est né cessair e à la vie des figur es qu’y a
placé es le g énie des p eintr es. Les g ens de pr o vince sont pr esque tous ainsi.
Puis madame de Bar g eton p ar ut plus digne , plus p ensiv e qu’ elle ne de vait
l’êtr e en un moment où commençait un b onheur sans entrav es. Lucien
ne p ouvait se plaindr e  : Gentil et Alb ertine les ser vaient. Le dîner
n’avait plus ce caractèr e d’ab ondance et d’ essentielle b onté qui distingue la
vie en pr o vince . Les plats coup és p ar la sp é culation sortaient d’un r
estaurant v oisin, ils étaient maigr ement ser vis, ils sentaient la p ortion congr ue .
Paris n’ est p as b e au dans ces p etites choses aux quelles sont condamnés
les g ens à fortune mé dio cr e . Lucien aendit la fin du r ep as p our inter r
og er Louise dont le chang ement lui semblait ine xplicable . Il ne se tr omp ait
p oint. Un é vénement grav e , car les réfle xions sont les é vénements de la
vie morale , était sur v enu p endant son sommeil.
Sur les deux heur es après midi, Sixte du Châtelet s’était présenté à
2Un grand homme de pr o vince à Paris Chapitr e
l’hôtel, avait fait é v eiller Alb ertine , avait manifesté le désir de p arler à sa
maîtr esse , et il était r e v enu après av oir à p eine laissé le temps à madame
de Bar g eton de fair e sa toilee . Anaïs dont la curiosité fut e x cité e p ar cee
singulièr e app arition de monsieur du Châtelet, elle qui se cr o yait si bien
caché e , l’avait r e çu v er s tr ois heur es.
― Je v ous ai suivie en risquant d’av oir une réprimande à l’ A
dministration, dit-il en la saluant, car je pré v o yais ce qui v ous ar riv e . Mais dussé-je
p erdr e ma place , au moins v ous ne ser ez p as p erdue , v ous  !
― e v oulez-v ous dir e  ? s’é cria madame de Bar g eton.
― Je v ois bien que v ous aimez Lucien, r eprit-il d’un air tendr ement
résigné , car il faut bien aimer un homme p our ne réflé chir à rien, p our
oublier toutes les conv enances, v ous qui les connaissez si bien  ! Cr o y
ezv ous donc, chèr e Naïs adoré e , que v ous ser ez r e çue chez madame
d’Esp ard ou dans quelque salon de Paris que ce soit, du moment où l’ on saura
que v ous v ous êtes comme enfuie d’ Ang oulême av e c un jeune homme ,
et surtout après le duel de monsieur de Bar g eton et de monsieur
Chandour  ? Le séjour de v otr e mari à l’Escarbas a l’air d’une sép aration. En
un cas semblable , les g ens comme il faut commencent p ar se bar e p our
leur s femmes, et les laissent libr es après. Aimez monsieur de Rub empré ,
pr otég ez-le , faites-en tout ce que v ous v oudr ez, mais ne demeur ez p as
ensemble  ! Si quelqu’un ici savait que v ous av ez fait le v o yag e dans la
même v oitur e , v ous seriez mise à l’inde x p ar le monde que v ous v oulez
v oir . D’ailleur s, Naïs, ne faites p as encor e de ces sacrifices à un jeune
homme que v ous n’av ez encor e comp aré à p er sonne , qui n’a été
soumis à aucune épr euv e , et qui p eut v ous oublier ici p our une Parisienne
en la cr o yant plus né cessair e que v ous à ses ambitions. Je ne v eux p as
nuir e à celui que v ous aimez, mais v ous me p er mer ez de fair e p asser
v os intérêts avant les siens, et de v ous dir e  : « Étudiez-le  ! Connaissez
bien toute l’imp ortance de v otr e démar che . » Si v ous tr ouv ez les p ortes
fer mé es, si les femmes r efusent de v ous r e ce v oir , au moins n’ay ez aucun
r egr et de tant de sacrifices, en song e ant que celui auquel v ous les faites
en sera toujour s digne , et les compr endra. Madame d’Esp ard est d’autant
plus pr ude et sé vèr e qu’ elle-même est sép aré e de son mari, sans que le
monde ait pu p énétr er la cause de leur désunion  ; mais les Navar r eins,
les Blamont-Chauv r y , les Lenoncourt, tous ses p ar ents l’ ont entouré e , les
3Un grand homme de pr o vince à Paris Chapitr e
femmes les plus collet-monté v ont chez elle et l’accueillent av e c r esp e ct,
en sorte que le mar quis d’

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